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HISTOIRE
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DU ROYAUME DE MAJORQUE
PAR M. D.-M.-J. HENRY
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ROUSSILLON
ou ROYAUME DE MAJORQUE
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ZrroïKLs Caùof J^irîl
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R\lïVAiM) COaEGE UBRAKY
HISTOIRE
ROUSSILLON.
LIVRE TROISIÈME.
CHAPITRE PREMIER.
Faiblesse de caractère de Juan 1. — Sa morl. — Hospitaliers de
Saint-Anloùie. — Ecritures des notaires. — Imparinge. —
Martinet Marie I. — Benoit XIII. — Perpignan et son adnii'
niatratîoD.
Le royaume d'Aiagon était enfin tranquille du
côté de la France : le départ des Armagnacs pour i'I-
taiie délivrait la Catalogne et le Roussillon des bri-
gandages de toute espèce auxquels le rétahlisscment
du trône de Majorque avait servi de prétexte; mais
comme l' Aragon semblait ne pas pouvoir exister sans
guerre, la Sardaignc et la Sicile appelèrent bientôt ses
armes. Avec un princft moins nul que don Juan, ces
k
4 LIVBE TROISIEME,
excité quelques désordres dans ce royaume et pro
voqué quelques tentatives de guerre civile, ils durent
enfin renoncer h leurs prétentions que n autorisaient
ni les dispositions légales du testament de Pèdre, ni la
volonté de la nation , exprimée par iorgane des corts.
Mathieu mourut peu de temps après, sans postérité.
Cest sous le ri'gne de Juan 1 que les chanoines de
Saint-Antoine de Vienne fondèrent dans Perpignan la
première maison de leur ordre en Catalogne. Institué
vers la fin du xi* siècle, par deux gentilshommes de
Vienne, en Dauphiné, pour donner des soins aux
malades atteints d*une sorte d*ér)'sipèle gangreneux ,
quon appelait feu sacré, ou feu de Saint-Antoine, cet
ordre se composait d^abord d'hospitaliers réunis sous
la direction d*un commandeur. Au xui* siècle , quand
la contagion qui leur avait donné naissance eut dis-
paru , ces hospitaliers furent convertis en chanoines
réguliers. La Catalogne ne possédait encore aucun de
leurs établissements, quand, en i388, le comman-
deur Jean Corti fit , dans Perpignan , Tacquisition
de deux masures près de la porte de Saint - Mar-
tin, et y fonda un monastère. Ce couvent , supprimé
en 1777. f^t remplacé par une institution, beaucoup
plus utile, de religieuses enseignantes.
Une ordonnance très-sage, rendue dans Imtén^t
public, le 16 avril iSq^, à la demande desrortsde
Barcelone, prescrivit le dépôt en lieu sûr de toutes
les écritures des notaires qui, en mourant, n*en au-
CHAPITRE PREMIER. 5
raient pas disposé en faveur de quelqu'un de leurs
collègues. L'année suivante, pour pourvoir à la dé-
fense et à la surveillance des cèles inaritimes de Rous-
silloii , Juan fit voter par les corts, sous le titre d'im-
pariage, une imposition qui devait être levée sur toutes
les marchandises qui entraient ou qui sortaient des
deux comtés , par la voie de la mer, et le produit de
cette imposition fut appliqué .i l'équipement et à l'en-
tretien de deux galères garde-côtes, sous l'administra-
tion du consulat de mer. Cet impôt de l'impariage fut
pen;u jusqu'en i683, qu'il fut aliéné pour l'entretien
des casernes, et plus tard pour celui du pont de la
Tet , et pour d'autres dépenses générales.
Martin, second fils de Pèdre IV, était toujours en
Sicile, (piand lui parvinrent la nouvelle de la mort
de son frère et celle du choix que les corts avaient fait
de lui pour roi d'Aragon. Déjà sa femme, dona Maria
de Lmia, restée à Barcelone, avait pris en main le
limon des affaires.
La nouvelle reine , lieuleiianle générale du royaume
en l'absence de son mari , ne larda pas à prouver que
les craintes qu'aurait pu faire concevoir la fâcheuse
expérience du régne précédent, sur l'intervention
d'une femme dans les aflaû'es publiques, devaient
cesser avec ce règne ; elle aussi bien que son époux
élaient dignes de porter la couronne. Bien difl'érent
de son frère , Martin possédait toutes les qualités qui
font un bon roi, Agé de trente sept ans , et mûri dans
6 LIVRE TROISIÈME,
la science du gouvernement par le coinniandenienl
de la Sicile qu*il administrait depuis trois ans, au mi-
lieu des guerres et des factions, ce prince, dont la
vigilance, Tactivité et la valeur n'avaient plus besoin
de preuves , ne se montra pas moins habile pendant
la paix dans laquelle il sut maintenir ses états. Retenu
en Sicile , les deux premières années de son règne ,
par le désir d assurer «^ son fds la couronne de ce
pays, il laissa sans inquiétude le gouvernement de
TÂragon entre les mains de sa femme , qu il savait en
état de le bien diriger.
Le premier soin de la nouvelle reine avait été de
s*entourer d*un conseil présidé par Tarchevêque de
Tarragone, homme de grande capacité, et c*est ce
conseil qui décidait les questions qui demandaient une
mûre délibération. Cest en se conduisant avec cette
prudence que Marie avait fait perdre à Yolande, sa
devancière, sa folle prétention à conserver le pouvoir,
et qu elle avait opposé aux attaques du comte de Foii
la force morale dont cette sage manière d*agir Tavait
encore plus sûrement environnée que les armes
mêmes du royaume.
Lobjet du dernier voyage de Juan I à Perpignan
avait été la reconnaissance de don Pierre de Luna ,
en qualité de pape, sous le nom de Benoit XIII. A
cette époque, I église était divisée par un schisme,
dont la durée fut de quarante-six ans, et dont nous
serons obligé de parler, parce qu'une foule de faits
CHAPITRE PREMIER. 7
qui s y rapportent se sont passés à Perpignan. Mais,
comme la narration tant de ces événements que de
ceux qui suivirent la mort de Martin n*est pas de
nature à être interrompue à i époque de cette mort,
ainsi que nous Tavons fait jusqu*ici, à chaque renou-
vellement de règne , par Texamen et Tanalyse de tout
ce que le prince occupant le trône a pu faire dans
rintérêt particulier du Roussillon , nous allons placer
ici immédiatement ce que nous aurions dû dire un
peu plus tard. Et, comme de tous les rois d*Âragon
Martin est celui qui a mis le plus de sollicitude à pro-
curer à la viUe de Perpignan une bonne administra-
tion , nous réunirons dans un seul article tout ce qui
concerne cette même administration.
Les rois de Majorque , en faisant de Perpignan la
capitale réelle de leur petit empire, s'étaient attachés
à augmenter à la fois et la population de cette ville ,
et son enceinte. Nous avons déjà parlé de cet agran-
dissement topographique, et nous avons dit que la
popidation s'était augmentée aux dépens de celle de
divers villages voisins , dont plusieurs avaient fini par
disparaître entièrement.
Les malheurs des temps, pendant la dernière guerre
du royaume de Majorque, ayant fait déserter Perpi-
gnan par une partie de cette population, Pèdre, qui
sentait toute l'importance d une place ainsi posée en
sentindle avancée au delà des Pyrénées, s était étudié
à y faire rentrer ses citoyens et à en augmenter en-
8 LIVRE TROISIÈME,
core le nombre, en ajoutant de nouveaux privilèges à
ceux dont ils jouissaient déjà. Un de ses premiers actes
fut d accorder à la ville le droit d*invoquer les usages
de Barcelone et les constitutions de Catalogne , en tout
ce qui ne serait pas prévu par ses propres usages et
ses coutumes; il établit que nul ne pourrait être admis
pour nouvel habitant que du consentement des con-
suls, et que pour être réputé citoyen de cette ville il
fiiudrait y résider avec sa famille , au moins une partie
de Tannée, et nommément pendant les quatre prin-
cipales fêtes. Ensuite, pour prévenir Témigration de
ces nouveaux domiciliés , il ordonna que pour avoir
droit aux privilèges de citoyen ces nouveaux admis
s*obligeraient à payer, dans le cas où ils voudraient
renoncer à leur domicile , cent sous k la cour du bailli
et autant au consulat de mer, sans discontinuer pour
cela de payer les contributions et tailles des autres ha-
bitants, ainsi que Tavait déjà réglé Jayme II. Après
Pèdre, Martin fixa invariablement les conditions qu*il
faudrait remplir pour avoir droit aux libertés et fran-
chises des habitants de Perpignan. Par son ordon-
nance du 7 septembre iSgy il fut statué que pour
être considéré comme citoyen de Perpignan, quoique
ne résidant pas habituellement dans cette ville, il
faudrait y posséder une maison par directe; celui qui
nVn avait pas devait en faire bâtir une, soit dans
rintérieur des murailles, soit au fauboui|;'. Si, après
* Par ordonnaticT Hti 17 de^ ralrtidr^ de jamicr i3ii» Sanrbr
CHAPITRE PREMIER. 9
trois mois de séjour dans la ville, celui qui prétendait
au titre de citoyen ne s'était pas rendu propriétaire,
il était condamné à payer cent sous de Barcelone à la
caisse des travaux des fortifications , et il ne pouvait
jouir, pendant ces trois mois, des liliertés, privilèges
et franchises des citoyens '. Si, après avoir acquis une
maison dans Perpignan, ce nouvel habitant voulait
renoncer à son domicile, il payait au consulat de mer
les cent sons auxquels il s'était obligé, suivant les dis-
positions de l'ordonnance de don Pèdre. Il était expres-
sément défendu aux consuls de faire aucune grâce ni
remise sur cette amende. Le nouvel habitant devait
garder sa maison pour son propre usage ; cependant ,
si elle était trop grande pour lui , il lui était loisible
nail dtfendn de bâlir aucuo fdîGce bon de Perpignao. Ce mtme roi
défendil, Jeui ansaprés, de joocr oui boules dans In ville et aa tau-
' Cet iiherUi, frandiiscs et privilégci attachés au titre de citoyen
de PeqiigDan, cvniistateut à n'clre assojettia i aucune dime sur la
laine de leur bétail, ijudqucpart qu'ils le linsienl; à ne payer aucune
(lime sur I» poules, œufs, porcs, cunanb, oies, cbovaui, bœufs,
ine». etc.; â ne payer ni dimei ai prémices de blé, avoine et autres
cfr^les quelconques , destinées & la nourriture du bdtail ; i ne payer
uiditncsui prémices sur les herbes potagères, borlolagcs, légumes, etc.,
tur Us olives, fruits, raisins, bois Ae» forêts, roseaux, etc. ii ne payer
ancuDC dlme sur toute denrée sonice dans les sillnns de labour des
jeunes plants de vigne on malloli. k moins que la totalité du champ
■l'en fût semée comme un champ ordinaire ; et en une fiiule d'autres
uemptions de ce genre. Lm Perpigaanais ue jionvaieiil être distraits
it leun juges en aucune manière, ni par voie d'appel; ils étaient
aulorisés 1 faire escculer des Bsiaies contre leurs débiteurs , cl nul ne
10 LIVRE TROISIÈME.
d*eo louer une partie ; mais , dans ce cas , il fiedlait qu il
ménageât une entrée pour lui et une pour son loca-
taire, et cela sous peine de dix sous d amende, appli-
cables aux travaux des fortifications, pour chaque
année de contravention. Tout nouvel habitant était
tenu de résider, manger et coucher dans sa maison
pendant les quatre fêtes de Noël, de Pâques, de la
Pentecôte et de Notre-Dame d*août, sinon il payait
dix sous â la caisse des fortifications; et s il manquait
plus d*une fois à cette condition , il était rayé du con-
trôle des habitants. Pour garantie de Taccomplisse-
mcnt de ce devoir, tout citoyen nouveau était astreint
a se présenter, tous les ans, â Tépoque de Noël, par-
devant les consuls ou Técrivain du consulat, à Teffet
d*êtrc inscrit sur un registre spécial, destiné à cet
usage ; la négligence ou Tomission de cette formalité
était réputée absence , et punie de Tamende : toutes
ces mesures avaient pour objet d*assurer h la ville une
population réelle et non factice , capable de pouvoir
la défendre efficacement en cas de siège. Celui qui ,
sans avoir de maison en propre, voulait fixer son
domicile k Perpignan, pour y faire continuelle ré-
pouvait MÎfir leurt bieot pour det dellet garanties. Les causât oottoer-
osDt la oommuaauté ou les habitants en particulier devaient élra
jugées suivant les privilèges, us et coutumes de la ville, ea quelque
tribunal qutf ce fûl ; les syndics de Perpignan ne pouvaient pas être
forcés de prêter serment au roi ou à rbéritier du trône, avant que
toutes les autres villes n'eussent (ait ce serment , etc etc. Vof<« Boscb ,
Tti. de htm
CHAPITRE PREUIEB. 11
ridence, était r^|nité tàUrjtn, et dassé comme ta.
Divers édits ré^ementaires, portés a difiéiCDtes
épfiqua, avaient fixé k marche que les consuls de-
vaient suivre clans le régime de In comniunauté. En
mai i3 i I Jayme I avait même ordonné à ses magis-
trats de faire, chaque année, une revue de toutes les
lois et ordonnances roncernant le pajs, pour en ré-
former tout ce qui serait devenu inutile, par cpielque
cause Cjue ce fût, et pour corriger et améliorer la
partie de ces lois et ordonnances que rcxpérience au-
rait signalées comme défectueuses. Sancbe investit
le» consuls du pouvoir de recevoir les romptes de
leurs deviiiiriers, ceux des administrateurs de l'au-
mônerie de la ville , ceux de l'hôpital de Saint-Lazare-
du-Pont , bâti au bout du pont de la Tet, et ceux de
l'hôpital des pauvres. Un acte du i 6 des calendes de
juin laGa montre jusqu'où allait la mauvaise admî-
aistration de ce dernier établissement, qui, fondé par
le comte Gausfred III, avait été acheté de l'infant
Jayme, fils de Pèdre 111. par la vilie, au prit de
quinze mille sous. De vives altercations s' étant élevées
entre l'évèqiie d'Elue, sous la sm^eillance de qui
^lît placé cet hôpital , et les consuls de Perpignan ,
au sujet de la négligence du prélat ou de ses agents
envers cette administration, il fut convenu entre eux
que la nomination du commandeur de cet hôpital ap-
partiendrait à l'évèque , mais qu'elle porterait sur l'un
Hm Irois candidats présentés par les consuls ; que le
I
12 LIVRE TROISIÈME,
prélat aurait le droit de visiter rétablissement,, pour
s*assurer de la régularité du service , avec faculté de
proposer la destitution du commandeur, si par sa faute
ou par sa négligence ce service n*aUait pas bien , mais
qu*il ne pourrait le destituer de sa propre autorité.
Les visites de 1 cvêque devaient se faire en la présence
des consuls ou de leurs délégués, mais à ses frais, et
sans qu*il pût lui être alloué, à ce sujet, aucune in-
demnité sur les revenus de Thôpital; enfin, les con-
suls devaient prendre des mesures pour faire restituer
à Tadministration , dans le terme de cinq années, tous
les biens de Thôpital qui avaient été indùm^t alié-
nés, et pour forcer ceux d*entre les acquéreurs qui
en avaient acheté à juste titre, mais au-dessous de leur
valeur réelle, d*en acquitter la plus-value.
Par une charte du 3 mai 1 3 1 5 Sanche avait ins-
titué un conseil de ville de douze men^res ; par une
seconde, du ti3 mai li^li^ il frappa d*une amende
de dix sous de Barcelone ceux de ces conseillers qui
ne se rendraient pas aux convocations. La même
charte réglait le costume des consuls. Chacun d'eux,
en entrant en charge , devait se pourvoir d*une robe
ouverte (sapertunicale ) et d*unc tunique uniformes et
de même couleur, avec une bordure de pelleterie, et
il leur était alloué |>our cette dépense , sur les fonds
du consulat, une somme de quinze livres de Barce-
lone, qu'il ne leur était pas permis de dépasser. A
me.«^urr cpie l'argent augmentait de valeur, celle
CHAPITRE PREMIER, 13
somme ne se trouvant plus en rapport avec le prii
des étoffes, les consuls réclamèrent auprès du roi
Jaymc II, qui commit Bernard, abbé d'Ailes, pour
connaître de la justice de cette réclamation et ordon-
ner ce qui serait convenable'. Bernard, par sentence
du 3i juillet i33/i, décida qu'à l'avenir les consuls
sortant d'exercice achèteraient eux-mêmes l'étofie pour
le costume de leurs successeurs, en fisant à vingt-
cinq livres, sans plus, la somme qu'on pourrait em-
ployer à cette dépense : ainsi, dans l'espace de dix
ans, les pris des étoCFes avaient à peu près augmenté
de deux tiers. D'autres ordonnances furent encore
rendues sur cette matière, même sous le régime fran-
çais, pendant l'engagement du Iloussillon.
Les consuls de Perpignan ne pouvaient pas se vêtir
de deuil tout le temps que durait leur charge. S'ils
étaient sous celte luguhre livrée au moment où ils
entraient en exercice, ils devaient la quitter, et s'il
leur moiuTiit un parent pendant l'année de leui' cod-
suiat, il leur était seulement permis de prendre le
deuil pendant neuf jours, dans l'intérieur de leur
maison, sans pouvoir sortir avec ce costume, si ce
n'est pour aller aux funérailles.
Les consuls de Perpignan avaient anciennement
l'habitude de se faire précéder par un appariteur
portant une baguette noîre , chaînée des armes du roi
' Col la commiMÏon dool nous avons ilonné la Ictleilann une note
du diaiiitrf \n du livre précédeoi.
I
U LIVRE TROISIÈME
et de la ville, mais cette marque d'hoiuieur n*étant
fondée sur aucun titre authentique, le gouverneur
voulut la supprimer en i3/i6. Sur la réclamation de
ces magistrats Pèdre IV leva Tempéchement , a puisque
tel était Tusage ^ . n Plus tard ces consuls furent précédés
par des massiers et des porteurs de veines, et ils
avaient le droit de taire porter ces insignes devant
eux, en quelque lieu que ce fut, dans toute Tétendue
àe la Catalogne^. Ils avaient aussi le droit de faire des
f règlements en matière civile et criminelle, d*infliger
' des peines afflictives, de lever des tailles, des octrois
et sid)ventions de toute espèce sur les habitants, et
I de n*ètre point comptables aux officiers royaux du
produit de ces impositions^. En temps de disette, ces
consuls avaient le droit, par privilège spécial de
Pèdre IV, d*armer des galères et de les envoyer en
croisière sur la mer de Roussillon, pour arrêter et
forcer d'entrer dans les ports de la province tous bâ-
timents chaînés de blé passant par cette mer^. Ces
faveurs, que la politique des rois d* Aragon répanckit
à profusion sur Perpignan , avaient pour objet de s'il*
tacher fortement , après Textinction du royaunoie ck
Majorque, la population d*une ville qui rivalisait alors
d'étendue avec Barcelone, qui étiit des plus floris-
santes, par son commerce et ses nombreuses manu-
factures, et qu'ils regardaient comme la sentinelle
* Arck. D&m. — * Rotdi, TMb de In^m Voyei U «Me I. — * Uker
prm. — ^ Lia. tirié. mmf el tmin, ^
CHAPITRE PREMIER 15
svancée de leur empire, par sa posilioii au delà des
Pyrénées; aussi, Martin, dans son allocution aus
corts, qu'il tint dans cette ville, le 3o septembre i 606,
s'écriait-il avec raison en pariant des Catalans : " Est-il
uun peuple au monde qui jouisse d'autant de fran-
u chises el de libertés ' ? » On compte , dans i'intei'valie
de quatre siècles et demi, plus de mille chartes oc-
troyant des faveurs royales à la population de Per-
pignan.
Le roi Sanche avait établi que les consuls entrant
en charge ouïraient les comptes de leurs prédéces-
seurs; mais ce moyen ne présentant pas toute la ga-
rantie désirable, Jayme II ordonna, en liiâi, que
chaque année ces magistrats éliraient deux claimreu
qui, après avoir prête serment entre les mains du
bailli, rece\Taient les comptes des consuls et de tous
les administrateurs et percepteurs de deniers publics.
Ces clavaires, qu'on appelait aussi en cat^an mos-
lassafs, étaient payés de leur traitement par ces mêmes
consuls, mais ne pouvaient pas le toucher avant l'au-
dition des comptes, ce qui ne remédiait guère, ce
semble, àl'inconvénientqueieprince voulait prévenir.
Ces officiers furent chargés, l'année suivante, de la
présentation des candidats aus places de receveurit
des tailles et des quêtes, k la nomination du bailli,
qui pouvait les rejeter, s'U ne les jugeait pas propres
k remplir ces fonctions. Ces charges n'étaient confiées
' • Qaalpohlfurn lo mon i^ui Jifn axijrancht4efranqnesrietil>frtali7... ■
16 LIVRE TROISIÈME.
qu à des personnes que leur fortune mettait en posi-
tion de pouvoir les exercer gratuitement, et, par édit
de Marie II, nul ne pouvait les refuser, sous peine
d'une amende de cinq cents florins d*or, à moins que
les raisons dont il motivait son refus ne fussent ac-
cueillies par les cinq consuls, à Tunanimité.
La ville de Perpignan changea la forme de sa police
intérieure pendant le régime des Français, à la de-
mande des consuls et du vice-roi BoiBle-de-Juge. Jus-
qu'à cette époque on avait usé de ce qu'on appdait
la forme totdoasaine; Charles VIII, par lettres patentes
du 3 décembre i àS'j , autorisa l'emploi de la forme
noavelle, dont l'essai avait été fait avec succès pendant
six mois^
Les habitants de Perpignan, comme ceux de Cata-
logne, étaient divisés en trois classes, qu'on appdail
mains^. La composition de chacune de ces mains,
longtemps incertaine , avait été r^ée, en i3&6, par
Pèdre IV, & l'occasion de quelques difficultés suire-
nues, relativement au mode d'élection des consuls. U
fut statué alors que les bourgeois de Perpignan , riTaiil
honorablement, et les mercaders, ou commerçants en
gros, composeraient la main majeure : que les parears
de drap, les écrivains et autres, exerçant une profi
* Uk. virié. mim
* Le chef de TéUt éuit la iéie de la nation , les trou ordre»
aui cortfl en éuient let ^nu . et les clasaet de la population en ét^snt
les hmumj.
CHAPITRE PREMIER. 17
!s.ion assez honorable , sernieiit diiiis lu main mayi-mw , il
qiK! les cordonniers, les jardiniers et aulrcH, exerçant
des métiers analogues, l'ornifraienl la main mineure.
Les membres de la main majeure prenaient le titi'c dit
citoyens ou bourgeois honorés^. Chacune de ces mains
devait être représeotée par quatre conseiller». À
ijui appartiendrait uniquement le droit dYlire les
ronsuls.
La noblesse n'était pas comprise aneiennemem dans
la main majeure et ne comptait pas dans la population
des villes, parce que les nobles de haut parage n'habi-
laient que leurs châteaux, el que ies chevaiiera qui
résidaient dans ces villes, se trouvant hors du for du
bailli, et sous la seule juridiction du viguîrr. ne pou-
vaient exercer aucune fonction municipale. Lors-
que plus tard il fut de leur inti^Wit de participer «k
1 (■piscopàlM,
cité élait dunné h
ic cilé. et Imaiyeoii nu htbUanl il'aa
cl grundes méttiiries Eafipclaienl villa,
|ui s'y IrouvaicDt éuieol serfs ou do Ir^s-busse
illani. vilains, devint une qnaliricntinn inju-
les noblei dniulArtiit aui habitants îles villEit
ilaiai, parce qu'ils jr vivaient dan» le rciini, no
e eui aux Iravaiu de la ^eire.
s établi Mements ruraui s'appelaient payi, f.i
(winlialntanls./Hi^ni. Comme la -demit're classe esl toujoun la dar-
«ira iuisi à adopter les innovations, ces pagani furent obstinés i
rtpaasim le christianisme; de \W le mot paganat, paien, devint syno-
»)-ta« d'idolâtre. Comme qualiBant l'habitanl des cnmpagnci , pai)anai
fut tratluiipar pnvian. ta catalan pagit.
' Anciennement l« titre d<
<l celai (le baarg aui autres
mot rvtoytn ou habitant d'u
bourg. Les villages, hotneaui
et nmnie Ici habitants qui s'
enditioD, le terme de viJ/oni
ticoM. Suivant Paequîei
l'épilUic injurieuse de
lira de )'endurcir comn
SdmIm Romains, ci
18 LIVRK THOISIÈME.
l'exercicr tir vvh lV>iictions, ils durent renoncer à leur
titre (le rhevaiier, afin dVntrer sous la juridiction du
bailli; ils furent enfin incorporés, avec leurs titres,
dans cette main majeure, en 1601. En sa qualité de
bourg<M)isie honorée, cette main majeure jouissait,
dès auparavant , de quelques unes des prérc^tivcs de
la noblesse'.
Dans les anci(*ns temps les premiers consuls de-
vaient être pris fondement dans la main majeure; ce-
pendant on trouve dans les archives du domaine une
lettre de don Il«iymond de Sagarriga, gouverneur gé-
nénil de Roussillon, du 10 juin i&i 1 , aux conseil*
lers de la commune, pour les engaj»erà élire « pour
«consuls, sans crainte et sans risque d'encourir au-
«cune peine, quelque personne que ce soit, de la
«main majeure, moyenne ou mineure, qui leur pa-
(t raitra le plus en état et la plus propre k remplir ces
«charges, pour le hi(*n et dans Tintérêt de la ville et
« des habitants^. »
En vertu d'un trc.s-ancit»n privilège, le cinquième
consul devait appartenir à la piiroissi* de Saint-
Jacques, habitée parles jardiniers et gens de métier.
' Vo)«-i la note II.
* Quand le coqn de la noblesse eut été admit urtc m» titm dans la
main majeure . Ir |HTinifT ronMil dut cire pris dan* l'urdre de la no-
blcMe, vl le sea»nd nmikul fut ph**, une ann^e dan%ce nM'nie ordre, H
r4niu*e Miivaute dan» relui Afs lM>urger>i>. I^r* iroiiiéme et qiiitriéiiM»
rAnftuU étaient |»ri« dan* la main moyenne, et le cinquième dam la
niMiii minrurr. [ \ oYoeft fnitnrr%^me Jr Homiullon
CHAPIÏHE PREMIER. 19
Des ambitieux des autres paroisses, pour obtenir ce
consulat, abandonnaient momentanément leur do-
micile habituel, et allaient s établir sur cette paroisse
de Saint-Jacques un mois avant Télection, et ils re-
tournaient à leur premier domicile après Texpiration
de Tannée consulaire. Pour mettre im terme à cet
abus, les consuls rendirent, le ay juillet 1/191 , une
ordonnance portant que nul ne pourrait être cinquième
consul, s il n'habitait sur cette paroisse, depuis un an
et un jour, avec sa femme et ses enfants, dans une
maison à lui ou à loyer. Par règlement des mêmes
magistrats, du ao mai 1 585 , il fut établi que nul ne
serait pourvu du consulat, s'il ne possédait une maison
en propre ou à loyer, et s'il n'y faisait continuelle ré-
sidence ^
Lie nom des citoyens susceptibles de remplir la
chaige de consuls était placé dans des bourses ou sacs
de cuir, d'où leur venait le surnom de citoyens insa-
calés. Pour être insaculc , il fallait que celui qui pré-
tendait à cet honneur fût approuvé, d'abord par le
gouverneur de la province, ensuite par un conseil
composé de quatre individus tirés au sort dans cha-
cune des trois mains : ce conseil portait le nom de
doazaine dinsaculation ; ceux qui en étaient membres
émettaient leur avis par la voie du scrutin, et ils
n'étaient pas tenus de donner la raison de leur ex-
clusion.
' lÀhroviridi minoii.
20 LIVKK TBOISIKML.
li'ii êclit «h; Vvdvv IV, de Tan liàf, avait érigé les
rlavain^s ou moslassajs, rn véritables juges de paix , en
leur conférant le pouvoir de concilier, sans avoir be-
soin de la permission du bailli, tous diflerends appar-
tenant à leur juridiction , simplement, et diaprés les
seules rifles de leur droiture et de leur bon sens.
Particulièrement attentif aux intérêts des Perpi-
gnanais, Martin pourvut à la conservation des biens
de toute espèce appartenant à la commune. Il régla
que chaque année, un mois avant la Saint-Jean,
époque de Tinslallation des nouveaux consuls , il se-
rait dressé un inventaire exact de tous les biens-
meubles ou immeubles, vi des objets de toute nature,
existant, soit au consulat, soit au dehors, ainsi que
des livres, chartes, pragmatiques, privilèges, papiers
et lettres quelconques, de lartillerie, fourniments,
vivres et autres objets, afin de s assurer quils étaient
bien conser\'és. Cet inventaire devait indiquer com-
ment et pourquoi ces objets ap|>artenaient h la com-
mune, afin dVn garder la tradition ; on devait dresser
aussi un état des sommes payées et de celles qui res-
taient encore à payer, (*n indiquant les parties pn*-
nantes aussi bien que* les irisons et motifs de la dé-
pense. H était réglé qu a lavt^nir nul consul ou autre
officier de la comnmne iw |)ourrait dis|>oser d aucun
joyau, robe, harnais, victuailh*, sonune d argent et de
cpicUpie partit* que cv fut des propriétés communales,
sans un mandat bien détaillé et bien circonstancié.
CHAPITRE PREMIER. 21
dont la formule était déterminée par la prévoyance
royale. La manière de tenir les écritures, les livres et
la comptabilité était réglée par la même ordonnance ,
qui n'omettait rien de ce qui pouvait assurer la longue
durée et la bonne conservation des propriétés de la
ville, et maintenir Tordre dans Tadministration, en
prévenant les dilapidations et assurant Téconomie
dans les dépenses.
Cest sous le r^ne de Martin que fut bâti un premier
hôtel de ville, remplacé ensuite par celui qui existe
aujourd'hui. Par une pragmatique du lo décembre
i&oa ce prince permit aux consuls d'acheter quel-
ques maisons , sur l'emplacement desquelles on bâti-
rait l'hôtel de ville d'une manière plus convenable
qu'il ne l'était auparavant, et il assigna une somme de
six cents francs pour faire cette dépense^.
Outre les consuls de la ville, qui étaient au nombre
de cinq, il y avait encore à Perpignan \me autre ju^
ridiction consulaire, sous le titre de consulat de mer^ :
(*V*tait un tribunal de commerce maritime que Jay me II
avait fondé, mais dont il n avait pas eu le temps de
compléter l'organisation. Après le renversement du
trône de Majorque, Pèdre IV donna à ce tribunal une
plus grande extension, en achevant l'ouvrage du
prince qu'il venait d'expulser; il appliqua à cette ins-
titution l'organisation du consulat de mer des villes
' Pour les attributions des consuls, voyez la not« I.
* Voyci la suite de la note I.
22 LINHK TKOISIÈME.
de Uarreluiie i*t de Majorque, calquée sur celle du
consulat de iiut de \alencc, type de tous les tribu-
naux de ce genre ^ Par ordonnance de Juan I, du
a a décembre 1 388. le consulat de nier de Perpignan
fut roniposé d'un consul, dun assesseur et d'un juge
d*appel, tous trois à la nomination des notables de la
ville; le consul de\ait être pris parmi les citoyens de
la main maji^urc, vi 1 assesseur panni ceux de la main
movennc. A la réunion du Roussillon à la France, il fut
créé un second assesseur, ({ui prit, comme le premier,
le titre de consul. Le lieu des séances du consulat de
mer étant ti*ès-inconnnodc, Martin, sur les représen-
tations des consuls, qui sr. plaifçnaient de n'avoir pas
de loge ou maison dans la({uelle ils pussent siéger et
déposer leurs iVritures, leur permit de prendre, sur
le produit de rim|>ot établi |>ar le roi Juan son frère,
et qui se levait sur les marcbandises importées ou
exportées par mer, impôt dont nous avons déjà parlé
sousb* nom àimjmnagc, une sonune de quatre mille
florins dor d'Aragon. ])our Tacluit des maisons sur
remplacement desc|uelles ils léi*aient constniire une
loge diîcente '^.
' Onloii. (Il* IVdrr IV, i\ài\^ \v li\ir «li <i Statuts ilii roiinuLit dr iiii*i
• I/al)l>f- Xatipi se lrnin|K' iii no |Mirt.int rrlir «ointiio qu'à qujtrr
cent5 florin!. t,v préanibulc de la rhartr t\v Martin fait coniiailrr qnrllf
rUÛI rim|jortanci' (1<* IVr|>ign«ui. a crUo 4'|hk|u«', mju% Ir ra|>|Mirl cxmu*
merrial : • NtMtrx ('i\il.iti'<% < t \illx. inhT <|im*> iIk tain \illjiii lVr|»iiiiant
• notahiliorem l'i |»nrri|Miain ntiqiir rrptilanin«. in qiia miTtatoniiii
t \igrl copia . fti • Snli nr>ni
CHAPITRE PREMIER. 25
La ville de Perpignan obtint de Martin , par prag-
matique du 8 juillet 1 4oo, lautorisation de remplacer
Taucien sceau de ses annes par Técu royal d'Aragon ,
qui serait chargé d'une figure de saint Jean , patron
de la ville ^
Jusqu'au milieu du xv* siècle tous les enfants, sans
distinction, qui mouraient dans Perpignan, étaient
enterrés dans le cimetière général, et les parents ne
pouvaient avoir la consolation de réimir ces cendres
chéries à celles de leurs proches, dans les tombeaux
de famille. Ce ne fut qu'avec beaucoup de peine que
les consuls obtinrent enfin la suppression de ce bar-
bare usage. S'étant adressés, en 1/119, ^^ cardinal
Alaman, légat du pape , Martin V, près le roi d'Ara-
gon, des lettres furent données par ce prélat, pour
laisser aux familles la libre élection du heu de la sé-
pulture de leurs enfants morts en âge de minorité;
mais l'autorité du légat ne fut pas jugée suffisante, et
il fallut que le pape, par un induit du 1 1 septembre,
approuvât la teneur de ces lettres, et en ordon-
nât l'exécution , sous peine des censures eccfésias-
* Lib. virid. min. A la première page du livre vert majeur des ar-
chives de la mairie de Perpignan on voit un écu carré ordinaire,
cbargé de barres rouges sur champ d^or, posées obliquement do gauche
â droite. Si c'était là l'ancien écusson des armes de la ville, on n'aurait
£ûtque redresser ces barres perpendiculairement, et alors Técu, au
lieu d'être carré, serait devenu iosange, comme il existe depuis Martin.
Au milieu de cet écu on ajouta une figure de saint Jean. Ce volume
dête du règne de Juan I.
il L1\HE THOISIÈME.
tiques ^ Le mi d*Aragoii, obligé d'intervenir lui-même,
pour vaincre toutes les résistances , manda à ses officiers
de détruire par la force tous les obstacles, chaque fois
quils en seraient requis^. Nous ignorons quelles rai-
sons pouvaient porterie clergé de Perpignan & oppo-
ser, à une réclamation aussi juste de la part des pa-
rents , une résistance si opiniâtre.
La vente du |)aiji, du vin et autres comestibles n té-
tait pas permise aux hôteliers, à lV>gard des étrangers
et des voyageurs qui prenaient gite dans leurs hôtels,
en Roussillon comme dans toute la Catalogne. Sur
une plainte des consuls et notables du Ik)ulou, Martin
rendit, le ao novembre i &o i , une pragmatique por-
tant expresses défenses, v pour le bien général de toute
«I la ronununauté . » à tout hôtelier de rien vendre de
semblable aux passants et aux voyageurs^. Une or-
donnance du bailli de Perpignan, du 3o octobn»
I 'i 1 8, lit une défense toute pareille aux hôteliers de
rette ville *.
Cha({ue localité, dans toute fétendue du royaume
d\\i*agon, était tenue* de payer, à chaque changement
de règne, un droit de joxeux avènement, ou im|>ôt de
couronnement. La levée de ret im|)ôt, éprouvant des
diffîrultés à Perpif^nan. à ra\rnement de Martin à la
couronne, ri des saisies avant été ordonnées t-ontre
les n*tardataires par le gcnixerneur. qui répondait de
toutes ces sommes, sous une peine de mille florins
rrru»r\, n* I — ' Ihiiiem — ' l*rru\r\, n II — • hh-i /•roiis
CHAPITRE PREMIER. 25
d*or, ce prince, par lettres patentes du i*" octobre
iSgg, défendit de contraindre qui que ce fut à ce
payement dans cette ville, et fit restituer les saisies
à ceux à qui on en avait fait^. Une quittance du pro-
cureur royal et féodal du roi d* Aragon , du a i no-
vembre là^à, nous fait connaître la taxation de cet
impôt, qui était d'un florin d'or par chaque feu^.
Sous le rapport de l'industrie, Perpignan eut beau-
coup plus d'importance autrefois qu'il n'en a depuis
quatre siècles. Les guerres longues et malheureuses
dans lesquelles cette ville fut sans cesse compromise
lui firent perdre peu à peu les nombreuses manu-
factures de drap qui faisaient son principal com-
merce. Déjà, en i33i, le nombre de ces manufac-
tures était considérablement diminué. Les tisseurs de
drap, dont Sanche avait fixé la résidence au Puig-
Saint-Jacques , firent solliciter parles consuls l'auto-
risation de s'établir dans l'intérieur de la ville , dont
cette hauteur, bien que comprise dans la nouvelle
enceinte des murailles, n'était point encore supposée
faire partie. Dans leur requête au roi, ces magistrats
disaient que le bon métier de fabricant de draps étant
très-diminué, ils pensaient que si les ateliers étaient
' Lib. virid. min.
^ QaiDdecim florenos auri de Aragonia dicto domino régi debitos,
et per vos eidem solvere contingentes, dictarum coronationum pnc-
textu, pro quindecim fochis ad quos dictus locus ( de capitcstagno )
rst taiatas. Arch. eccles.
26 LIVHE TROISIEME,
transportés au centre de la ville , cette industrie pour-
rait reprendre un nouveau degré d'activité. Jayme II,
qui se trouvait alors à Majorque, chargea son lieute-
nant général d examiner, avec les consuls et les ma-
nufiaicturiers, Tutilité de cette proposition, et de lui
transmettre ensuite son avis, avec les résultats de len-
quête : lavis ne fut pas favorable au déplacement.
CHAPITRE DEUXIEME. 27
CHAPITRE IL
Schisme. — Mort de Martin. — Congrès d^Alcaniz. — Fer-
nand I. — ConcSe de Perpignan. — L'empereur Sigismond.
— Office de la dépatation. — Alphonse V et Marie H. — Qip-
livité d'Alphonse. — Sa liberté.
Le pape Grégoire XI, Français de nation, avait dû Mani».
quitter Avignon en iSyS, pour reporter à Rome ie
saint siège, et mettre un terme aux désordres que cet
éloignemcnt des souverains pontifes causait en Italie.
Peu de temps après sort retour dans cette ville, Gré-
goire mourut, et la populace de Rome, se portant en
tumulte sous les fenêtres du conclave, menaça les car-
dinaux de tonte sa furem* s'ils ne lui donnaient pas \m
pontife italien. Cédant à cet orage, le conclave élut
larchevêque de Bari, qui prit le nom d'Urbain VI.
Mais le caractère impétueux de ce nouveau pape alié-
nant bientôt de lui le collège qui Tavait nommé, on
prétexta de la violence qui avait influé sur cette élec-
tion , pour la déclarer nulle. Un second conclave tenu
à Avignon, en octobre de la même année, éleva au
trône pontifical un autre pape, (pii fut Clément VII.
Urbain n ayant pas voulu déposer la tiare, le schisme
commença Tannée même de la double élection , et il
y eut un pape h Romo et un h Avignon. A Urbain
28 LIVHE THOISIEMK.
surtd^dtVriit Boiiilace IX, Innocent VU etGrégoii'eXlI;
à Clcmmt, mort en i ^(j/i, avait succédé le beau-frère
de Martin, ce Pierre de l^una, qui prit le nom de Be-
noit XIH, et qui, en quatorze jours, avait été ordonne
pivtre, consacré évéque et couronné pontife ^
Pour faire cesser le schisme et ramener Tunitc dans
le chef de l'église, les différentes cours chrétiennes
avaient négocié avec les deu\ papes une renonciation
récipro({ue à leur dignité, afm qu*un troisième, élu
h la place des deux , pût réunir les suffrages de tous.
Lies pontifes avaient d*abord adhéré Tun et Tautre &
cet accord ; mais, au moment de Texécuter, Benoit* re-
gardant la perte de son autorité comme un sacrifice
au-dessus de ses forces, se rétracta.
Un prince, que ses heureuses qualités auraient fait
placer peut-être au nombre des meilleurs rois qu*ait
eus la France, mais dont la vie, s écoulant au con-
traire sous rinfluence d'une maladie terrible « fut la
source de longues et innombrables calamités, ré-
gnait alors. Charies VI , irrité du manque de foi du
pontife, lui avait supprimé tous les subsides de Té-
glise de France et s'était retiré de son obédience, et,
Benoit , assiégé dans son propre palais par le |>euple
d*Avignon émeute contre lui » avait été contraint de
>ortir déguisé, et de se sauver en Catalogne. Le con-
hcil du roi. flottant sans cessi' entre les passions di
\(*rst*s qui ia^itaient . a\:iit |>orte Tautoniatt* cou
CHAPITRE DEUXIÈME. 29
roniié à reprendre Tobédience, en i4o3; une autre
faction dominant bientôt ce conseil, de nouveaux
différends séievèrent, et Benoît, revenu à Avignon,
crut imposer à ia France, en usant des ressources
extrêmes de Texconmiunication.
Pendant que l'université de Paris faisait justice de
cet anathème en le lacérant , le maréchal de Bouci-
caut, qui se trouvait en Provence, tentait de se saisir
de la personne de Benoit, dont la résidence était dé-
fendue par la garde aragonnaise , qu'il y avait amenée
pour sa sûreté. Benoît, s'échappant de nouveau, vint
débarquer à Port-Vendre, le a juillet i IxoS, et passa j^os.
immédiatement à Collioure , attendant dans cette ville
la réponse au message qu il avait envoyé au roi d*Â-
ragon, son beau-frère. Martin lui ayant assigné pour
résidence la ville de Perpignan , Benoit s y rendit le
2 à du même mois.
La mort du fils unique du roi Martin, survenue en .409.
Sicile, le s 5 juillet 1A09, réveilla, à cette époque,
fambition de tous les princes qui croyaient avoir quel-
ques droits & la royale succession, et prépara de nou-
veaux désastres à TÂragon. Le premier qui se mit sur
les rangs fut le comte d'Urgel, Jacques, petit-fils
d'Alphonse IV; vinrent ensuite le duc d'Anjou , époux
d'Yolande, fille de Juan I; l'infant don Ferdinand,
second fils du roi de Castille, et neveu de Martin par
sa mère; Alphonse, duc de Gandie, et son firère, le
comte de Prades, petits-fils de don Pèdre, oncle de
50 LIVHK TBOISIÈME.
Pedro IV : «vux ci réclamant le bénéfice de la substi-
tution ordonné*» par ce dernier roi en faveur de se«
neveux et petils-ncveux, à défaut d'iiéritiers directs
dans la lif^ne régnante, et à Texelusion des femmes.
Martin avait |)erdu, le ^9 décembre iiio6, sa
femme, la reine Marie. Pressé de se remarier, après
ia mort de Tinfant don Martin , par ses conseillers, qui
redoutaient pour le pays le conflit de tant d ambitions
rivales, il s*en était bmgtemps défendu sur ses infir-
mités, (|ui le r(>ndaient peu propre à un nouvel
hvmen; mais, vaincu enfin |)ar leurs instances, il ne
fit que b.iter par là le tenue de ses jours.
Dans f impossibilité d'avoir des béritiers directs, ie
roi d'Aragon aurait désiré de laire arriver la couronne
sur la tète de finfant Frédéric, faine de deux enfants
naturels qu avait laissés son fils, et sur (|ui s était re-
portée toute sa tendresse ; mais un projet de cette
nature devait nécessairement rencontrer d*insumion>
tables oppositions, dans un mom(*nt ou les procureurs
des divers pn:tendants, issus dini lignage légitime,
seflbrçaient auprès de lui de faire prévaloir les droits
ou les titres de leurs commettants. Cependant, dans
la vue de laire naitre quebpie cliance favorable i son
idée favorite, au milieu du cliocde tant de différentes
prétentions, et alin d*épar<;ner à ses sujets les maux
que ne pouvaient mancpier d attirer sur eux après sa
mort ces prc'tentions. appuyc*es rbaeune par un parti
plus ou moins puissant . il se décida à faire examiner
CHAPITRE DEUXIEME. 31
les titres des différents compétiteurs, dans une assem-
blée de jurisconsultes. Les suffrages de cette assemblée
ayant été favorables au comte d'Urgel, Martin dut
accorder à ce prince le titre d*administrateur général
du royaume, qui appartenait à l'héritier présomptif
de la couronne. Mais ni le cœur du roi ni celui des
peuples n'étaient pour Jacques; les corps de l'état
s'élevèrent contre lui, et le justicia sortit de Sara-
gosse pour ne pas admettre son serment, formalité
indispensable pour l'exercice de sa prérogative.
Martin mourut le 3i mai i&io, à l'âge de cin- '^''''
qoante-deux ans. Sollicité de déclarer, avant de mou*
rir, à qui il laissait la couronne, sa seule réponse fut :
« Â quiy a droit. i> On a dit, et avec raison , que ce refîis
de désigner son successeur n'avait pas répondu au
reste de sa vie, tout employée au bonheur de son
peuple, et que son silence plongeait l' Aragon dans
toutes les horreurs de l'anarchie qu'il avait d'abord
voulu lui éviter ; cependant cette détermination n*était
pas sans excuses. Martin savait très-bien que les pré-
tentions des princes qui se disputaient son héritage
ne s'éteindraient pas devant le choix qu'il ferait de
l'un d'eux. La tendresse qu'il avait pour son petit-fils
l'empêchant aussi de désigner tout autre que lui pour
lui succéder, il était trop assuré que ni le comte d'Ur-
gd, ni les petits-neveux de don Pèdre ne laisseraient
pas arriver sans une violente opposition la couronne
sur la tète d'un prince que sa naissance frappait d'illé-
52 LIVRE TROISIÈME,
gitiniitc. Prôvoy<iiit doiir que, quel que fût le vom
qu*îl exprimerait, des déchirements politiques étaient
inévitables après sa moii , il crut ne devoir favoriser
aucun des prétendants légitimes, de son propre suf-
Irage , afin de ne pas donner entièrement Texclusion k
celui que son cœur aurait choisi.
Martin avait à peine les yeux fermés, que déjà
chacun s agitait dans le royaume pour faire triompher
le prince qu il désirait de voir sur le pavois. Le comte
d'L'rgel, mettant plus de confiance dans la force des
armes que dans celle de son droit, entra à main ar-
mée dans TAragon, qu*il avait déjà ensangbnté du
vivant de Martin, et qu*il ménag a encore moins alors.
Les corts , qui devaient décider cette grande question ,
s'étaient réunies à Calatayud. Après de longues con-
férences et d*orageuses discussions, il fut convenu
qu*un certain nombre de commissaires des trois pro-
vinces d*Aragon« Catalogne et Valence, réunis en
congrès à Alcaniz, trancheraient la difliculté en éli
>A*«. sant eux-mêmes le (îitur i*oi. Les députés de Perpi-
gnan , à cette assemblée , furent Pierre de Grimau et
JeandeRivesaltes, citoyens de la main majeure. Cette
résolution des corts, (|ui se débarrassaient sur une
autre assemblée de ce qu elles ne [louvaient ou ne
voulaient pas terminer elles-mêmes , ne fit qu'ajouter
aux maux du |>ays, en donnant un nouvel essor aux
factions et jetant d autres gennes de division entre les
citoyens. Alors la guerre civile vint tout compliquer.
CHAPITRE DEUXIEME. 33
et multiplier les désastres déjà produits par les bandes
armées du comte d'Urgel : le pays fut couvert de sang
et d*încendies. L'archevêque de Saragosse, iun des
plus chauds menevurs de la faction Urrea , périt de la
main d'Antoine de Luna, chef de la faction opposée,
et qui tenait pour le comte d*Urgel.
L'in&nt de Gastille, dont les prétentions avaient
Tavantage d'être appuyées par tout ce qui ne tenait
pas aux deux maisons qui avaient pris le rôle princi-
pal dans la guerre civile, prétentions qui se trouvaient
ainsi soutenues par le plus grand nombre , si elles n'é-
taient pas les mieux fondées , avait fait entrer en Ara-
gon quinze cents lances pour combattre Antoine de
Luna» en prenant pour prétexte l'assassinat de l'ar-
chevêque de Saragosse. L'arrivée de ces forces fa-
vorisa la réunion du congrès d'Alcaniz, qu'avaient
empêchée jusque-là les déchirements des partis.
n en fut de ce congrès comme des corts. Trop nom- ui».
breux pour pouvoir s'entendre, ceux qui le compo-
saient convinrent enfin de confier la solution de cet
important problème à neuf juges , pris parmi les prélats
et les grands seigneurs du royaume. Ces neuf juges,
dont la création avait été décidée par le congrès , sur
b proposition d'une commission de quatorze mem-
bres, devaient se réunir à Gaspé, et terminer leur
travail dans l'espace de deux mois , s'il était possible ,
mais avec la faculté de pouvoir cependant prolonger
leur session de deux mois de plus, s'il en était besoin.
11. 3
34 LIVHE TROISIÈME.
i^eur choix devait porter sui* lun des candidats inscrits
sur une liste dressée par cette même commission ; ces
candidats étaient :
Le fib aine du duc d* Anjou, roi do Naples, et
d'Yolande d*Aragon ;
L'infant don Fernand de Castille;
Don Alonze , duc de Gandie ;
Don Frédéric d* Aragon;
Don Jacques, comte d*Ui^el.
Quant à la nomination de ces neuf juges, la con-
fiance générale que s'étaient acquise don Gil Ruiz de
Lihori, gouverneur d*Aragon, et Jean Ximenes Cer-
dan, justicia du royaume, la leur fit déférer unanime-
ment , et leur choix ne trouva en effet aucun contra-
dicteur. Ces juges furent, pour la province d*Aragon,
Domingo Ram, évêquedeHuesca, François d*Aranda
et Bérenger de Bardaxi ; pour la province de Catalogne,
Pierre de Sagarriga, archevêque de Tarragone, Guil-
laume de Valseca et Bernard de Gualbes; pour la
province de Valence, Boniface Ferrer, Vincent Ferrer,
canonisé après sa mort, et Gine£ Rabaça. Ce dernier
ne prit point part à Téloction : soit que, pour s'abs-
tenir d*émettre son avis dans une question aussi grave,
il en eût pris le prétexte , soit que véritaUement son
âge avancé eût fait chanceler sa raison devant la gravité
même de la question , il fut réclamé par son gendre
comme frappé subitement d'aliénation desprit'. I.«es
* Mamiui, Frrrtrtt./unta.
Femand I.
CHAPITRE DEUXIÈME. 35
huit autres juges , après avoir ouï les plaidoiries des
avocats de chacun des prétendants et débattu leurs
titres respectifs, se réunirent enfin en faveur de
rinfant de Gastille, qui fut aussitôt proclamé roi
d*Âragon. Benoit XIII, qui se trouvait alors à Caspé,
et dont la faveur couvrait don Femand, ne con-
tribua pas peu à influer sur ce choix. Ce fut le
a8 juin que, par cette décision des juges souverains,
cessa rioterrègne qui pendant deux ans avait fait peser
tant de maux sur le royaume d'Aragon.
Au milieu des vives et sanglantes discussions qui ui«
venaient d'avoir lieu durant ce temps d'anarchie, le
roi de France^ qui s'intéressait pour Yolande, et qui
craignait l'influence des forces castUlanes que don
Ferùand venait de faire entrer en Aragon, avait fait
demander leur renvoi par le duc de Vendôme, son
ambassadeur près du congrès d'Alcaôiz; mais il o£fraii
en même temps le secours des lances firançaises , ce
qui n'aurait fait que changer la nature de l'influence
armée. Avant même de savoir si cette proposition
serait acceptée, le maréchal de Boucicaut s'était rap-
proché de la frontière, à la tête d'un certain nombre
de lances, et la reine de Naples, Yolande, avait
^envoyé de Tarascon, où elle se trouvait, une réquisi-
tion à Raymond de Sagarriga, gouverneur de Rous-
sillon , pour qu'il eût à traiter les Français en amis et
leur livrer passage à travers son gouvernement. Sagar-
riga, ne pouvant déférer à une sommation émanée
3.
56 LIVRE TROISIÈME.
d*uiie main sans titre pour la signer, avait transmis
cet écrit à Barcelone, et, en réponse, le vicomte de
Perellos, capitaine général de Perpignan, avait reçu
loixlre de repousser par la force toute tentative du
maréchal.
Boucicaut renouvela, au mois de juin, la demande
detre admis en Aragon, pour appuyer la récusation
faite par le roi de France et la reine Yolande de quatre
des neuf juges, et il somma le même gouverneur, au
nom de ces deux personnages et en celui des ducs de
Guyenne et de Bourgogne , et de quelques autres mem-
bres de la maison royale de France, de lui donner
passage, à lui et à ses gens^ Des hostilités auraient
probablement suivi un nouveau refus, si la con*
naissance de Télection de Tinfant de Castille n'était
venue anéantir toutes les prétentions collatérales.
Boucicaut se retira, et Charles VI se trouva très-
betu^ux que le nouveau roi d* Aragon renouveUt
avec lui Tancien traité d'alliance qui existait entre
les deux couronnes. En effet , don Femand était pressé
par le roi d'Angleterre de s'unir avec Itii contre la
France.
Le caractère d'un prince , ses vertus , ses vices ou
ses défauts n'entrent guère dans la balance où se pèsent
le bonheur des peuples ou les destinées des nations.
Si ces considérations , d'une si mince valeur dans les
calculs de b politique , mais d'un si haut intérêt pour
* ZiirtU.XI,S7.
CHAPITRE DEUXIÈME.
1 amélioration du soit des gouvernés, avaient dû in-
fluer en quelque chose sur le choix à faire pour
remplir le trône d'Aragon, assurément aucun des pré-
tendants qui s*en disputaient la possession n*y aurait
eu plus de droits que cet infant de Gastille, sur qui
porta le suflrage des juges souvei^ains réunis à Caspé.
Ce prince, dont le nom ne peut se séparer du sur-
nom de Juste, que la flatterie contemporaine ne don»
naitpas alors aux rois, de leur vivant, était, de tous
ses concurrents, le plus digne de porter la couronne :
malheureusement son règne fut trop court.
Le Roussillon et la Gerdagne, attirant la sollicitude
du nouveau roi dès son avènement au trône, durent à
ce prince une ordonnance qui montre à quels abus ces
deux comtés ne cessaient d*être en proie. L'indigent
qui n'avait pas de quoi payer aux scribes, aux chan-
celiers et aux huissiers des coiu*s, ou aux geôliers et
aux conciei^es des prisons, les émoluments ou les
exactions qu7ils en exigeaient, se présentait vainement
pour réclamer la protection de la loi, il ne pouvait
arriver jusqu'au sanctuaire de la justice, ou bien on le
retenait iiidùment en prison, après l'expiration du
terme de sa peine. Informé de ces désordres, Femand
défendit de rien exiger des pauvres vrais et non feints ,
ou de les laisser en prison au delà du temps prescrit par
leur condamnation, et il modéra à quatre deniers le
prix des citations qu'on leur faisait payer le doublet
' Arch. Dom.
58 LIVRE TROISIÈME.
Ce prince renouvela les ordonnances de Jayme II et
d*Alphonse IV contre les jeux de hasard, qui étaient
une des plaies du Roussilion; il éleva à cinq cents
sous lamende que Jayme avait fixée à dix livres
contre le joueur, et changea en un mois de prison les
coups de fouet que lancienne ordonnance infligeait
à ceux qui n*étaient pas solvables. Femand voulut de
plus que toute personne tenant un office du gouver*
nement, qui tolérerait ces jeux ou les tiendrait dans
sa propre maison, fût exilée pour trois ans, après
avoir préalablement payé cinquante livres au trésor
royale
lAif. Le vertueux don Femand mourut des tourments
de la pierre , k Tâge de trente-sept ans , le 2 avril 1 & 1 6,
à Igualada , où il avait été forcé de s*arrèter en allant
en Gastille pour engager le roi de ce pays à renoncer
k Tobédience de Benoit XIII.
Ce pseudo-pontife, à qui Martin, comme on Ta
vu, avait assigné pour résidence le chflteau de Per
pignan, avait convoqué dans cette ville, pour le jour
de la Toussaint, 1Â08, un concile dont Touverture
fut retardée jusqu'au 12 novembre. L*objet de cette
assemblée , qui se tint dans Téglise de la Real , et i
laquelle assistèrent cent vingt prélats , tant espagnok
que français et savoyards, ainsi que le roi de Navarre,
était de chercher les moyens de rendre la paix à
réglise.
' Omtiii. dt CiÊiÊi
CHAPITRE DEUXIEME 39
Deux conciles se trouvaient réunis dans le même
temps : celui de Benoît XIII à Perpignan , celui du
pontife de Rome à Pise. Le concile de Perpignan pro-
posa à son chef spirituel d'ciivnycr des dt-putés k
l'autre concile, pour convenir avec les prélats qui le
fomposaienl d'un lieu où les deu\ assemblées pussent
se Tondre en une seule, afin de travailler en commun
ù ce qui Taisait l'obj et des vœux de tous ; mais Benoît ,
qui ne voulait la paix de l'église que tout autant qu'il
conserverait la tiare, refusa de prêter les mains à cet
arrangement. Sa détermination , si contraii'e aux vœuK
des membres du concile, jetant la confusion dans cette
assemblée, elle se sépara sans rien arrêter; presque
lous les prélats se retirèrent , et il n'en resta guère plus
de vingt auprès du pape de Perpignan. Le 7 du mois
de mars de l'année suivante, liog, Benoît ayant
réuni de nouveau dans la chapelle du château royal,
qui était son palais, les vingt-deux évêques restés
fidèles h sa cause , et leur résolution se trouvant encore
la même que celle de l'assenibiée générale , ce pontiTe
consentit A ce que sept d'entre eux se rendissent à
Pise, pour reconnaître les conditions auxquelles 01»
voulait mettre ia cessation du schisme. Ces conditions
ne pouvaient être du goût de l'ambitieux vieiJlai'd :
l'un et l'autre pontife devait renoncer à sa dignité,
pour que l'élection d'un troisième put réunir (outvs
les consciences et éteindre tous les dissentiments. Le
pape de Rome, Grégoire XII. qui n'avait été éln qu'à
40 LIVRE TROISIÈME.
cette condition , n*hésita pas à remplir sa promesse ;
mais celui de Perpignan voulait absolument régner ;
le schisme continua.
Benoit avait beaucoup fait pour le roi don Femand ,
qui lui devait , en quelque manière , le trône d* Aragon.
Lié par la reconnaissance aux intérêts de ce pontife,
ce roi assurait à Benoit lappui de toute sa puissance.
Pour réduire le pontife, il fallait donc commencer
par détacher de lui le monarque : c'est ce que sentait
bien Tempereur Sigismond , et ce qu*il se mit en de*
voir d'exécuter. Une entrevue demandée par ce prince
au roi d'Aragon devait avoir lieu & Nice, au mois de
juin 1 A 1 5 ; mais Femand ne pouvant faire alors un si
long voyage à cause des douleurs violentes que sa
maladie lui causait, Sigismond consentit à se rendre
lui-même à Perpignan, le mois suivant. La même
cause retenant encore le roi d'Aragon , à cette époque,
ce ne fut qu'au mois d'août qu'il put enfin se mettre
en route : il débarqua à Gollioure le 3 1 , et le même
jour il vint h Perpignan , où il logea chez un habitant,
nommé Bernard de Villacorba : Benoit l'avait devancé
dans cette ville.
Sigismond, arrivé à Narbonne, avait envoyé des
ainbassadeiu^s à Benoit, pour lui exposer l'objet de sa
visite; et, sur la promesse que fit ce pontife de se
rendre aux vonix de l'empereur, celui-ci avait pris la
route de Perpignan. Ce prince fit son entrée dans cette
ville, le 1 9 du mois de septembre, et il fut rc^i avec
CHAPITRE DEUXIEME 41
toute la magnificence et les fêtes qu'on pouvait ima-
giner dans ce temps-lÂ.
Benoit avait promis ce qu'il était au-dessus de ses
forces d'exécuter. Toutes les raisons de l'empereur ne
pouvant rien sur son esprit, et les pressantes instances
de ce prince lui paraissant même une obsession im-
portune, il chercha A s'échapper futlivement du Rous-
sillon. Fernand était alors si souffrant, qu'il ne pouvait
pas même signer ses dépêches ; informé pourtant des
tentatives de Benoît, il fit défendre à ses galères et
aux capitaines des ports de laisser sortir aucun navire
sans sa permission.
Le mois de novembre était déjà commencé, et Si-
gismond voyait qu'il perdait son temps auprès d'un
vieillard obstiné : il commanda son départ pour te "j.
Sur ces entrefaites, arriva ^ Perpignan Jean de
Gniilli, comte de Foi\, qui tenait aussi l'obédience de
Benoit. Jean ne put être admis dans le monastère
qu'on avait donné pour logement à l'empereur, pai'ce
que ce prince était dans les cmban-as du déménage-
ment; mais Sigismond alla le voir lui-même, armé de
pied en cap et à la tête de toute sa cour, et, h la suite
de cette visite, il partit sans prendre congé du roi
d'Aragon, contre qui il était piqué, parce que ce mo-
narque n'avait pas mis, selon lui. toute l'ardeur pos-
sible à le seconder- Fernand , en apprenant ce dé]>art
précipité, fil courir quelques chevaliers sur les traces
de l'empereur, pour l'inviter ;» s'arrêter àSalses, prr-
42 LIVhË ThOISIÉME.
liant rengagement de redoubler d'efforts pour amener
Benoit h abdiquer sa puissance , à défaut de quoi il
renoncerait lui-même h son obédience. Sigismond
consentit à passer encore quelque temps k Narbonne.
Femand tint parole , et Benoit , pour se débarrasser
de ses poursuites, quitta Perpignan le i& du même
mois, faisant dire au roi d* Aragon quil s en allait ii
Collioure, et qu*il pouvait ordonner de lui tout ce qu*ii
lui plairait. Femand, quitte alors envers Tobstiné
vieillard de tout ce qu*il avait fait dans son intérêt,
cessa de le reconnaître pour chef de l'église, et se mit
en route pour Igualada , où il mourut.
L*acte de cessation d*obédience se fit avec beau-
coup de solennité, à Perpignan, le 6 janvier 1&16,
ainsi que Tavait prescrit Femand par son ordonnance
du a & décembre précédent. Bientôt Benoh , déclaré
schismatique et hérétique par le concile de Constance ,
et encourant alors le titre d'anti-pape , se retira à Pe-
niscola , où il mourut dans son obstination , en 1 &a&.
Pendant son séjour à Perpignan, Femand re^t
deux ambassadeurs du roi d'Angleterre , qui , sous b
mission apparente d'interposer les l:ons offices de ce
prince en faveur du rétablissement de la paix de Té-
glise , étaient chargés de demander pour Henri V h
main de l'infante Marie, fille aînée du roi d'Aragon.
L alliance du roi d'Angleterre flattait Femand, mais
sa fille était promise au mi de Castille : il laissa à cette
princesse la liberté de choisir elle-même entre les
CHAPITRE DEUXIÈME. h5
deux prétendants couronnés. Dans le las oJi Marie
aurait donné la préférence au loi d'Angleterre, Fer-
nand aurait fait en sorte de faire accepter au roi de
Castille la main d'Eléonore, la seconde de ses fdies;
mais Marie ne balança pas : se regardant comme en-
gagée au roi de Castille, elle se déclara pour lui.
CVsl sous le ri'gnc de Fernand, ou Ferdinand f ,
qu'eut lieu, en Catalogne, l'institution de l'ofiice de la
JéftaiatioH.
Comme les autres provinces du royaume , la Gâta-
Ic^nc avait ses corts, composées des trois ordres, qui;
dans toute l'Espagne, sont désignés sous le nom de
bras. Les prélats et les abbés formaient le bras ecclé-
smtiquc, les nobles et chevaliers formaient le bras
militaire, et les député.s des villes dont le roi était
seigneur, formaient le bras royal. Ces corts ne pou-
vaient se tenir que sous la présidence du roi, et, par
conslîtulion de don Pèdre II , le roi devait , autant que
possible, les tenir mie fois l'an. Elles pouvaient être
convoquées dans quelque ville que ce fût . pourvu que
la population s'en élevât au moins h deux cents feux,
t'I Perpignan les avait vues plusieurs fois se féunir
dans ses murs. Les opérations de ces assemblée*
étaient publiées dans l'église principale de la ville où
elles s'étaient tenues , immédiatement après la clôture
de ieiu- session. Les corts de Catalogne voulant avoir
un syndical qui, en leur absence, pi'jt s'occuper de»
affaires appartimanl ji leurs attributions, et exercer
Vi LIVHR TROISIÈME,
pendant ce temps lautorité dont elles étaient inves-
ties eiles-mèines , arrêtèrent, en i&i3, quil serait
nommé trois procureurs généraux , pris un dans cliaque
bras, et dont les fonctions seraient triennales; ces
trois procureurs généraux, qui portaient le nom
de députés, devaient résider à Barcelone et rece-
voir chacun le même traitement. Telle fut Torigine
de cet office de la députation, que nous verrons
jouer un rôle important dans les affaires de la pro-
vince.
Ai|4oM« V. Alphonse V, fils aîné de Femand I , succéda à son
père. Ce prince illustra son règne par de vastes con-
naissances qui lui firent donner le surnom de Savant \
et par des expéditions belliqueuses qui lui acquirent
celui de Magnanime. Sa maxime était qu'un prince
ignorant n*est guère au-dessus d*un âne couronné.
Alphonse consuma sa vie presque entière dans les
longues guerres qu'il fit en Italie pour conquérir la
couronne de Naples , pierre d*achoppement des mai-
sons royales de France et d*Aragon » pendant les xu ,
xjn« xnr» xv et xvi^ siècles; mais son royaume ne souf-
irit pas de son éloignement : Alphonse était bien sup-
pléé par la reine, sa femme, Marie n« fille d'Henri «
roi de Castille« princesse douée de toutes les qualités
qui font un bon monarque, et dont elle eut plus d'une
fois l'occasion de donner des preuves, durant les
quijiM! années qu'elle administra le royaume.
' Lr mot iabio, signifie égileiiiftil Mgc el MYtnt.
CHAPITRE DEyXlÈHE. 45
Alj^nae: ne quitta l'Aragon qu'en i ^3 o , époque à
laqudle la reine de Na{des , Jeanne II , i'appeb auprès
d'elle. C'est alors qu'il institua la reine Marie son
lietilenant générai, pour gouverner ses ttats en son
absence et en celle des deux infants, ses frères, qui
partaient avec lui.
La couronne de Naples allait mal h la tête des
feoimes. On sait de quelles calamités fut accompagné
pour re pays le règne de Jeanne I; celui de Jeanne II
ne lui fut pas moins funeste.
Celte princesse, dont le second époux, Jacques de
Bourbon, abreuvé par elle de dégoiUs, venait de se
retirer en France, où il prit l'habit monastique de
saint François, se vojant attaquée par Louis III d'An-
jou, son compétiteur au trône, et, comme sa devan-
cière, cherchant partout un appui, avait adopté et
désigné pour son héritier, Alphonse, roi d',\ragon et
de SicUc, qui s'était empressé de lui envoyer des se-
cours. S'cmbarquant ensuite lui-même à Barcelone,
ce jffince avait tenté, mais vainement, d'enlever, en
passant, l'île de Corse aux Génois, et il était descendu
dans les états de Naples, où il avait obtenu quelque
succès dans les années i ds i et i /jas. Mais ces succès
mÊmes. causant de l'inquiétude à l'ombrageuse reine ,
que dirigeait Caracioli, son grand sénéchal, elle en-
tra en arrangement avec Louis d'Anjou, poiu* l'op-
poser au monarque qu'elle avait appelé. Une vive
mésintelligence devait suivre une conduite si offen
tit LIVRE TROISIÈME.
sanie pour rAragoiiiiais, et mener inévitablement à des
hostilités. Jeanne, assiégée dans le château de Ca-
poue, (ut délivrée par François Sforce, et, cédant aux
sollicitations de Tintrigant Garacioli , elle révoqua l'a-
doption d*Alphonse, à qui elle substitua ce même
Louis d* Anjou, contre qui elle Ta vait appelé.
La guerre entre Alphonse et Jeanne dura jusqu^en
1 à33. a cette époque, le roi d* Aragon se réconcilîant
avec cette princesse, elle annula, par lettres secrètes
du li avril, ladoption de Louis, et rétablit Alphonse
dans les droits qu elle lui avait donnés. Mais Tincons-
tance , qui faisait le fond du caractère de cette reine ,
ne tardant pas à la (aire changer encore de sentiments,
elle rappela une seconde fois le duc d* Anjou, qui
mourut bientôt après. Jeanne succomba elle-même «
le a février 1 63&, laissant définitivement son sceptre
et ses états à René d* Anjou, surnommé le Bon, firère
de Louis.
i43 . Alphonse , ballotté par la reine de Naples qui venait
enfin de le priver de sa succession , avait un fort parti
dans le royaume, qui avait toujours repoussé b do-
mination (rançaise. Invité à revenir tenter la fortune,
il débarqua près de Gaète , dont il entreprit le li^.
C*est sous cette place qu*il eut occasion de bâst
éclater toute la beauté de son âme. Le gouverneur en
avait expulsé toutes les bouches inutiles; Alphonse
les recueillit dans son camp, disant qu*il n*était pas
venu faire la guerre aux femmes et aux enfants, mab
CHAPITRE DEUXIÈME. U7
à des gens capables de se défendre, mettant ainsi en
action sa devise, pro lege et grege; et comme on le
blâmait de cette générosité qui pouvait tourner à son
désavantage: «J'aimerais mieux, s'écria- t-ii , n'avoir
«jamais la ville, que de l'acquérir au prix de la vie de
« tant de malheureux! »
Une conduite aussi noble n'eut pas la récompense
qu'elle méritait. A l'apparition d'une flotte génoise,
qui venait au secours de la place, Alphonse voulut
aller la combattre , et il commit une grande faute. Les
Génois étaient tous marins , et les Aragonnais étaient si
étrangers à la navigation, qu'ils avaient de la peine à
se tenir debout , dans les mouvements des navires ;
aussi les premiers n'eurent à cueillir qu'une palme
facile. Malgré des prodiges de valeur personnelle,
Alphonse, dont la galère était entourée de vaisseaux
ennemis, et qui avait manqué d'être tué, d'abord par
la chute d'une antenne , dont l'amiral génois , Spinola ,
avait fait couper les drisses, et qui, en tombant, avait
écrasé plusieurs perscmnes autour de lui, ensuite par
le vent d'un boulet de canon qui l'avait renversé sans
l'atteindre; Alphonse, apprenant que sa galère, percée
4 jour et faisant eau de toute part, était près de s'enfon-
cer, rendit son épée à Jacques Justiniani, gouverneur
de Scio, qui se trouvait à bord de l'amiral génois. Ce
combat mémorable se donna le 5 du mois d'août.
Avec Alphonse furent faits prisonniers les infants
don Juan et don Henri, ses frères, le prince de Ta-
ii(35.
48 LIVRE TROISIÈME.
rente, le duc de Sessa et une foule d'autres per-
sonnes de la première distinction.
Le roi captif avait été conduit auprès du duc de
Milan : il n*eut pas de peine k persuader à ce prince
que des efforts pour soutenir un roi français sur le
tronc de Naples étaient de sa part un acte impolitique
qui devait tôt ou tard occasionner sa ruine. Les FVan-
çais , une fois établis au fond de l'Italie , ne pouvaient
manquer de vouloir en dominer le reste, et, placé le
plus près d'eux, ce serait lui qui serait le premier
subjugué , et qui porterait ainsi la peine de son im-
prévoyance. Le duc Visconti, frappé d'un raisonne-
ment qui ouvrait ses yeux aux dangers de sa position,
rendit gratuitement la liberté au roi et k ceux qui
avaient été pris avec lui, et il conclut avec Alphonse
un traité d'alliance offensive et défensive.
L'un des premiers actes de la liberté d'Alphonse
fut de donner la lieutenance générale du royaume à
son frère , don Juan , qui portait le titre de roi de Na-
varre, et à qui cette dignité revenait de droit comme
au futur héritier de la couronne, le roi n'ayant pas eu
d'eniants de son mariage. Par cette nomination se
trouva annulée celle de la reine Marie ii la même
dignité.
CHAPITRE TROISIEME. ^«9
CHAPITRE III.
Bonne administration de Marie II. — Hôtel des monnaies à
Perpignan. — Règlements pour le Roussillon. — Mort d'Al-
phonse et de Marie. — Juan II, roi d'Aragon, et Louis XI,
roi de France, — aussi fourbes l'un que l'autre. — Troubles
en Catalogne. — Le prince de Viane.
Deux reines du nom de Marie venaient d'exercer,
à des époques assez rapprochées, Tofiice de lieute-
nant général du royaume d*Âragon, et toutes deux
ont laissé les souvenirs les plus honorables de la sa-
gesse de leur administration. Le Roussillon dut à la
dernière une ordonnance importante siu: la liberté du
commerce maritime. Cette liberté, que les rois d'Ara-
gon, Pèdre III, en 1 283 , et Alphonse III, en 1 289 ,
en leurs qualités de suzerains du royaume de Maj orque ,
avaient étendue à tout le littoral du comté , Martin ,
trompé par des rapports d'intérêt particulier, l'avait
restreinte au seul •port de Collioure. Marie , par son
édit de 1 & 2 2 , ordonna que les constitutions des deux
premiers rois fussent fidèlement observées, et que
toutes marchandises arrivant par mer à la destina-
tion du Roussillon ou de la Gerdagne pussent être
débarquées dans quelque port que ce fôt du premier
comté, sans obstacle et sans opposition ^
* Li6ro virid. maj. et min.
II. k
zFrancii C'aùot Jmitll
JOANOFARC
HAIWAliD COLLEGE UBRARY
■7 y
V'
HISTOIRE
DK
ROUSSfLLON
DKUXIÈME PAirriK.
^J
5i: TROtVK
A LA LIBRAIRIK DE M. DELLOVK.
KCL ^R^ FILtr5 ^'-TIIOM\^, \ |S. PI %< I hE I A LOI fiM
V
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HISTOIRE
ROUS^rtLOlN
DU ROYAUME DE MAJORQUE
l'AR M. D.-M. J. HENRÏ
[.(INSKHVATKUH DK LA IlinLIOTUÈQt'E DE PULPIGNA»
DEUXIEME PARTIE
PARIS
PMPIUMK l'.Ut AUTOBiSATIf)N Dl IlOI
A L'IMPIUMERIE ROYALK
M UV.CA. \\\\
7c éc/t.'^
■AYt8ft22
F. a lovÎElL funo
HISTOIRE
DE
ROUSSILLON
LIVRE TROISIÈME.
CHAPITRE PREMIER.
Faiblesse de caractère de Juan I. — Sa mort. — Hospitaliers de
Saint-Antoine. — Écritures des notaires. — Impariage. —
Martin et Marie I. — Benoit XIII. — Perpignan et son admi-
nistration.
Le royaume d'Aragon était enfin tranquille du ii^a
côté de la France : le départ des Armagnacs pour 11- ^"'" ''
talie délivrait la Catalogne et le Roussillon des bri-
gandages de toute espèce auxquels le rétablissement
du trône de Majorque avait servi de prétexte; mais
comme TAragon semblait ne pas pouvoir exister sans
guerre , la Sardaigne et la Sicile appelèrent bientôt ses
armes. Avec un prince moins nul que don Juan, ces
II. a
2 L1VR£ TROISIÈME.
guerres auraient pu être plus profitables à la cou-
ronne; mais ce monarque s était complètement eflacé
devant sa femme, et celle-ci n avait aucune de ces
grandes qualités qui font pardonner à son sexe Tam-
bition du pouvoir. Nous ne dirons rien de ces guerres ,
étrangères h notre sujet, mais nous citerons un trait
qui complétera l'esquisse du portrait de don Juan. Le
gouverneur de Roussillon, don Gilabert de Cruilles,
avait été mis à la tête d une armée destinée contre la
Sardaigne. Cette ai^mée était prête à partir quand don
Bernard de Cabrera vint, de la part de Tinfant don
Martin, qui commandait en Sicile, annoncer un pres-
sant danger et le besoin d'un prompt et puissant se-
3y3. cours. Il ny avait qua (aire appareiller la (lotte, en
changeant sa destination; mais la reine était absente
de Barcelone, et le roi n osa prendre sur lui de rien
ordonner sans sa participation. Dans lexcès d'indigna-
tion que fit naître en lui la honteuse cause de ce re-
tard , Bernard de Cabrera engagea tous les biens qu'il
possédait, pour la somme de cent cinquante mille
florins d'or, et avec cet aident il leva trois cents
hommes d'armes et deux cents arbalétriers qu'il con-
duisit, sans perdre de temps, en Sicile : noble et gé-
néreuse leçon, si l'imbécile monarque avait été capable
d'en profiler.
Une affaire qui allait beaucoup mieux au caractère
de don Juan l'attira. Tannée suivante, h Perpignan :
il s'agissait d'une réunion de prélats, de prêtres et de
CHAPITRE PREMIER. 3
moines, pour discuter la validité de Télection de
don Pieire de Luna, cardinal d'Aragon, au trône
pontifical. Cest en revenant de ce synode que, le
1 9 mai i âgS , Juan mouiTit d'une façon qui restera à
jamais un mystère. Passionné poui* la chasse, il s'était
écarté de la route en suivant une bête fauve : il fut
trouvé mort à quelques pas, dans le bois.
Don Juan avait perdu la vie; mais Yolande, sa
femme, perdait plus, peut-être, en conservant la
sienne : elle perdait lautorité. Pour jouir encore quel-
que temps d'un bien qui était tout pour elle, elle se
déclara enceinte. L'archevêque de Tarragone et quel-
ques autres personnages, députés par les corts, pour 1395.
s'enquérir de la vérité, reçurent de la bouche de cette
princesse la confirmation de cette grossesse; mais,
entourée de quatre matrones incorruptibles , qui ne
devaient jamais la perdre de vue, elle fut bientôt for-
cée d'avouer la supercherie. Les corts générales pro-
clamèrent alors pour roi d'Aragon l'infant don Marr
tin , frère cadet de Juan 1 , se conformant en cela aux
dispositions de la substitution ordonnée par le testa-
ment de Pèdre IV. L*infante Juanne, fille du feu roi
et de Marthe d* Armagnac , sa première femme, mariée
à Mathieu, comte de Foix« voulut revendiquer cette
couronne, en dépit de l'exclusion formelle donnée
aux femmes par son aïeul; et pendant deux années
entières elle et son mari parcoururent, à main armée ,
tout f Aragon, se donnant le titre de rois. Après avoii*
1.
4 LIVRE TROISIÈME,
excité quelques désordres dans ce royaume et pro
voqué quelques tentatives de guerre civile, ils durent
enfîn renoncer à leurs prétentions que n'autorisaient
ni les dispositions légales du testament de Pèdre , ni la
volonté de la nation , exprimée par lorgane des corts.
Mathieu mourut peu de temps après, sans postérité.
Cest sous le règne de Juan 1 que les chanoines de
Saint-Antoine de Vienne fondèrent dans Perpignan la
première maison de leur ordre en Catalogne. Institué
vers la fm du xi* siècle, par deux gentilshommes de
Vienne, en Dauphiné, pour donner des soins aux
malades atteints d une sorte d'érysipèle gangreneux ,
qu*on appelait feu sacré , ou feu de Saint- Antoine , cet
ordre se composait d*abord d'hospitaliers réunis sous
la direction d*un commandeur. Au xiii* siècle , quand
la contagion qui leur avait donné naissance eut dis-
paru , ces hospitaliers furent convertis en chanoines
réguliers. La Catalogne ne possédait encore aucun de
leurs établissements, quand, en i388, le comman-
deur Jean Corti fit , dans Perpignan , Tacquisition
de deux masures près de la porte de Saint - Mar*
tin , et y fonda un monastère. Ce couvent , supprimé
en 1777* (^t remplacé par une institution, beaucoup
plus utile, de religieuses enseignantes.
Une ordonnance très-sage, rendue dans l'intérêt
public, le 16 avril 1 SgS , à la demande des rorts de
Barcelone, prescrivit le dépôt en lieu sûr de toutes
les écritures des notaires qui , en mourant , n*en au-
CHAPITRE PREMIER. 5
raient pas disposé en faveur de quelqu'un de leurs
collègues. L*année suivante , pour pourvoir à la dé-
fense et à la surveillance des côtes maritimes de Rous-
sillon , Juan fit voter par les corts , sous le titre d'î/n-
pariagey une imposition qui devait être levée sur toutes
les marchandises qui entraient ou qui sortaient des
deux comtés , par la voie de la mer, et le produit de
cette imposition fut appliqué à lequipement et à Ten-
tretien de deux galères garde-côtes, sous l'administra-
tion du consulat de mer. Cet impôt de Timpariage fut
perçu jusqu en 1 683 , qu'il fut aliéné pour l'entretien
des casernes , et plus tard pour celui du pont de la
Tet , et pour d'autres dépenses générales.
Martin, second fils de Pèdre IV, était toujours en >59&.
Sicile, quand lui parvinrent la nouvelle de la mort
de son frère et celle du choix que les corts avaient fait
de lui pour roi d'Aragon. Déjà sa femme, dona Maria
de Lima, restée à Barcelone, avait pris en main le
timon des affaires.
La nouvelle reine, lieutenante générale du royaume
en l'absence de son mari , ne tarda pas à prouver que
les craintes qu'aurait pu faire concevoir la fâcheuse
expérience du règne précédent, sur l'intervention
d'une femme dans les affaires publiques, devaient
cesser avec ce règne : elle aussi bien que son époux
étaient dignes de porter la couronne. Bien différent
de son frère , Martin possédait toutes les qualités qui
font un bon roi. Agé de trente-sept ans , et mûri dans
Mvrtia.
6 LIVRE TROISIÈME,
la science du gouvernement par le commandement
de la Sicile qu'il administrait depuis trois ans, au mi-
lieu des guerres et des factions, ce prince, dont la
vigilance, lactivité et la valeur n'avaient plus besoin
de preuves , ne se montra pas moins habile pendant
la paix dans laquelle il sut maintenir ses états. Retenu
en Sicile , les deux premières années de son règne ,
par le désir d*assurer à son fds la couronne de ce
pays, il laissa sans inquiétude le gouvernement de
TAragon entre les mains de sa femme, qu'il savait en
état de le bien diriger.
Le premier soin de la nouvelle reine avait été de
s'entourer d'un conseil présidé par l'archevêque de
Tarragone, homme de grande capacité, et c'est ce
conseil qui décidait les questions qui demandaient une
mûre délibération. C'est en se conduisant avec cette
prudence que Marie avait fait perdre à Yolande, sa
devancière, sa folle prétention à conserver le pouvoir,
et qu'elle avait opposé aux attaques du comte de Foii
la force morale dont cette sage manière d'agir l'avait
encore plus sûrement environnée que les armes
mêmes du royaume.
L'objet du dernier voyage de Juan I à Perpignan
avait été la reconnaissance de don Pierre de Luna ,
en qualité de pape, sous le nom de Benoît XIll. A
cette époque, l'église était divisée par un schisme»
dcmt la durée fut de quarante-six ans , et dont nous
serons obligé de parler, parce qu*unc foule de faits
CHAPITHE PREMIER. 7
qui s y rapportent se sont passés à Perpignan. Mais,
comme la narration tant de ces événements que de
ceux qui suivirent la mort de Martin n'est pas de
nature à être interrompue à Tépoque de cette moii,
ainsi que nous l'avons fait jusqu'ici, à chaque renou-
vellement de règne , par l'examen et l'analyse de tout
ce que le prince occupant le trône a pu faire dans
l'intérêt particulier du Roussillon , nous allons placer
ici inunédiatement ce que nous aurions dû dire un
peu plus tard. Et, comme de tous les rois d'Aragon
Martin est celui qui a mis le plus de sollicitude à pro-
curer à la ville de Perpignan une bonne administra-
tion , nous réunirons dans un seul article tout ce qui
concerne cette même administration.
Les rois de Majorque, en faisant de Perpignan la
capitale réelle de leur petit empire, s'étaient attachés
à augmenter à la fois et la population de cette ville ,
et son enceinte. Nous avons déjà parlé de cet agran-
dissement top(^raphique, et nous avons dit que la
population s'était augmentée aux dépens de celle de
divers villages voisins , dont plusieurs avaient fini par
disparaître entièrement.
Les malheurs des temps , pendant la dernière guerre
du royaume de Majorque, ayant fait déserter Perpi-
gnan par une partie de cette population, Pèdre, qui
sentait toute l'importance d'une place ainsi posée en
sentinelle avancée au delà des Pyrénées, s'était étudié
à y faire rentrer ses citoyens et à en augmenter en-
8 LIVRE TROISIÈME.
core le nombre, en ajoutant de nouveaux privilèges à
ceux dont ils jouissaient déjà. Un de ses premiers actes
fut d'accorder à la ville le droit d'invoquer les usages
de Barcelone et les constitutions de Catalogne , en tout
ce qui ne serait pas prévu par ses propres usages et
ses coutumes ; il établit que nul ne pourrait être admis
pour nouvel habitant que du consentement des con-
suls, et que pour être réputé citoyen de cette ville il
faudrait y résider avec sa famille, au moins une partie
de l'année, et nommément pendant les quatre prin-
cipales fêtes. Ensuite, pour prévenir l'émigration de
ces nouveaux domiciliés, il ordonna que pour avoir
droit aux privilèges de citoyen ces nouveaux admis
s'obligeraient k payer, dans le cas où ils voudraient
renoncera leur domicile, cent sous k la cour du bailli
et autant au consulat de mer, sans discontinuer pour
cela de payer les contributions et tailles des autres ha-
bitants, ainsi que l'avait déjà réglé Jayme II. Après
Pèdre, Martin fixa invariablement les conditions qu'il
faudrait remplir pour avoir droit aux libertés et fran-
chises des habitants de Perpignan. Par son ordon-
nance du 7 septembre iSgy il fut statué que pour
être considéré comme citoyen de Perpignan, quoique
ne résidant pas habituellement dans cette ville, il
faudrait y posséder une maison par directe; celui qui
n'en avait pas devait en faire bâtir une, soit dans
rintérieur des murailles, soit au faubourg ^ Si, après
• Par ordonnancr «ïu 17 Ae% ralend^ de janvier i3ia. Sanclir
CHAPITRE PREMIER. 9
trois mois de séjour dans la ville, celui qui prétendait
au titre de citoyen ne s'était pas rendu propriétaire ,
il était condamné k payer cent sous de Barcelone k la
caisse des travaux des fortifications , et il ne pouvait
jouir, pendant ces trois mois, des libertés, privilèges
et franchises des citoyens ^ Si, après avoir acquis une
maison dans Perpignan, ce nouvel habitant voulait
renoncer à son domicile, il payait au consulat de mer
les cent sous auxquels il s'était obligé , suivant les dis-
positions de Tordonnance de don Pèdre. D était expres-
sément défendu aux consuls de faire aucune grâce ni
remise sur cette amende. Le nouvel habitant devait
garder sa maison pom* son propre usage ; cependant,
si elle était trop grande pour lui , il lui était loisible
avait défendu de bâtir aucun édifice hors de Perpignan. Ce même roi
défendit, deux ans après , de jouer aux boules dans la ville et au fau-
bourg.
' Ces libertés, franchises et privilèges attachés au titre de citoyen
de Perpignan , consistaient à n'être assujettis à aucune dlme sur la
laine de leur bétail, quelque part qu*ils le tinssent; à ne payer aucune
dime sur les poules, œufs, porcs, canards, oies, chevaux, bœufs,
ânes, etc.; à ne payer ni dîmes ni prémices de blé, avoine et autres
céréales quelconques , destinées à la nourriture du bétail ; â ne payer
ni dîmes ni prémices sur les herbes potagères, hortolagcs, légumes, etc.,
sur les olives, fruits, raisins, bois des forêts, roseaux, etc. ; à ne payer
aucune dîme sur toute denrée semée dans les sillons de labour des
jeunes plants de vigne on maUols, â moins que la totalité du champ
n'en fût semée comme un champ ordinaire ; et en une foule d*autres
exemptions de ce genre. Les Perpignanais ne jiouvaient être distraits
de leurs juges en aucune manière, ni par voie d*appel; ils étaient
autorisés à faire exécuter des saisies contre leurs débiteurs, et nul ne
10 LIVRE TROISIÈME.
d*en louer une partie ; mais , dans ce cas , il fidlait qu*il
ménageât une entrée pour lui et une pour son loca-
taire, et cela sous peine de dix sous d*amende, appli-
cables aux travaux des fortifications, pour chaque
année de contravention. Tout nouvel habitant était
tenu de résider, manger et coucher dans sa maison
pendant les quatre fêtes de Noël, de Pâques, de la
Pentecôte et de Notre-Dame d*août, sinon il payait
dix sous à la caisse des fortifications; et s*il manquait
plus d une fois à cette condition , il était rayé du con-
trôle des habitants. Pour garantie de 1 accomplisse-
ment de ce devoir, tout citoyen nouveau était astreint
à se présenter, tous les ans, à l'époque de Noél, par-
devant les consuls ou Técrivain du consulat, à i*efiet
d*être inscrit sur un registre spécial, destiné à cet
usage ; la négligence ou Tomission de cette formalité
était réputée absence , et punie de Tamende : toutes
ces mesures avaient pour objet d'assurer à la ville une
population réelle et non factice , capable de pouvoir
la défendre efficacement en cas de siège. Celui qui ,
sans avoir de maison en propre, voulait fixer son
domicile à Perpignan, pour y faire continuelle ré-
pouvait saisir leurs biens pour des dettes garanties. Les caoses coocer-
BtDt la oommuAauté ou les habitants en particulier devaient être
jugées suivant les privilèges, us et coutumes de la ville, en quelque
tribunal que ce fût ; les syndics de Perpignan ne pouvaient pas être
toicétk de prêter serment au roi ou à rbéntier du tr6ne, avant que
toutes les autres villes n*e«ssent lait ce serment , etc. rtc. Voyfv Boscb ,
Tk.éêhon
CHAPITRE PREMIER. 11
sidence, était réputé citoyen, et dassé comme te).
Divers édits réglementaires, portés à différentes
époque, avaient fixé la marche que les consuls de-
vaient suivre dans le régime de la communauté. En
mai 1 3 1 1 Jayme I avait même ordonné à ses magis-
trats de faire, chaque année, une revue de toutes les
lois et ordonnances concernant le pays , pour en ré-
former tout ce qui serait devenu inutile , par quelque
cause que ce fût, et pour corriger et améliorer la
partie de ces lois et ordonnances que Texpérience au-
rait signalées comme défectueuses. Sanche investit
les consuls du pouvoir de recevoir les comptes de
leiu^s devanciers, ceux des administrateurs de Tau-
mônerie de la ville , ceux de Thôpital de Saint-Lazare-
du-Pont , bâti au bout du pont de la Tet, et ceux de
rhôpital des pauvres. Un acte du 1 4 des calendes de
juin ia62 mantre jusqu'où allait la mauvaise admi-
nistration de ce dernier établissement, qui, fondé par
le comte Gausfred III, avait été acheté de Tinfant
Jayme, fils de Pèdre III, par la ville, au prix de
quinze mille sous. De vives altercations s*étant élevées
entre l'évêque d'Elne , sous la surveillance de qui
était placé cet hôpital, et les consuls de Perpignan,
au sujet de la négligence du prélat ou de ses agents
envers cette administration , il fut convenu entre eux
que la nomination du commandeur de cet hôpital ap-
partiendrait à révêque, mais qu'elle porterait sur l'un
des trois candidats présentés par les consuls ; que le
12 LIVRE TROISIÈME,
prélat aurait le droit de visiter rétablissement,, pour
s assurer de la régularité du service , avec faculté de
proposer la destitution du commandeur, si par sa faute
ou par sa négligence ce service n*allait pas bien , mais
qu^il ne pourrait le destituer de sa propre autorité.
Les vbites de Tévêque devaient se faire en la présence
des consids ou de leurs délégués , mais à ses frais, et
sans quil pût lui être alloué, à ce sujet, aucune in-
demnité sur les revenus de Thôpital; enfin, les con-
suls devaient prendre des mesures pour faire restituer
à Tadministration , dans le terme de cinq années, tous
les biens de lliôpital qui avaient été indùm^t alié-
nés, et pour forcer ceux d*entre les acquéreurs qui
en avaient acheté à juste titre , mais au-dessous de leur
valeur réelle, d*en acquitter la plus-value.
Par une charte du 3 mai 1 3 1 5 Sanche avait ins-
titué un conseil de ville de douze men^res ; par une
seconde, du a 3 mai i3a/^, il frappa d*une amende
de dix sous de Barcelone ceux de ces conseillers qui
ne se rendraient pas aux convocations. La même
charte réglait le costume des consuls. Chacun deux,
en entrant en charge , devait se pourvoir d*une robe
ouverte ( saperiunicale ) et d^une tunique uniformes et
de même couleur, avec une bordure de pelleterie , et
il leur était alloué pour cette dépense, sur les fonds
duconsidat, une somme de quinze livres de Baixe-
lonc, qu*il ne leur était pas permis de dépasser. A
mesure que largent augmentait de valeur, celle
CHAPITRE PREMIER. 13
somme ne se trouvant plus en rapport avec le prix
des étoffes, les consuls réclamèrent auprès du roi
Jayme II, qui commit Bernard, abbé d'Arles, pour
connaître de la justice de cette réclamation et ordon-
ner ce qui serait convenable ^ Bernard, par sentence
du 3i juillet liili, décida qu*à l'avenir les consids
sortant d'exercice achèteraient eux-mêmes l'étoffe pour
le costume de leurs successeurs, en fixant à vingt-
cinq livres, sans plus, la somme qu'on pourrait em-
ployer à cette dépense : ainsi, dans l'espace de dix
ans, les prix des étoffes avaient à peu près augmenté
de deux tiers. D'autres ordonnances furent encore
rendues sur cette matière, même sous le régime fran-
çais, pendant l'engagement du Roussillon.
Les consuls de Perpignan ne pouvaient pas se vêtir
de deuil tout le temps que durait leur charge. S'ils
étaient sous cette lugubre livrée au moment où ils
entraient en exercice, ils devaient la quitter, et s'il
leur mourait un parent pendant l'année de leur con-
sulat, il leur était seulement permis de prendre le
deuil pendant neuf jours, dans l'intérieur de leur
maison, sans pouvoir sortir avec ce costume, si ce
n'est pour aller aux funérailles.
Les consids de Perpignan avaient anciennement
l'habitude de se faire précéder par un appariteur
portant une baguette noire , chargée des armes du roi
* Cest la commission dont nous avons donné le texte dans une note
du chapitre xn du livre précédent.
14 LIVRE TROISIÈME.
et de la ville; mais cette marque d^homieur n étant
fondée sur aucun titre authentique, le gouverneur
voulut la supprimer en i3&6. Sur la réclamation de
ces magistrats Pèdre IV leva Tempêchement , a puisque >
tel était Tusage ^ . n Plus tard ces eonsids furent précédés
par des massiers et des porteurs de veines, et ils
avaient le droit de faire porter ces insignes devant
eux, en quelque lieu que ce fût, dans toute Tétendue
de la Catalogne^. Ils avaient aussi le droit de faire des
règlements en matière civile et criminelle, d*infliger
des peines afllictives , de lever des tailles , des octrois
et subventions de toute espèce sur les habitants, et
de n^être point comptables aux officiers royaux du
produit de ces impositions^. En temps de disette, ces
eonsuls avaient le droit, par privilège spécial de
Pèdre IV, d'armer des galères et de les envoyer en
croisière sur la mer de Roussillon, pour arrêter et
forcer d'entrer dans les ports de la province tous bâ-
timents chargés de blé passant par cette mer^. Ces
faveurs y que la politique des rois d'Aragon répandait
à profusion sur Perpignan , avaient pour objet de s'at-
tacher fortement , après l'extinction du royaume de
Majorque, la population d'une ville qui rivalisait alors
d'étendue avec Barcelone, qui était des plus floris-
santes, par son commerce et ses nombreuses manu-
factures, et qu ils regardaient comme In sentinelle
I Ârrk, Dmr. — * Botdi, Tifo/t ée kom. Voy«i U note I. — * Lihrr
prem. — ^ Li6. vtnV/. maj. tî min. ^
CHAPITRE PREMIER. 15
avancée de leur empire, par sa position au delà des
Pyrénées; aussi, Martin, dans son allocution aux
corts , qu'il tint dans cette ville , le 3o septembre 1 4o6,
s'écriait-il avec raison en parlant des Catalans : « Est-il
u un peuple au monde qui jouisse d'autant de (ran-
« chises et de libertés^ ? » On compte, dans l'intervalle
de quatre siècles et demi, plus de mille chartes oc-
troyant des faveurs royales à la popidation de Per-
pignan.
Le roi Sanche avait établi que les consuls entrant
en charge ouïraient les comptes de leurs prédéces-
seurs ; mais ce moyen ne présentant pas toute la ga-
rantie désirable, Jayme II ordonna, en i33i, que
chaque année ces magistrats éliraient deux clmmres
qui, après avoir prêté serment entre les mains du
bailli , recevraient les comptes des consuls et de tous
les administrateurs et percepteurs de deniers publics.
Ces clavaires, qu'on appelait aussi en cat^an mos-
tassafs, étaient payés de leur traitement par ces mêmes
consuls, mais ne pouvaient pas le toucher avant l'au-
dition des comptes, ce qui ne remédiait guère, ce
semble, à l'inconvénient que le prince voulait prévenir.
Ces officiers ^ent chargés, l'année suivante, de la
présentation des candidats aux places de receveurs
des tailles et des quêtes, à la nomination du bailli,
qui pouvait les rejeter, s'il ne les jugeait pas propres
k remplir ces fonctions. Ces charges n'étaient confiées
' « QualjïohUesen lo mon qui sien axif ranchs defranqaesfs e liberiats?... »
16 LIVRE TROISIEME.
qu*à des personnes que leur fortune mettait en posi-
tion de pouvoir les exercer gratuitement, et, par édit
de Marie II, nul ne pouvait les refuser, sous peine
d'une amende de cinq cents florins d*or, à moins que
les raisons dont il motivait son refus ne fussent ac-
cueillies par les cinq consuls, à Tunanimité.
La ville de Perpignan changea la forme de sa police
intérieure pendant le régime des Français, à la de-
mande des consuls et du vice-roi BofBlc-de-Juge. Jus-
qu'à cette époque on avait usé de ce qu'on appelait
la forme toulousaine; Charles VIU, par lettres patentes
du 3 décembre 1 487 , autorisa l'emploi de la forme
nouvelle^ dont l'essai avait été fait avec succès pendant
six moisV
Les habitants de Perpignan , comme ceux de Cata-
logne, étaient divisés en trois classes, qu'on appelait
mains^. La composition de chacune de ces mains,
longtemps incertaine , avait été réglée, en i346, par
Pèdre IV, à l'occasion de quelques difficultés surve-
nues, relativement au mode d'élection des consuls. Il
fut statué alors que les bourgeois de Perpignan , vivant
honorablement, et les mercaiers, ou commerçants en
gros, composeraient la main majeure; que les pareurs
de drap, les écrivains et autres, exerçant une profes-
* Uh. virid. mim.
* Le chef de Téut était ia téU de la nation , les troia ordre» assistant
aux corts en étaient les bms » et les classes de la population en étaient
les mains.
CHAPITRE PREMIER. 17
sion assez honorable f seraient dans la main moyenne , et
que les cordonniers, les jardiniers et autres, exerçant
des métiers analogues, formeraient la main mineure.
Les membres de la main majeure prenaient le titre de
citoyens ou bourgeois honorés^. Chacune de ces mains
devait être représentée par quatre conseillers, à
qui appartiendrait uniquement le droit d*élire les
consuls.
La noblesse n^était pas comprise anciennement dans
la main majeure et ne comptait pas dans la population
des villes, parce que les nobles de haut parage n habi-
taient que leurs châteaux, et que les chevaliers qui
résidaient dans ces villes, se trouvant hors du for du
bailli, et sous la seule juridiction du viguier, ne pou-
vaient exercer aucune fonction municipale. Lors-
que plus tard il fîit de leur intérêt de participer à
' ADciennement le titre de cité était donné aux villes épiscopales ,
et celui de hoarg aux autres villes; de là vint la différence entre le
mot citoyen ou habitant dune cité, et houryeois ou habitant d*un
bourg. Les villages, hameaux et grandes métairies s*appelaient villa,
et comme les habitants qui s y trouvaient étaient serfs ou de très-basse
condition, le tenne de viUani, vilains, devint une qualification inju-
rieuse. Suivant Pasquier, les nobles doonèreot aux habitants des villes
Tépithète injurieuse de vilains, parce quHls y vivaient dans le repos, an
lieu de s^endurcir comme eux aux travaux de la guerre.
Soos les Romains, ces établissements ruraux «appelaient payi, et
leurs habitants, pagami. Conmie la dernière classe est toujours la der-
nière aussi à adopter les innovations , ces pagami furent obstinés à
repousser le christianisme; de là le mot paganus, païen, devint syno-
nyme dldol&tre. Comme qualifiant lliabitant des campagnes, pa5faniu
fut traduit par paysan» en catalan pages.
n. 3
18 LIVRE TROISIÈME.
l'exercice de ces fonctions, ils durent renoncera leur
titre de chevalier, afin d'entrer sous la juridiction du
bailli; ils furent enfin incorporés, avec leurs titres,
dans cette main majeure, en 1601. En sa qualité de
bourgeoisie honorée, cette main majeure jouissait,
dès auparavant , de quelques unes des prérogatives de
la noblesse ^
Dans les anciens temps les premiers consids de-
vaient être pris forcément dans la main majeure; ce-
pendant on trouve dans les archives du domaine une
lettre de don Raymond de Sagarriga, gouverneur gé-
néral de Roussillon, du 1 o juin 1 &i 1 , aux conseil-
lers de la commune, pour les engager à élire « pour
«consuls, sans crainte et sans risque d'encourir au-
«cune peine, quelque personne que ce soit, de la
«main majeure, moyenne ou mineure, qui leur pa-
« raltra le plus en état et la plus propre à remplir ces
«charges, pour le bien et dans l'intérêt de la ville et
« des habitants^. »
En vertu d'un très-ancien privilège, le cinquième
consul devait appartenir à la paroisse de Saint-
Jacques , habitée par les jardiniers et gens de métier.
* Voyez la note II.
* Quand le oorpt de la noblesse rut été admis avec ses titres dans la
main majeure , le premier consul dut être pris dans Tordre de la no-
blesse, et le second consul fut pris, une annce dans ce même ordre , et
Tannée suivante dans celui des bourgeois. Les troisième rt quatrième
consuls étaient pris dans la main moyenne, et le cinquième dans la
main mineure. ( Voyage pittorruime de Homsullon. )
CHAPITRE PREMIER. 19
Des ambitieux des autres paroisses, pour obtenir ce
consulat, abandonnaient momentanément leur do-
micile habituel, et allaient s établir sur cette paroisse
de Saint-Jacques un mois avant l'élection, et ils re-
tournaient à leur premier domicile après l'expiration
de Tannée constdaire. Pour mettre un terme à cet
abus, les consuls rendirent, le a 7 juillet 1/I91 , une
ordonnance portant que nul ne pourrait être cinquième
consid, s il n habitait sur cette paroisse, depuis un an
et un jour, avec sa femme et ses enfants, dans une
maison à lui ou à loyer. Par règlement des mêmes
magistrats, du 20 mai i585 , il fut établi que nul ne
serait pourvu du consulat, s'il ne possédait une maison
en propre ou à loyer, et s'il n'y faisait continuelle ré-
sidence ^
Le nom des citoyens susceptibles de remplir la
rhai^e de consuls était placé dans des bourses ou sacs
de cuir, d'où leur venait le surnom de citoyens insa-
culés. Pour être insaculé , il fallait que celui qui pré-
tendait à cet honneur fût approuvé, d'abord par le
gouverneur de la province, ensuite par un conseil
composé de quatre individus tirés au sort dans cha-
cune des trois mains : ce conseil portait le nom de
doazaine iinsacalation ; ceux qui en étaient membres
émettaient leur avis par la voie du scrutin, et ils
n^étaient pas tenus de donner la raison de leur e\-
ehision.
20 LIVRK TROISIEME.
Un édit (le Pèdie IV. de Tan lili-j, avait érigé les
elavaires ou mostassafs, en véritables juges de paix , en
leur conférant le pouvoir de concilier, sans avoir be-
soin de la permission du bailli, tous différends appar-
tenant à leur juridiction, simplement, et d'après les
seules règles de leur droiture et de leur bon sens.
Particulièrement attentif aux intérêts des Perpi-
gnanais, Martin pourvut à la conservation des biens
de toute espèce appartenant à la commune. Il régla
que chaque année, un mois avant la Saint-Jean,
époque de l'installation des nouveaux consuls, il se-
rait dressé un inventaire exact de tous les biens-
meubles ou immeubles, et des objets de toute nature,
existant, soit au consulat, soit au dehors, ainsi que
des livres, chartes, pragmatiques, privilèges, papiers
et lettres quelconques, de Tartillerie, fourniments,
vivres et autres objets, afin de s assurer qu'ils étaient
bien conservés. Cet inventaire devait indiquer com-
ment et pourquoi ces objets appartenaient à la com-
mune, afin d'en garder la tradition ; on devait dresser
aussi un état des sommes payées et de celles qui res-
taient encore à payer, en indiquant les parties pre-
nantes aussi bien que les raisons et motiis de la dé-
pense. 11 était réglé qu'à l'avenir nul consul ou autre
officier de la commune ne pourrait dis|>oser d'aucun
joyau, robe, harnais , victuaille, somme d'argent et de
quelque partie que ce fut des propriétés communales,
sans un mandat bien détaillé et bien circonstancié.
CHAPITRE PREMIER. 21
dont la formule était déterminée par la prévoyance
royale. La manière de tenir les écritures, les livres et
la comptabilité était réglée par la même ordonnance ,
qui n'omettait rien de ce qui pouvait assurer la longue
durée et la bonne conservation des propriétés de la
ville, et maintenir Tordre dans Tadministration, en
prévenant les dilapidations et assurant Téconomie
dans les dépenses.
Cest sous le r^ne de Martin que fut bâti un premier
hôtel de ville, remplacé ensuite par celui qui existe
aujourd'hui. Par ime pragmatique du lo décembre
I &oa ce prince permit aux consuls d'acheter quel-
ques maisons , sur l'emplacement desquelles on bâti-
rait l'hôtel de ville d'une manière plus convenable
qu'il ne l'était auparavant, et il assigna ime somme de
six cents francs pour faire cette dépense ^
Outre les consuls de la ville, qui étaient au nombre
de cinq, il y avait encore à Perpignan une autre ju^
ridiction consulaire, sous le titre de consulat de mer^ :
c'était un tribunal de commerce maritime que Jayme II
avait fondé, mais dont il n'avait pas eu le temps de
compléter l'organisation. Après le renversement du
trône de Majorque, Pèdre IV donna à ce tribunal une
plus grande extension, en achevant l'ouvrage du
prince qu'il venait d'expulser; il appliqua à cette ins-
titution l'organisation du consulat de mer des villes
* Pour les attributions des consiiis, voyez la note J.
* Voyei la 5uitc de la note I.
.y
22 LIVUE THOISIÈME.
de Barcelone et de Majorque, calquée sui' celle du
consulat de mer de Valence, type de tous les tribu-
naux de ce genre ^ Par ordonnance de Juan I, du
2 2 décembre 1 388, le consulat de mer de Perpignan
fut composé dun consul, d*un assesseur et d*un juge
d appel, tous trois à la nomination des notables de la
ville; le consul de\ait être pris parmi les citoyens de
la main majeure, et l'assesseur parmi ceux de la main
moyenne. A ia réunion du Roussillon à la France, il fut
créé un second assesseur, qui prit, comme le premier,
le titre de consul. Le lieu des séances du considat de
mer étant ti'ès-inconmiode, Martin, sur les représen-
tations des consuls, qui se plaignaient de n avoir pas
de \û^e ou maison dans l<u{uelle ils pussent siéger et
déposer leurs «écritures, leur permit de prendre, sur
le produit de rimpot établi par le roi Juan son frère ,
et qui se levait sur les marchandises importées ou
exportées par mer, impôt dont nous avons déjà parlé
sous le nom àimfHiriage, une son)me de quatre mille
florins dor d'Aragon, pour lacliat des maisons sur
remplacement dcs(|uelles ils feraient construire une
loge décente •*.
' Onloii. de IV'drc IV, dan.s \v lisn* des Statuts du consulat de iner
• I/abl)^ Xaupi se (rompe en ne jMtrtant celle somme qu*A quatre
cents florins. Le préambule de la charti* de Martin fait coniiaitrr qoellr
ftail l'importance de Perpignan, à cette e|Mkque, sous le rap|K>rl coiu»
mercial : < Nostni' civitates et villa*, inter quas dictam \illani IVr|iiuiani
• notahiliorcm et pnrri{Miam utiqur rrputamii«. m qua miTratonini
• \ipei copia , etr •• Arcli Doni
CHAPITRE PREMIER. 25
La ville de Perpignan obtint de Martin , par prag-
matique du 8 juillet 1 4oo, lautorisation de remplacer
Tancien sceau de ses armes par Técu royal d'Aragon ,
qui serait chargé d*une figure de saint Jean , patron
delà ville ^
Jusquau milieu du iv* siècle tous les enfants, sans
distinction, qui mouraient dans Perpignan, étaient
enteirés dans le cimetière général, et les parents ne
pouvaient avoir la consolation de réunir ces cendres
chéries à celles de leurs proches, dans les tombeaux
de famille. Ce ne fut qu'avec beaucoup de peine que
les consuls obtinrent enfin la suppression de ce bar-
bare usage. S'étant adressés, en 1/119, au cardinal
Alaman, légat du pape , Martin V, près le roi d'Ara-
gon, des lettres fiu^ent données par ce prélat, ])oui'
laisser aux familles la libre élection du lieu de la sé-
pulture de leurs eniants morts en âge de minorité;
mais l'autorité du légat ne fut pas jugée suffisante , et
il fallut que le pape, par un induit du 1 1 septembre,
approuvât la teneur de ces lettres, et en ordon-
nât l'exécution, sous peine des censures ecclésias-
' Lib. virid, min. A la première page du livre vert majeur des ar-
chives de la mairie de Perpignan on voit un écu carré ordinaire,
chargé de barres rouges sur champ d'or, posées obliquement de gauche
à droite. Si c'était là l'ancien é^^usson des armes de la ville, on n'aurait
fidtque redresser ces barres perpendiculairement, et alors l'écu, au
lieu d'être carré, serait devenu losange, comme il existe depuis Martin.
Au milieu de cet écu on ajouta une figure de saint Jean. Ce volume
<late du règne de Juan I.
2/1 LIVRE TROISIÈME.
tiques^ Le roi d*Âragon, obligé d'intervenir lui-même ,
pour vaincre toutes les résistances , manda à ses officiers
de détruire par la force tous les obstacles, chaque fois
quils en seraient requis^. Nous ignorons quelles rai-
sons pouvaient porter le clergé de Perpignan à oppo-
ser, à une réclamation aussi juste de la part des pa-
rents , une résistance si opiniâtre.
La vente du pain, du vin et autres comestibles n té-
tait pas permise aux hôteliers, à Tégarddes étrangers
et des voyageurs qui prenaient gite dans leurs hôtels,
en Roussillon comme dans toute la Catalogne. Sur
une plainte des consuls et notables du Boulou , Martin
rendit, le ao novembre i 4oi , une pragmatique por-
tant expresses défenses, « pour le bien général de toute
«la communauté, » à tout hôtelier de rien vendre de
semblable aux passants et aux voyageurs^. Une or-
donnance du bailli de Perpignan, du 3o octohn?
1 4 1 8, fit une défense toute pareille aux hôtehers de
cette ville ^.
Chaque loccditc, dans toute fétendue du royaume
d'Aragon, était tenue de payer, à chaque changement
de règne, un droit de joyeux avènement, ou impôt de
couronnement. La levée de cet impôt, éprouvant des
difficultés à Perpif^nan, à l'avènement de Martin à la
couronne, et dessaisies avant été ordonnées contre
les retardataires par le ^ouveriH'ur. qui répondait de
toutes ces sommes, sous une peine de mille fforins
' iVcuxo, n' I. — ' Ibidem. — • l*rcu\rs, n II — • Lil"i provis
CHAPITRE PREMIER. 25
d'or, ce prince, pai' lettres patentes du i" octobre
iSgg, défendit de contraindre qui que ce fut à ce
payement dans cette ville, et fit restituer les saisies
à ceux à qui on en avait fait^ Une quittance du pro-
cureur royal et féodal du roi d* Aragon , du a i no-
vembre lU^à, nous fait connaître la taxation de cet
impôt, qui était d*un florin d*or par chaque feu^.
Sous le rapport de l'industrie, Perpignan eut beau-
coup plus d'importance autrefois qu'il n en a depuis
quatre siècles. Les guerres longues et malheureuses
dans lesquelles cette ville fut sans cesse compromise
lui firent perdre peu à peu les nombreuses manu-
iactures de drap qui faisaient son principal com-
merce. Déjà, en i33i , le nombre de ces manufac-
tures était considérablement diminué. Les tisseurs de
drap, dont Sanche avait fixé la résidence au Puig-
Saint-Jacques , firent solliciter par les consuls l'auto-
risation de s'établir dans l'intérieur de la ville , dont
cette hauteur, bien que comprise dans la nouvelle
enceinte des murailles, n'était point encore supposée
faire partie. Dans leur requête au roi, ces magistrats
disaient que le bon métier de fabricant de draps étant
très-diminué, ils pensaient que si les ateliers étaient
' Uh. ririd. min.
^ Quindecîm florenos ami de Aragonia dicto domino régi debitos,
rt per vos eidem solvere contingenter* dictanim coronationum prar-
teitu, pro quindecîm focliis ad quo5 dictu5 locus ( de capitestagno )
est taiato». Arch. ecdes.
26 LIVRE TROISIEME,
transportés au centre de la ville , cette industrie pour-
rait reprendre un nouveau degré d'activité. Jayrae IL
qui se trouvait alors à Majorque, chargea son lieute-
nant général d'examiner, avec les consuls et les ma-
nu&cturiers, lutilité de cette proposition, et de lui
transmettre ensuite son avis, avec les résultats de Ten-
quête : Tavis ne fut pas favorable au déplacement.
CHAPITRE DEUXIEME. 27
CHAPITRE IL
Schisme. — Mort de Martin. — G)ngrès d^Alcaûiz. — Fer-
nand I. — G)ncile de Perpignan. — L*empereur Sigismond.
— Office de la députation. — Alphonse V et Marie II. — Cap-
tivité d'Alphonse. — Sa liberté.
Le pape Grégoire XI, Français de nation, avait dû Mtriio.
quitter Avignon en iSyS, pour reporter à Rome le
saint siège , et mettre un terme aux désordres que cet
éloignemcnt des souverains pontifes causait en Italie.
Peu de temps après son retour dans cette ville , Gré-
goire mourut, et la populace de Rome, se portant en
tumulte sous les fenêtres du conclave, menaça les car*
dinaux de tonte sa fureur s'ils ne lui donnaient pas un
pontife italien. Cédant à cet orage, le conclave élut
rarchevéque de Bari, qui prit le nom d'Urbain VI.
Mais le caractère impétueux de ce nouveau pape alié-
nant bientôt de lui le collège qui l'avait nommé, on
prétexta de la violence qui avait influé sm' cette élec-
tion , pom* la déclarer mdle. Un second conclave tenu
à Avignon, en octobre de la même année, éleva au
trône pontifical un autre pape, cpii fut Clément VII.
Urbain n ayant pas voulu déposer la tiare, le schisme
commença l'année même de la double élection , et il
y eut un pape à Rome et un h Avignon. A Urbain
28 LIVKE TROISIÈME,
succédèrent Boniface JX, Innocent Vil et Grégoire XII ;
à Clément, mort en licjlx, avait succédé le beau-frère
de Martin, ce Pierre de Luna, qui prit le nom de Be-
noît XIII, et qui, en quatorze jours, avait été ordonné
prêtre, consacré évêque et couronné pontife*.
Pour faire cesser le schisme et ramener Tunité dan»
le chef de l'église, les différentes cours chrétiennes
avaient négocié avec les deux papes une renonciation
réciproque à leur dignité , afin qu un troisième , élu
à la place des deux , pût réunir les suffrages de tous.
Les pontifes avaient d abord adhéré Tun et f autre à
cet accord; mais, au moment dcTexécuter, Benoit, re-
gardant la perte de son autorité comme un sacrifice
au-dessus de ses forces, se rétracta.
Un prince, que ses heureuses qualités auraient fait
placer peut-être au nombre des meilleurs rois qu'ait
eus la France , mais dont la vie , s'écoidant au con-
traire sous rinfluence d une maladie terrible, fut la
source de longues et innombrables calamités, ré-
gnait alors. Charies VI , irrité du manque de foi du
pontife, lui avait supprimé tous les subsides de Té-
glise de France et s'était retiré de son obédience, et,
Benoit , assiégé dans son propre palais par le peuple
d'Avignon émeute contre lui , avait été contraint de
sortir déguisé, et de se sauver en Catalogne. Le con-
seil du roi, flottant sans cesse entre les passions di-
\(TS(*s qui fii^ilaient . a\;iit |>orte l'automate cou-
' Art Jr vrnfirr lf$ datrt. lomr I
CHAPITRE DEUXIÈME. 29
ronné à reprendre robédience, en i4o3; une autre
faction dominant bientôt ce conseil, de nouveaux
différends s élevèrent, et Benoît, revenu à Avignon,
crut imposer à la France, en usant des ressources
extrêmes de Texconmiunication.
Pendant que i université de Paris faisait justice de
cet anathème en le lacérant, le maréchal de Bouci-
caut , qui se trouvait en Provence , tentait de se saisir
de la personne de Benoit, dont la résidence était dé-
fendue par la garde aragonnaise , qu*il y avait amenée
pour sa sûreté. Benoît, s échappant de nouveau, vint
débarquer à Port-Vendre, le 2 juillet 1 4o8, et passa ,408.
immédiatement à Gollioure , attendant dans cette ville
la réponse au message qu il avait envoyé au roi d'A-
ragon, son beau-frère. Martin lui ayant assigné pour
résidence la ville de Perpignan , Benoit s'y rendit le
1 & du même mois.
La mort du fils unique du roi Martin, survenue en 1&09.
Sicile, le a 5 juillet i^og, réveilla, à cette époque,
l'ambition de tous les princes qui croyaient avoir quel-
ques droits à la royale succession, et prépara de nou-
veaux désastres à l' Aragon. Le premier qui se mit sur
les rangs fîit le comte d'Urgel, Jacques, petit-fils
d'Alphonse IV; vinrent ensuite le duc d'Anjou, époux
d'Yolande, fille de Juan I; l'infant don Ferdinand,
second fils du roi de Castille , et neveu de Martin par
sa mère ; Alphonse , duc de Gandie , et son firère , le
comte de Prades , petits-fils de don Pèdre , oncle de
50 LIVRE TROISIÈME.
Pèdre IV : ceux-ci réclamant le bénéfice de la substi-
tution ordonnée par ce dernier roi en faveur de se«
neveux et petits-neveux, à défaut d'héritiers directs
dans la ligne régnante, et à l'exclusion des femmes.
Martin avait perdu, le 39 décembre 1&06, sa
femme , la reine Marie. Pressé de se remarier, après
la mort de finfant don Martin , par ses conseillers, qui
redoutaient pour le pays le conflit de tant d'ambitions
rivales, il s'en était longtemps défendu sur ses infir-
mités, qui le rendaient peu propre à un nouvel
hymen; mais, vaincu enfin par leurs instances, U ne
fit que hâter par là le terme de ses jours.
Dans l'impossibilité d'avoir des héritiers directs, le
roi d'Aragon aurait désiré de faire arriver la couronne
sur la tête de l'infant Frédéric, l'ainé de deux enfants
naturels qu'avait laissés son fils, et sur qui s'était re-
portée toute sa tendresse ; mais un projet de cette
nature devait nécessairement rencontrer d'insurmon-
tables oppositions, dans un moment où les procureurs
des divers prétendants, issus dun lignage légitime,
s'efforçaient aupr^s de lui de faire prévaloir les droits
ou les titres de leurs commettants. Cependant, dans
la vue de faire naître quelque chance favorable à son
idée favorite , au milieu du choc de tant de diiférentes
prétentions, et afin d'éparj^ner à ses sujets les maux
que ne pouvaient man(|uer d'attirer sur eux après sa
mort ces prétentions, appuyées chacune par un parti
plus ou moins puissant , il se décida à faire examiner
CHAPITRE DEUXIEME. 31
les titres des différents compétiteurs, dans une assem-
blée de jurisconsultes. Les suf&agesde cette assemblée
ayant été favorables au comte d'Ui^el, Martin dut
accorder à ce prince le titre d^administrateur général
du royaume, qui appartenait à Théritier présomptif
de la couronne. Mais ni le cœur du roi ni celui des
peuples n étaient pour Jacques; les corps de Tétat
s*élevèrent contre lui, et le justicia sortit de Sara-
gosse pour ne pas admettre son serment, formalité
indispensable pour l'exercice de sa prérogative.
Martin mourut le 3i mai i&io, à ïàee de cin- '^*'''
quante-deux ans. Sollicité de déclarer, avant de mou*
rir, à qui il laissait la couronne, sa seule réponse fut :
« A quiy a droit. » On a dit, et avec raison , que ce refus
de désigner son successeur n'avait pas répondu au
reste de sa vie, tout employée au bonheur de son
peuple, et que son silence plongeait l'Aragon dans
toutes les horreurs de Tanarchie qu'il avait d'abord
voulu lui éviter ; cependant cette détermination n'était
pas sans excuses. Martin savait très-bien que les pré-
tentions des princes qui se disputaient son héritage
ne s'éteindraient pas devant le choix qu'il ferait de
l'un d'eux. La tendresse qu'il avait pour son petit-fils
l'empêchant aussi de désigner tout autre que lui pour
lui succéder, il était trop assuré que ni le comte d'Or-
gel, ni les petits-neveux de don Pèdre ne laisseraient
pas arriver sans une violente opposition la couronne
sur la tète d'un prince que sa naissance frappait d'illé-
52 LIVRE TROISIÈME,
gitimitc. Prévoyant donr que» quel que fût le vœu
qu'il exprimerait, des déchirements politiques étaient
inévitables après sa mort , il crut ne devoir favoriser
aucun des prétendants légitimes, de son propre suf-
frage , afin de no pas donner entièrement Texclusion à
celui que son cœur aurait choisi.
Martin avait à peine les yeux fermés, que déjà
cbacim s agitait dans le royaume pour faire triompher
le prince qu il désirait de voir sur le pavois. Le comte
d*Urgel, mettant plus de confiance dans la force des
armes que dans celle de son droit, entra à main ar-
mée dans TAragon, qu'il avait déjà ensanglanté du
vivant de Martin , et qu'il ménag a encore moins alors.
Les corts , qui devaient décider cette grande question ,
s'étaient réunies à Calatayud. Après de longues con-
férences et d'orageuses discussions, il fut convenu
qu'un certain nombre de commissaires des trois pro-
vinces d'Aragon, Catalogne et Valence, réunis en
congrès à Alcaniz, trancheraient la difficulté en éU
>A<<- sant eux-mêmes le futur roi. Les députés de Perpi-
gnan, à cette assemblée, furent Pierre de Grimau et
JeandeRivesaltes, citoyens de la main majeiu^e. Cette
résolution des corts, qui se débarrassaient sur une
autre assemblée de ce qu elles ne pouvaient ou ne
voulaient pas terminer elles-mêmes , ne fit qu'ajouter
aux maux du pays, en donnant un nouvel essor aux
factions et jetant d'autres gennes de division entre les
citoyens. Alors la guerre civile vint tout compliquer,
CHAPITRE DEUXIEME. 33
et multiplier les désastres déjà produits par les bandes
armées du comte d'Ui^d : le pays fut couvert de sang
et d'incendies. L'archevêtjue de Saragosse, Tun des
plus chauds meneurs de la faction Urrea , périt de la
main d'Antoine de Luna , chef de la faction opposée ,
et qui tenait poiu* le comte d'Ui^el.
L'in£mt de Castille, dont les prétentions avaient
l'avantage d'être appuyées par tout ce qui ne tenait
pas aux deux maisons qui avaient pris le rôle princi-
pal dans la guerre civile , prétentions qui se trouvaient
ainsi soutenues par le plus grand nombre, si elles n'é-
taient pas les mieux fondées , avait fait entrer en Ara-
gon quinze cents lances pour combattre Antoine de
Luna, en prenant pour prétexte l'assassinat de l'ar-
chevêque de Saragosse. L'arrivée de ces forces fa-
vorisa la réunion du congrès d'Alcaniz, qu'avaient
empêchée jusque-là les déchirements des partis.
Il en fiit de ce congrès comme des corts. Trop nom- ui»
breux pour pouvoir s'entendre, ceux qui le compo-
saient convinrent enfin de confier la solution de cet
important problème à neuf juges , pris parmi les prélats
et les grands seigneurs du royaume. Ces neuf juges,
dont la création avait été décidée par le congrès , sur
la proposition d'une commission de quatorze mem-
bres, devaient se réunir à Caspé, et terminer leur
travail dans l'espace de deux mois, s'il était possible,
mais avec la faculté de pouvoir cependant prolonger
leur session de deux mois de plus, s'il en était besoin.
11. 3
34 LIVRE TROISIÈME.
Leur choix devait porter sur Tun des candidats inscrits
sur une liste dressée par cette même commission ; ces
candidats étaient :
Le fiis aine du duc d* Anjou, roi do Naples, et
d'Yolande d'Aragon ;
Linfant don Fernand de Castille;
Don Alonze , duc de Gandie ;
Don Frédéric d'Aragon;
Don Jacques, comte d'Urgel.
Quant à la nomination de ces neuf juges, la con-
fiance générale que s'étaient acquise don Gil Ruiz de
Lihori, gouverneur d'Aragon, et Jean Ximenes Cer-
dan, justicia du royaume, la leur fit déférer unanime-
ment , et leur choix ne trouva en effet aucun contra-
dicteur. Ces juges furent, pour la province d'Aragon,
Domingo Ram, évêque de Huesca, François d'Aranda
et Bérenger de Bardaxi ; pour la province de Catalogne,
Pierre de Sagarriga, archevêque de Tarragone, Guil-
laume de Valseca et Bernard de Gualbes; pour la
province de Valence, Boniface Ferrer, Vincent Ferrer,
canonisé après sa mort, et Gines Rabaça. Ce dernier
ne prit point part à l'élrction : soit que, pour s'abs-
tenir d'émettre son avis dans une question aussi graye,
il en eût pris le prétexte, soit que véritablement son
âge avancé eût fait chanceler sa raison devant la gravité
même de la question, il fut réclamé par son gendre
comme frappé subitement d'aliénation d'esprit'. Les
* Mariana, Ferreras, Zurita.
Fanund I.
CHAPITRE DEUXIEME. 55
huit autres juges, après avoir ouï les plaidoiries des
avocats de chacun des prétendants et débattu leurs
titres respectifs, se réunirent enfin en faveur de
rinfant de Castille, qui fut aussitôt proclamé roi
d'Aragon. Benoit XIII, qui se trouvait alors à Caspé,
et dont la faveur couvrait don Femand, ne con-
tribua pas peu à influer sur ce choix. Ce fut le
a 8 juin que, par cette décision des juges souverains,
cessa rinterrègne qui pendant deux ans avait fait peser
tant de maux sur le royaume d'Aragon.
Au milieu des vives et sang^tes discussions qui ui>
venaient d'avoir lieu durant ce temps d'anarchie, le
roi de France, qui s'intéressait pour Yolande, et qui
craignait l'influence des forces castillanes que don
Femand venait de faire entrer en Aragon, avait fait
demander leur renvoi par le duc de Vendôme, son
ambassadeur près du congrès d'Alcaniz; mais il oflSrait
en même temps le secours des lances firançaises, ce
qui n'aurait fait que changer la nature de l'influence
armée. Avant même de savoir si cette proposition
serait acceptée , le maréchal de Boucicaut s'était rap-
proché de la frontière , à la tête d'un certain nombre
de lances, et la reine de Napies, Yolande, avait
envoyé de Tarascon, où elle se trouvait, ime réquisi-
tion à Raymond de Sagarriga, gouverneur de Rous-
sillon , pour qu'il eût à traiter les Français en amis et
leur livrer passage à travers son gouvernement. Sagar-
riga, ne pouvant déférer à une sommation émanée
3.
36 LIVRE TROISIÈME.
d*une main sans titre pour la signer, avait transmis
cet écrit à Barcelone, et, en réponse, le vicomte de
Perellos, capitaine général de Perpignan, avait reçu
Toixlre de repousser par la force toute tentative du
maréchal.
Boucicaut renouvela, au mois de juin, la demande
d'être admis en Aragon, pour appuyer la récusation
faite par le roi de France et la reine Yolande de quatre
des neuf juges, et il somma le même gouverneur, au
nom de ces deux personnages et en celui des ducs de
Guyenne et de Boui^ogne , et de quelques autres mem-
bres de la maison royale de France, de lui donner
passage, à lui et à ses gens ^ Des hostilités auraient
probablement suivi un nouveau refus, si la con-
naissance de l'élection de Tinfant de Castille n'était
venue anéantir toutes les prétentions collatérales.
Boucicaut se retira, et Charles VI se trouva très-
heureux que le nouveau roi d'Aragon renouvelât
avec lui l'ancien traité d'alliance qui existait entre
les deux couronnes. En effet , don Femand était pressé
par le roi d'Angleterre de s'unir avec lui contre la
France.
Le caractère d'un prince , ses vertus , ses vices ou
ses défauts n'entrent guère dans la balance où se pèsent
le bonheur des peuples ou les destinées des nations.
Si ces considérations, d'une si mince valeur dans les
calculs de la politique, mais d'un si haut intérêt pour
CHAPITRE DEUXIÈME.
1 amélioration du sort des gouvernés, avaient dû in-
fluer en quelque chose sur le choix à faire pour
remplir le trône d'Aragon, assurément aucun des pré-
tendants qui s'en disputaient la possession n'y aurait
eu plus de droits que cet infant de Gastille, sur qui
porta le suflrage des juges souverains réunis à Caspé.
Ce prince , dont le nom ne peut se séparer du sur-
nom de Juste, que la flatterie contemporaine ne don-
nait pas alors aux rois, de leur vivant, était, de tous
ses concurrents, le plus digne de porter la couronne :
malheureusement son règne fut trop cotut.
Le Roussillon et la Cerdagne, attirant la sollicitude
du nouveau roi dès son avènement au trône, durent à
ce prince une ordonnance qui montre à quels abus ces
deux comtés ne cessaient d'être en proie. L'indigent
qui n'avait pas de quoi payer aux scribes, aux chan-
celiers et aux huissiers des cours, ou aux geôliers et
aux concierges des prisons, les émoluments ou les
exactions qu'ils en exigeaient, se présentait vainement
pour réclamer la protection de la loi, il ne pouvait
arriver jusqu'au sanctuaire de la justice, ou bien on le
retenait iiidûment en prison, après l'expiration du
terme de sa peine. Informé de ces désordres, Femand
défendit de rien exiger des pauvres vrais et non feints ,
ou de les laisser en prison au delà du temps prescrit par
leur condanmation, et il modéra à quatre deniers le
prix des citations qu'on leur faisait payer le doublet
* Arch. Dom.
38 LIVRE TROISIÈME.
Ce prince renouvela les ordonnances de Jayine II et
d*Âlphon$e IV contre les jeux de hasard, qui étaient
une des plaies du Roussiiion; il éleva à cinq cents
sous lamcnde que Jayme avait fixée k dix livres
contre le joueur, et changea en un mois de prison les
coups de fouet que i ancienne ordonnance infligeait
à ceux qui n'étaient pas solvables. Femand voulut de
plus que toute personne tenant un office du gouver-
nement, qui tolérerait ces jeux ou les tiendrait dans
sa propre maison, (di exilée pour trois ans, après
avoir préalablement payé cinquante livres au trésor
royal*.
uic. Le vertueux don Femand mourut des tourments
de la pierre , k Tâge de trente-sept ans , le i avril i & 1 6,
à Igualada , où il avait été forcé de s'arrêter en allant
en Castille pour engager le roi de ce pays à renoncer
à Tobédience de Benoit XIII.
Ce pseudo-pontife, à qui Martin, comme on Ta
vu, avait assigné pour résidence le chflteau de Per
pignan, avait convoqué dans cette ville, pour le jour
de la Toussaint, i/io8, un concile dont l'ouverture
fut retardée jusqu'au ua novembre. L'objet de cette
assemblée, qui se tint dans l'église de la Real, et à
laquelle assistèrent cent vingt prélats, tant espagnols
que français et savoyards, ainsi que le roi de Navarre,
était de chercher les moyens de rendre la paix k
l'église.
> Omstit. de Cota/
CHAPITRE DEUXIEME. 39
Deux conciles se trouvaient réunis dans le même
temps : celui de Benoit XIII à Perpignan , celui du
pontife de Rome à Pise. Le concile de Perpignan pro-
posa à son chef spirituel d'envoyer des députés à
lautre concile, pour convenir avec les prélats qui le
composaient d'un lieu où les deux assemblées pussent
se fondre en une seule , afin de travailler en commun
à ce qui faisait lobjet des vœux de tous; mais Benoit,
qui ne voulait la paix de l'église que tout autant qu*il
conserverait la tiare , refusa de prêter les mains à cet
arrangement. Sa détermination , si contraire aux vœux
des membres du concile , jetant la confusion dans cette
assemblée , elle se sépara sans rien arrêter ; presque
tous les prélats se retirèrent , et il n'en resta guère plus
de vingt auprès du pape de Perpignan. Le 7 du mois
de mars de l'année suivante, 1A09, Benoit ayant
réuni de nouveau dans la chapelle du château royal ,
qui était son palais, les vingt-deux évêques restés
fidèles à sa cause , et leur résolution se trouvant encore
la même que celle de l'assemblée générale , ce pontife
consentit à ce que sept d'entre eux se rendissent k
Pise, pour reconnaitre les conditions auxquelles on
voulait mettre la cessation du schisme. Ces conditions
ne pouvaient être du goût de l'ambitieux vieillard :
l'un et l'autre pontife devait renoncer à sa dignité,
pour que l'élection d'un troisième pût réunir toutes
les consciences et éteindre tous les dissentiments. Le
pape de Rome, Grégoire XII, qui n'avait été élu qu'à
tiO LIVRE TROISIEME.
celte condition , n^hésita pas à remplir sa promesse ;
mais celui de Perpignan voulait absolument régner :
le schisme continua.
Benoit avait beaucoup fait pour le roi don Femand ,
qui lui devait , en quelque manière , le trône d* Aragon.
Lié par la reconnaissance aux intérêts de ce pontife ,
ce roi assurait à Benoit lappui de toute sa puissance.
Pour réduire le pontife, il fallait donc commencer
par détacher de lui le monarque : c*est ce que sentait
bien Tempereur Sigismond , et ce qu'il se mit en de-
voir d*exécuter. Une entrevue demandée par ce prince
au roi d*Aragon devait avoir lieu à Nice, au mob de
juin 1 & 1 5 ; mais Femand ne pouvant faire alors un si
long voyage à cause des douleurs violentes que sa
maladie lui causait, Sigismond consentit à se rendre
lui-même à Perpignan, le mois suivant. La même
cause retenant encore le roi d* Aragon , à cette époque,
ce ne fut qu au mois d*août qu'il put enfin se mettre
en route : il débarqua à CoUioure le 3 1 , et le même
jour il vint à Perpignan , où il logea chez un habitant «
nommé Bernard de Villacorba : Benoit lavait devancé
dans cette ville.
Sigismond, arrivé à Narbonne, avait envoyé des
ambassadeurs à Benoit, pour lui exposer Tobjet de sa
visite; et, sur la promesse que fit ce pontife de se
rendre aux vœux de Tempereur, celui-ci avait pris la
route de Perpignan. Ce prince fit son entrée dans cette
ville, le 1 9 du mois de septembre, et il fiit reçu avec
CHAPITRE DEUXIEME. 41
toute la magnificence et les fêtes qu*on pouvait ima-
giner dans ce temps-là.
Benoit avait promis ce qu'il était au-dessus de ses
forces d'exécuter. Toutes les raisons de l'empereur ne
pouvant rien sur son esprit, et les pressantes instances
de ce prince lui paraissant même une obsession im-
portune, il chercha à s'échapper furtivement du Rous-
siilon. Femand était alors si souf&ant , qu'il ne pouvait
pas même signer ses dépêches ; informé pourtant des
tentatives de Benoit, il fit défendre à ses galères et
aux capitaines des ports de laisser sortir aucun navire
sans sa permission.
Le mois de novembre était déjà conunencé, et Si-
gismond voyait qu'il perdait son temps auprès d'un
vieillard obstiné : il commanda son départ pour le 7 .
Sur ces entrefaites, arriva à Perpignan Jean de
Grailli , comte de Foix , qui tenait aussi l'obédience de
Benoit. Jean ne put être admis dans le monastère
qu'on avait donné pour logement à l'empereur, parce
que ce prince était dans les embarras du déménage-
ment ; mais Sigismond alla le voir lui-même, armé de
pied en cap et à la tête de toute sa cour, et, à la suite
de cette visite, il partit sans prendre congé du roi
d* Aragon , contre qui il était piqué , parce que ce mo-
narque n'avait pas mis, selon lui, toute l'ardeur pos-
sible à le seconder. Fernand , en apprenant ce départ
précipité , fit courir quelques chevaliers sur les traces
de l'empereur, pour l'inviter à s'an'êter à Salses, pre-
h2 LIVRE TROISIEME,
nant rengagement de redoubler d'efforts pour amener
Benoit k abdiquer sa puissance , à défaut de quoi il
renoncerait lui-même à son obédience. Sigismond
consentit à passer encore quelque temps à Narbonne.
Femand tint parole , et Benoit , pour se débarrasser
de ses poursuites, quitta Perpignan le i& du même
mois , faisant dire au roi d*Aragon quil s*en allait à
Collioure, et qu'il pouvait ordonner de lui tout ce qu*il
lui plairait. Femand, quitte alors envers Tobstiné
vieillard de tout ce qu'il avait fait dans son intérêt,
cessa de le reconnaître pour chef de l'église , et se mit
en route pour Igualada , où il mourut.
L'acte de cessation d'obédience se fit avec beau-
coup de solennité, à Perpignan, le 6 janvier 1&16,
ainsi que l'avait prescrit Femand par son ordonnance
du 3 4 décencibre précédent. Bientôt Benoit, déclaré
schismatique et hérétique par le concile de Constance ,
et encourant alors le titre d'anti-pape , se retira k Pe-
niscola , où il mourut dans son obstination , en '1 &2 &.
Pendant son séjour k Perpignan, Femand re^t
deux ambassadeurs du roi d'Angleterre , qui , sous la
mission apparente d'interposer les bons offices de ce
prince en faveur du rétablissement de la paix de Té-
glise , étaient chargés de demander pour Henri V la
main de l'infante Marie , fille aînée du roi d'Aragon.
L alliance du roi d'Angleterre flattait Femand, mais
sa fille était promise au roi de Castille : il laissa k cette
princesse la liberté de choisir elle-même entre les
CHAPITRE DEUXIÈME. 43
deux prétendants couronnés. Dans le cas oii Marie
aurait donné la préférence au roi d'Angleterre, Fer-
nand aurait fait en sorte de faire accepter au roi de
CastiUe la main d*Eléonore, la seconde de ses fdles;
mais Marie ne balança pas : se regardant comme en-
gagée au roi de Castille , elle se déclara pour lui.
C'est sous le règne de Femand, ou Ferdinand I,
qu*eut lieu, en Catalogne , l'institution de l'office de la
dépatation.
Comme les autres provinces du royaume , la Cata-
Ic^ne avait ses corts, composées des trois ordres, qui;
dans toute l'Espagne, sont désignés sous le nom de
bras. Les prélats et les abbés formaient le bras ecclé-
siastique, les nobles et chevaliers formaient le bras
militaire, et les députés des villes dont le roi était
seigneur, formaient le bras royal. Ces corts ne pou-
vaient se tenir que sous la présidence du roi, et, par
constitution de don Pèdre II , le roi devait , autant que
possible, les tenir une fois l'an. EUes pouvaient être
convoquées dans quelque ville que ce fût, pourvu que
la popijdation s'en élevât au moins à deux cents feux ,
et Perpignan les avait vues plusieurs fois se féunir
dans ses murs. Les opérations de ces assemblées
étaient publiées dans l'église principale de la ville où
elles s'étalent tenues , immédiatement après la clôture
de leur session. Les coi^ts de Catalogne voulant avoir
un syndicat qui, en leur absence, pût s'occuper des
affaires appartenant à leurs attributions, et exercer
44 LIVRE TROISIÈME.
pendant ce temps lautorité dont elles étaient inves-
ties elles-mêmes, arrêtèrent, en i4i3, qu*il serait
nommé trois procureurs généraux , pris un dans chaque
bras, et dont les fonctions seraient triennales; ces
trois procureurs généraux, qui portaient le nom
de députés, devaient résider à Barcelone et rece-
voir chacun le même traitement. Telle fut Torigine
de cet office de la députation, que nous verrons
jouer un rôle important dans les affaires de la pro-
vince.
AipiMDM V. Alphonse V, fils aîné de Fernand J , succéda à son
père. Ce prince illustra son règne par de vastes con-
naissances qui lui firent donner le surnom de Savant \
et par des expéditions belliqueuses qui lui acquirent
celui de Magnanime. Sa maxime était qu*un prince
ignorant n*est guère au-dessus d'un âne couronné.
Alphonse consuma sa vie presque entière dans les
longues guerres qu'il fit en Italie pour conquérir la
couronne de Naples , pierre d*achoppement des mai-
sons royales de France et d'Aragon » pendant les xii ,
XJH, XIV» XV et XVI* siècles; mais son royaume ne souf-
frit pas de son éloignement : Alphonse était bien sup-
pléé par la reine, sa femme, Marie II, fille d'Henri,
roi de Castille, princesse douée de toutes les qualités
qui font un bon monarque, et dont elle eut plus d'une
fois loccasion de donner des preuves, durant les
quina^ années qu'elle administra le royaume.
' Le mot sabio, «igniGc f galfmfnt Mge et savant.
CHAPITRE DEyXIÈME. 45
.\lphonse ne quitta TAragon qu'en i /I20, époque à i^'o.
laquelle la reine de Naples, Jeanne II , Tappela auprès
d elle. C est alors qu il institua la reine Marie son
lieutenant général, pour gouverner ses états en son
absence et en celle des deux infants, ses frères, qui
partaient avec lui.
La couronne de Naples allait mal à la tête des
femmes. On sait de quelles calamités (ut accompagné
pour ce pays le règne de Jeanne I; celui de Jeanne II
ne lui fut pas moins funeste.
Cette princesse, dont le second époux, Jacques de
Bourbon, abreuvé par elle de dégoûts, venait de se
retirer en France, où il prit Thabit monastique de
saint François, se voyant attaquée par Louis III d'An-
jou, son compétiteur au trône, et, comme sa devan-
cière, cherchant partout un appui, avait adopté et
désigné pour son héritier, Alphonse, roi d'Aragon et
de Sicile, qui s'était empressé de lui envoyer des se-
cours. S'embarquant ensuite lui-même à Barcelone ,
ce prince avait tenté, mais vainement, d'enlever, en
passant, l'île de Corse aux Génois, et il était descendu
dans les états de Naples , où il avait obtenu quelque
succès dans les années 1 /il 1 et 1 6^2. Mais ces sucx^ès
mêmes , causant de l'inquiétude à l'ombrageuse reine ,
que dirigeait Caracioli, son grand sénéchal, elle en-
tra en arrangement avec Louis d'Anjou , pour l'op-
poser au monarque qu'elle avait appelé. Une vive
mésintelligence devait suivre une conduite si offen-
k6 LIVRE TROISIÈME.
sanie pour TAragonnais, et mener inévitablement à des
hostilités. Jeanne, assiégée dans le château de Ca-
poue, fut délivrée par François Sforce , et, cédant aux
sollicitations de Tintngant Caracioli, elle révoqua l'a-
doption d'Alphonse, à qui elle substitua ce même
Louis d* Anjou, contre qui elle Tavait appelé.
La guerre entre Alphonse et Jeanne dura jusqu'en
1 433. A cette époque, le roi d* Aragon se réconciliant
avec cette princesse, elle annula, par lettres secrètes
du Ix avril , Tadoption de Louis , et rétablit Alphonse
dans les droits qu elle lui avait donnés. Mais Tincotis-
tance, qui faisait le fond du caractère de cette reine,
ne tardant pas à la faire changer encore de sentiments,
elle rappela une seconde fois le duc d*Anjou, qui
mourut bientôt après. Jeanne succomba elle-même,
le 2 février 1 43&, laissant définitivement son sceptre
et ses états à René d* Anjou, surnommé le Bon, finère
de Louis.
ii3 \. Alphonse , ballotté par la reine de Naples qui venait
enfm de le priver de sa succession , avait un fort parti
dans le royaume , qui avait toujours repoussé la do-
mination française. Invité à revenir tenter la fcHtune,
il débarqua près de Gaète , dont il entreprit le si^.
C*est sous cette place qu*il eut occasion de ùiït
éclater toute la beauté de son àme. Le gouverneur en
avait expulsé toutes les bouches inutiles; Alphonse
les recueillit dans son camp, disant qu'il n'était pas
venu faire la guerre aux femmes et aux enfants, mais
CHAPITRE DEUXIÈME. kl
à des gens capables de se défendre , mettant ainsi en
action sa devise, pro lege et grege; et comme on le
blâmait de cette générosité qui pouvait tourner k son
désavantage: uj^aimerais mieux, s'écria-t-il , n'avoir
«jamais la ville, que de Tacquérir au prix de la vie de
u tant de malheureux! »
Une conduite aussi noble n*eut pas la récompense
qu elle méritait. Â l'apparition d'une flotte génoise ,
qui venait au secours de la place, Alphonse voulut
aller la combattre, et il conunit une grande faute. Les
Génois étaient tous marins , et les Aragonnais étaient si
étrangers à la navigation , qu'ils avaient de la peine k
se tenir debout , dans les mouvements des navires ;
aussi les premiers n'eurent k cueillir qu'une palme
facile. Malgré des prodiges de valeur personnelle,
i\lphonse, dont la galère était entourée de vaisseaux
ennemis, et qui avait manqué d'être tué, d'abord par
la chute d'une antenne , dont l'amiral génois , Spinola ,
avait fait couper les drisses, et qui , en tombant, avait
écrasé plusieurs personnes autour de lui, ensuite par
le vent d'un boulet de canon qui l'avait renversé sans
l'atteindre ; Alphonse , apprenant que sa galère , percée
i jour et faisant eau de toute part, était près de s'enfon*
cer, rendit son épée à Jacques Justiniani, gouverneur
de Scio, qui se trouvait k bord de l'amiral génois. Ce
combat mémorable se donna le 5 du mois d'août.
Avec Alphonse furent faits prisonniers les infants
don Juan et don Henri, ses frères, le prince de Ta-
lAS.S.
kS LIVRE TROISIÈME.
rente, le duc de Sessa et une foule d'autres per-
sonnes de la première distinction.
Le roi captif avait été conduit auprès du duc de
Milan : il n'eut pas de peine à persuader à ce prince
que des efforts pour soutenir un roi français sur le
tronc de Naples étaient de sa part un acte impolitique
qui devait tôt ou tard occasionner sa ruine. Les Fran-
çais , ime fois établis au fond de Tltalie , ne pouvaient
manquer de vouloir en dominer le reste , et , placé le
plus près d*eux, ce serait lui qui serait le premier
subjugué , et qui porterait ainsi la peine de son im-
prévoyance. Le duc Visconti, frappé d*un raisonne-
ment qui ouvrait ses yeux aux dangers de sa position ,
rendit gratuitement la liberté au roi et k ceux qui
avaient été pris avec lui, et il conclut avec Alphonse
un traité d*alliance offensive et défensive.
L*im des premiers actes de la liberté d'^phonse
fut de donner la lieutenance générale du royaume à
son frère , don Juan , qui portait le titre de roi de Na-
varre, et à qui cette dignité revenait de droit comme
au futur héritier de la couronne , le roi n'ayant pas eu
d*enfants de son mariage. Par cette nomination se
trouva annulée celle de la reine Marie à la même
dignité.
CHAPITRE TROISIEME. ^i9
CHAPITRE III.
Bonne administration de Marie II. — Hôtel des monnaies à
Perpignan. — Règlements pour le Roussilion. — Mort d* Al-
phonse et de Marie. — Juan II, roi d* Aragon, et Louis XI,
roi de France, — aussi fourbes Tun que Tautre. — Troubles
en Catalogne. — Le prince de Viane.
Deux reines du nom de Marie venaient d'exercer,
il des époques assez rapprochées, l'office de lieute-
nant général du royaume d'Aragon, et toutes deux
ont laissé les souvenirs les plus honorables de la sa-
gesse de leur administration. Le Roussilion dut à la
dernière une ordonnance importante sur la liberté du
commerce maritime. Cette liberté, que les rois d'Ara-
gon , Pèdre III , en i ^83 , et Alphonse III , en i aSg ,
en leurs qualités de suzerains du royaume de Majorque ,
avaient étendue k tout le littoral du comté , Martin ,
trompé par des rapports d'intérêt particulier, l'avait
restreinte au seid •port de Collioure. Marie , par son
édit de i &t2t2 , ordonna que les constitutions des deux
premiers rois fussent fidèlement observées, et que
toutes marchandises arrivant par mer k la destina-
tion du Roussilion ou de la Cerdagne pussent être
débarquées dans quelque port que ce fût du premier
comté, sans obstacle et sans opposition ^
* Libro virid. maj. et min.
II. à
50 LIVRE TROISIÈME.
Marie renouvela plusieurs fois, pour le Roussillon,
les défenses de laisser jouer à aucun jeu prohibé. Dans
une ordonnance rendue sur cet objet, le 2 juin 1 43îi ,
par le gouverneur des deux comtés , on lit un article
conçu ainsi : a Item , ordonnons que si quelque reli-
« gieux ou personne ecclésiastique est trouvée faisant
«des contrats usuraires, il soit chassé de la ville et
« remis à son supérieur ^ »
Quelles que iiissent les bonnes qualités de Marie,
elle était femme, et, à ce titre, n'était pas étrangère
aux faiblesses de son sexe. Nous avons, du moins, la
preuve de sa passion pour la parure, et surtout pour
les broderies. Alphonse, ennuyé des mémoires que
le brodeur de ceUe princesse ne cessait de lui pré-
senter, se décida, pour nen plus entendre parler, â
lui assigner, par acte du t2t2 avril ilx'^b, une rente
viagère de cinquante florins d*or d* Aragon , à perce-
voir sur les albergues de la Cerdagne^.
Le 7 février 1^82 le bailli et les consuls de Per-
pignan avaient rendu conjointement une ordonnance
pour Tarmement des citoyens. «Comme il est conve-
«nable, disaient-ils, que chacun ait des armes oflen-
ci sives et défensives pour s'en servir au besoin , par
« privilège spécial du roi , nous prescrivons à tout chef
«de maison d'avoir à l'avenir à sa disposition au
« moins les armes suivantes : cuirasse ou cotte de
* Lih. ordin
• Preuves, nMII.
CHAPITRE TROISIÈME. 51
«mailles, épée, lance, pane^ ou rondelle, ou aulre-
ument, arbalète avec tout son appareil, bacinet ou
((Salade, ou pot en tête ou toute autre armure de
«tête. » On était tenu de se pourvoir de ces armes
dans l'espace de quarante jours, sous peine de cent
sous d'amende , sans rémission. Une revue générale ,
fixée au lendemain de Pâques , devait donner aux con-
suls l'assurance que leurs ordres avaient été exécutés.
Cette mesure, trop généralisée , eut, à ce qu'il pa-
raît , des conséquences funestes , et la dernière année
du règne d'Alphonse, ces mêmes magistrats durent
prohiber certaines armes dont l'emploi trop facile ser-
vait d'une manière dangereuse les haines et les inimi-
tiés privées. Par nouvelle ordonnance du 27 janvier
lASy ils défendirent à toute personne, quelle que
fut sa qualité , de paraître à cheval dans Perpignan ,
avec arbalète, lance, dard, plomade^ pierres ou
autre projectile préjudiciable, sous peine de perdre le
cheval et les armes. Les gardes des portes de la ville
étaient chargés de signifier cette disposition aux per-
sonnes qui arrivaient du dehors, et d'arrêter celles qui
refuseraient de déposer ces armes prohibées*.
Le besoin des richesses métalliques faisait chercher
avec grand soin les mines de l'ancien monde, quand
Colomb vint montrer les sources de l'or de l'autre
* Sorle de petit bouclier écbancré.
* Boales de plomb fixées au bout d*une corde.
* Liber ordinat.
32 LIVKE TROISIÈME.
roté de TOcéan. Les montagnes du Roussillon et de la
Cerdagne étaient alors, comme celles du reste de la
Catalogne, l'objet des explorations les plus suivies.
En 1 386 Pèdre IV avait concédé à l'église d'Arles une
mine d'argent, située dans le ressort de sa juridiction ,
au lieu nommé PuyalduO, moyennant une redevance
de mille sous de Barcelone. Eln i ^ 1 8 Alphonse con-
céda à Mathieu de Podio, chevalier et conseiller de sa
cour, les mines de tous métaux existantes dans les
comtés de Roussillon et de Cerdagne. Le concession-
naire, au moyen de l'indemnité qu'il aurait h donner
aux propriétaires du sol, devait être garanti contre
tout concurrent, fût-ce même le propriétaire de ce
sol : on ignore s'il trouva autre chose que le fer, si
abondant dans ces montagnes. En i Ixib \e même roi
permit à quiconque voudrait faire des recherches de
mines, de s'y livrer librement, et d'exploiter celles
qu'il aurait découvertes, moyennant une redevance
proportionnée à l'abondance et k la qualité des mé-
taux. Le taux de cette redevance était, d'un quart du
métal, après l'aflinage, pour les mines d'or et d'argent
contenant deux marcs de ces métaux par cent livres de
minerai ; d'un tiers , pour celles qui en contiendraient
de deux k cinq marcs; de moitié, pour celles qui en
contiendraient de cinq à dix marcs; des trois quarts,
pour celles qui en contiendraient de dix i'i quinxe
marcs. Les mines de cuivre devaient payer le sixième
' Àrvh Dom
CHAPITRE TROISIÈME. 55
de leur produit, celles de gloinb le vingtième, et les
auti'es h proportion ^
Alphonse et Marie rendirent dilTérentes ordon-
nances sur les monnaies , et c*est sous leur règne que
fut fondé, dans Perpignan, un hôtel pour cette fabri-
cation, qui jusque-là s'était faite dans des maisons par-
ticulières.
Le droit de battre monnaie , possédé par les anciens
comtes de Roussillon et enlevé aux rois de Majorque
par les rois d'Aragon, ensuite de la dépendance im-
posée à leur couronne, avait été restitué à la ville de
Perpignan dans toute sa plénitude, par Pèdre IV, après
la réunion des deux royaumes. En plaçant les divers
employés de la monnaie hors de la juridiction de l'or-
dinaire, ce prince avait ouvert une large carrière
d'abus, qui ne tarda pas h être exploitée. Les privilèges
accordés aux monnayeurs avaient multiplié à l'excès
le nombre des personnes prétendues nécessaires à ces
travaux, et des individus exerçant des professions ea-
tièrement étrangères à celles qui peuvent avoir rapport
aux opérations du monnayage, tels que marchands
drapiers, tisseurs, et autres de cette espèce, étaient
parvenus à trouver place sur ces listes. Ces privilèges
tant convoités étaient de pouvoir porter des armes
prohibées aux autres citoyens, et, comme justiciables
du seul alcade de la monnaie, d'être exempts du droit
d'host et cavalcade, et de plusieurs autres charges et
* Arrh. Dom.
54 LIVRE TROISIEME.
services, lanl royaux que municipaux, personnels ou
vicinaux. Plusieurs fois des ordres avaient été donnés
pour faire cesser ces abus, mais celte force d'inertie
que généralement dans tout le Roussillon , mais parti-
culièrement c^ Perpignan, on opposait sans cesse k
l'exécution des mesures d'ordre ou de redressement ,
les avait constamment rendus illusoires. Déjà, le
20 octobre iS^G, Pèdre lui-même avait ordonné que
les employés de la monnaie ne fussent point exemptés
des charges municipales, et, le 3o avril 1 386, il avait
réduit à trente le nombre exagéré des employés du
monnayage. Ce nombre ayant été encore dépassé,
Juan I voulut l'y ramener par ordonnance du i*' mars
1394. Le 19 décembre i4o3 Martin astreignit toute
personne qui aumt exercé la charge d'administrateur
de la monnaie de Perpignan , à rendre compte aux cla-
vaires ; et, l'année suivante, ce prince fut obligé de faire
descendre de nouveau à trente le nombre des em-
ployés. Alphonse tenta h son tour de surmonter la
résistance qu'on opposait sans cesse à cette mesure,
mais ne fut pas plus heureux que ses devanciers. En
1 4 1 7 il cassa et annula toutes concessions , provisions,
rescrits et autres actes quelconques faits en faveur de
toute personne , de quelque état, condition et préémi-
nence que ce fût, qui ne travaillerait pas manuelle-
ment dans les ateliers de fabrication des monnaies ; il
chargea son procureur royal de dresser une nouvelle
matricule , et de n'y inscrire que les personnes rigou-
CHAPITRE TROISIÈME. 55
reuseinent nécessaires aux opérations du monnayage.
Marie renouvela encore ces mêmes dispositions en
ilii*À, et elle y ajouta celle de n'admettre comme
ouvriers monnayeurs que ceux qui, après examen,
auraient été reconnus capables d'en exercer la profes-
sion. Six ans plus tard on voit encore cette princesse
rappeler ces ordres et en prescrire l'exécution.
L'hôtel des monnaies de Perpignan et celui de Bar-
celone étaient anciennement les seuls hôtels royaux.
C'est au premier que Pèdre IV, par privilège du 4 des
calendes d'avril i349, accorda de firapperdes florins
d'or, du titre, poids et aloi des florins de Florence, et
des écus d'or, aussi du titre, poids et aloi des écus de
France ( vingt-trois demi-carats ) de cette époque. Les
guerres que ce prince avait à soutenir contre la Castille
épuisant bientôt après ses finances, et ces espèces d'or
pur, qui étaient recherchées dans le monde entier, fai-
sant sortir du royaume ime énorme quantité de métal,
Pèdre eut recours à l'abaissement du titre, et, par or-
donnance du i*' juillet 1 365 , il fit frapper dans Per-
pignan de nouveaux florins au titre de dix-huit carats ^
En i3/io Alphonse afierma pour cinq ans, à une
compagnie de Perpignanais , le monnayage de cette
ville , avec ordre de ii^pper, chacime de ces cinq an-
nées, pour mille marcs de florins d'or à dix-huit carats.
Les fermiers devaient payer au trésor royal im demi-
florin d'or et six deniers de Barcelone par marc de métal
' Arch. Dom. J. vSalat, Traiadode moneéas lahradas enCatal.
56 LIVRE TROISIÈME,
monnayé ; et , comme la fabrication ne devait pas res-
ter inactive, dit lacté, le roi se réservait la faculté de
disposer de latelier, si, à la fin d'une de ces cinq an-
nées, les mille marcs d'obligation n avaient pas été
frappés. Dans ce dernier cas , le roi reprenant lliotel
des monnaies, les fermiers ne seraient tenus de lui
payer aucun droit ni salaire. Ces fermiers s'obligeaient
à livrer à toute personne qui leiur confierait de l'or fin
h monnayer quatre-vingt-sept florins trois quarts par
chaque marc^
La monnaie était sous la direction d'im maître rec-
teur et administrateur. En \lxi2 Alphonse donna cet
office à un certain Pierre Lobet , qui , pour établir un
hôtel des monnaies d'une manière plus convenable et
fixe, acheta plusieurs maisons contigucs, dans la rue
de la Porte-de-la-Pierre , et y réunit tous les ateliers et
usines nécessaires à cette fabrication , dispersés aupa-
ravant en diflerents endroits de la ville. Alphonse
érigea alors par lettres patentes données h Carignan ,
le 1 9 mai 1 â3o , cet hôtel en maison royale à perpé-
tuité, ordonnant quelle jouirait des prérogatives ac-
cordées aux autres maisons royales du royaume, et
défendant de battre monnaie en tout autre lieu , sous
peine de mille florins d'or, applicables au trésor roya' -.
La matricule des employés qui fut dressée h cette
époque, et qu'on présentait comme ne (ompiTiiant
' Arch bom.
• Voyri U note HI . cl Preuve* . n* IV.
CHAPITRE TROISIÈME. 57
que les personnes indispensables à la fabrication , ren-
ferme quatre-vingt-dix noms.
Une mesure aussi juste quQ sage , prescrite par
Alphonse, pour faire cesser un abus révoltant, et que
nous ne devons pas omettre de signaler, c'est celle par
laquelle il fut défendu au gouverneur du Roussillon et
au procureur royal de presser, dans Perpignan , aucun
individu pour le service des galères, hors ceux qui
leur seraient désignés par les consuls de la ville : l'ar-
bitraire dans cette manière de lever des rameurs ayant
frappé quelques citoyens, des plaintes avaient été por-
tées au roi, dont la lettre est du i o janvier 1 42 û.
Quelques événements désastreux eurent lieu durant
le règne d'Alphonse V. Le 8 octobre xlx^S un orage
enfla tellement les eaux de la Tet, qu elles s'élevèrent
de plus de trois pieds au-dessus d'une muraille qui en-
caissait cette rivière , en amont du faubourg des tein-
tureries, aujourd'hui Notre-Dame, et qu'on appelait
la Paret Trencade. Cette muraille fut renversée dans
une longueur de dix-huit toises; on en voit encore
une partie dans cet état, à l'extrémité du marché aux
Bœufs. Le i février i 4 a 8 un violent tremblement de
terre, qui dura l'espace de deux Pater noster, se fit
sentir dans toute la Catalogne. En Roussillon il ne
causa aucun dommage , mais à Barcelone tout un côté
de l'église de Notre-Dame-de-Mer en fut renversé, et
sa chute tua vingt-deux personnes. Enfin, en i45i ,
la peste fit à son tour de grands ravages. Cette année ,
58 LIVRE TROISIÈME,
la fête Dieu tombant le jour de Saint-Jean, qui est ia
fête patronale de la ville de Perpignan , la solennité de
la première fut remise au dimanche suivant, et ce
jour-là on fit, comme d usage, la procession des re-
liques de saint Jean , que suivirent nu-pieds les con-
suls et les notables de la ville. Pour la procession de
la Fête-Dieu on ne fit pas de reposoirs dans les rues ,
et toute la population suivit nu-pieds le saint sacre-
ment ^
Alphonse mourut à Naples , le 28 juin 1 658, et ia
reine Marie , le k septembre suivant.
Ce roi, que Mariana regarde comme la gloire de ia
nation espagnole , se distingua autant par son amour
pour les lettres et la protection qu^il accorda aux sa-
vants que par les qualités du cœur et la vivacité de
Tesprit. Sa générosité était très-grande, et im jour que
son trésorier lui comptait dix mille ducats, ayant en-
tendu un de ses officiers dire tout bas qu*il ne lui fau-
drait que cette somme pour être parfaitement heureux :
« Tu le seras, » lui dit-il , et il lui abandonna cet argent.
Populaire comme le moindre de ses seigneurs, il se
promenait à pied et seul dans les rues , et répondait à
ceux qui blâmaient cette confiance , Qu'un père qui se
promenait au milieu de ses enfants n'avait rien à
craindre^. Ce prince eut pour successeur Juan II, son
frère, roi de Navarre du chef de sa femme.
' Livre vert mineur . noies du calendrier.
' On cite de ce prince une foule de bon» mots et de dicton» dont
Jaaa 11.
CHAPITRE TROISIÈME. 59
A Tépoque où nous sommes parvenus, de grands uôs
événements se passaient en France. Charles VI était
mort après un règne de quarante-huit ans, presque
entièrement écoulé au milieu d'une suite d'accès de
démence pendant lesquels on lui faisait signer les
actes les plus contraires aux intérêts de son royaume
et les plus funestes pour ses peuples ; dans ses inter-
valles de raison il déplorait amèrement les maux dont
on le rendait Tinstrument, sans moyens ni puissance
d'en arrêter le cours. Cette belle France, abandonnée
en proie aux intrigues, aux trahisons, aux cruautés de
toute espèce , était encore livrée à toutes les horreurs
d'une guerre civile et étrangère. Les Anglais , introduits
dans le royaume, du vivant même de Charles VI, en
occupaient une grande partie, et, après la mort de ce
prince , Chartes VII , son fds , avait été tenté , dans son
découragement, de leur abandonner toutes les pro-
vinces du Nord , qu'il désespérait de reconquérir. Dans
cette extrénlité, la Providence avait suscité trois
femmes pour ranimer le monarque abattu , et instiller
dans son âme cette énergie qui est le présage ordinaire
•
voici quelques uns : Les rois doivent être savants et aimer les savants. —
J*aiinerais mieux perdre tous mes royaumes qua le peu de lettres que
je possède. — Le roi qui ne voit que par ses ministres, sans capacité et
sans jugement propre , ne vit qaau milieu des afironis et des angoisses.
— Quelqu^un lui demandant comment il pourrait devenir le plus
pauvre des rois: « En perdant , dit-il , Tinstruction. • Une de ses sentences
était. Que pour faire bon ménage il faut que le mari soit sourd et la
femme aveugle, etc. (Aride rêrijier les dates. )
60 LIVRE TROISIÈME.
des succès : la bonne, la pieuse Marie d*Anjou soufTIait
dans le cœur de son époux toute l'intrépidité de la
sienne ; la belle Agnès Sorel le menaçait d'aller trouver
le roi d'Angleterre, ne voulant aimer qu'un prince
magnanime; et la simple Hlle des champs, Jeanne
d'Arc, Jeanne, qu'il suffît de nommer pour sentir
battre son cœur d'une patriotique émotion , Jeanne le
guidait elle-même aux combats. Charies devint un
héros , la F'rance fut reconquise , et la Pallas de la
patrie expia sa gloire sur un bûcher, h la honte éter-
nelle de tous ceux , tant nationaux qu'étrangers , qui l'y
firent monter.
Dès le commencement du règne du nouveau roi
d'Aragon s'allumèrent les guerres qui devaient mettre
la monarchie dans le plus grand péril, et montrer sur
deux trônes rivaux, non pas cet honneur dont le cœur
des rois devrait toujours être le foyer et le dernier re-
fuge sur la terre , mais l'ignoble lutte de l'astuce , de
la fraude , de la duplicité , de tout ce que la mauvaise
foi a de plus révoltant et de plus odieux.
Le caractère de Louis XI , successeur de Charies VII ,
est connu : la langue française ne semble avoir con-
servé la vieille épithète de caateleux, que pour la
joindre h son nom. Sa politique entortillée est passée
en proverbe. Ce caractère est tellement avoué , que
les écrivains les plus rampants, les plus adulateurs,
ceux qui se sont montrés les moins disposés ;i fronder
les vires des rois |)our en faire justice aux yeux de la
CHAPITRE TROISIEME. 61
postérité , se sont crus dispensés de toute flatterie
envers ce prince , et n'ont point hésité à flétrir sa mé-
moire. Tous les historiens français et étrangers ne
citent ce monarque qu en épuisant toutes les formules
du blâme, n'en paiient que comme d un type d'hypo-
crisie , sans pudeur, sans scrupules et sans foi. Il sem-
blerait, à les entendre, que sa conduite tortueuse fut
une sorte de phénomène , une véritable exception
honteuse, dans un siècle de justice et de probité, au
milieu de l'Europe vertueuse , gouvernée par la droi-
ture, la franchise et la plus exacte loyauté. Nous ne
prétendons ni justifier les crimes de Louis ni atténuer
les violents reproches que la postérité est en droit de
lui adresser, mais nous voulons montrer que ce prince
ne fut que ce qu'étaient tous les autres rois ses con-
temporains : que justice soit faite à tous. Obligé sou-
vent déjouer au plus habile, soit avec de grands vas-
saux qu'il voulait rompre à la soumission et ranger
sous la dépendance de la couronne, dépendance in-
compatible avec le régime féodal qu'il fallait commen-
cer par détruire et qu'il détruisit en effet, soit avec
des souverains qui ne valaient pas mieux que lui, et
qui s'efforçaient de le prendre dans leurs filets, on di-
rait, à voir le concert unanime d'injures qui lui sont
prodiguées , qu'on n'a pu lui pardonner de n'avoir pas
été la dupe des autres.
La profonde dissimulation qui était le fond du ca-
ractère de Louis XI, la ti*ahison, sous le voile de
62 LIVRE TROISIÈME.
i^hypocrisie, dont il avait fait une étude consonunée,
et qui devint Vernie de toutes ses transactions, ne sont
pas dans les mœurs françaises : ces vices devaient frap-
per davantage dans un prince de notre nation , et être
efTectivement remarqués par nos historiens, qui les
avaient bien aperçus déjà chez d'autres princes, à tra-
vers de ténébreuses négociations , mais qui n'étaient
pas habitués à les voir former le fondement de la poli-
tique de rétat : ils ne purent s'eiH pêcher d'en témoigner,
le plus grand nombre leur surprise , quelques-uns leur
indignation ; et c'est cet aveu , fait avec bonne foi , qui
a fourni aux historiens étrangers une occasion de jeter
tous les torts sur le roi de France. Heureux de trouver
une victime qu'on offrait généreusement pour porter
les péchés de tous , ils s'en sont emparés , et l'ont char-
gée de toutes les iniquités de son siècle. Les couleurs
noires et repoussantes sous lesquelles on a peint
Louis XI, il les a méritées sans contredit , mafis elles ne
lui sont pas exclusives. Qu'on jette un regard impar-
tial sur tous les trônes de cette époque , sans en excep-
ter le saint siège , et l'on se convaincra que l'astuce dans
les négociations , la duplicité dans les traités , la mau-
vaise foi dans leur exécution n'appartinrent pas seule-
ment au roi de France ; nous le démontrerons en parti-
culier pour le roi d'Aragon.
Juan II avait épousé Blanche de Navarre, fille
unique de Charies II , roi de ce pays , dont il avait eu
un fils , nommé Charies , qui le premier porta le titre
CHAPITRE TROISIÈME. 63^
de prince de Viane, affecté depuis à l'héritier présomptif
du trône de Navarre. A la mort de Blanche , cette cou-
ronne revenait de plein droit à son fils; mais cette
• princesse avait engagé l'infant à ne prendre le titre de
roi de Navarre et duc de Nemoars^, que sous le bon
plaisir de son père. Cependant , trois ans après la mort
de Blanche , Juan s*étant remarié avec là fille de Ta-
miral de Castille, le prince de Viane regarda ce nouvel
hymen comme une renonciation de son père à la
couronne de Navarre, qu'il ne tenait que du chef de
sa première femme, et il s'en mit en possession, sou-
tenu par les Navarrois eux-mêmes, dont les belles
qualités du jeune prince semblaient présager le bon-
heur. Juan , qui ne voulait pas se dessaisir de ce qu'il
possédait , considéra l'action de son fils comme une
révolte , et une guerre de famille éclata encore une
fois en Aragon.
Une première reine d'Aragon avait déjà occasionné ,
au siècle précédent , une guerre civile et étrangère en
poursuivant de ses persécutions le prince que le droit
de sa naissance appelait à s'asseoir un jour sur le trône
de son époux ; la fille de l'amiral de Castille alluma un
second incendie de la même espèce , au sein du même
royaume, et pour la même cause. Dévorée d'ambi-
tion , et tourmentée du désir de faire passer le royal
héritage siu* la tête de Femand , son fils , cette prin-
^ lie roi de Navarre avait échangé avec le roi de France le comté
d*Évr«ui , qui lui appartenait , contre le duché de Nemours.
f)'i LIVRK TROISIÈMK
cesse ne négligea rien pour exciter la haine de don
Juan contre son premier-né. A l'exemple de don
Pèdre , Juan déclara son fils aîné déchu de sa succes-
sion , et , ajoutant à cette injuste rigueur une trahison
que rien ne saurait excuser, surtout dans un père,
quelque coupable que pût être son fils , il attira Charles
à Lérida, sous prétexte dun raccommodement, et
rétreignit dans ses bras quand sa main venait de si-
gner Tordre de sa captivité ^ Les corts d* Aragon ayant
pris parti pour Juan contre son fils , celui-ci ne put
avoir comme Juan I, dans une circonstance sem-
blable, la faculté de recourir au justicia pour faire
réformer Tinjuste ordonnance de son père. L'action
de don Juan ayant soulevé d'indignation toute la no-
blesse de Navarre et de Catalogne , ces deux contrées
furent en un instant couvertes de soldats.
Les Catalans n'étaient pas moins dévoués au prince
de Viane que les Navarrois, ses sujets immédiats.
Après avoir proclamé cet infant comte de Barcelone ,
ils avaient fait réclamer sa mise en liberté; mais Juan
avait répondu h ce vœu par l'ordre de faire son procès
au jeune piînce, comme rebelle, et cet ordre était
devenu le signal des hostilités : vingt-cinq mille Ca-
talans ouvrirent b campagne par la prise de Fraga , à
force ouverte.
Par un hasard assez singulier, pendant que de l'autre
côté des Pyrénées l'héritier du trône se voyait forcé ,
' Zunu, XVI1I,3.
CHAPITRE TROISIÈME 65
j>ar Tinjustc rigueur de son père, de se nieltre en état
de guerre avec lui , en France , le dauphin , par Tim-
patience de régner, se mettait en révolte contre le
sien , et, au risque de replonger son pays dans labîme
de maux dont Charles VII , son père , avait eu tant de
peine à le tirer, il appelait à son secours les mortels
ennemis du trône que sa naissance lui réservait un peu
plus tard. Cette conformité de situation des deux pères
les unissant d'intérêt, Charles VII et Juan II avaient
signé, en làSg, un traité d'alliance et d'assistance
mutuelle. Si le roi d'Aragon n'avait pas assez de forces
à opposer à ses ennemis , le roi de France s'obligeait
à lui fournir gratuitement jusqu'à concurrence de seize
cents combattants , le surplus devant être soldé par lui ;
et réciproquement, si le roi de France se trouvait dans
la même nécessité , il pouvait demander à Juan , soit
le même nombre de soldats , soit douze galères armées
et équipées. La ligue des pères étant imitée par les
enfants, le dauphin et le prince de Viane étaient con-
venus de se soutenir dans l'occasion , et par tous les
moyens que les circonstances pourraient leur fournir.
La reine d'Aragon triomphait : le fils aîné de son i^cr.
époux, celui à qui le trône revenait par droit de pri-
mogéniture, était en prison , et un procès auquel pré-
sidait avec une ambition démesurée l'aveugle achar- »4«»
nement d'une mère contre un enfant d'un autre lit, en
déclarant ce prince en état de rébellion , allait peut-être
lui faire perdre solennellement , aux yeux des peuples ,
11. 5
66 LIVRE TROISIÈME.
ces mêmes titres à la succession royale ([ue la puis-
sance paternelle lui avait déjà ravis; mais la haine de
la marâtre ne fut pas servie par les événements. Le tour
désastreux que prenaient les choses montrant h don
Juan les dangers auxquels il exposait ses états, ce
prince se décida à remettre son fils en liberté. Voulant
même faire à sa femme, aux yeux de ses peuples, un
mérite de cet élargissement, il déclara qu'il raccor>
dait à ses prières, et qu'elle avait voulu ouvrir elle-
même les portes de la prison : Tartifice ne trompa
personne.
En même temps qu'il rendait à son fds la liherté, le
roi d'Aragon, pour apaiser les Catalans, le nommait
lieutenant général perpétuel de leur principauté, et
il s'engageait même <^ ne jamais paraître, de sa per-
sonne, en Catalogne. Charles se rendit à Barcelone,
où, le 12 mars, on lui fit une entrée telle qu'on n'en
avait jamais vu de semblable pour aucun roi.
La reine faisait tous ses efforts pour amener un rac-
commodement entre les Catalans et son époux ; mais ,
dans la négociation de cette affaire , il était un article
sur lequel les deux |)arties ne pouvaient pas s'accorder :
cet article , c'était la restitution au prince de Viane de
SCS droits de primogéniture , que les Catalans exi-
geaient comme première condition , et que la reine se
refusait obstinément à admettre : la mort de ce prince,
survenue le 20 septembre, mit un terme aux débats.
Une mort qui servait si h point les intérêts et l'am-
CHAPITRE TROISIÈME. ft7
bitioii (le la marâtre ne pouvait pas être considérée
comme naturelle par les Catalans , dont le prince de
Vîane était Tidole; tous la regardèrent comme le ré-
sultat d*\m crime, et ce sentiment a été partagé par un
gFand nombre d*historicns , quoique , suivant quelques
autres, les peines et les chagrins dont ce prince était
abreuvé depuis si longtemps eussent sufli seuls pour
abréger ses jours. Quoi qu*il en soit, cet événement
étendit un voile funèbre sur toute la Catalogne. Amant
des lettres qu'il cultivait avec succès ^ protecteur
éclairé de tous ceux qui se livraient aux sciences , en
correspondance suivie avec tout ce que lltalie renfer-
mait alors de beaux génies , ami particulier d'Âusias-
Marc, le plus célèbre des poètes catalans de son
époque ^, doux , affable , libéral , clément envers tout le
monde, le prince de Viane était fait pour exciter
réellement des regrets universels. Par son testament,
fait au moment de sa mort , il laissa la couronne de
Navarre à la princesse Blanche , sa sœur.
' Le prince de Viane avait composé une chronique abrégée des rois
de Navarre; il avait fait une traduction en catalan des Éthiques d'Aris-
tote, qall avait dédiée au roi Alphonse, son oncle, et composé diverses
poésies morales ; il a laissé aussi une traduction en catalan de Valère-
Maxime.
* Ses poésies ont été imprimées plusieurs fois, mais fort incorrecte-
ment. M. J. Tastu se propose de faire connaître ce poète, en publiant
une édition diaprés plusieurs manutcrits inconnus jusqu'à ce jour.
5.
08 LIViU-: TitOlSiKME.
CHAPITRE IV.
La reine d'Aïa^on en Catalogne. — Menées de Louis \L —
Traité (ralliancc entre la France et TAragon. — Engagement
(lu I\oussillon et de la G^rdagne à la couronne de France.—
Danger do la reine. — Le Koussillon se déclare contre le»
Franrai.^î. — La \iHe de Perpignan s'insurge contre le cliâ-
teau. — Réduction de celle ville. — Louis, arbitre entre la
Castille et IWragon. — La Catalogne rentre dans Tobéissance.
— Appréciation de.s accusalion.s des espagnols contre le»
Frani^ais. — Uévolte de Perpignan.
Pendant que la Calalo^no entière déplorait la perte
d'un prince sur lequel «taient fondées tant de justes
espérances, la reine d'Aragon, qui se trouvait à Viila-
Franca, où se négociait la pai.v, s'empressa de prendre
la route de liiircelone ave<* Fernand, son lils, afin de
se faire reconnaitre ellc-nicnie pour lieutenante géné-
rale du rovaunK» : ce titre, elle le revendiquait en sa
qualité detutri(*ede son iils, à <pii il revenait mainte-
nant de droit, <-onnne à l'héritier l(»j;itime et sans eon-
curnMil de la couronne. La reconnaissance de ce titre
étant l'idée li\(; qui depuis longtenq)s poursuivait
cette auihitieusc princesse», les (latalans n'eurent pas
de peine .i m» persu»»der que le poison avait été l'un
des moyens (pi'clle avait employés pour se débarrasser
CHAPITRE QUATRIEME. 69
de celui dont rexistcnce devait être à jamais un obs-
tacle à ses projets. Regardée par eux comme la cause
unique de tous les malheurs , ils ne voulaient pas la
recevoir, et un messager lui fut dépêché par les dé-
putés, poiur l'engager h suspendre son voyage jusqu'à
ce qu'une déhbération eût été prise à cet égard. Le
caractère de la reine était la fermeté et beaucoup de
résolution. Se doutant sans doute de ce que contenait
la dépêche, elle ne voulut pas l'ouvrir, et continua sa
marche. Arrivée à Barcelone, dont on n'osa pas lui
refuser Tentrée, elle intrigua auprès d'une partie
des habitants, et obtint, des acclamations de la po-
pulace plus encore que des syndics des villes, le ser-
ment d'obéissance à son fils.
Le peuple de Barcelone venait de se montrer favo-
rable aux intérêts de la reine, mais ni la députation *,
ni les grands, tant de la ville tjuo do la province, n'é-
taient pour elle; et, dans l'état où se trouvaient les
choses, ce suflragc populaire était un acte sans ré-
sultat. Nous avons dit que lorsque Juan II fut forcé de
rendre la liberté au prince de Vianc, il l'avait nommé
son lieutenant général en Catalogne et s'était solennel-
lement engagé à ne jamais venir de sa personne h
Barcelone. L'adroite reine, employant tour à tour les
remontrances et les prières, s'efforçait d'amener les
Catalans à solliciter eux-mêmes du roi qu'il vînt dans
* I^a députation était ce syndical des corls, institué son» Fernand I ,
et d'-nl nous axnns rendu coinplr.
70 LIVRE TROISIÈME.
leur province; mais le conseil de la ville s*y refusa.
Une émeute , que les partisans de la princesse avaient
cherché à exciter en sa faveur, fut facilement com-
primée par ses adversaires, qui ne tardèrent pas
à ramener à leurs sentiments toute la population.
I/enthousiasme pour le feu prince de Viane se rallu-
mant alors dans tous les cœurs , on ne jura plus que
par sa mémoire, et la superstition venant même
exploiter la crédulité ignorante, on prétendit que Dieu
avait opéré des miracles par son intercession, et
on le tint pour aussi saint que si Téglise lavait ca-
nonisé'.
Une grande crise se préparait pour la couronne, et
cette crise, comme presque toutes celles qui boidever-
sent les empires , avait pour cause le mauvais état des
finances. Les embarras sans nombre dans lesquels s'é-
tait trouvé le roi d'Aragon , depuis qu'il était arrivé
au tronc, avaient tellement épuisé son trésor, que ce
prince ne savait plus comment lever des troupes. Dans
cet état de gêne, il s'était adressé au roi de France,
à qui il avait envoyé en ambassade Charles d'Oms,
procureur royal des deux comtés, seigneur roussillon-
nais, dont un frère servait en France.
Charles VII était mort, et Louis XI occupait enfin
ce trône qu'il avait cli(?rché à obtenir par un forfait ,
avant le terme assigné parla nature pour le lui donner.
Juan, oubliant que c'était contre ce prince qu'il s'était
• /iihta.XVIf. iH
CHAPITRE QUATRIÈME. 71
jadis ligué avec son père, lui proposa de renouveler
Talliance conclue avec Charies ; mais Louis , avant de
se prononcer, voulait savoir s'il y aurait plus d avan-
tage pour lui à soutenir le souverain plutôt que ses
sujets rebelles. Poiu* cela, il fallait connaître bien au
juste quelle était la situation des affaires en Catalogne.
Il s*empressa donc de faire partir pour Barcelone un
maître des requêtes de sa cour, nommé Henri de Maria,
personnage insinuant et adroit , avec ordre de dire à la
députation que le roi de France avait refusé de donner
audience à Tambassadeur du roi d*Âragon , pour ne
pas favoriser Toppression d'une province qui s'était
montrée si attachée au roi de Navarre , son parent; que
ce royaume, qui était sorti de la maison de France,
revenant actuellement à l'infante Blanche , qu'on disait
retenue prisonnière par le roi son père , le même roi
de France désirait que cette princesse, qui était égale-
ment sa parente , fût mise en liberté , qu'elle prît pos-
session de sa couronne, et qu'elle pût se remarier à
son choix ^ Par l'entremise de son agent, Liouis finis-
sait par s'offrir lui-même aux Catalans, en qualité de
protecteur et de gardien de leur principauté. Le but
secret de pareilles propositions était trop évident pour
c|uc la députation pût se laisser prendre au piège ; la
réponse, rendue le 1 5 décembre, fut en termes géné-
raux : La Catalogne avait été dévouée au prince de
^ Blanche , mariée au roi de Castille , Henri TV, surnommé Tlmpuis-
aant , on «'tait s^pan'o depuis i A53.
72 LIVRE TUOISIÈMK.
Vianc. parce que ce prince le méritait par toutes ses
bonnes qualités , et parce qu*il était le fils aine du roi ,
et par conséquent son légitime héritier; que, du reste ,
la Catalogne ne voulait pas se séparer de son roi, à
qui , malgré les dissidences qui s'étaient élevées , elle
esterait toujours fidèle.
i;ca. Cependant la députa tion et les princi[Kiux citoyens
de Ikircclone s'étant emparés de Tesprit de la popula-
tion, une vive fermentation commença h se manifes-
ter, et la reine, ne se croyant plus en sûreté dans cette
ville, se réfugia à Girone avec son fils. Pendant qu'elle
rassemblait dans cette place le plus qu elle pouvait de
gens de guerre, la ville de Barcelone fonnait, de son
côté, une année pour l'y assiéger. A la première an-
nonce des dangers que couraient sa femme et son fils,
Juan s'était (Mnpre!>sé de réunir quelques troupes et
d'occuper I^ilaguer; mais les Catalans levèrent de leur
côté une seconde année pour la lui opposer. Les es-
prits continuant ii s'échauircr cv plus en plus. Bar
celone en vintjuscpfà dériarer le roi et la reine enne-
mis de la patrie.
Le roi de France, repoussé par les Catalans , s était
retourné vers le roi d' Anigon , el avait chargé Gaston ,
comte de Foix, gendre de don Juan, aussi intéivshe
que lui à la réussite de ses projets, d'arrêter avec son
beau-père les condition.*^ de lalliance à renouveler
entre Icb <leux couronnes. Gastcui ronvoilait pour s;i
femme la couronne de Navarre , le mariage de son
CHAPIThE QUATRIÈME. 73
lik était arrête avec Madeleine de France, sœur de
Louis XI, et il se flattait qu'avec le concours des FVan-
çais il pourrait enlever ce trône à sa belle-sœur, pour
Toccuper sous la suzeraineté du roi de France : cette
couronne était donc lobjet des vœux de ces deux
princes. Gaston signa, le 12 avril, une ligue avec le
roi d'Aragon, au nom de Louis, et il fut convenu que
les deux monarques se verraient au lieu de Sauveterre,
en Béani. L'entrevue eut lieu en eflet le 3 mai; lal-
liancc fut renouvelée , et on arrêta que celui des deux
rois qui aurait besoin des secours de l'autre, en rece-
vrait jusqu'à concurrence de cinq cents lances , accom-
pagnées de tous les gens de trait proportionnés à ce
nombn». Etaient exceptés des princes contre qui pour-
rait être employé le secours : par la France, le pape,
le roi de Castille, celui d'Ecosse et les princes de Si-
cile de la maison de France ; par l' Aragon , le pape, le
roi de Portugal , le roi de Sicile de la maison d'Aragon ,
et le duc de Milan ^
La situation de plus en plus fâcheuse des aflaircs du
roi d'Aragon en Catalogne ne tarda pas «^ forcer ce
prince de réclamer l'envoi des lances françaises, en
exécution du ti*aité de Sauveterre : alors fut conclu
un nouveau traité, pour fixer le prix auquel ces lances
seraient fournies. Ce traité, signé h Saragosse, le a 3
du même mois de mai, poiiait que le roi d'Aragon re-
' 0 Irailé se trouve rapporte par f»orlrfroy. dan^ les pitres des Mé-
moires (le Comines, tome II.
Ik LIVRE TROISIÈME.
ccvrait du roi de France, soit quatre cents, soit sept
cents lances, suivant le besoin qu'il en aurait, avec
tous les gens de trait, piétons et artillerie qui accom-
pagnaient ce nombre de lances, suivant Torganisation
du système militaire en France. Ces lances devaient
rester au service de T Aragon jusqu après la soumis-
sion de la Catalogne ; mais comme le roi d* Aragon
n'avait pas d'argent, il fut aiTcté que cette troupe serait
à la solde de la France , et que le remboursement de
toutes les avances serait fait à raison de deux cent
mille écus d'or, vieille monnaie de France , pour quatre
cents lances, ou de trois cent mille de ces écus pour
sept cents lances, en deux ou en trois années, h partir
de celle qui suivrait l'entière soumission de la Ca-
talogne.
Le roi de France n'était pas homme à dépenser son
ai*gent sur de simples promesses. Un nantissement
devenant nécessaire pour la garantie des sommes h
débourser, il fut convenu que les revenus de toute
espèce du royaume d'Aragon répondraient de ces
sommes, et que, pour plus de sécurité, la France
percevrait directement ceux des comtés de Roussillon
et de Cerdagne , après déduction des sommes néces-
saires au payement des charges et oflices qui étaient
habituellement soldés sur ces rentrées. I^es sommes
restantes de ces revenus, après ces défalcations, de-
vaient être remises au roi de France par les mains de
Cliarlrsd*()ms, procureur royal du pays, ou parrellrs
CHAPITRE QUATRIÈME. 75
de ses successeurs dans cet office. Dans le cas où le
procureur royal n'effectuerait pas ce payement, Tin-
tàïïi don Juan d* Aragon, archevêque de Saragosse,
Bernard Hugues de Rocaberti , châtelain d'Amposta ,
Ferrer de Lanuça, justiciad*Aragon, et Pierre de Pe-
ralta , connétable de Navarre, s'obligeaient à en acquit-
ter le montant sur leurs biens ^ Cette obligation fut
passée en présence de Bernard d*Oms, frère de
Charles , qui , engagé au service du roi de France ,
était aloi*s sénéchal de Beaucaire , et de Raymond Ar-
naud de Montbardan , seigneur de Montmorin , maître
dliotcl du roi de France, ses ambassadeurs. Avant
d*en venir à cette dernière extrémité , Juan avait usé
de la ressource des emprunts dans ses états , et des
dons gratuits du clergé, ainsi que le témoigne une
quittance de la somme de trois mille trois cents sous
de Barcelone , donnée par le trésorier royal à labbé
de Saint-Martin du Canigou^.
Le traité d'alliance conclu entre les deux couronnes
avait été ménagé par le comte de Foix, gendre de don
Juan; ce dernier, pour récompenser ce prince de son
entremise, lui livra sa propre fille, l'infante Blanche,
à qui le prince de Viane avait légué sa couronne de
Navarre, et que Gaston avait intérêt à empêcher de se
' Prcuvei,n*V.
' Cette quiUance, dans laquelle le lieutenant du trésorier du roi,
après aïoir spécifié la somme, ajoute, Qaot eidem domino régi graciose
ac libenditer iervirittis, est datée de Barcelone, Ir 6 décembre ii^6o.
Arck. eccUt.
1 • M
76 LIVRE TROISIÈME,
remarier, pour ((ue sa femme devint son héritière.
La malheureuse Rhuiche, ainsi trahie par son père,
fut enfermée dans le château d'Orthez, où elle périt
misérahlement deux ans après.
Le comte de Foix, nommé lieutenant général du
secours que Louis envoyait en Catalogne, en exécution
du traité, joignit à cette armée, pour son propre
compte, cent vingt hommes d*armes et mille arbalé-
triers. Ce Jacques d'Armagnac , duc de Nemours *, que
Louis fit périr ensuite d\me manière si barbare, com-
mandait les sept cents lances françaises , sous Gaston ;
les autres principaux officiers étaient : Jean d'Albret,
seigneur d'Orval , maréchal de France; le bâtard d'Ar-
mai^nac, maréchal de France; Crussol, sénéchal de
Poitou; Garsaigualle, grand écuyer; Gaston du Lyon,
sénéchal de Saintonge; et Etienne de Vignoles, bailli
de Montferrand , qui tous joignirent le comte de Foixk
Narhonne, où le rendez-vous général était donné pour
le 1 5 octobre. Gaston entra en Roussillon , et se dirigea
immédiatement sur Girone, oii il était temps d'arriver*.
Les habitants de cette ville, engagés dans la révolte
comme le reste de la Catalogne, avaient favorisé l'en-
trée de larmée catalane , et la reine d'Aragon sVtait
réfugiée dans la tour de la Gironella avec son fils.
\u moment où , pour la «garantie des sommes avan-
' Cv (tut lu- ftait roloiirnc a la i-f»urunni' ilr Fr.mr'* m i la;». vi
LtiiiiH ra\ail vî'dr nu <(;iiilc irNriiiiicnar. ru i ^Im
- //isf mn. i/< LnntjU'An-
CHAPITRE QUATRIÈME. 77
rëes par la France , le Roussillon et la Cerdagiic a\ aicMit
été engagés ù Louis XI , le Roussillon n'avait encore
|>ris aucune part à la révolte de la Catalogne, et le roi
d*Aragon, en appelant au secours de sa femme les
troupes françaises, avait assuré le comte de Foix qu*il
serait reçu en ami dans ce pays. Soit que depuis ce
moment Tinsurrection se fût propagée jusqu'à ce
comté, soit, ce qui est vraisemblable encore, que la
connaissance de la partie du traité qui les séparait de
la Catalogne pour les remettre entre les mains du roi
de France en eût indisposé les habitants, ils ne virent
plus que des ennemis dans les Français , et ceux-ci ne
purent traverser leur pays que par la force des armes ;
il fallut qu'ils se frayassent la route, en emportant
d'abord les châteaux de Salses, de Ville-Longue, de
Lupia, de Sainte-Marie et de Canet. Perpignan, que
Juan avait annoncé comme étant positivement dans
son parti, refusa les vivres et les rafraîchissements
demandés par le comte de Foix, et, tombant sur
les détachements isolés, leur tua un grand nombre
d*hommes. Après s'être emparé du château du Boulou
de vive force, Gaston s'était approché du Pertuse avec
quatre cents hommes d'armes, cent vingt lances, mille
archers d'ordonnance et deux mille francs-archers'.
* DdcIos, Hist. de Louis XI. Les archers d ordonnance étaient ceux
qui faisaient partie de ce qu on appelait une tance fournie ; les francs-
archers étaient des corps fournis et soldés par les communes, à raison
d*un par paroisse. Louis XI tes supprima vers ta lin de sou règne. Voyex
Daniel , Hisi. de la milice franc.
78 LIVRE TROISIÈME.
UiKC aflaiic sanglante avait eu lieu ensuite entre les
Français et les Catalans , sous les ordres de Rocaberti,
venu k la rencontre de cette armée , et ce n*est qu^après
avoir forcé ainsi le passage des Pyrénées , qu'elle put
pénétrer en Ampourdan. Après avoir traversé ce pays
au milieu des privations, parce que les insuigés ne
laissaient rien derrière eux dont les Français pussent
faire usage, ces derniers avaient enfin battu les re-
belles quils avaient rejetés dans Ostalrich, et délivré
la reine d*Aragon des périls qui Tentouraient.
L'engagement du Roussillon et de la Cerdagne & un
prince étranger, sans la participation des corts de Ca-
talogne et en opposition aux constitutions du royaume,
notamment k celle de Pèdrc IV, qui, dans l'acte de
réunion du royaume de Majorque à l'Aragon avait
expressément' défendu qu'en aucun temps, et sous
quelque prétexte que ce fût , ces deux comtés pussent
être disjoints de la principauté de la Catalogne , avait
tellement ajouté k l'irritation des Catalans, que, se
jetant dans les bras de la Castille, ils avaient nommé
Henri , roi de ce pays , comte de Barcelone. En guerre
avec TAragon, Henri s'empressa d'accepter ce titre,
et il fit partir une armée pour prendre possession de
son nouveau domaine. De leur roté, les Français mar-
cluTcnt sur Barc*elouc, où, étant bientôt joints par
Tarmée du roi d*Aragon . ils entreprirent ensemble le
blocus de cette place.
L*attaque dr ilnrcolonc n a\ait pas rasscntiment du
CHAPITRE QUATRIÈME. 79
roi (1* Aragon, qui aurait voulu, avec raison, coni-
incncer par soumettre d*abord les environs afin de
se ménager des ressources ; mais les Français avaient
d*autres vues. Les Âragonnais prétendent que le comte
de Foix n'insista autant pour débuter par cette opé-
ration , que dans Tespérance de faire piller cette ville
par ses soldats, quand elle serait réduite. Sans doute
il y a plus de passion que de vérité dans cette accusa-
tion sans preuves ; le comte de Foix n'agissait que par
les ordres de Louis, et on doit supposer à ce prince
des vues moins courtes. U est certain que les Français,
venant au secours du roi d'Aragon, auraient dû le
laisser maître de diriger à son gré les opérations de la
campagne ; outre la déférence que méritait son titre ,
on devait supposer que ce prince savait bien mieux ce
qu^il avait à faire dans son propre intérêt, que les
étrangers qui n'étaient que ses auxiliaires. Or puisque
ceux-ci ne tinrent aucun compte de la volonté de ce
monarque , et qu'ils s'obstinèrent à commencer par le
siège de Barcelone, c'est que sans doute le roi de
France avait des projets sur cette ville. La Catalogne
était en révolte ouverte ; depuis la réponse faite par
la députation aux ambassadeurs de France , les choses
avaient bien changé : la province, qui alors voulait
rester fidèle à son roi malgré leurs différends, s'en
était séparée , et avait donné à un prince étranger le
titre de sa souveraineté. Louis devait penser qu'en
l'état où se trouvaient les choses , le plus grand intérêt
80 LIVRE TROISIEME.
des Catalans riait (l*évilcr le châtiment de leur révolte,
et quindiilércnts sur le prince qu*ils mettraient à
leur tele , celui qui leur conviendrait le mieux serait
celui ([ui pourrait les protéger le plus efficacement; or
les lances françaises . maîtresses déjà du Roussillon et
de la Cerdagne dévolus h la France par un traité, se
trouvaient le mieux en position d atteindre ce but; il
est donc vraisemblable que les instructions secrètes
du comte de Foix étaient de sVmparer d abord de Bar^
celone , afin do machiner dans cette ville une révolu-
tion en faveur de la France. Ce qui fit échouer ce pro-
jet , ce fut la mésintelligence qui ne tarda pas à éclater
entre les Français et les Aragonnais co-assiégeants, et
qui força à la levée du siège : alors chacun fit la guerre
de son côté. Sur ces entrefaites, un nonce apostolique
étant entré dans Barcelone pour employer la médiation
du saint siège h la pacification de la province , la dépu-
tation s excusa de déférer aux vœux de sa sainteté en
laveur du roi don Juan, on disant « que le pape ne
(t connaissait pas Tastuco et la malice du roi d*Aragon,
« en qui on ne trouvait aucune constance h garder la
«foi promise, ce quil avait bien prouvé dans la con-
uduite (|u*il avait tonne à legard de son premier-né,
«dans (*e quil avait fait contre sa iillo. et dans Talié-
«nation du Roussillon, au mépris de ses serments'.»
Pendant que les Catalans exaspérés déclaraient k
renvoyé du pape qu*ils aimeraient mieux périr au
* /untd.WI. k'S.
CHAPITRE QUATRIEME «l
milieu des flammes que tolérer la conduite du roi,
les Français achevaient de se mettre en possession,
par la force, du Roussillon et de f autre comté. A Per-
pignan, où ils n'occupaient que le château, les ha-
hitants de la ville, ne cessant de les considérer
comme des ennemis, se gardaient contre eux et se
refusaient à tout rapprochement. Cette aversion de la
population, quaugmentait encore la dépendance où la
ville se trouvait de ce château , converti en forteresse ,
ne tardant pas à produire des actes d*hostilité , il y eut
une véritable guerre entre ces deux parties de la mémo
place. D'un côté, les Perpignanais élevaient des re-
tranchements contre le château et poussaient des mines
sous ses murailles ; de Tautre , les Français avec Charles
et Bérenger d'Oms, frères de Bernard, sénéchal de
Beaucaire, mais tous deux au service du roi d*Âragon ,
et quelques autres chevaliers roussillonnais qui étaient
dans ce fort pour aider à le défendre , ripostaient aux
attaques de la ville par le feu de Tartillerie ^ Ces assié-
gés finirent par être bloqués si étroitement , que Louis
dut envoyer de nouvelles troupes en Roussillon pour
les délivrer. Le duc de Nemours, chargé de la con-
duite de ce secours , enleva les retranchements et le
fort que les habitants avaient élevés , et passa au fil de
répée tout ce qui s y trouva. Le désir de préserver la
ville du pillage empêcha ce prince d y entrer immé-
diatement. Les consuls et les notables accoururent
» Zurita,XVII. 45.
11. 6
82 LIVRE TROISIÈME,
vers lui, se jetèrent à ses pieds, demandèrent pardon
pour les habitants , et jurèrent fidélité pour Tavenir*.
En peu de semaines la plus grande partie des deux
comtés fut entièrement soumise. La ville de CoUioure
et le fort de Bellcgarde ne se rendirent que plus tard ;
le dernier surtout tint jusqu au mois d'octobre de
Tannée suivante.
Après la réduction de Perpignan, les habitants,
craignant que le roi de France ne voulût tirer ven-
geance des excès auxquels ils s*étaicnt portés contre ses
sujets, firent implorer sa miséricorde par une députa-
tion à la tète de laquelle était le second consul. Ces
députés étaient chargés de demander communication
du traité d'engagement, et de savoir du roi si son in-
tention était de réunir leur pays h la France; dans ce
cas, ils devaient le prier de confirmer leurs privilèges.
Louis fit expédier des lettres de grâce ^, qui plus tard
furent renouvelées pour CoUioure; quant aux autres
demandes, il répondit aux députés que les Perpigna-
nais s étant révoltés contre lui , il les avait subjugués ,
et qu'il ne lui fallait auprès d'eux d'autre titre que
celui de la conquête ; cependant il les informa de ce
qu'ils ne savaient encore qu'imparfaitement, c'est-à-
dire que les deux comtés lui étaient engagés pour une
somme d'argent, et que son intention était, en les
réunissant à son royaume, de rétablir ainsi les an-
ciennes limites de la France*'*. Quant h l'article des
» Durln«, //lit de Louii XI — " Prfiive§. n* VI — » Dndo«.
CHAPITRE QUATRIÈME. 83
privilèges , Louis déclara qu*il les confirmerait : il le
fit en eflet, mais avec de tels changements, qu'ils en
devinrent méconnaissables^. Le gouvernement des
deux comtés fiit donné au comte de Foix , et Philippe-
dcs - Deux - Vierges , seigneur de Montpeyroux , fut
nommé viguier de Roussillon et de Vallespir, charge à
laquelle fut réuni le gouvernement du château de
Bell^arde, après sa reddition. Le comte de Com-
minge, qui avait fait cette campagne à ses frais, en fut
dédonunagé par le don de la ville et seigneurie de Saint-
Béat, en Languedoc, avec le titre de sénéchal de
Toulouse.
Louis créa, à la même époque, un parlement dans
Perpignan, pour juger souverainement les affaires des
deux comtés suivant les lois du pays, et conformé-
ment aux privilèges qui accordaient à la province de
n'être pas distraite de sa propre jurisprudence.
En engageant les deux comtés , le roi d'Aragon avait
l'arrière - pensée de les recouvrer sans remplir les
conditions de l'engagement-, aussi, au lieu d'inviter les
peuples de ces terres à se résigner à une séparation
qu'il s'efforcerait de rendre la plus courte possible,
Juan s'était borné à leur faire dire par son lieutenant
de n'opposer aucune résistance à l'invasion , afin d'é-
viter d'irréparables dommages , et surtout pour que les
Français qu'il avait appelés k son secours ne se tour-
nassent pas contre lui-même; mais dans le même
' Duclos.
6.
8/1 LIVRE TUOISIÈME.
temps, il envoyait au roi d^Angleterre un nommé
André Rescados , pour le presser de faire la guerre à la
France '. Cet émissaire, arrêté par les Français, donna
à Louis la mesure de la foi de son allié , et lui apprit
â être sur ses gardes. L'occasion de montrer sa supé-
riorité au roi d'Aragon ne tarda pas à se présenter.
Le roi de Castiile était Tun des princes contre lesquels
le roi de France s'était défendu d'employer ses forces ;
en vertu de cette réserve, quand le roi d'Aragon en
vint à vouloir combattre les Castillans, qui étaient ve-
nus en Catalogne pouf appuyer l'élection que les Cata-
lans avaient faite d'Henri pour comte de Barcelone,
les Français refusèrent de marcher contre eux. Alors,
dans l'impossibilité de faire tête à tant d'ennemis, le
roi Juan fut obligé d'en passer par où voulurent les
chefs de l'armée française. Par leur entremise, un
armistice fut signé, et le roi de France fut déclaré
arbitre des diflérends qui divisaient la Castiile et l'A-
ragon.
Devenu ainsi par ses artifices le juge de deux puis-
sances qui craignaient également de l'avoir pour en-
nemi, et qui se trouvaient dans l'obligation de le mé-
nager, parce que ses troupes, placées entre elles deux,
pouvaient les accabler l'une ou lautre en se joignant à
celle qu'elles auraient favorisée, Louis connaissait
trop l'avanta;;c de sa position pour n'en pas profiter.
146J. Le 'i3 avril il rendit son jugement, qui, d'après les
' Ducloft.
CHAPITRE QUATRIÈME. 85
éléments sur lesquels il Tavait assis, devait méconten-
ter tout le monde et ne tourner au profit que de lui
seul. Aussi chacun se plaignit de cet arbitrage : Ara-
jgonnais , Navarrois , Catalans et Castillans , tous prirent
le roi de France en plus grande aversion ; mais Louis
s*en moquait : il savait qu*on avait besoin de lui.
Suivant la sentence rendue par le roi de France ,
le roi de Castille devait renoncer à protéger la Cata-
logne et retirer les troupes qu'il avait envoyées dans
cette province, sans pouvoir prétendre à aucune in-
demnité ni dédommagement poiu* tous les fi[^s que
cet armement lui avait coûtés ; et le roi d'Aragon , qui
s'intitulait toujours roi de Navarre, devait céder le
merindat d'Estella au roi Henri , en compensation de
la somme de neuf cent mille doubles que ce prince
avait dépensée en faveur du prince de Viane et des
Navarrois. Ainsi les deux rois perdaient à cette déci-
sion , et les Navarrois voyaient leur puissance s'affaiblir
par le démembrement d'un territoire considérable ,
pendant que les Catalans se trouvaient privés de l'ap-
pui du roi de Castille.
Après avoir communiqué cette sentence au roi
Henri, dans une entrevue qu'il eut avec lui sur la
Bidassoa, et dans laquelle les députés catalans, qui s^
étaient rendus , se plaignirent amèrement de l'abandon
auquel ils étaient réduits, Louis se porta à Saint Jean-
de-Luz, où le roi d'Aragon vint à son tour s'aboucher
avec lui , au commencement du mois de mai.
86 LIVRE TROISIÈME.
Le prince de Viane, véritable roi de Navarre, du
chef de sa mère, avait laissé sa couronne à l'infante
Blanche, sa sœur; et le comte de Foix, époux de Tautre
sœur de ce prince, avait obtenu de son beau-père que
Blanche lui fut livrée, afin d'empêcher qu'elle ne se
remariât, et d'assurer par là cette couronne à sa femme.
Quoique le poison n'eût pas encore terminé les jours
de cette princesse, sa sœur, la comtesse de Foix, dont
le fds avait épousé la sœur du roi de France, se regar-
dant néanmoins déjà comme reine de Navarre, se
trouvait lésée dans sa future succession par la cession
du mcrindat d'EstcUa à la couronne de Castille. Pour
la dédommager de cette perte, Louis s'était obligé à lui
abandonner SOS droits sur le lloussillon et la Cerdagne ,
seule condition qui eût pu rendre acceptable le traité
par le roi d'Aragon, et il devait ajouter à ces terres la
vicomte de Mauléon de Soûle , ce qui formait ensemble
un domaine évalué à trois cent soixante et seize mille
cent quatre-vingt-un écus d'or. Louis remplit, mais
voici comment, celte partie du traité qui le concer-
nait: par acte du 2/i mai il fit au comte de Foix la
cession des deux comtés de lloussillon et de Cerdagne
et de la vicomte de Mauléon; mais, ])ar second acte
du même jour, il les lui retira, et les remplaça par l'en-
gagement de la ville et de la sénéchaussée de Carcas-
sonne avec tous les revenus ^ Cet engagement devait
' Cts deui traités m trouvent, le prnnicr, clans les pièces des Mé-
moires (le Comines. publiées par Godefroy et Lenglet du Frctilny,
CHAPITRE QUATRIÈME. 87
devenir une cession perpétuelle en faveur de cette
maison , si au bout de deux ans Louis ne leur avait pas
rendu, soit le merindatd*Estella, soit les comtés avec
la vicomte ; ou bien , s il ne leur payait pas une somme
de trois cent soixante et seize mille cent quatre-vingt-un
écus d*or, équivalent de Tévaluation des domaines
cédés. Par cet arrangement , le roi de France, tout en
ayant Tair de vouloir indemniser la belle-mère de sa
sœur, n*avait encore travaillé que dans son propre
intérêt. Ayant lui-même des vues personnelles siu* la
Navarre, il avait cherché à aflaiblir ce royaume pour
en rendre la conquête plus facile au besoin; voulant
aussi réunir à la France la Cerdagne et le Roussillon ,
il retirait ces comtés des mains de la comtesse de Foix,
fille de don Juan , afin d*empécher toute nouvelle ac-
tion de ce prince sur ces terres, et les isoler encore
mieux deTÂragon; quant à la ville et sénéchaussée de
Carcassonne, Louis n'était pas en peine sur les moyens
de les faire rentrer sous sa puissance, même avant
Texpiration du terme de rigueiu*, si besoin était.
En retirant ses soldats de la Catalogne et renonçant
au titre de comte de Barcelone, le roi de Castille avait
invité les Catalans à se soumettre à leur roi , leur pro-
mettant, au nom de ce prince, Toubli et le pardon le
plus absolu du passé, avec toutes les garanties qu'ils
tome II, et le secoud , dans les Preuves de lliistoire générale de Lan-
guedoc , tome V. Saivant Ducios , le roi de France ne retint les comtés
engagés, que parce que Juan n^avait pas remis au roi de Castille le me-
rindat d*Estella. Hist. de Louis XL
88 LIVRE TROISIÈME.
l>ouiTaien t désirer pour l'exécution de cette promesse ^ .
Mais les Catalans, encore trop irrités contre un mo-
narque qui avait ajouté à ses premiers griefs celui de
démembrer une portion de lem* territoire sans leur
participation, ne voulurent pas profiter de cette am-
nistie, et continuèrent la guerre. Abandonnés par le
roi de Castille, ils se donnèrent à don Pèdrc, conné-
table de Portugal, qui, croyant pouvoir s'appuyer de
la protection de la France, demanda des secours h
Louis; mais celui-ci, qui convoitait lui-même la Ca-
talogne, ne pouvait voir que de mauvais œil la pré-
sence de Pèdrc dans cette principauté ; non-seulement
il refusa de lui prêter secours, mais il chercha même
à susciter à son concurrent des obstacles du côté du
Portugal. Pèdre, irrité, entra alors en Ampourdan,
d*oii il tenta de soulever le Roussillon contre les Fran-
çais. Pour arrêter la fermentation qui déjà commençait
à se manifester dans ce comté, Louis fit partir en toute
hâte pour Perpignan Juan de Verges, conseiller au
parlement de Paris, dont la prudence calma toutes les
plaintes *.l3n des agents du connétable, ayant été trouvé
à CoUioure, fut arrêté et pendu.
Pèdrc avait reçu quelques secours de Philippe, dur
de Bourgogne; mais ces moyens étaient bien faibles
contre les forces qu'avait réunies contre lui le roi d'A-
* Ce. pardon était un de» articles de la wntence arbitrale de Louis
entre les rois de Castille et d* Aragon. Toutes ces pièces sont dans les
Mémoires de (domines, publiés par (lodefroy et I^englet Dufresnoy.
• Ihirlos
CHAPITRE QUATRIÈME. 89
ragon. Ayant voulu marcher vers Cervera, que le
comte de Prades assiégeait et que le défaut de vivres
et de munitions mettait dans le plus grand péril» il fut
battu complètement ; les Bourguignons , qui formaient » 4«^-
la première ligne de sa petite armée, et qui, dit Ma-
riana, ne savaient ce que c'est que de reculer, y pé-
rirent presque tous; don Pèdre fut heureux de pouvoir
échapper à Tennemi, en jetant son manteau et les in-
signes qui pouvaient le faire reconnaître, et en se mê-
lant le lendemain avec les vainqueurs, pour trouver
les moyens de se mettre en sûreté ^ Ce prince moiuiit
le 29 juin 1 466, laissant par son testament le titre de >«<!s-
comte de Barcelone à son neveu, don Juan de Por-
tugal. Mais les Catalans, siu* qui le roi d* Aragon ob-
tenait chaque jour de nouveaux avantages, et qui n'a-
vaient pas grand'chose à espérer du côté du Portugal ,
élurent , h la place de don Juan , le duc d'Anjou, René,
roi de Naples et comte de Provence, qu'ils savaient
être ennemi irréconciliable des Aragonnais, et qu'ils
se flattaient de voir soutenir par les Français , comme
prince de la maison de France. René envoya à Bar-
celone Jean , duc de Lorraine et de Calabre , son fils ,
qui, pour mieux résister au roi d'Aragon, s'unit au
comte d'Armagnac, et reçut même sous main des se-
cours de Lom's XI.
Le duc de Lorraine mourut à Barcelone le 1 6 de «^70
décembre 1/170, et cet événement ruina entièrement
> Manana. Hitt (TEsp. liv. XXm.
^.
90 LIVRE TROISIÈME.
les aflaires des Catalans. Les armes d'Aragon, déjà
plusieurs fois victorieuses entre les mains de don Juan ,
fils naturel du roi et désigné par les historiens sous le
titre d*archcvéque de Saragosse, quoiqu'il n*en fût
qu'administrateur général , pour en percevoir les re-
venus sans exercer la prêtrise , ne laissant plus aucun
espoir à la résistance, la ville de Barcelone retourna
enfin à l'obéissance, et sa soumission acheva la pacifi-
cation du pays. Tranquille de ce côté, Juan songea
alors à faire cesser ce que les écrivains espagnols ap-
pellent l'usurpation des comtés de Roussillon et de
Cerdagne. Aussi peu scrupuleux que Louis sur les
moyens de recouvrer ces comtés sans rien rembourser
à la France de ses avances, ce fut par la révolte des
populations contre les garnisons françaises, qu*il cher-
cha à les faire rentrer sous sa domination.
Ces garnisons occupaient toutes les places des deux
comtés; l'administration s'y trouvait entre les mains
de gens à la convenance du roi de France, et le parie-
ment de Perpignan exerçait souverainement la justice
dans tout son ressort. Louis, qui était juste quand son
intérêt ne lui commandait pas l'injustice, faisait tous
ses eflbrts pour accoutumer les Roussillonnais au ré-
gime français; la tranquillité et l'abondance régnaient
dans tout le pays, quand les menées du roi d'Aragon
y rappelèrent les tempêtes.
i4,i Suivant les écrivains espagnols, jaloux de justifier
la conduite du roi de leur nation, les Français qui se
CHAPITRE QUATRIÈME. 91
trouvaient en Roussillon, s y considérant comme en
terre ennemie, se livraient envers les habitants à des
vexations telles , qu'elles avaient mis ceux-ci dans la
nécessité d'implorer le secom^s de leur roi poiur les ar-
racher à un joug devenu trop insupportable. Cette in-
culpation , répétée par quelques-uns de nos historiens
nationaux, siur la foi des premiers, ne paraît pas aussi
prouvée qu'ils ont semblé le croire. Trop souvent sans
doute, dans un pays conquis, la justice n'est pas assez
impartiale , et on est très-porté à croire que plus d'im
Roussillonnais fut victime de l'arrogance ou de l'avarice
de ceux qui occupaient des charges publiques; mais,
comme l'intérêt de Louis était de ménager une popu-
lation qu'il voulait attacher à la France, il n'est pas
probable qu'il eût souffert des persécutions qui au-
raient pu compromettre sa possession , et l'envoi de
Jean de Verges pour calmer la fermentation qu'avait
excitée en Roussillon le voisinage du connétable de
Portugal, en i463, et redresser les injustices, atteste
la sollicitude de ce prince sous ce rapport. Lorsque,
en traitant de la paix dans le cours de la guerre dont
nous allons rendre compte, les ambassadeurs ou plé-
nipotentiaires du roi d'Aragon voulurent excuser l'in-
surrection de Perpignan et des comtés, en alléguant
les mauvais traitements des Français , le conseil du roi
répondit à ce grief en ces termes : « Quant à ce qui
« concerne les efforts des ambassadeurs pour justifier
nia rébellion du Roussillon, la conjuration tramée
92 LIVRE TROISIÈME.
(( par ces peuples contre le roi de France et leur sou-
« lèvement contre lui pour se donner au roi d*Aragon ,
« prétextant pour excuser leiu* coupable attaque contre
« les Français, afin de les chasser de Perpignan et des
«châteaux occupés par le roi de France, Tinsuppor-
« table dureté de leurs gouverneurs, ce n'était qu'une
a feinte. Avant que les Roussillonnais se révoltassent
<c contre le serment et hommage qu'ils avaient prêté au
«roi de France, les comtés de Roussillon et de Cer-
« dagne jouissaient d'une profonde paix , avec une en-
tttière administration de justice. Jamais, depuis plus
« de cent ans, cette terre n'avait été dans un état aussi
«prospère qu'à cette époque, et toute la noblesse
« qu'elle contenait recevait des pensions et des traite-
«mcnts du roi. Ainsi, prétendre que le roi d'Aragon
« s'était mis en marche pour le Roussillon, sur les cla-
« meurs et les plaintes des habitants , c'était avancer un
« fait contraire à la vérité. La vérité est que depuis
«que le roi d'Aragon est arrivé (à Perpignan), ce
« peuple, de dure cervelle ^ a souffert de la guerre et
« de la faim, et de toutes espèces de tribulations. Il n'é-
« (ait pas nécessaire de faire mention de l'administra-
«tion de la justice, puisque cette province s'en était
«déjii sépart'C elle-même. Il est certain, eneflet, que
« pendant que le roi de France la possédait pacifique-
« ment et h titre légitime, la plupart des nobles avaient
«déjà conjun* la captivité du seigneur du Ludr. gou-
* Pr dan) crnt:
XmRP. QIÎATRIKMI',.
» verneur de ce comt^ , ot conspira à diverses reprises
« l'envahissement du (Mtcau et de la ville de Pcrpi-
n gnaii ; que le roi d'Aragon , pour faciliter l'exécution
« de cette traluson , s'i^tait porté de sa personne juscpi'au
u château de Mortcllas ( sans doute MaurcUas), et que
«cette circonstiincc ne saurait être niée, puisque
«Riambao, chevalier de Perpignan, qui devait lui
u livrer une des portes de la ville, en fit publiquement
•il'aveu, !> la face de toute !a population, au monient
« oii ou allait lui trancher la tète. Plusieurs mois après,
• le roi Juan revint encore, dit-on, au même endroit,
■ et. à ses instances, cette ville et divers châteaux se
■ révoltèrent contre ie roi de France*. » Ces faits, que
le conseil opposait aux plaintes des ambassadeurs du
roi dWragon , ne laissent point douter que le soulHe-
menl du Roussillon, et de Perpignan en particulier,
n'aient été l'ouvrage de don Juan; et tout en faisant,
dan&ccs récriminations du conseil, la part de la mau-
vaise foi qu'il est convenu qu'on ne peut scparcr de
tout ce qui se faisait sous Louis XJ. il restera toujour»
établi que ie fait des mauvais traitements des Français
envers la population ne fut pas ia cause de h révolte.
La conduite du roi d'Aragon, dans toute cette affaire
de l'engagement , fut encore plus déloyale que celle du
roî de France. Après cette première tentative pour
&ire soulever Perpignan, tentative qui n'est connue
qaepar ce qu'en rapporte Zurlta, d'après la réponse
L
OA LIVRE TROISIÈME.
du conseil du roi de France dont nous venons de par-
ler, et qui n*eut pour résultat que de faire tomber sur
un échafaud ia tète du chevalier Riambao , Juan en fit
une seconde qui réussit mieux. Ayant traversé les
Pyrénées dans le silence, ce prince se présenta inopi-
nément devant Perpignan, avec quelques troupes, le
i" du mois de février 1473, après minuit. Aux cris
Aragon! Aragon 1 que poussèrent ses gens, le premier
consul de la ville , nommé Jean Blanca , et ses quatre
collègues allèrent ouvrir la porte de Canot, et donnè-
rent entrée dans la place à la troupe aragonnaise ^ Les
Français, surpris dans leur sommeil, n'opposèrent au-
cune résistance au double ennemi qui les attaquait , et
ceux qui ne purent se réfugier au château tombèrent
sous le fer catalan ou aragonnais ^.
Il y avait déjà deux ans que 1 étendard de la révolte
était déployé en Roussillon contre la domination fran-
çaise, quand le roi dWragon se rendit ainsi maître de
Perpignan. Dès 1671, pendant que Juan faisait la
lierre en Catalogne, ce Bernard d*Oms, chevalier
roussillonnais au service de France dès avant Tengage-
* Fosu, d'après un manuscrit du temps.
CjfiXt action du consul Bianca, singulit^rrmcnt dniaturer par la
»uitr, donna lieu â une anecdote dont le ridicule a été démontre par
Fossa. et dans laquelle on lui faisait joutT lo morne n'de qu'au célèbre
Guxman. {rouTemeur de Tarifa. \ ce trait apocryphe on a\ait rattadié
Hnscription suiiante« qu'on lit sur une pierre enchâssée dans le mur
du jardin de l'ancienni' intendant •Hnju«domusdi'»mmus fideliiate
• runctos «upera^ii Boman«v« •
' Daniel. Huf dr France
CHAP1TRK QUATRIEME. 95
ment du HoussîUoii . que Louis XI avait fuit son séné-
chai de Bcaucairc, et ensuite de Perpignan, pour le
placer ainsi danR son propre pays', Giiillaunie d'Oms,
son frère ou son parent , Pierre d'Orlala et quelques
autres seigneurs avaient fait soulever leurs vassaux.
et le roi Juan les avait lait soutenir par quelques forces
sous le commandement de Pierre de Rocaberti et de
Berirand d'Annendarès, Ce même Bernard d'Oms
venait, tout récemment encore, de faire révolter la
ville d'Elne et d'eu chasser la garnison française , si
bien que Louis ne possédait plus en Roussillon que les
châteaux de Perpignan, de Salses et de Collioure.
Cetle insurrection des pays engagés, aux instigations
et par les manœuvres de don Juan , soulève une grave
question , celle de savoir si le roi de France était li^ga-
lement en possession des terres engagées, ou si , comme
ic disait le roi d'Aragon , et comme l'ont répété les écri-
vains espagnols , il les possédait par une usurpation et
contre l'équité. Dans ce dernier cas, Juan aurait été
en droit de les reprendre par toutes les voies ; dans
l'autre, sa conduite était une perfidie. Nous démon-
trons ailleurs que )a possession du roi de France était
réellement légale, et que les intrigues du roi d'Aragon
pour la lui ravir, sans remplir les conditions du con-
trat . étaient une véritable fraude '.
' Ziirita.XVlII. 38.-
96 LIVRE TROISIEME.
CHAPITRE V.
Siège de Perpignan. — Trêve de Oinet. — Traité de Perpignan.
— Ambassade aragonnaîse.
Au moment où le roi d*Aragon dérobait «nu roi de
France le gage qu*il lui avait livré pour la garantie d une
dette, Louis se trouvait dans une situation critique ,
et le moment de le blesser au rxeur ne pouvait être
mieux choisi. Le duc d'Alonron et le duc de Bourgogne
s'étaient ligués contre lui; le comte d'Armagnac, dé-
pouillé, condamné à mort, puis réintégré dans une
partie de ses biens, s'était emparé de Lcctoure au mé-
pris de sa foi, et le jeune duc de Calabre, petit-fds de
René d'Anjou, s'était déclaré en faveur du duc de
Bourgogne. Une armée sous les ordres de JoufTroy,
cardinal-évêcfue d'Albi , de Gaston-du-Lyon , sénéclial
de Toulouse, de Rufée-de-Balzac, sénéchal de Beau-
Caire, et d'Yves-DulTou ou du-Fou avait mis le siège
devant cette même ville de Lectourc, que Louis avait
fort à cœur de reprendre, quand parvint à ce mo-
narque la nouvelle de la révolte de Perpignan. Le nv
tahlissemont de son autorité dans les pays engagés
étant pour lui de la plus haute importance, il .sentit l:i
nécessité de diriger, sans perdre de temps, des force»
sur le Roussillon; mais, ne voulant pas renoncer a sa
CHAPITRE CINQUIÈME. 97
vengeance contre le comte d* Armagnac, il prépara
sa chute par une noirceur infâme. Un accommodement
lut proposé à ce comte , qui s y prêta ; une convention
fut signée entre les assiégeants et les assiégés, et, à
l'ombre de cet accord , les premiers se glissèrent dans
Lectoure : le comte fîit massacré et sa femme traitée
de la manière la plus horrible. Le sang et les cendres
marquèrent remplacement de la ville.
Après cette épouvantable prouesse, après avoir
parcouru tout TArmagnac en ennemi et forcé le cha-
pitre d'Auch à vendre, pour sa rançon, toute sa bi-
bliothèque et quelques pièces d*argenterie de Téglise ^,
le cardinal Jouffiroy marcha sur le Roussillon, avec la
persuasion qu'il pourrait se jeter facilement dans Per-
pignan par le château, qui était toujours au pouvoir
des Français. Bientôt détrompé , il forma le blocus de
cette place.
Le roi d* Aragon était encore dans Perpignan ; quoi-
que âgé alors de soixante et seize ans , il voulait défendre
lui-même cette ville. Convaincu que sa présence était
le meilleur moyen de soutenir le courage des habi-
tante, dans la lutte dangereuse qui allait s'ouvrir, il
résista è toutes les instances que lui faisaient, autant
les grands que le peuple lui-même , pour qu'il n*exposât
pas sa personne aux périls d'un siège ; mais le valeureux
vieillard , qui en cette occasion méritait plutôt cepen-
dant les épithètes de téméraire et d'imprudent que
* Eipilly, Dict de la France.
II. 7
98 LIVRE TROISIÈME.'
celles d*intrépide et de magnanime, puisque pour une
seule ville il pouvait compromettre la tranquillité de
tout son royaume, jura, en présence de toute la popu-
lation rassemblée dans la principale église, qu*il ne
sortirait de la place que lorsqu'elle serait libre de toute
crainte de la part des Français. Animant tout par son
activité, il mettait le premier la main aux travaux qui
devaient garantir la ville contre le château , et, par son
exemple, il forçait chacun d y prendre part. Des fossés
furent creusés de ce côté, des terre- pleins palissades
s'élevèrent dans toutes les avenues, et on établit des
batteries de canon partout où s*en montrait le besoin.
La résolution hautement exprimée par le rot d*A*
ragon de ne jias abandonner les Perpignanais, tant
qu'il y aurait du danger pour eux, électrisant d'un feu
sacré la belliqueuse noblesse de ses états, chaque jour
les portes de la ville s'ouvraient à des chevalier^ de re-
nom qui venaient partager avec le prince les fisitîgues
et les périls de sa position. Don Alonze d'Aragon,
second enfant naturel du roi, le comte de Pradeset
de Cardone, Pèdre de Rocaberti, châtelain d'Am-
posta, don Louis Muça de Luçana, suivi de orne che-
valiers, ses partisans ou alliés, et une foule d'autres
riches hommes se jetèrent ainsi dans Perpignan, à la
vue des Français ; cent chevaux fournis par la ville de
Saragosse y entrèrent également , et le connétable de
Navarre, Pierre de Peralta, à la faveur de la langue
française qu*il parlait très-bien, et sous un froc de
CHAPITRE CINQUIÈME. 99
capucin dont il couvrit son armure , pénétra dans la
place , à travers le camp même des assiégeants.
Le seul enfant légitime qu'eût le roi d* Aragon , don
Femand ou Ferdinand, marié depuis quelques années
à Tinfante de Castille, Isabelle, et qui portait le titre
de roi de Sicile, était à Talamança, lorsque les messa-
gers de son père vinrent lui annoncer le projet hardi
qu il avait formé. Réunissant aussitôt quatre-vingts
chevaux de Castille, ce prince partit en toute hâte, et
vint camper en vue d'Ampurias, dans le courant de
juin: le blocus rigoureux de Perpignan était formé
depuis le mois d'avril.
Le roi de France avait donné le commandement de
son armée à Philippe de Bugey, frère du duc de Savoie,
auprès de qui il avait placé un général français investi
de toute sa confiance. Son choix s'était porté d'abord
sur le maréchal de Comminge, puis sur le sénéchal
de Poitou, qui l'un et l'autre moururent avant d'arri-
ver à l'armée; enfin, Jean de Daillon, seigneur du
Lude, bailli de Cotentin, l'un de ses ùvoris, joignit
l'armée en Roussillon.
Le siège de Perpignan se continuait, mais sans 8U<>
ces et sans résultats; de fréquentes escarmouches
avaient lieu, parce que les assiégés faisaient de fré-
quentes sorties pour aller chercher des vivres à Elne,
où l'archevêque de Saragosse ( pour nous conformer
h la qualification que les écrivains aragonnais donnent
k l'infant administrateur de ce diocèse ) en avait réuni
7-
100 LIVRE TROISIÈME.
une grande quantité. Dans une de ces sorties, un sei-
gneur navarrois, nommé Jean d'Armendarès, capi-
taine dune compagnie de chevaux, ayant été pris et
massacré, le roi Juan, justement indigné, fit, par re-
présailles, mettre à mort quelques-uns des principaux
prisonniers français tombés entre ses mains. Cette
rigueur amena des explications; les Français rejetèrent
la funeste mort du seigneur navarrois sur une troupe
de bandits au pouvoir desquels il était tombé, et on
prit des mesures pour que de pareils malheurs ne se
reproduisissent plus.
L'annonce de l'approche du roi de Sicile avec un
renfort de troupes avait déconcerté les assiégeants,
qui déjà avant ce moment désespéraient du siège. Dé-
cidés à tenter un dernier effort avant l'arrivée des Cas-
tillans, quatre mille hommes sous le commandement
de du Lau, gouverneur de Roussillon\ et de Ruffée
de Balzac avaient été détachés pour donner un assaut.
Ces capitaines firent une fausse attaque d'un côté, pen-
dant que soixante gendarmes, avec une troupe d'ar-
chers, escaladaient le rempart du côté opposé. La ten-
tative fut heureuse; les gendarmes parvinrent à se
jeter dans la place , mais n'ayant pas été soutenus à
' Ce seigneur, condamné par Louis XI k être enfenné dans une
cage» de fer, était ensuite retenu en faveur, et Louis Tavait engagé à
acheter, pour la somme de vingt-quatre mille écus, la charge de gou-
verneur des deux comtés, à Tanneguy-du-Châtel , qui en était pourvu
avant lui. Dudos ( H'ut. de Louis XI ) fait ohserver que rcst par \k que
s*intrt>doisit la vénalité des charges
CHAPITRE CINQUIÈME. 101
temps, ils furent tous tués ou pris. Le lendemain, du
Lau s étant posté en embuscade pour surprendre un
convoi qui devait entrer dans la place, les assiégeants
firent une sortie, et du Lau, pris entre deux feux, se
trouva dans Timpossibilité d opérer sa retraite : après
une vive résistance, il fut pris avec le sénéchal de
Beaucaire et plusieurs des leurs.
Pendant que ces choses se passaient, le duc de
Bourgogne avait conclu avec Louis XI une trêve dans
laquelle TÂragon se trouvait compris. La nouvelle en
étant parvenue à don Juan , il s'était empressé de la
notifier aux généraux finançais, qui nen avaient tenu
compte ; cependant la certitude acquise que le roi de
Sicile avait traversé les Pyrénées, le a & juin , les deux
échecs des jours précédents, la disette qui commen-
çait à se faire sentir dans le camp fiançais et les mala-^
dies qui s y étaient manifestées , faisant faire de sérieuses
réflexions à ces généraux, ils levèrent le siège. Le dé-
part se fit avec si peu d'ordre , avec une telle précipi-
tation, que les Français mirent eux-mêmes le feu h
leur camp, et que, dans cet incendie, il périt un
nombre considérable de malades et de blessés.
La trêve signée par le duc de Bourgogne fut renou-
velée pour le Roussillon , à Canet, le 1 6 juillet suivant,
et suspendit les hostilités pour quelques instants de
plus. Aux termes des conventions, chacun, gardant les
places et châteaux qu'il occupait, pouvait les fortifier
à son gré et les pourvoir de vivres , et les soldats de
102 LIVRE TROISIÈME.
part et d'autre, aussi bien que les habitants, étaient
libres de communiquer entre eux et de se rendre d'un
lieu à un autre, mais non pas d'entrer dans les places
fortes sans la permission des capitaines.
Cette trêve était tout à l'avantage des Français, qui
à sa faveur pouvaient tranquillement rendre inexpu*
gnable le château. Cependant elle ne fut pas du goût
de Louis , qui aurait voulu terminer immédiatement
l'affaire du Roussillon. Dans son mécontentement, il
retira le conmiandement de l'armée au prince de
Savoie , et il mit à sa place le seigneur du Lude ( An-
toine de Cliâteauneuf ), avec ordre de reprendre in*
continent les opérations du siège. Le duc de Bour-
gogne se trouvant en ce moment occupé en Allemagne ,
et laissant ainsi à Louis la libre disposition des troupes
qu'il avait sur pied , l'armée de Roussillon reçut des
renforts considérables, et ce prince annonça haute-
ment qu'il enverrait contre Perpignan , s'il le feUait ,
toutes les forces du royaume. Dans le même temps, au
moyen de gros emprunts qu'il fit è un riche banquier
de Tours, nommé Briçonnet, il formait de grands ma-
gasins sur la frontière.
Deux semaines s'étaient à peine écoulées depuis la
conclusion de l'armistice, quand le roi d'Aragon vit
l'armée française se rapprocher de Perpignan et re-
prendre ses positions autour de cette place. Juan s'était
déjà imprudemment privé d'une partie de ses moyens .
dans la confiance qu'un arrangement définitif allait
CHAPITRE CINQUIEME. 103
suivre la Irére , ce [triiice avait fait repaûer les Pyriè-
nées aux gens da roi de Sicile et de l'arkheYéqiie Aé
Sangosse. Quand les ooiiniers envoyés <Ur lu trMei
de ces deux inlanta les atteigoiram, le dernier ft'avHit
fAa» personny aotour -dé loi , et Ferdinand atdlt lib«tt>-'
dé ses Castiliahs.Lea eon^eUlcm daroi de Sicile b'é-
laieiit pas d'avis qiii! ce priiiofi rcltiurnût iiti|)ri!:s de son
père, qu'ils accusaient nvec raison de metirc en pt^ril
sa personne et st'S fatals par son obstination k rester
dans anc ville assiégée; mats Ferdinand rebrOuSM
chemin avec tout ce qu'il put réunir de Catalans; de
leur coté, les enfants naturels du roi retournèrent k
Ehe •■ À leur arrivée , la c^nsc qui les avait fait rappeler'
n'existait plus. Sans ifu'oti en sache les motifs, le nou-
veau htocus de Perpignan avait été levé aussitôt que
■ repris. Zurita soup(;«nne que ectie démonstrnlion n'a-
vait eu pour objet que de masquer rentrée d'un renfort
de troupes au château; les événements subséquent»
sembleraient plutôt prouver que l'éloipiement suTiit
de l'armée, après les ordres si précis de Louis de ne
pas accepter la trêve, ne fut que le résultat d'mi elian-
genient d'idées de la part de ce roi , et uniquement pour
priver Perpignan de la présencP du prince qui seul
pouvait en empêcher ta chute.
La faculté que la trêve laissait aux Fntni;ais de pou-
voir se fortifier dans le ebôtcau avait donné de vifs
regrets aux conseillera du roi d'Aragon , qui savaient
qu'on négoiûait une prorogation de la suspension
104 LIVRE TROISIÈME,
d'armes conclue entre le roi de France et le duc de
Bourgogne. Prévoyant que Taugmentation des forces
dont Louis pourrait alors disposer allait rendre plus
dangereuse la guerre de Roussillon, ils avaient de
nouveau pressé le monarque de quitter Perpignan , et
d'aller à Barcelone réunir les corts , afin d'aviser aux
moyens de recouvrer pacifiquement les deux comtés «
en remboursant le prix de l'engagement; tous s'of-
firaient de sacrifier, s'il en était besoin , leur fortune
entière, et jusqu'à vendre, disaient-ils, leurs propres
enfants , pour réunir la somme nécessaire ^ ; mais Juan
ne voulut pas écouter un avis si plein de sens et de
loyauté. Obstiné et avare comme la plupart des vieil-
lards, mais brave par-dessus tout, il tenait à honneur
de ne pas sortir de la place qu'elle ne fût entièrement
à l'abri de toute crainte , et de recouvrer ses domaines
sans bourse délier. Quoique fort malade, il déclara
que rien ne pourrait changer sa première résolution.
Pendant que les esprits étaient flottants entre 1 m-
certitude de ce que ferait le roi de France , à l'expi-
ration de la trêve qui paraissait enfin devoir être
observée , et l'inquiétude que causaient ses grands pré-
paratifs, Louis tendait à son rival un piège que celui^â
ne sut pas pressentir. Juan vit arriver à Perpignan don
Pierre de Rocaberti , chevalier catalan , fait prisonnier
* c Y offrecian qae ellot no aoUmente darian el dinero , pero vende-
■ riao tai hijoi para cobrar pacificameote lot oondadoa de Hoaaelloo y
• Cerdanya.t ZuriU, XVin, SS.
CHAPITRE CINQUIÈME. 105
par les Français peu de temps auparavant, et que le
roi de France expédiait au roi d'Aragon pour lui faire
quelques ouvertures de raccommodement. Ravi de
voir son adversaire faire les premières démarches,
Juan s'empressa de renvoyer Rocaberti à ce prince ,«
pour entendre ses propositions. Louis, pour mieux
endormir son ennemi, paria d'abord d'un projet de
mariage entre le dauphin et la petite-fille du roi d'Â-
ragon, et il en vint ensuite à un traité, qui, accepté,
(ut signé à Perpignan par Pierre de Rocaberti et le
seigneur du Lude, le 17 septembre. Les dispositions
de ce traita étaient, en substance,
Articles 1 et 1 5 , que le roi très-chrétien promettait
de restituer au sérénissime roi d'Aragon les comtés de
Roussillon et de Cerdagne, dès que celui-ci lui aurait
payé les sommes pour lesquelles ces comtés avaient
été engagés; et que le roi d'Aragon s'obligeait à effec-
tuer ce payement dans le terme d'une année ;
3. Que pour rendre l'exécution de ce dégagement
plus facile, et parvenir plus tôt à une paix désirée, le
roi d'Aragon présenterait deux hommes au roi de
France , qui en chobirait un pour être , en son nom ,
gouverneur générai des comtés de Rouâsiiion et de
Cerdagne. Ce gouverneur prêterait serment, première-
ment au roi très-clirétien , puis au roi d'Aragon, de
bien administrer la province et de n'exécuter les ordres
d'aucun des deux souverains, tant que durerait sa
commission ;
106 LIVRE TROISIÈME.
3. Que le roi très-chrétien présenterait, de son
côté, quatre personnes au roi d* Aragon, qui en choisi»
rait une pour la garde des châteaux de Perpignan et de
Collioure. Ce commandant jurerait au roi d* Aragon de
maintenir la paix, et de remettre fidèlement les place»
confiées à sa défense , dès que le roi d'Aragon aurait
acquitté le prix de l'engagement ;
&. Que ce conunandant et tous ceux qui habitaient
les forteresses prêteraient serment d obtempérer aux
invitations du gouverneur général, de ne pas mettre
d'empêchement à son entrée dans ces places , et de n'y
admettre personne lui-même , sans la permission de ee
gouverneur;
5. Que le gouverneur et le commandant des places
seraient absous, pendant toute la durée de leurs fonc-
tions, de tout serment de fidélité prêté k leur souve-
rain respectif;
6 et y. Que le gouverneur général pourrait avoir à
Perpignan , à Elne ou dans toute autre place des deux
comtés , trois ou quatre cents chevaux pour assoreir
l'obéissance à ses ordres ; que ceà cavaliers seraient à la
solde du roi d'Aragon , et hii prêteraient serment de
remplir fidèlement ces conventions;
8. Quelesdeux comtés, quoique administrés au nom
du roi de France , ne ie seraient pourtant que par leurs
lois et privilèges ; que si le roi très-chrétien ou le roi d'A-
ragon venaient en Roussillon cette année, ils ne pour-
raient être admis dans les places, ni eux ni aucun o£B-
CHAPITRE CINQUIÈME. 107
cier porteur de leurs ordres , cette obligation étant in-
dispensable pour garantir l'exécution des conventions \
9. Que le gouverneur et le commandant des places
renouvelleraient leur serment au bout de Tannée;
1 o. Que la ville de Perpignan pourrait conserver
les fortifications qu^elle avait élevées contre le château,
et les munir d*artillerie ;
1 1. Que tous les gens de guerre, hoi*s ceux que
devait garder le gouverneur, évacueraient la province;
1 2 . Qu amnistie entière serait accordée à tous lès
habitants pour les excès qui auraient été commis danà
cette guerre;
1 3 et 1 6. Que pour rendre leut alliance plus étroite
et plus durable, les deux rois s accorderaient à avoir
les mêmes amis et les mêmes ennemis ^ restant néan^
moins chacim libre de secourir ses alliés satls en venir
à une rupture ;
16, 1 7 et 18. Que ces conventions seraient con-
firmées dans le laps de trois mois « par le roi de France
d*une part, et par le roi de Sicile et Tiiifante de Cas-
tille, d*autre part;
1 g et 2 o. Que , pour hâter le retoiu* de la paix dans
toute la chrétienté, lé roi d'Aragon enverrait une am>
bassade au roi de France , et que la paix , ainsi ooncluie^
serait promulguée dans les comtés de RoUssillon et de
Cerdagne, et dans tous les autres pays soumis à la do-
mination des rois de France et d'Aragon ^.
' Higaud, RecoUecia de iaU lot pmilegis , etc. de Pêrpinj^, (* xxnu
V
108 LIVRE TROISIÈME.
Ce ti^té, fait sous les apparences de la bonne foi« à
Perpignan , en la présence et en quelque manière sous
imfluence du roi d*Âragon, comblait les vœux de
Louis, qui le signa le i o novembre. En exécution du
deuxième article, don Pierre de Rocaberti, sur qui
Louis avait déjà commencé à jeter quelques filets « fut
désigné par lui pour être gouverneur général des deux
comtés sur la présentation du roi d* Aragon ; et comme
il n*avait, de son côté, présenté pour candidats à la
charge de commandant des places, que des sujets qui
lui fussent complètement dévoués , ce fut Yves DuS-
fou, qui obtint le suffrage du roi don Juan pour le
commandement de Perpignan.
Le roi d'Aragon , se croyant désormais exempt de
toute inquiétude par rapport à Perpignan, re[mt la
route des Pyrénées, et rentra à Barcelone, où Tatten»
dait une pompe triomphale : Louis triomphait plus
sûrement, avec moins de bruit. Ses vœux étaient ac-
complis, Juan avait enfin abandonné cette place dont
la soumission lui tenait tant à cœur.
Dans toutes leurs transactions le roi de France et
le roi d* Aragon ne cherchaient qu*à se tendre Tun à
Tautre des pièges où ils espéraient se faire tomber
mutuellement : le dernier traité n*avait pas été médité
sur d'autres bases. Juan s*était obligé , par Tun des ar-
ticles, à rembourser dan» Tannée le montant de la
somme pour laquelle les deux comtés étaient engagés;
mais Fétat de ses finances était loin d*ètrc prospère et de
CHAPITRE CINQUIÈME. 109
lui en fournir les moyens; il se flattait donc que la
guerre, qui ne pouvait manquer de se renouveler bien-
lot entre la France et la Bourgogne, éloignerait les
troupes françaises du Roussillon , qu il enlèverait alors
facilement de vive force les châteaux qu avait en garde
Duffou, et qu'il recouvrerait ainsi les domaines enga-
gés, sans effectuer le remboursement. De son côté, le
roi de France avait voulu tirer de Perpignan le roi d'A-
ragon, et le huitième article du traité n*avait pas
d auti'e objet. Les deux princes ne voulaient que des
moyens de temporisation, l'un pour chercher à sus-
citer, dans fin tervalle, de nouveaux embarras à son
adversaire, l'autre pour se donner la faculté de ter-
miner quelques affaires intériem*es du royaume, laisser
la mauvaise saison s'écouler, et se mettre en mesure de
recommencer la campagne au printemps. Le mariage
proposé et accepté entre le dauphin et la fille de Fer-
dinand n'était donc que le voile, assez transparent,
dont chacun des contractants s'était prêté à couvrir
tant bien que malle contingent réciproquement fourni
à ce tissu de fourberies. Dans un pareil assaut d'astuce,
c'était au plus habile à l'emporter : ce triste avantage
appartint à Louis.
Juan, sous les auspices de qui avait été, en quelque
sorte, rédigé le traité, s'était obligé à envoyer une
ambassade au roi de France : il fit partir pour Paris
Raymond Folch, comte de Prades, et Bernard Hugues
de Rocaberti, châtelain d'Âmposta, différent de Pierre
110 LIVRE TROISIÈME.
de Rocaberti, gouverneur général des deux comtés.
Sous le motif ostensible de régler les conditions du
mariage projeté et de travailler à la pacification géné-
rale, ces agents du roi d* Aragon devaient agir secrète-
ment auprès des ducs de Bourgogne et de Bretagne,
pour les exciter encore contre le roi de France ; et c'ett
là peut-être une des principales raisons qui avaient
porté Juan à faire de cette ambassade une des condi-
tions du traité : Louis en fut quelques instants la dv^.
Ce prince, par lettres patentes du 3o janvier là^à^
avait accrédité, poursuivre les négociations avec les
ambassadeurs d* Aragon, les évèques d*Albi et de
Lombes , le protonotaire et maître des requêtes ordi»
naires, Jean d*Amboise, Roger d*Aigremont, son cham*
bellan, et Pierre de Sacierges, son secrétaire ^
474. Les envoyés du roi d*Aragon n'eurent pas plus tôt
dépassé la frontière , qu ils purent s assurer que le roî
de France ne se laissait pas tromper par i'artifiee de
leur maître. Partout sur leur passage, au lieu des ap«
prêts de fête qu'ils s'attendaient à voir, en réjouis-
sance de la cessation des hostilités , ils ne rencontraient
que de nouveaux préparatifs de guerre. Arrivés à Mont-
pellier, le 20 février, ils voulurent avoir une con-
férence avec révêque du Puy, lieutenant du roi en
Languedoc, sous le prétexte du rétablissement du
commerce entre les deux frontières; mais ce fut en
vain qu'ils la sollicitèrent : ils ne reçurent jamais que
* PiAcet des MénAotrM de ComiBes.
CHAPITRE CINQUIÈME. 111
des réponses évasives. En route, ils ne pouvaient
voyager pendant une journée sans être arrêtés par
quelque nouvel obstacle qui leur faisait perdre du
temps. Pendant cet intervalle on travaillait sans re-
lâche aux fortifications du château de Perpignan , on
en étendait les ouvrages au delà du fossé, et on rasait
un monticule nommé Matatoro\ interposé entre la
ville et ce fossé, pour que Tartillerie pût la battre sur
tous les points.
Cependant, quelques contrariétés qu'eussent éprou-
vées les ambassadeurs d'Aragon, ils arrivèrent enfin à
Paris au milieu du carême. Jamais députation diploma-
tique n avait été si nombreuse ni si solennelle. Les per-
sonnages principaux, choisis parmi tout ce qu*il y avait
de plus illustre à la cour d*Âragon , avaient une suite de
plus de trois cents personnes de distinction , « si bien ,
(( dit Zurita , qu on n aurait pu faire mieux s il avait été
«question de conduire en France l'infante elle-même,
Cl pour $on mariage avec le dauphin. » Ces ambassadeurs
furent reçus à la fit*ontière par Tévêque de Lombes ,
par le sire de Saint-Priest, gouverneiu* du Dauphiné,
et par Jean Tiercelin , seigneur de Brosse , que le roi
avait chargés de les accompagner, plus encore pour
susciter des entraves à leur voyage que pour leur faire
* Zurita, XIX, 1. Une ancienne ordonnaoce avait permis la cons-
truction de moulins à vent sur la hauteur du Matatoro , ce qui indique
que ce monticule devait être à Tendroit où se trouve la demi-lune qui
couvre Kentrée de la citadelle.
112 LIVRE TROISIÈME.
honneur. A leur arrivée à Paris, on leiu* fit une récep-
tion magnifique, et, suivant les intentions de Louis,
qui se trouvait alors à Senlis, chaque grand seigneur
s empressa de leur donner des fêtes; mais pendant tout
cela les négociations ne s*entamaient pas. Survint la
semaine sainte : ce fiit une raison pour ne pas s'occu-
per d'objets profanes pendant un temps consacré à la
dévotion. Enfin le roi vint à Paris, et, pourélo^ner
toute occasion de parler d'affaires avec les Âragonnais,
il imagina de les amuser par une grande parade des
milices bourgeoises de la capitale. Cent mille hommes,
vêtus de hoquetons rouges et décorés d'écharpes
blanches, se rangèrent en bataille hors des portes de la
ville, et le roi, à la tête de ses gardes et des gentils-
hommes de sa maison , les passa en revue. Après leur
avoir donné ce spectacle , Louis emmena ces mêmes
Aragonnais souper avec lui à Vincennes, et, au sortir
de table , il leur fit présent de deux coupes d*or, qu'on
nommait hanaps , du poids , dit-on , de quarante marcs^
ce qui semble un peu exagéré. La journée finie, il leur
déclara qu'ayant un voyage à faire en Picardie il avait
nommé un conseil avec lequel ils pourraient traitmr
de l'objet de leur mission. Ce conseil , différent du pre-
mier, se composait du chancelier Doriole, de Tristan,
évêque d'Aire, du comte de Caudale et de Jean d'Am-
bois(*. Ceux-ci, endoctrinés par Louis, ne s'attachèrent
qu'à faire naître des obstacles et des délais, croyant
' Garnier, Hisi. de FrMCf, Ducloi, Vie ée Lomt XI.
CHAPITRE CINQUIÈME. 113
ainsi faire perdre du temps à leurs adversaires ; mais
c est en quoi ils se trompaient : les agents du roi d*Â-
ragon , dont Louis n avait pas su deviner les intrigues ,
s*étaientdéjà mis secrètement en relation avec les agents
des ducs de Bretagne et de Bourgogne, alors réunis à
Compiègne.
Cependant le roi de France ne perdait pas de vue sa
grande affaire. Dès Tarrivée des Aragonnais à Paris , il
en avait donné avis â du Lude, lieutenant général de
son armée en Roussillon, qu*il chargeait de jouer au
plus fin avec le roi d* Aragon. Rien ne fait mieux con-
naître le génie de Louis XI que cette lettre, précieux
monument historique. La voici :
u Monsieur le gouverneur, le comte de Cardone et
a le castellan d*Amposta sont arrivés à Paris. «Tai en-
a voyé vers eux M. d'Aydie et le sieur BoffiUe, pour
a savoir d'eux s'ils venaient pour faire quelque bon
u appointement ou pour me tromper et dissimuler.
« Boffille est retourné vers moi. A ce qu'il trouve, ils
tt n'ont apporté aucime nouvelle qui vaille , et leur in-
a tention n'est que de m'entretenir de paroles, jusqu'à
«ce qu'ils aient recueilli leurs blés pour ravitailler
« Perpignan et leurs places de Roussillon. Pour ce, il
If faut que je fasse du maître Louis, et vous du maître
«Jean, et, au lieu de nous laisser tromper, nousmon-
(itrer plus habiles qu'eux. Quant à moi, je les entre-
ff tiendrai ici jusqu'à la première semaine de mai. Ce-
u pendant vous partirez avec la plus grande diligence
II. 8
114 LIVRE TROISIÈME.
M que vous pourrez; vous lèverez cent lances en Dau-
«tphiné, que vous ferez conduire par M. de Saint-
<i Priest ou le Poulailler \ par les deux ensemUe, ou
«par Tun quatre-vingts et par l'autre vingt, comme
« vous aviserez le mieux pour mon profit; car je m'en
« remets de cet article à vous.
tt Pour le payement de ces lances, il vous faut trou-
a ver promptement mille francs, afin de les leur bafller
« au départ. Il ne s*agit que d'une course pour aller
« brûler les blés, fidre le dégât, et puis revenir : c'est
« dix francs par mois pour chaque lance. Ils n'auront
tt point d'archers avec eux, marcheront vite , ne passe-
« ront là-bas que huit à dix jours ^ ainsi un mois doit
« suffire. Il convient de savoir comment recouvrer ces
« mille francs sur des confiscations de blés ou autre-
«ment; et si à toute extrémité vous ne pouviez les
« trouver, plutôt que de faire manquer laflaire , prenez-
a les sur le trésorier du Dauphiné , auquel j^écris expres-
« sèment, et je le rembourserai. Mais faites si bien
«diligence, que ces gens d*armes soient partis le 2 5
« de ce mois. Monsieur le gouverneur, le plus grand
«service que vous me puissiez rendre, c'est d'avoir
«brûlé tous les blés de Perpignan de bonne heure;
« car par là force sera aux gens de Perpignan de dire
«le mot.
0 J'ai parlé au capitaine Odet d'Aydie, qui est bien
* Etienne, tire de Poiuy, à qui Louis donnait par familiarité et
singulier sobriquet.
CHAPITRE CINQUIÈME. 115
w content d*y aller, et je vous Tenvoie avec cent lances,
(I pour vous aider à faire le dégât. Il me parait que,
tt quand vous serez tous ensemble, vous serez assez de
u gens.
«J'envoie Yves d'Dliers à M. de Charluz, pour lever
u cent lances en Languedoc , et je lui écris aussi de lever
u les francs archers les plus proches des marches de ce
« côté-là, jusqu'au nombre de trois mille, de les faire
«marcher vers le Roussillon, et que tout soit prêt
« poiu* le a 5 avril. Jécris au général des fmances et au
« trésorier du Languedoc de faire payer comptant mille
« francs pour les cent lances, et trois mille pour les
« firancs archers.
«Xenvoie d'Estruille à M. d*Albi, qui porte com-
«mission à lui, à M. de Charluz et audit sieur d*Els-
ce truille pour faire mener une grande quantité de vivres
«à Narbonne et sur la frontière, afin que les gens
u d'armes n'en manquent pas ; mais il faut bien prendre
«garde que, sous l'ombre de cela, il en soit conduit k
« Perpignan.
«Je vous envoie Raoul de Valperga et Claux, ie
« canonnier, pour vous aider à bien ménager ie fait de
« l'artillerie ; mettez la main à la besogne, et n'épargnez
« rien. Le sieur Boffille partira dans deux ou trois jours.
«Il me semble qu'avec ces cent lances, les vôtres,
« celles du Dauphiné , celles du capitaine Odet et les
« trois mille archers, vous serez assez de gens pour, au
« plaisir de Dieu , brûler et faire le dégât dans tout le
8.
116 LIVRE TROISIÈME.
tt pays, prendre les plus méchantes places, les abattre,
u brûler ou démolir. Le Beauvoisien, que je vous en-
tfvoie, vous dira le surplus. Adieu, monsieur le gou-
« verneur; je vous prie de me faire savoir de vos nou-
« velles.
«Senlis, le 9 avril 1^74 ^ •
Tout réussit au gré du roi de France. Cinq cent
cinquante lances, suivies par une multitude de fantas-
sins, entrèrent en Roussillon et y firent le dégât; de
leur côté les troupes d*Aragon recommencèrent la
guerre, qui, par Tirritation des Catalans et les repré-
sailles des Français, prit alors un caractère atroce:
celui qui tombait prisonnier était sûr de perdre la vie.
De part et d'autre ce ne fut plus que meurtres, incen-
dies et dévastations de toute espèce : le malheureux
Roussillon vit se renouveler les jours affreux de la
guerre de Pèdre IV. Suivant les instructions de Louis,
des villages entiers disparurent pour toujours. Ou côté
des Aragonnais, Calla-Luna surprit les châteaux de
San-Feliu , de Riutor, et la tour Cerdane , dont le com-
mandant, nommé Jehannot, fut pendue
Dans le temps que du Lude, Tévèque d'Albi et Bof-
fille-de-Juge, seigneur italien au service de France,
qui joua par la suite un grand rôle en Roussillon, et
d autres capitaines arrivaient à Narbonne, un convoi
' Bârantf!, Hist. des dacs de Bourgogne.
* Diiclot, Uiti. de Louit XI, ZuriU nomme ce commandant, Jooicot.
CHAPITRE CINQUIÈME. 117
de vivres destiné pour Perpignan, en vue depuis
quelques jours , ne pouvait aborder la plage , parce que
deux galiotes provençales en défendaient Tapproche.
Perpignan, qui commençait déjà à être affamé, n au-
rait pu tenir huit jours, si le passage fortuit de deux
galères siciliennes n avait forcé les galiotes à s'éloigner,
et favorisé ainsi le débarquement des vivres et leur
transport dans la place. Le ravitaillement eut donc lieu
en présence des Français , et malgré les efforts de Duf-
fou, gouverneur du château, pour Tempêcher. En
apprenant que le déchargement de ces munitions de-
vait se faire à Canet, ce gouverneur avait voulu s'y
porter pendant la nuit , pour surprendre la place ; mais
la vigilance de la dame de Canet, femme de Pierre de
Rocaberti, gouverneur général des deux comtés, fit
échouer cette tentative et donna le temps à Pierre
d'Ortaffa , lieutenant de ce gouverneur, de venir ren-
forcer la garnison de cette petite ville , dont la conser-
vation était du plus grand intérêt pour Perpignan.
Vers la même époque les Aragonnais se rendirent
maîtres de Ceret, après un blocus assez long, pendant
lequel la famine s'y fit sentir, ainsi que l'attestent les
lettres de grâce accordées aux habitants par Louis,
quand ses troupes eurent repris cette ville ^
' « Et tellement que pour la grand famine qui estoit en icelle ville ,
■ en laquelle lesdits suppliants furent bien quarante jours et plus sans
« pain ne vivres que ratougnes , sinon aucun peu de potaige et de herbes
« dont ils vivoient, etc. > Arch, de Ceret.
118 LIVRE TROISIÈME.
Les ambassadeurs d* Aragon avaient présenté au
conseil nommé par le roi de France pour suivre avec
eux les négociations, une longue note remplie de
plaintes sur la conduite du roi Louis envers leur maître.
Us prétendaient que la trêve n avait pas été aussi expli-
cite à r^rd de ce prince qu'à Tégard du duc de
Bourgogne; que TafTaire de rengagement des comtés
avait été interprétée par le roi de France d*une manière
contraire à Tesprit du traité; que ce traité, au lieu de
la propriété des terres à laquelle prétendait Louis,
jusqu'à remboursement, n'engageait que la suzeraineté,
et qu'ainsi tout se réduisait au simple hommage du
château de Perpignan par Charies d'Oms , et à celui do
château de Collioure par Bérenger d'Oms, son frère.
Us soutenaient que le secours envoyé par le roi de
France à celui d'Aragon n'avait été d'aucune utilité,
puisque ses généraux n'avaient jamais voulu exécuter
les ordres de leur maître ; que Louis s'était comporté
en ennemi, et non en allié, puisqu'il avait prétÀ>soll
assistance au duc de Lorraine , et que par toutes ces
menées le roi de France avait été cause que la révolte
de la Catalogne s'était prolongée pendant dix ans. Bs
ajoutaient que le roi de France devait se trouver bien
payé de ses avances, par les revenus des deux comtés,
qu'il touchait depuis onze ans , et qu'en conséquence
il devait donner ordre à ses troupes de restituer les
places qu'elles occupaient. Us terminaient enfîn, en
disant que si le roi de France restituait les deux corn-
CHAPITRE CINQUIÈME. 119
tés, comme il le devait en conscience, le roi d* Aragon
s empresserait de renouveler avec lui les anciennes
alliances , et que le mariage du dauphin avec Tinfante
Isabelle , (ille de Ferdinand , serait le lien de leur mu-
tuelle amitié. Le conseil du roi répondit, le 1 1 mai, k
cette longue note par une note non moins longue; il
récrimina sur la conduite du roi d'Aragon, démontra
la réalité du service rendu à ce prince par les lances
firançaises, qui avaient délivré à Girone sa femme et
son fils ^ des mains des rebelles ; il parla des griefs que
les Navarrois avaient contre le roi d* Aragon, au sujet
de sa conduite envers le prince de Viane et Tinfante sa
sœur; éleva des prétentions sur les royaumes d'Aragon
et de Valence , et sur le comté de Barcelone, en bveur
du roi de France, coname fils de la reine Marie d'An-
jou, fille d'Yolande d'Aragon, qui aurait dû être héri*
tière de Juan I , son père. Quant à ce qui concernait les
deux comtés, le conseil avança que les sommes dépen-
sées par le roi étaient beaucoup plus considérables que
celles pour lesquelles ils étaient engagés , puisqu'il avait
Êdlu traverser le Roussillon et l'Ampourdan de vive
force pour aller au secours de la reine d'Aragon, mal-
gré l'assurance que le roi don Juan avait donnée que
ces pays étaient dans ses intérêts et n'opposeraient
aucun obstacle à la marche des Français. Une foui«
' « La reine et son fiU étaient réduits à la dernière eitrémité; ceux
• qui étaient enfermés avec eux ne vivaient plus, dit-on , que d^une poi-
« gnée de l>ves et d*amendes qu*on leur donnait par jour. • Dudos.
120 LIVRE TROISIEME.
d*autres raisons furent encore données à la suite, k
iappui ou en explication des premières; mais, comme
chacun ne cherchait qu*à gagner du temps, aucune
concession ne se faisait de part ni d*autre pour en
venir à pouvoir s'entendre, et rien ne se décidait.
Cependant les intelligences que les ambassadeurs
d'Aragon avaient avec les ministres des ducs de Bre-
tagne et de Bourgogne ne purent pas toujours échappa*
k l'espionnage de Louis XI. Des mesures ayant été
prises , sans doute , pour y mettre obstacle , les ambas-
sadeurs, qui n'avaient pu obtenir de voir le roi et de
traiter avec lui-même, et qui sentaient d'ailleurs que
par la reprise des hostilités leur mission était terminée
et que la solution des difficultés était remise désormais
au sort des armes , demandèrent à s'en retourner dès le
lendemain de la réception de la réponse du conseil du
roi. Mais, avant de quitter Paris, ils voulaient notifiera
ce même conseil une cédule justificative de la conduite
de leur roi , et par laquelle ils protestaient contre Toccu-
pation des comtés par les troupes françaises , prétendant
que Juan n'était pas tenu au payement des sommes
avancées, parce que le secours demandé à la FVance
avait eu pour objet de réduire la Catalogne, ce qui avait
eu lieu sans ce secours ; qu'ainsi , l'obligation cessant, il
n'en pouvait résulter aucun droit à l'occupation des
comtés par le roi de France, surtout si l'on considérait
que Louis n'avait pas rempli les conditions pour les-
quelles l'engagement avait été fait, et attendu aussi que
CHAPITRE CINQUIÈME. 121
les places ne devaient pas être mises au pouvoir des
Français, si ce n est dans le cas seulement où, après la
réduction de la Catalogne , les pay ements auraient cessé
de se faire. Cette réponse aux différents griefs que le
conseil reprochait au roi d* Aragon se terminait par la
proposition de soumettre à une réunion de personnes
expertes en matière de droit civil les difficultés du
traité, pour être mûrement examinées par elles, avec
promesse que le roi d*Âragon s* en rapporterait entière-
ment à leur décision ; enfin , en attendant que cette as-
semblée eût prononcé, on devait suspendre toute voie
de fait^ Cette dernière clause était visiblement le
point capital de la proposition : on voulait gagner
du temps. Le protonotaire Jean d*Âmboise, à qui cette
pièce avait été présentée, ayant inspiré des craintes
aux ambassadeurs, s'ils persistaient à la faire parvenir
au conseil avant leur départ, ils la reprirent, et ce
fut hors des murs de Paris qu*ils déclarèrent devant
Fambassadeur du roi de Naples, et devant un che-
valier nommé Martin de Ânsa, que c'était seulement
par force qu'ils avaient renoncé à la notifier.
Ces ambassadeurs avaient traversé Lyon sans aucun
obstacle, et ils allaient entrer au Pont-Saint-Elsprit,
quand des gens envoyés à leur poursuite les firent ré-
trograder vers la première de ces villes. Ils y fiu*ent
retenus jusqu'au ao juillet, époque à laquelle Gau-
court, gouverneur de Paris, et Regnault-du-Chesnay,
' Zurita, tome IV, lib. XIX, cap. 1 1.
122 LIVRE TROISIÈME.
vinrent, de la part du roi, les remettre en liberté.
Après avoir renouvelé les protestations qu*ils avaient
déjà faites quand on les arrêta, ils reprirent leur route ,
et ils arrivèrent sans difficulté jusqu'à Montpellier;
mais, parvenus dans cette ville, ils furent arrêtés de
nouveau, sur le prétexte que les chemins n étaient pas
assez sûrs , que leur propre sûreté exigeait qu'ils séjour*
nassent dans cette ville jusqu'à ce qu'on sût positive-
ment où se trouvaient du Lude et de Caudale, pour
qu'ils pussent prendre la route qui ne [nrésenteraît
aucun danger ; enfin , faute de bonnes raisons , on ne
leur en donna que de mauvaises pour justifier une
aussi honteuse violation du droit des gens. Ne pou-
vant se méprendre sur les motifs de cette détention ,
et sachant que toutes leurs dépêches étaient intercep-
tées, ils renouvelèrent encore leurs protestations, aux-
quelles Louis répondit par la lettre la plus hypocrite.
« n les a priés , disait-il , d attendre son retour à Paris ,
u et ils ne lui ont pas donné cette légère marque de dé-
«férence; il les a engagés plusieurs fois à revenir
u auprès de lui pour discuter amiablement leurs rai-
« sons , ils n'en ont rien voulu bîte. Cependant , quelque
udur et injuste que soit leur procédé, il leur renou*
« velle leur sauf-conduit , le premier étant expiré. » Le
prince s'étend ensuite longuement sur la nécessité de
respecter le caractère des ambassadeurs, dont les na-
tions les plus barbares tiennent elles-mêmes la per-
sonne sacrée. Et c'était au moment où il violait le plus
CHAPITRE CINQUIÈME. 123
honteusement les lois de la droiture et de Téquité
qu*il se parait ainsi de beaux sentiments : c*était se
jouer avec une grande impudeur de tout ce que la
morale et le droit des nations ont de plus respectable.
De délais en délais ces ambassadeurs furent retenus
jusqu'après la reddition de Perpignan : c'était tout ce
que voulait Liouis.
Après le départ de Paris de ces ambassadeurs, le
duc de Bourgogne avait envoyé deux hérauts au roi
de France pour le sommer de tenir la trêve au roî
d'Aragon. Louis répondit que la suspension d'armes
fiiite avec ce prince était indépendante de la trêve si-
gnée avec le duc de Bourgogne ; il fit l'apologie de sa
conduite, et déclara qu'il se soumettait à l'arbitrage
du duc de Bretagne, à qui il envoya le chancelier
Doriole, pour lui expliquer ses prétentions à l'héritage
d'Yolande, son aïeule. C'était encore un moyen de
gagner du temps avec le duc de Bourgogne, pendant
que ses armées hâteraient les événements de Rous-
sillon. La décision du duc de Bretagne fut que la trêve
n'ayant été conclue que pour négocier la paix, toutes
voies de fait devaient être interdites pendant sa durée ;
qu'à l'époque des négociations de Compiègne entre la
France et les ducs de Bourgogne et de Bretagne, quand
il avait été question des affaires d'Aragon , Louis n'avait
fait aucune mention des prétentions qu'il élevait main-
tenant sur les royaumes d'Aragon et de Valence, et sm'
le comté de Barcelone , et que l'examen de ces préten-
1^
124 LIVRE TROISIÈME.
tions devait être renvoyé au moment où Ton traiterait
de la paix. Louis, mécontent de cette décision, n*en
tint pas compte; il répondit au contraire qu*il tiendrait
la trêve au roi d'Aragon, quand ce prince lui aurait
rendu ce qu*il lui avait enlevé en violant lui-même
une trêve ^ ; et sur cela, la guerre ouverte recommença
en Roussillon. Le roi d*Aragon, qui tenait les corUà
Barcelone, les transféra i Girone, pour être plus rap-
proché de la frontière, et pour mieux veillera la dé-
fense de ses états. Pierre d*Ortafla avec sa compagnie,
et le bâtard de Cardone avec la sienne, se jetèrent
dans Perpignan pour augmenter la garnison de cette
place.
' Duclot, LetUt de Louis XI oa comU ie Dammariin. Preaïet, n* VIL
CHAPITRE SIXIEME. 125
CHAPITRE VI.
Embûches des deux côtés. — Prise d'Elne. — Bernard d'Oms.
— Détresse de don Juan. — Capitulation de Perpignan. —
Du Bouchage en RoussiUon. — BoffiUe refuse de seconder
les projets de Louis contre Perpignan. — Louis veut faire
piller la ville par la populace.
La possession de la Cerdagne et du RoussiUon était
devenue, pour les rois de France et d*Âragon, une
arène ouverte à Tastuce et à Tintrigue autant qu*à la
valeur et à la science stratégique. L'emploi de la force
ouverte devant seconder les machinations obscures et
frauduleuses , chacun accumulait en RoussiUon le plus
de forces qu*il pouvait. Le roi de Sicile avait fourni à
son père un certain nombre de soldats italiens que
celui-ci avait envoyés à Elne. Le i & de juiUet, Tarmée
française venant s'établir entre le Vemet et Perpignan ,
et s étendant depuis Pia jusqu'à Peirestortes, ces Ita-
liens se cnu*ent sur le point d'être attaqués, et com-
mencèrent à démanteler la ville basse d'Elne, pour
se concentrer dans la ville haute. Bernard d'Oms,
ancien sénéchal de Beàucaire, puis de Perpignan,
l'un des principaux moteurs de Imsurrection du
RoussiUon contre les Français, et que Juan avait
126 LIVRE TROISIEME.
nommé gouverneur d'Elne, voulant s'opposer à cette
démolition, mais n ayant aucim moyen de Tempê-
chcr, se rendit à Perpignan pour demander quelques
forces aragonnabes. Comme cette ville navait que
le nombre de troupes indispensable à sa défense,
Bernard d*Oms n*en put rien obtenir pour Elne; il
dut permettre ce quil nétait pas en son pouvoir d'em-
pêcher, et les fortifications de la ville basse furent
rasées.
Le mois d*octobre était déjè arrivé, et les attaques
des Français n'avaient encore rien offert d'important
quand Pierre de Peralta, connétable de Navarre, re-
vint auprès du roi d'Aragon , chargé de paroles de con-
ciliation de la part du roi de France. Ce connétable
avait été envoyé à Paris en même temps que les am-
bassadeurs, et, afin de mieux observer les dispositions
des Français, il s'y était rendu par une autre roule
qu'eux et y était encore resté après leur départ. Louis ,
qui avait pris en lui, ou qui lui avait témoigné quelque
confiance, sans doute pour le mettre dans ses inté-
rêts, à raison de son influence dans la Navarre, l'avait
chargé d'exposer aux rois d'Aragon et de Sicile ses
droits sur les deux comtés, et de les engager, pour
mettre fin à toutes contestations, de constituer ces
deux comtés en dot à l'infante Isabelle, fille de Ferdi-
nand. De cette manière, cette jeune princesse deve-
nant l'épouse du daupliin de France, la querelle aurait
été pacifiée i jamais, et cette union aurait été ainsi
CHAPITRE SIXIÈME. 127
le gage d^une amitié perpétuelle entre les deux cou-
ronnes.
Le roi d'Aragon savait à quoi s'en tenir sur les pro-
positions du roi de France. Celle-ci pouvait être sin-
cère; mais comme Louis dirigeait sur le Roussillon des
armements considérables, il pouvait croire aussi que
cette communication cachait quelque piège , et que le
roi de France cherchait à l'endormir par de belles
paroles. La saison déjà très-avancée avait fait croire h
don Juan que les Français n'entreprendraient rien de
considérable cette année ; la démarche de Louis lui
donnant l'éveil, il songea à prendre ses précautions.
Comme il avait besoin d'un peu de temps pour ras-
sembler tous ses moyens, il voulut user d'artifice et
mettre le roi de France en demeure jusqu'au moment
où les compagnies de Biscayens et de Navarrois, et
les escadrons d'Italiens que le roi de Sicile, son fils,
devait lui envoyer, seraient arrivés.
Les constitutions du royaume d'Aragon ne permet-
taient pas k don Juan d'accéder aux propositions du
roi de France; les infantes ne pouvaient jamais rece-
voir leur dot en terres, mais seulement en argent
comptant : il fallait donc chercher un autre biais.
Juan proposa de nouveau à Louis de faire examiner
les droits qu'il prétendait avoir sur les deux comtés
par un conseil de jurisconsultes qui devraient donner
leur avis dans le terme de deux mois, et quen atten-
dant, la ville de Perpignan et son château fussent
128 LIVRE TROISIÈME.
confiés h la garde du connétable de Navarre, k qui
Louis paraissait montrer quelque faveur.
Si Louis savait tendre des pièges, il savait aussi les
pressentir. Ce terme de deux mois mis en avant par
son rival lui fit soupçonner quelque marche de trou-
pes; il pensa que Juan pouvait compter aussi sur les
coups de vent qui sont si fréquents sur la côte du
golfe de Lyon aux approches de Thiver, et qui, rendant
la plage de Ronssillon très-dangereuse, fauraient dé-
barrassé de toute inquiétude du côté de la mer. En
résumé , Juan demandait un délai ; il voulait gagner
du temps ; il n était donc pas en mesure : c'était une
raison de se hâter. Neuf cents lances et dix mille ar-
chers eurent ordre d'entrer en Roussillon sur-le-
champ; huit galères génoises, à la disposition du roi
de France, escortèrent vers Narbonne un convoi de
gros navires chargés de vivres , et des galères françaises
entrèrent en armement è Aiguës- Mortes.
Pendant que le gros de larmée se logeait à Clayra,
Torelles, Ville-Longue, Sainte-Marie et Canet, et que
des garnisons étaient jetées dans Argelès, Maurellas et
Ceret, pour intercepter le passage des Pyrénées, cinq
cents hommes d*armes et quatre mille quatre cents
francs archers campaient è Saint-Cyprien, pour faire
le siège d'Elnc. La prise de cette ville, d*où Perpignan
tirait ses vivres, était un préliminaire indispensable k
fattaque de cette dernière place, et c'était aussi, pour
le roi d'Aragon, une raison de faire tous ses efforts
CHAPITRE SIXIÈME. 129
pour la conserver. L'évcquede Bascara ,-qui se trouvait
à Girone avec quelques chevaux , eut ordre de s y jeter;
mais les passages étaient trop bien gardés : le prélat
fut battu , et Elne se rendit le 5 décembre , après un
mois de blocus. Sa garnison napolitaine fut renvoyée
en Catalogne ; quant à Bernard d*Oins et à quelques
autres chevaliers qui avaient prêté serment de fidélité
au roi de France, ils furent arrêtés et conduits au
château de Perpignan, où quelques jours après Us
furent décapités. La tête de d*Oms, fichée au bout
d'une pique , fut plantée devant la porte de la ville.
Immédiatement après la prise d*Elne, la ville de Fi-
guières se donna aux Français.
Lie supplice de ce Bernard d*Oms est présenté par
quelques historiens catalans, et par les écrivains rous-
sillonnais de toutes les époques, comme le martyre
de la fidélité la plus éclatante , et sa mort comme la
plus haute gloire pour lui et la plus grande honte pour
le prince qui Tordonna. Si lliistoire, dans sa sévérité,
ne doit rien dissimuler des crimes d'un roi, dans son
impartiale justice elle doit aussi le laver de ceux .qui
lui sont fisiussement imputés. Pesé dans la balance de
la plus rigoureuse équité, le supplice de ce chevalier
roussillonnais est loin d*être un attentat de Louis XI.
Bernard d*Oms était né, il est vrai, sujet du roi d'Â-
ragon , mais son choix libre et volontaire f avait mis
au se^ce du roi de France, qui lui avait confié un
poste important en Languedoc, avant rengagement
II. 9
1
130 LIVnR'TROISrËME.
du Houssilion; nous le voyons ,' pd' effet , s^n^ohal de-
Beaucaire (16s \o mois do mars i &(>a ^, tandis tfû^ la
prennièrc» lij^ie signée entre* la Fraiire el i*Aragon , cpiî
amena le traité de Sauveterre; nV»! qiie du mois
d avril suivant. Louis avait donné à ne iténérhal ià
commifssion d'assister comme témoin, avec Arnaud
deMonibardon, au traité d'engagement, et le 7 juil-
let I 463 il disposa en sa faveur de la rJKii]^e devî-
gûicret de rhâtelain de la même ville de Keauraine*.
D'Onis possédait, donc toute la raiifianre de Louis XI,
et il en renit bientôt après un témoignage nnr!ore plus
éclatant, quand ce prince le créa son sénéchal di»
Per[)ignaii, afin que son influence (ia«]s son propre
pays pût tourner à l*avantage de son bienfaiteur : et
c'est précisément comme» sénéchal de Perpignan que
Bernard fit révolter le Roussillon contre In France*.
Pour exercer de telles charges, d*Oms avait dû néces-
sairement pn^t(T serment de fidélité' k Louis; il lut
donc tout à la fois ingrat, tf^itre et parjure, et il ne
reçut que la juste peine de son crime*. Louis, 'erî i»r-
donnant sa mort, usa du droit quaraienr alorti If-s
princes, qui ordonnaient le supplice des grands coQ-
(Kibles saisis, en quelque sorte; en état de flagrai^t
* Vai-NSrtto, Histoire ijrnèraJr de himjuedtu . loin V, p. 7:\
* IhiAtm . p. tï^.
^ IWniaUQ «rOiniA, Moi^tcal «le pArpiimo y Guillvin c1X)Ibi!i, IVsdro
de r)rlAild )' lo^ N i\<*« alcaruii lai \aiidcran ilcl re) > do Vrag»; en Hnv
îiello, vw MIS C,a^lillo» y furrça». /iinta, p. IV, lil». XMII. cap. 3S
* Niiiifi n*gV(in4 pas te ^-mimt de Rcrnanl dïhns, mais il nmi^ n*Me
CHAPITRE SIXIÈME. 151
délit. Le roi'ée Siôilé, fils de Juan; dans les lettres
patentes qtfil acooffdff Tannée suivante au fHs de de
même Berriard "d'Oms, à raison de certains privilèges
c^ Itii faten! oortcédés, loin de méconnaître les de-
voirs que Bemarf' avait à rertipllr envers le roi 'de
France, le» prcK^ame au contraire hautement iuî-
même*.
Dc^is la prise d'Elne , d'où Perp^an tirait tonteii
ses teS!sotirces/f*ëtte place ne pouvait plus se soute-'
nir. La forturte iqulie^clat^iit etitièrement Contre le
roi d'Aregôn veriâftt'de Idî porter le 'damier coup : te
roi de Castille'était'itidrf , et tèt événement, eta jetant'
le roi de Sicile' dams une nouvelle guèrrè'pôntfr s'âli*-
5«r^' là "possession deltâd éoùronnre de sa FemlMe lia-'
beHe, privait don Juàn'de îk)Us'9és sébotu*s qu*li pM- '
%-ait stteifdi^ de sôA'*fils.- L*Aràgon^taiT épuisé;' kt lés
celui de François , son frère , qui atteste les précautions quç («ouis XI
prenait pour ces sortes dVîctes. Toyez aux Prëntes , n* VIII.
En préMOca de tils frttsr, novs ne eotoprenons pu ttminent FiâlM '
a pu cherchera disculper ce Bernard d'Oms. Ce n'est pas, çoniiiie i) If*
croit, pour avoir refusé obéissance auxoi, en vertu du traité du 17 sep»
■■<■ ■■■.,'. '1*
tembre 1 ^7)', qn^il fût puni, mais pour avoir fait révolter !e pays avant
cette époque, et #»«• ûr puisMnoe d\ln sé^inee^ de fidéKiékra^roî'de'
* Yoid les propres paroles de Ferdinand, dans ces lettres patentes,:
« \viendo aquella parte de Espana que entre cIPyriueo esta situada, en
« los mismos meates y rays d^eHps, que dinnan Rosselfon y Cèrdafîâ,
« sido dada ea reof» M iUi^Miwno pudre n«eaftro« Juan, à Lu», Mr.
■ lestre rçy (de f fanda» dclqHfl^Luji^ !?t^<<«^ vi^siiço f^re a^fjp^r^
m et goof oria ^overnado alqanas paries » np ie poca monta, en et rtyno de
« FVoîicfa. rfr. ( (Irist dé'flataluitii. )
9-
152 LIVRE TROISIÈME;
• rortsde Saragosse navaient pu voter qaavec. grande
peine une levoe de deux cents hommes d'armes et de
trois cents ginètes pour quatre mois seulement. Mais
quand même ces forces si eiiguës auraient pu arriver
en Roussillon, le terme si limité assigné à leur service
ne les aurait pas rendues d*une bien grande utilité.
Les finances étaient dans Tépuisenient le plus complet,
et dans cette situation , deux chevaliers donnèrent au
roi la plus grande marque de dévouement , en lui prê-
tant dii-sept mille cinq cents florins d or : ces cheva*
liers étaient don Rodrigues de ReboUedo et don Feàr-
nand, son cousin, qui le servaient eux-mômes de leur
personne. La coalition des ducs de Bourgogne et de
Bretagne, et du roi d'Angleterre contre la France, oe
pouvait produire aucune diversion (àvorable à l'Ava-^
gon, puisque les hostilités ne devaient commencer
qu en mai i AyS , et qu'avec un homme aussi actif que
Louis XI , rintervallc de temps que la trêve laissait
libre ne pouvait être que bien mis k profit contre le
Roussillon.
tkjb Juan s'était rendu à Girone, dans le courant du
mois de janvier, pour voir s il ne resterait pas encore
quelque moyen de secourir Perpignan. Barcelone avait
promis, pour la fin de ce mois, un secours de deux
cents chevaux dont larchevcque de Saragosse et 1 m-
iànte Juanne, iieutenante du royaume en l'absence de
son fi^re, le roi de Sicile, pressaient vivement la
levée. Juan se proposait de man*her sur Perpignan
CHAPITRE SIXIÈME. 135
avec ces deux cents* hommes d'armes et ceux qu'il
avait déjà avec lui; mais, suivant l'expérience de tous
les temps , pom* mener à bonne fin toute entreprise
militaire , il ne faut pas être arrêté du coté dë^ fina/ices ;
et le i^ncjfue d'argent était devenu tel chez le rôi
d^Aragon, que ce prince, passant de Girone à Cas-
tellon d'Âmpurias , n'avait pas eu seulement de quoi
payer les muletiers qui avaient transporté sôil bagi^ë;
qu'il avait dû engager, pour les satisfaire, sa propre
robe fourrée de martre. Ainsi , au milieu de l'hiver, tm
vieittafd presque octogénaire se voyait forcé; pour le
payement d'une modique somme, de renoncer Au
seul vêtement qu-ilîeât potir se garantir contre les
r^ueurs de la saison ; et ce vieillard était un 'ifnÀiliftrqiië',
maître d'un grand empire , et dont le £i» devait bieivtôt
étendre son sceptre sur ies deux mondeb ! ' i^^ ! • ^ ■
Le roi'd'Aragon, réduit & ne plus savoir où donher
de la tête, usa du dernier moyen qm lui restât ')^oiir
secourir Perpignan : il fit partir jpoor cette ville -les
compagnies qu'il avait auprès de lai, scms le cbm^
mandement de Rodrigues de Bovadili'; c^était aHM
f ancre d'espérimce'des aàsiègés. Maïs les Français,
maîtres de tous les dehors de la place, survdliaieat
avec tant de rigueur toutes les avenues, que rien int
pouvait plus passer. Ce fut en vain que BovadiU dé-
ploya un grand courage et beaucoup d'habileté pom*
traverser le Ro^ssillpii en con^battant, toujours et sans
relâche, depuis le Pertus jusqu'aux approches de Per-
J5{i LIVME; THOISIKME.
pignaii; il vit Ie3.muraillesi4ei0ette viUe.leij6 du hmw
de mars, mais ne put les /ram^bÎT^ Ad r^te, l!eiitjr^
de ce sprcroit de bouches, dans une .plaqe déjà aflamétf
naurait fait qu ajouter à la.misère cfeft habitaatyié Mm
C(3intnbuer.à les sauyek*. Béduila aux denûertitentaet
de;^ famine, ayant dévoré tout ce qu*U tétait p^iaîtiib
di/?. d^Vor^r, jitequ a, de» cadavtes. mème^nite mllm
ayaxit, "cûxpdstance horrible, ikourri« dh^onfitooM;
4H>n4 enfa.n;t de 4a cl^ii} du, prcniier, d^àiimort* djs
fiiijn,\fl^ braveft Perpîgtiaià|d3 fuient -dana lactudAe
obligation 4^ a^ soumettra à- ce roi de Pranottifâ'ifla
Axaient tant de sujet de redouter, paroe qii-ila TaTaienf
bi^aucoup ofiensé. Ils capitulèrent 1^ i o de mars 4 ^ee
l^.pamustîon du r6i d*Aragon ,• qui, à focbasÛMi ^
cette défense ulémôrable et dii, motif qui 1 aidait atno^
née , donna à leur ville le titre de Très^Fidèle^ "» > •
I . heé Perpignanais savaient à quel priiide ils avalent
«jfiEurev Us savaient que Louis était vindicatif;* ^etilea^
odndilite avait tropjustemenjtiitité son coumouJuGoift-
troints par la pliis dure loi de retomber souà sa piiis«
^»nce, ils avaietlt tout lieu de redoUtei^la rîgueiin.^
sa vengeance : ils s étudièrent dé touaieurs moyensiJi
fm diminuer les effets, en s efToiIçanl de le lier de imoi
vieux par les articles do la capîtidatioh. Ces avtidea
* t . •
• Voyez U acte IV.
* Preuves, n* IX. CeUe capitulatiun « quoi que dise Fosm, fut faitf
ÉVèc lescoasiiti de Perpigiian , M non avet i<^ caprUiiié g^éral'di^'Ci-
ulogâe. Prvnvfft, n* X. ' '
CpAPVJCHK , SIXIÈME. \5b
(i4re|tt tdbs qjii^ur^itpu 1q$ den^aâ/iler, pqu^ en,o^t^air
ayaiU d ppu^r Jt^u^ les mpyeQs ^^ rcsifta^çe;; ^t,f^ç^
qui étoie^ic^peupdanj^ ^es.faypçi» dsirqi, (|fi^Rrfi9n)^
çfAui,4tt pcw?na^f riiie<rt.i^ «l'aft , poçrippian^fl?^!, «pi
Bprte 4es , c^RacJ^èrflft !^ , i'ajgpçuT: ,i^t ,4e, A^,i»|çlMi!çi9i 1^
B'M'gïâçflj.jjlir réflon^peftse^j;>^Ji*eiflr,flmiflffenïfi^
i'ï»P9*?P.q«" |l»".PWÎ?ffP'rille„i;eîïiiÇftte)r.,foj^s ^ gfligf
t^,, et 4p.i)f (fpiiphçr eq^<;vpe n^jni^q^^^^^^éçwpfrv
roi de jré.^l^lix' sçn psuiemeift , d*jçn^ve]f, aucuii^
156 LIVHE TROISIÈME,
à ceux qui en ont abusé , de toucher aux priViléges
ecclésiastiques, et qui restreint, en un mot, rautoîrité
royale dans les deux comtés, comn^e si leur pùpth
latioii , se donnant volontairement au roi de Prteicè,
faisait ses réserves dans le traité par lequel eUe- con-
sentirait à rélire pour ison souverain. Tout eàt exIM-
ordinaire dans le règne de Louis XI, mais cette ca-
pitulation n*est pas Tacte qui le soit le moins. Let
généraux qui signèrent ce modèle de plaidoyer pour
la défense d^intérèts personnels, et qui s^obligèrèM,
par un cartel particulier, à le faire accepter pai^ le rai,
sous peine d*ètre réputés infâmes^, n*avaient-il9 aucaHé
connaissance de ce qui se passait dans la place, ettotl^
laient-ik fob tenir à tous prix ? Étaient-ce des misérablëé
qui, jugeant leur maître encore plus mal qu*il ne de^
vait Tétre, ne se disaient aucun scrupule de prometCrte
ce qu'ils étaient persuadés qu*il ne tiendrait pas, quoi-
qu'ils en jurassent laccomplissement en son nom et
de la maniète la plus solennelle, les satellites ^on
tyran, et cest 1& le nom que f histoire contempbFaitie
donne à Louis XI , étant ordinairement des gensdigiles
de lui ; ou bien étaient-re des soldats braves et pleins
d'honneiu*, connaissant leur maître sous d'autres cou-
leurs que celles dont on Ta noirci, et cherchant,
par humanité, à enchaîner son premier mouvement,
h leurs propres risques? De tels sentiments annonce-
raient une bien grande vertu. Les épithètes Je traître
' Toyfi ce cartel à U nuite de U capttuUtiofi. Freuven, n*X.
CHAPITRE! SIXIÈ'ME. 157
que Lùuk prodiguera bientôt à DufFbu , sàti cbtlrirotit
â la noaveHë d'un tf dite qui lui liait les bras , nous
font d'autant pJus volontiers incliner vers ^e déttiîer
sentiment, que nous ne tarderons pas à voir iiîi autre
des favoris de Louis , le sire Boffile-d'e-JUge, refiiiàér à
son tour de servir les vengeances de ce j^rincé, ' '
_ 4 • f • • •
Quoi qu'il en soit dés itiotifs qui jii«é^ accepter éM
conditions de la capitulation , le^ assiégés r'jpour en as-
surei^ le mieux qu'ils poiirraietit l'exé<!^tibn , ét^èîrent,
par le dernier article, « que les lieutenants et bàpitainfes
•
« généraux jurassent dès ce moment, et le roi de
« France dans le terme dé deult tnois', pàl^ Aotre oei-
«gneur Diea et par la dârtmàti'on étefn^e dé leurs
« ftmes, sans pouvoir en obtèràr janiai» rabsokrtioft ; y
tt renonçant expressénnent et donnait lents âmesà to^
aies démons, s'ils n'observaient pois les airtiéleS He lïi
«capitulation;)) 'ajoutant, pdur plus de prévoj^nce;
que s'il y manquait quelque» mots, '9s devtMeM ètr^
interprétés en iavetu* des habitants,' et -que si eux,
lîeiitenants , ôu^ le roi ne reniplissaieiit pas ponctuelle-
ment toutes lèurs'pi*omessés, ils pourraient être dé-
clarés; par le {Areinier veAu, éxeommmiiés, damnés
etpàijWèis. ' "
En traiîtimtdela reddition delà ^lâce, les dbefs des
assiégés avaient fixé au troisième jour après celui de
la signature de là câpitidation , Tôuverture âës portes
de la ville aux Français , si dans i'interyaiUe le rpi d'A-
ragon n envoyait pas à leur secours un corps detroupies
159 UVAB TI^QlâlÊME.
y^fi^nt fQur forcer le biociu, «| ^eonltaûiidre, Jk t^&mp
IVançais i^ séloigaer. €e tit)isièiM joiiT étMnt-v^pujfM
aucunes ibrces aragoiiimis^- ^e ! a^éUnK niootré^s i 4^1
pqv^tSTlpvjs de U place fiir^nipbfûffM^^^lea Fx^ttfWif
rofilnèreM.t dan^ Pèrpjgofln, , pré0^di§$ .p^c .(jwroqtt-^i
Villanoy#» run.deft^ coo«u}s,ripap/EhiQwa4:d4r;Vi^Hm
p^, Yîviicir», 4aHi0Îs«au, ï^iu^t^orgfi',^fiuy»i injur-
gi^is, Q^oi^e Cîurara«ldoyien.dfi8 noMktis,.;0fiIf|C«9T
rpi& Estève « ,dt)y.en dies iii^^eun ,rtoà5. bIx „ a.l9gen lii^fus
p^ Jifs^ Fraoçfu», le jotir 4eila ugOatune-de Ia^^îIait
: ,jLa p^rep^^yjerd*!!!!; tAité,qui piirêteraU touH^j^Sd
vflpgeanc^t^lA moment, de )^ eiieiiqer j nei^tiY^qve
§oulev^i'iild:^AÛoi) 4e iiOuiy.Aufsilot quUeutjO^^u
4?. ^<is généraut ih ow^npiasaoee. det bai^t wr.iiwT
qiieUeft.il^ p^Aaietittraiieiraveoléa «5«|ég<^s, iUi Vi^Mqpmila
çiHiitre eux en jnjurks.iet, pom- empêcher it.epfta|W&T
imiitieii . 4'UA acte si conljcaite à 9is» iaieiitipwi^ qui
épient d ^fTaiMir Perpi^n-de niamèro A ce ^pm^ç^lt0
ville fut dans TiimpossibUité de ae révolter yneiikeeopdk
fois, il fit partir sur^lcretiafQpuIinbfirtide Qi^lafmgii
sire du Bouchage» celuide ,seii ooiW&dehIa en^iii.U
avait le plus de confiance, avec les ordres siiWMW4a :• •
. « Instructipii à JI^L du Bouchage dfe ee:qa il « ifoire
' Aa nombre def pertonoes qui quiiièrvnt PrqHgaan apr^ la 'Capir
lulaUoii, Zurita nomnif un Blanclia, sans «louté celui qui, euA pré-
n^iéir rbAiu1'.< aVitMovm \À potrte^ de \é ville aii roi d^ dragon/ xJriU'.
de par }e r()j|^tiQ^cUi^^tilQ Y,oyoge ^*il fait j^^é^ste-
ment en Roussillon. .-i . i >! . i» i : . i .m'i *
.p^Ct preinièr.çn>?iltv}^ jei^Y^rra le,plasM4tiycment
(]u!il,po^rr4,ii^essirQ y^voi^HDul&u et Miidti Lude.>.'l 'à
, «j^- Sr,,Porf$j/^/ii*è^t d^iia^nal, pareillement Tèil
renxQn^i9ti&il^tdesaienss-^it-wf^fi^i . i^in •♦ •'
0 3. De retenir tous les gens .d*Airfne(», tel Kpuand îles
defsv^clHs .^c<M[iti: parU$„ 4e! ga^^P 'tou^ilfes. lieute-
nants des dessusdits, ev^jl ^^'{j^t^gagiierJesJitoo»'
tçnant$,^'i|,0|i^e lesg?m(4!ar»H»j ) / m) î . . (
.,,if(i.,Iie iCihaasi^r; t^lit dfi<g«^ 4fehQK ^detia YÎlàë de
P^fpigoen , que ,)ôetlt . jajpiqeai ten'^oi'mUillesiinaitresi^ et
1^ leur laissera lU^^tâûlQj^ièmidè hamftli) t:b ilr^ii;:
I li^ti/Dèa qu!il ai$::^tiTPi^^e» fort ^^wiricm ffàréj)hl
p^mière ciiQfliQiqu/îiî:dpJitfaiFe»(t'Q9tdeMiaârfie9:poi[i)
taU|t, ■,.; ,'i,-, i:ir . ^ . :. . i|l j , nxj mi I-, . »;!•/.■ !•>
tt 6. De faire une citad^Ue« ,i .m /•>!. ju > '• )i ^ '»l! '
, ,-^7. ,Si,Bofii]|e /e^tdi$S;niGstc^3v li*^n:'f^^
général; aussi s'il n'en est pas, y mettre le Pou-
! «8. Abattre . toutes ïes rorte^eMes* 'i^ser^^ Pér-
pigQ^n.i S9u}c^s,».n£«^i4i)f ««i C^piieure li. BeUegarde
et La!TX{ué;'Lë PofdaiUeiFtieiidhtfi^neffet Gojdîe^
FaÙcault-'dé-BdnHévàl tléftdW Uârodue,' et ceïui'mie
dia«fteaài de'Perpignen^ et Regnatiit-diaxCheMnjft'
Sâtiicés *t Lôfeâte; ■ ■ " '"•' '■■' •"' ^'''l'j-i ;■■•=' ""•>""•■ '
« 9. Mettra tous le|^ lipbl^s, q/oi^ se.ispiftarpue^^CQij^tre
140 LIVRE TROISIÈME.
le roy dehors; et donnera 'leurs héritages, quelqde
appointement qui ait été fait. '
tf lo. 'Donnera les terres desdits nobles au Pou-
lailler, à Boffile, à son lieutehant, à RegnatiitHlu-
Chesnay et k tous les autres qu*â verra qu*ifs seront
bien aigres , pour garder que les gentiishommes né f^
tournent plus au pays.
«11. Leur donnera tous les censàb de oMk ' qiii
seront dessous le roi d* Aragon.
« 1 a . Fera venir la femme de Philippe Aubert et
sa fifle , p6ur pourchas^r sa délivrance , et si le 'Pou-
lailler la veut avoir en mariage il f aura, sinon, Ré^
gnault-du-Chesnay faura. Et s*il avait été prortiià p«r
ledit appointement de "rendre ledit Pliilippe Aubert,
dira à sa femme que le roy se veut assurer de s6n mari
et d*elle, et que pour cette cause il faut qu'elle et' ta
fille viennent devers le roy *.
« 1 3. Defaira tous les officiers de k viUe,' réservé
* Ce Philippe Aubert éuit un Catalan ou Roossillonnais qvîi à
son Ab la grande influence qu*il eierçaii sur les compatriol^», avait été
attiré à Paris par Louis Xf. Ce prince , en lui conférant une charge de
conseiller, Tavait aimî forcé Ae lui prêter serment de fidélité. AtAeH
ayanli venUi retourner en Ceteiesne, LovU • escmait de lut feadre m
lihertésur ce que, recevant de hii sa pension ordinaire, il était de at
maison et ne devait pas la quitter. Ce prince, qui redoutait la présence
de ce personnage en Catalogne, alléguait en outre qu'ayant reçu de Ivl
le scnoent auquel étaient tenus tons ceoi de son conseil , il ne 1 evail
|>as moins trahi , puisqu'il avait fait tout ce qu*il avait pu pour le des»
servir, et qu^il n*avait pas dû être compris dans la capituUtion. Il est
I>ai4é (1r lui dans l*artlrlr s i . Voyei cette pièce.
CHAPITRE SIXjIÉME 141
un lieutenant' pour la justice, et oteta tout te pouvoir
k ceux deid^ yilie* l^t'Clels, et tout, et«n auront pluà
nuls oflBces.
« 1 4' Pour les réparations de! la ville, cotnmettra
un clerc des pays du roy, qui prendra ce qu il pourrai
en la ville pour ce faire, et ce qu'il ne pourra, le. tré*^
sorier le founûra.- t i
(X 1 5. Contestera le comte et le châtelain ( les deiiil
ambassadeurs aragonnaîâ jstilsi sont éncoté là, et les
laissera dler quand, ils voudront, et essayera d'avoir»
quelque trêve afin de mettre la ville en sAreté pour le
roy devant que te guerre y vienne^' et la plus longue
qu'il pourra , afin que les guerres fussent t^nninéesi
avant que l'autre cofluuençât.: . i Wr. . <
^ i6» En cais que ledit eômte et châlelaiif (usâeoli
pârtia, envoyer :Guyot et Chesnay dét ers léux, pour
prendre une trêve la plus longue qu'^ pMrm, , et sén^'
tira d'eux s'ils ont volonté de tenir au roy ce qu'ils ^n%
promis et tenu; bailler toutes les bëUDs paroles qu'on
pourra. , . .• • •
a ly. Dira à M. d'Albi, en l'entretenant, qu'il
prenne hardiment totites les bonnes églises qui y va-
queront, et puisv quil eti avertisse le iroy, Ickpiel y
tiendra la main pour lui, envers et contre tous. -,! f
<f 1 8. Pourvoira à tous les bénéfices du Roussillon ,
et peuplera les monastères de Français.'
« 1 9. Mettra tous les officiers nouveaux pour gou-
verner l'évèché, tant au temporel qu'au, spirituel.
U3 LfVB^ TROISIÈME.
irio. BaîH^ra' )e gotrvemèitiêiW de toÛA' ies'béné^'
ficè^/tant âii tempcfrél Squ^ati'^îritu'el, et eti f)éWM«
Ir mandeinenl patent audit d'Albi. ';'!..
< a 9 1 : Dira à M . d' Albf qu'il prenne r^<^hé'dl*Eiillne8
en 'ffomniMide , et 9'tt"y a qudc}i}fè m^tttai» ^bétlèfidè'
parderà'» ^ftt'il le promette,* etptiis'qilH tfén tienne'
rien, et tpi'il en laisse faire le roy, lequel' y'rèiWédléWr
bien*. ' ' ■ ' ■ '''*'*• ' '' •*■' •
-'^ti^i. Siiff trêve n'étaltTaîte, et qu'il^^fattiYtHy^:
cents lan<;?e9, il y Idissera'^etudeBofnië, de» iûbtïeéltrtf'
et de M. dû iiude ; et Vil y fallait qtiatî^ eéntb liincfeti;'
û T lail»serào^it'du goliv^FnelHr^e Rdû^nMi;>t W
renverra Jean Gbi^ntr." • * :
(c a3. S*il peut, à cette heure, repeupler la yOle k
neuf, il lefetti; etauBsi s'il tie peut; iten ItàiMera'la
ohafge à'M. d-Aibi, et en prehdra {>6)âi|;ati^f« "de hii dé
le fai^e, et apportera au roy son Giilig(i'tMn;'ftign^ àë
sa-mainv ■ • ....;■, ." .1 -, •.: ^
' unit: Fatra bailler les dix mille ^cus au comté H
au châtelain, et prendra, s'il peut, la trêve ave*f*ëftt.
' » ..." ■ .'.-■■
« Pour -Puyss9njiap :
' « 1 • Huet d'Amboise aura'le gouvernement de Puys-
sardan.
» Cet é\èchè éuit occupé |Mr CUariet de 2itiQUy«l«u« d^origÎM
frantuie , qui se démil , et reçut l'abbaye dr Saint-Lêpnard-de-Per^
ri^rei. I^uis te fit remplacer par ChaHeft de Martigny, qui fut ton am-
bassadeur en Aaglctlvrien 1^78.
»
CHAPIITRE SIXIÈME. U5
«av .\f>rè8 queiedît Huet aura eu ledit gouverne-
ment, M. d'Aibi^ lui fera promettre qu-il mettm hots
toute la ban(le contrée de ^ereadi^r et de fpn neveu
et è toute cette bande.
« 3. Efîra'à ihbndif sieur d'Albi qu'il essaye i' par
toâte^ les fiiçoiife c|ù*rt pôurt^aV d'àvoir'Lyvie (la vi!Ie
de Livia ) c^è tient ittëssire Caillât, soit pat* promesic*
d af^ent ou tfutfe fchbse } et a^^k^ès qu'il râiira'; qu il fô
baffle à *on frère Huet{ et kptèi <^ë ledit H\iet 1 aura ;
qu'iltierine 'dèi'ptàwlésÈè$ ce t^u^B vëlfâ être à faire,
«*► Içdlt CaiBatV'lqt!i«q«e' prohifessë qû'U ait faite à'ii
foj;iilatoujOTiWfti*aluettrbihpé.'. » " ' ' '
A A. Que ledit^ Jlbët tk^iitë biëri' Meitadier et* ssl
bande. '"
iB. Qtlïï s'aydè de Machîcot et de iëisi'gens'/jus-
qiieé à ëe'ijU^il tùte '<fa'ii' ^'évi' piussé passer; et quÛhà
à s*éfi pdur^ pasîser, qtfîl TeiiVcriè devers le7ôyl"é(t
^U -prenne oiQ dé^^s gens où d'aiitrés; tdnf c^'i!^
faudra pour ledit pays, et <^élé*roy lés Vétà payera 'et
qu'inné uouffire hdttimé ett Puyèsàrdâri'<!irfir¥ie*^6ïl
nûdibéht'è im et <^U rte se gdiivéi^ë^îitf liii, cht'lfe
T0J veut qil*il<tfdt sëiil y^^itffiilè è^ ^ôàtëméûr d^ùdft
pays, car leït^iiVfîâncé'etiàUti^é.' '• ' ' ' "'
«&. Etiti^ avires' èkbse^, 'ttiedritihieM qiië'le pi^s
sera-en^ûreié poiirîfe» ifôyi et <|riè'le dàirt^er'eh
seifa hors*, s en revenir à toiiite^diiigênee et y'klsijêr
> Louis d^Amboise , évèque d Albi , différent de Joufiroy, cardinal
d*Afbi.
\l^^ LIVBE TROISIEME.
M. d*Albi pour donner ordre 'partout, et le général
cl le trésorier.
« Fait à PaH» le 3 «V jour de mars, Fan 1&74 (i&75). •
Do tous les actes émanés de Louia XI p il ii*en est
aucun peut-être où le caractère de ce prince se montre
mieux k découvert (jue dans ces instructions., Cette
pièce devant, par sa nature, rester secrète, Louift avait
pu se mettre à son aise avec son favori de confiance;
et laisser sa plume suivre tous les mouvements de son
âme. Parvenir à ses fins n'importe par quels moyeQa«
n'épargner ni engagements ni promesses et ne tenir
que ce qu'on voudra , c'est toute, la politique de ce
princ<».
Ces instructions données k du Bouchage semblent
ealculées sur le projet de capitulation de Perpignan p
pour en faire la contre-partie : chasser de la ville le
plus de monde qu'on pourra, en renouveler presque
la population tout de suite ou l'ailaiblir au moins de
manière à ce qu'avec peu de soldats on puisse y do-
miner; expulser les nobles qui ont pris part à la ré-
volte, confisquer leurs biens et les donner à des cmpir
taines dont le caractère aigre soit un garant des soins
qu'ils mettront à empêcher le retour des propriétaires;
éloigner les moines catalans et peupler les monastères
de Français ; enlèvera Tévèque son siège et aux autres
ecrlosiasti(|ues leurs bénéfices; priver les consuls de
leur autorité et de leurs attributions ; ne pas laisser
#
CHAPITRE SIXIÈME. 145
aux habitants un seul harnais, c est-à-dire pas une
armure complète : c était exactement tout le contraire
de ce que promettait la capitulation. Le premier soin
du roi fut de rappeler les deux généraux qui Tavaient
s^née , comme sa plus grande sollicitude était de pour-
suivre une trêve, afin de pouvoir sans inquiétude faire
tête aux nouveaux «embarras que lui suscitaient le duc
de Bourgogne et le roi d'Angleterre.
D*après ridée qu on a généralement de Louis XI ,
qu'on s attache à ne montrer* que comme un tyran
farouche éternel, toujours également prêt à tromper
et à punir, il semblerait que les deux généraux révo-
qués auraient dû éprouver, dune manière qui répondit
à la grandeur de ce que le roi appelait leur trahison ,
Teffet de son ressentiment; que les horribles cages de
fer auraient dû devenir leur prison; il n en fut* rien :
ils continuèrent à conserver ses bonnes grâces, et
nous verrons Tun d'eux revenir bientôt en Roussillon,
revêtu de toute sa confiance. Ces généraux connais-
saient donc bien le prince à qui ils avaient affaire ; ils
savaient que, si l'extérieur était âpre , le fond était bon ,
et cette circonstance nous prouve que Louis, dans sa
conduite politique , n'était que ce qu'étaient tous ses
contemporains couronnés. L'écrivain qui a si bien
peint ce monarque, Duclos dit : «Tous les princes
<c d'alors ne cherchaient qu'à se tromper mutuellement :
« les manœuvres de ceux qui ne réussissaient pas res-
« talent ensevelies dans l'oubli, au lieu que les succès
II. lO
Uf) LIVRE TROISIÈME,
ude Louis XI le faisaient regarder comme le ptt» ar-
a tificieux , quoique souvent il ne fût rjue le plus habile, n
Pour rendre raison des bizarreries du caractère de ce
prince, le même historien ajoute: «Louis avait le
u cœur ferme et Tesprit timide; il ^tait prévoyant, mais
« inquiet. Plus aiVablc que confiant, il aimait mieux se
M faire des alliés que des amis, n
Peu de jours s étaient écoulés depuis le départ de
du I^ucluif^e pour le Roussillon, quand Louis reçut
la nouvelle que la capitulation jurée en son nom avait
son effet : il ex|)édia aussitôt à son confident un cour-
rier chaîné de la lettre suivante, beaucoup trop re-
marquable pour ne pas trouver place dans le texte de
cette histoire :
« Monsieur du Bouchage, mon ami, j'ai reçu vos
lettres. Vous ne devez pas vous émerveiller si je ftis
bien courroucé quand je reçus les lettres de ce traître
messire ^ von ; toutefois vous n*y avez rien trouvé que
je ne vous eusse bien dit avant la main; et quelque
chose qu'ils m*aient mandé par Reflbu , que les gens
d*amies ne bougeraient, vous voyez bien qu'il ne leur
a pas suffi de faire la grande trahison de la ville, s*ils
n'ont accompli toutes les petites branches qui en dé-
pendent, afin que je n'y puisse remédier. Messire
Yvon est un des malicieux traîtres de ce royaume.
Considérez que vous allez pour me servir, et qu'il
vous faut être plus malicieux que lui. si vous me
voulez bien servir en c*eci et vaincre par sur lui.
^
CHAPITRE SIXIÈME. 147
«Monsieur du Bouchage, mon ami, c*est im des
grands services que vous me pouvez faire en ce
monde , et si vous pouvez mettre tant de gens dehors,
que Boffîle et sa compagnie et Gouzolies et sa com-
pagnie soient les maîtres, faites-le tôt. Aussi, s'il ne
vous est possible et que tous les gens d*armes que
vous pourrez recouvrer ne soient pas assez forts pour
ce faire , et que vous vissiez qu*il n y eût remède , et
je suis sûr que s'il y en a vous le trouverez, endormez-
les de belles paroles le mieux que vous pourrez, et y
faites tous les appointements que vous pourrez, vaille
que vaille, pour les amuser d'ici à l'hiver; et si j'ai
quelque trêve et que je puisse aller, et Dieu me sou-
tienne et madame et M. Saint-Martin, j'irai en per-
sonne mettre le remède. Toutefois, si vous le pouvez
faire dès maintenant, oncques homme ne me fit si
grand service
« On m'a dit que d'Ortafla et Viviers sont retournés.
Par cela pouvez-vous mieux encore connaître la tra-
hison ; et pour ce , si vous m'en pouvez venger, ven-
gez-m'en, sinon faites-les déloger, ainsi qu'un notaire
qui s'appelle Maure. Essayez aussi de les faire les plus
maigres de vivres que vous pourrez, afin qu'il y de-
meure moins de gens, et essayez de rassembler les
gens d'armes en la plus grande diligence que vous
pourrez.
a Monsieur du Bouchage , mon ami , faites écrire en
un beau papier tous ceux qui ont été et seront désormais
lO.
148 LIVRE TROISIÈME,
traîtres dedans la ville, et comme ils sont à mais de-
dans le papier rouge, et les laissez à Boffile, au Pou-
lailler ou à celui que vous laisserez gouverneur par
del«^, afin que si d'ici à vingt ans il y en retourne nuls,
qu*ils leur tassent couper les têtes, et ne vous fies
point h François Castillon, ni ne laissez point au pays»
et Tentretenez de paroles au mieux que vous pourrez,
et en manière qu*il ne puisse nuire par delà. Et adieu.
■ Ecrit à Paris , le 7' jour d*avril. LoYS. »
Kn e\<k*ution de ces ordres, du Bouchage dressa
trois listes sur lesquelles se trouvaient les noms de
plus de deux cents personnes, avec la nature du tort
ou de la trahison qu on reprochait à chacun. H fiit très-
heureux pour Perpignan que Boffîle, à qui du Bou-
chage avait donné le gouvernement de la ville et des
comtés se trouvât être un homme d'honneur et plein
d'humanité. Ce seigneur italien, dont le nom, aujour-
d'hui inconnu dans la province, aurait dû être rappelé
aux peuples du Roussillon par d'im|>érissables raonu-
uients élevés par la recoimaissance des contemporains,
répondit à du Bouchage que, si l'intention du roi était de
faire* im désert de la province, il aurait pu se dispen-
ser de lui en donner le gouvernement; que les infor-
tunés citoyens de Perpignan n'avaient déj«î que trop
soufTert pour un crime dont ils étaient innocents pour
la plupart; que les coupables avaient pris la fuite, et
que, pour s'assurer de l'obéissance de ceux qui n*s-
CHAPITRE SIXIÈME. 149
talent , il fallait les gagner par la douceur, et non pas
les efTaroucher parlappareil des supplices; quen en-
levant un si grand nombre ^e personnes à Perpignan
on affaiblirait la place et on augmenterait le nombre
des ennemis , tandis qu'en usant avec eux de clémence
on s'assurerait de la fidélité des citoyens par la recon-
naissance^. Ce langage de Boffile était d'autant plus
généreux, que ce capitaine devait avoir une bonne
part des biens de ceux qui seraient ainsi expulsés de
la ville.
Le refus de Bofiile de se prêter aux vengeances du
roi déplut à ce prince, qui n'osa pas cependant lui re*
tirer son titre de gouverneur, parce qu'il avait encore
besoin de lui et de ses Italiens : il manda à du Bou-
chage de se conformer au vœu de cet oflicier, puisqu'il
ne voulait pas chasser le peuple de la ville, et qu'il
déclarait qu'il ne se chargerait pas du commandement
ÈÎ l'on insistait sur cet article; il se contenta de faire
surveiller ceux qui étaient suspects, et ordonna la
construction d'une citadelle pour tenir en bride la po-
pulation de la ville. Pour celte construction, il pres-
crivit à du Bouchage de laisser Boffile agir comme i^
l'entendrait, sauf à charger, plus tard, l'évêque d'Âlbi
d'en faire élever une autre dans un endroit qu'on lui
avait indiqué, si celle de Boffile ne remplissait pas
bien son but. Par ménagement pour Pierre de Roca-
berti, qu'il avait, Tannée précédente, nonmié gou-^
' Dodos, Hisl. de Louis XL
150 LIVRE TROISIÈME.
verneur général des deux comtés , il chargea du Bou-
chage d*engager Boffile k ne pas se décorer de ce
même titre, et h ne prendre que celui de lieutenant;
enfin il donna ordre de démolir les fortifications de
Canet , qui lui portaient ombrage entre les mains de la
dame de Rocaberti.
Occupé k la fois de plusieurs affaires de la plus
haute importance , fjouis faisait face h tout. Sa corres-
pondance allait comme sa tête ; les courriers se succé-
daient sur toutes les routes avec la plus grande célé-
rité, et c*cst le besoin d*avoir partout des moyens
rapides de communication, qui, deux ans plus tard,
lui fit imaginer rétablissement des bureaux de poste ,
inconnus encore en Europe: institution admirable, si
éminemment utile aux particuliers et au commerce,
mais si précieuse surtout pour les gouvernements, qui
en ont trop souvent abusé.
Au milieu de tant de préoccupations, de tant d'af-
faires différentes, de tant de négociations «^ conduire,
d^intrigues à nouer, de ruses à inventer, de subtilités
à découvrir; multipliant les instructions sur tous les
points de son empire, entrant dans tous les détails de
la guerre et de fadministration , ayant h régler jus-
qu'aux moindres démarches de ses agents et à les com-
pliquer de toutes h^ prévoyances de fastuce afin de
les faire >ervir h toutes les fins, ce qui échappait dans
le moment k fesprit de Louis lui revenait finstant
d'après, et une nouielle idre en faisant rrlore une
CHAPITRE SIXIEME. 161
foule d*autre9 dans son cerveau fécond , c était encore
de nouvelles lettres à écrire » de nouvelles instructions
k faire courir sur les traces des premières. Cest ainsi
qu après avoir fait partir son courrier pour le Rous-
si&on , ce prince se rappela que du Bouchage ne lui
avait pas répondu sur un objet auquel il attachait une
grande importance : le moyen de s assurer, sinon la
fidélité de la populace de Perpignan, du moins la né-
cessité de tenir pour lui, et ce moyen, d*infemaie in-
vention , c était d exciter sous main cette vile classe k
piller les maisons des principaux habitants de la ville
et des plus influents. De cette manière, la crainte des
châtiments que cette populace ainsi compromise au-
rait à redouter, en cas de retour de la domination
aragonnaise, lui serait garante, à ce qu*il croyait, du
concours de sa vigilance pour en empêcher TeiTet. Peu
dlieures après le départ de son premier messager,
Louis en expédia donc un second , avec une dépèche
dans laquelle on lit ces mots :
« M. du Bouchage, aujourd'hui à trois heures
Toutes-pièces est parti. Javais oublié de vous écrire
ce qui suit :
« Premièrement, voyez si vous ne pourriez pas faire
piller par le menu peuple les maisons des gens que
vous chasserez , ou au moins d'Antoine Duvivier et
d'aucuns gros qui sont les plus traîtres ; alors la com-
mune ne consentirait jamais à laisser remettre le roi
d'Aragon, et elle y ferait meilleur gué que vous. N'é-
162 LIVRE TROISIÈME.
coules pas Bofiile sur cela ; c était la chose dont je
vous avais le plus chargé , et vous ne in*en faites point
de réponse. Ccst le plus grand service et la plus grande
sûreté que vous puissiez me donner en RoussiUon. Si
Bofiile est de cette opinion , bien; s*il n*en est pas, ne
laissez pas que de me servir à mon gré , car ceci më
semble très-bon , et vous pouvez savoir que je l'ai frit
faire à Puycerda par Mercadier et ses partisans. » Louis
termine cette lettre comme toutes les autres , par une
exhortation à n'épargner ni les l)clles paroles ni les
promesses, et surtout de n'en pas faire faute aux deux
ambassadeurs d'Aragon.
CHAPITRE SEPTIEME. 155
CHAPITRE VIL
FerdinaDd et Isabelle usurpent la couronne de Gistille. — Louis
se ligue avec le roi de Portugal. — Nouvelles combinaisons
de Louis pour conserver le Roussillon. — Mort de Juan et
de Louis.
Pendant que le roi de France , maître du Roussillon > ^7^-
et de la Cerdagne, prenait les moyens qu'il croyait LorJxl.
les plus efficaces pour s*en assurer la possession , f in-
fant d*Âragon , dont Ferdinand ou Fernand disputait
à main armée la couronne de Castille à Imfante
Juanne, fdle de Henri et de Juanne de Portugal.
L'excès de dérèglement de mœurs de cette reine avait
non -seulement soulevé contre elle l'indignation de
tous les grands du royaume , mais elle avait encore
servi de prétexte pour faire suspecter la légitimité de
la naissance de Finfante Juanne , sa fille. Isabelle, sœur
de Henri et femme de Ferdinand , avait accueilli avec
empressement et accrédité de tous ses moyens une
rumeur qui servait si merveilleusement son ambition
en la rapprochant du trône; et ces bruits, soutenus
avec plus d'énergie encore après la mort de Henri ,
par les partisans de cette princesse , beaucoup plus
puissants et en plus grand nombre que ceux del'in-
\bU LIVRE TROISIÈME.
fantc Juaiine , facilitaient à la première Tusurpation de
la couronne.
Le trône de Castille étant pour Ferdinand d'une
bien autre importance que la défense du Roussiilon
et de la Cerdagne , ce prince avait laissé à son pè|pe le
soin de se tirer comme il pourrait de sa querelle l^ec
le roi de France , et il s*était rendu en diligence en
Castille pour se faire reconnaître roi de ce pays « du
chef de sa femme. Le roi de Portugal, oncle de Tin-
fante Juanne , avait pris cette princesse sous sa pro-
tection ; et une nouvelle guerre , en s'allumant dans la
Péninsule, donnait encore plus d'importance i
Ijouis XI , dont Tappui était recherché par chacun des
compétiteurs. Le secrétaire de Ferdinand était venu
solliciter, de la part de son maître, lalliance de la
France; et pour mettre dans ses intérêts le chef de cette
puissance, il lui faisait proposer le mariage de la jeune
infante Isabelle, sa fille, avec le dauphin.
L'occasion était belle pour le génie de Louis. Par
ses ordres, des ambassadeurs allèrent faire à Ferdi-
nand et À Isabelle les promesses les plus magnifiques.
A lentendre, ces princes, ayant le roi de France pour
ami, ne devaient plus avoir le moindre souci; toutes
les diflicuités s'aplanissaient , et les nouveaux rob
n'avaient plus à s'occuper que de leur sacre. Mais
Ferdinand sortait do trop bonne école pour donner
aux paroles plu.s <le valeur quVllrs iiVn |M)Uvaient
avoir, et . digne élève de son piTe . \vs promesses ne
CHAPITRE SEPTIÈME. 155
lui coûtaient pas plus à lui-même qu au roi de France.
Afin de se ménager un recours contre son adversaire,
il commença par lui demander, avant tout , Tévacua-
tion du Roussillon.
Les avantages que Louis espérait retirer pour lui-
même de l'appui qu*il offrait à Ferdinand et Isabelle
étaient seuls capables de f empêcher de briser sur-le-
champ une négociation dans laquelle c'était l'obligé
qui exigeait des garanties de cdui qui devait l'assister.
N^ayant nullement l'intention de se dessaisir de ce
qu'il tenait , il prit un biais pour éluder la demande si
précise de l'inËint d'Aragon : ce iîlt d'en revenir à un
moyen que Juan avait lui-même proposé l'année pré-
cédente , celui de faire juger la question du rembour-
sement par deux chevaliers et deux lettrés nommés
par les parties, et de confier, en attendant, la garde
des deux comtés au connétable de Navarre , Pierre de
Peralta. Louis promettait que dès que le mariage remis
sur le tapis serait conclu, il donnerait au roi de Cas-
tille cent mille écus par an , et cinquante mille à la
reine, jusqu'à ce qu'ils fiissent en tranquille possession
des couronnes de Castille et de Léon. La jeune infiinte,
qui n^avait alors que cinq ans , aurait reçu elle-même
vingt mille écus de pension jusqu'à l'âge de douzeans.
Louis s'obligeait de plus à mettre, disait-il, sur pied
un tel secours en hommes de guerre , que jamais on
n'en aurait vu un semblable dans toute l'Espagne. Il
est facile de reconnaître, à ces exagérations, l'homme
156 LIVR£ TROISIÈME.
qui recommandait toujours à ses agents de n'épargner
ni les belles paroles ni les promesses.
Quelque faux et méfiant que fût Ferdinand, il n'avait
point encore acquis toute la maturité de l'astuce, et il
était d'ailleurs dans une position k accepter le secours
qu'on lui proposait, sans trop s'arrêter sur les condi-
tions. En jetant en avant la demande de Févacuation
préalable du Roussillon , ce prince n'avait voulu que
faire un acte de propriété sur ces domaines, aGn de
maintenir le principe de cette propriété dans sa
maison , et mettre le roi de France en demeure de ce
côté, au moment d'entamer une négociation avec lui*
Cette aflairc fut menée secrètement , et un traité était
sur le point de se conclure , quand le vieux roi d'Ara-
gon , de qui on avait pris grand soin de se cacher, vint
à en avoir connaissance et s'empressa d'y mettre oba-
tacle : sur-le-champ il envoya à son fils et i Isabelle un
seigneur de son conseil, pour leur faire de vifs repro-
ches sur ce qu'ils avaient engagé à son insu une affaire
aussi majeure.
Juan avait plus d'une raison de se plaindre de l'in-
cHinséquence de son fils. Ferdinand avait accrédité
aupi*ès du roi d'Angleterre le pn>tonotaire Ferdinand
(le Lurcna, Ihomme le plus léger qui fut au monde;
(|ui annonçait tout haut qu'il était chaîné de proposer
au prince de Galles la main de la jeune infante de Cas-
tille, dans le moment même oii se traitait, tout au
moins en apparence, iv mariage de cette princesse
CHAPITRE SEPTIÈME. 157
avec ie dauphin. Ce même ambassadeur disait en
parlant du roi et de la reine de Castille , que leur dé-
tresse était si grande, quils n avaient pu envoyer
aucun secours au roi d* Aragon; enfin, arrivé en Bre-
tagne, au retour d'Angleterre, le même négociateur
avait rendu publiques les instructions qu'il avait
reçues au sujet du mariage, et le roi de France, qui
l'avait gagné par la promesse d'un chapeau de cardi*
nal , avait obtenu de lui la communication de tous les
traités ^
Les menées de Louis avec Ferdinand avaient eu
le succès qu'il avait principalement en vue : une trêve
de trois mois, dont la France avait le. plus grand
besoin , venait d'être signée , et cette trêve , qui ne con-
cernait que les firontières des états de Castille, avait
été acceptée par le roi d'Aragon pour celles de son
royaume, par l'impossibilité où il était réduit de
rien entreprendre contre son rival. Semblable à
Louis par l'astuce et le manque de foi, Juan lui ressem-
blait encore par la superstition. Entouré d'astrologues
et de devins, il avait sans cesse recours à leur préten-
due science pour savoir comment se termineraient les
affaires du Roussillon , et il gardait auprès de sa per-
sonne un Juif réputé très-habile dans la consultation
des astres. Quoique ce prophète se fui trouvé complè-
tement en défaut sur l'issue du siège de Perpignan,
qfa'û avait présagée favorable à l'Âragon, Juan ne
> ZaritJ.
I i7^.
158 LIVRE TROISIÈME.
pouvait s*emp^rher de lui donner toute sa con-*
fianrc.
La trêve soiliritoe parLouis et consentie par lesdeiu
princes avait été prolongée de trois mois de plus , et
l'impuissance réciprocpic de la violer l'avait fait re»*
pecter de part et d'autre. Vint ensuite ic tour de don
Juan d en solliciter une nouvelle prolongation de m
mois : Louis raccorda pour onze; mais cette condes-
cendance était un piège, parce qu*alors il était en
mesure. Pendant que le li du mois de septembre il
signait cette prolongation , pour « })endant icelle Irai-
«ter, disait-il, des moyens d'en venir à une paix
c( fincile, B il cx)ncluait , le 8 du même mois, une ligue
oitensive et défensive contre TAragon et la CastiUe
avec le roi de Portugal. Aux termes de ce traité, toutes
les conquêtes que les Français feraient en Aragon et
Valence appartiendraient au roi de Portugal, qualiBé
de roi deCastille, et tout ce que celui-ci pourrait con-
quérir en Catalogne, Roussillon ou Cerdagne, serait
pour le roi de France , aussi birn que les iles Baléares
et la Sardaigne, quel qu'en fût le conquérant. Au
moyen de ce nouveau traité, Louis, allié avec Tun des
prétendants k la couronne de Castille et en marché
avoc l'autre, se réservait la facidté de se prononcer
définitivement, et sans rien compromettre pour son
compte, en faveur de celui pour qui la fortune se dé-
ciderait. IVjà, quelques jours auparavant, il avait
signé avec le roi d'Angleterre une autre ligue dont le
CHAPITRE SIXIEME 125
CHAPITRE VI.
Embûches des deux côtés. — Prise d*Elne. — Bernard d^Oms.
— Détresse de don Juan. — Capitulation de Perpignan. —
Du Bouchage en Roussiiion. — Boffille refuse de seconder
les projets de Louis contre Perpignan. — Louis veut faire
pilier la ville par la populace.
La possession de la Cerdagne et du Roussiiion était
devenue, pour les rois de France et d*Âragon, une
arène ouverte à Tastuce et à Tintrigue autant qu'à la
valeur et à la science stratégique. L*emploi de la force
ouverte devant seconder les machinations obscures et
frauduleuses, chacun acciunulait en Roussiiion le plus
de forces qu*il pouvait. Le roi de Sicile avait fourni à
son père un certain nombre de soldats italiens que
celui-ci avait envoyés à Ellne. Le i /ï de juillet, Tannée
française venant s'établir entre le Vemet et Perpignan,
et s'étendant depuis Pia jusqu'à Peirestortes, ces Ita-
liens se crurent sur le point d'être attaqués, et com-
mencèrent à démanteler la ville basse d'Elne, pour
se concentrer dans la ville haute. Bernard d'Oms,
ancien sénéchal de Beàucaire, puis de Perpignan,
l'un des principaux moteurs de l'insurrection du
Roussiiion contre les Français, et que Juan avait
If><) LIVRE TROISIÈME.
donc que de IVudonnir en épiant le moment de fac-
cjibler. La IVninsiiic rUiit de nouveau toute en feu.
Pour opérer une diversion favorable au roi de
Portugal , les FVanrais sVtaient jetés, d*une part sur la
Catalogne, et deTautre sur le Guipuscoa, où ib atta-
quèrent Fontarabie, que bloquait par mer la flotte de
ramiral Coulon. Mais une tempête survint qui dis-
persa les vaisseaux, et Ferdinand remporta sur les
Portugais une victoire complète à Toro. Louis, crai-
gnant aloi*s (|uc le roi d*Aragon ne fit passer de grandes
forces en Roussillon, envova de Fontarabie, dans ce
comté, une partie des troupes du blocus, sous les
ordres de d'Albret et d'\ von DulTou K
Le roi de Portugal, Alpbonse V, avait envoyé au
roi de France des ambassadeurs pour le presser de
faille |)artir les secours qui devaient lui être fournis,
ou du moins qui lui avaient été promis. Ce prince, se
croyant mal servi par ses envoyés, prit Timprudente
résolution de se rendre lui-même en F'rance; et Tami-
rai Coulon, après avoir rallié ses vaisseaux , fit voile
vers rembouchureduTage pour recevoir Alpbonse sur
son bord. Dans le courant du mois d*août le monarque
s*embar(|ua en elTet , emmenant avec lui douxe vais-
seaux (*t cinq caravelles cbargées de deux mille deux
cents soldats et quatre cent soixante et dix chevaux
pour renforcer, en passant, les garnisons de Tanger,
•\rsila et Alcaçar-sagtier, places qu il possédait sur la
' Diii ln« , Hitf. Jr fjHiit XI
CHAPITRE SIXIÈME 127
le gage d'une amitié perpétuelle entre les deux cou-
ronnes.
Le roi d'Aragon savait à quoi s'en tenir sur les pro-
positions du roi de France. Celle-ci pouvait être sin-
cère; mais comme Louis dirigeait sur le RoussUlon des
armements considérables, il pouvait croire aussi que
cette communication cachait quelque piège , et que le
roi de France cherchait è l'endormir par de belles
paroles. La saison déjà très-avancée avait fait croire h
don Juan que les Français n'entreprendraient rien de
considérable cette année ; la démarche de Louis lui
donnant l'éveil, il songea à prendre ses précautions.
Comme il avait besoin d'un peu de temps pour ras-
sembler tous ses moyens, il voulut user d'artifice et
mettre le roi de France en demeure jusqu'au moment
où les compagnies de Biscayens et de Navarrois, et
les escadrons d'Italiens que le roi de Sicile, son fils,
devait lui envoyer, seraient arrivés.
Les constitutions du royaume d'Aragon ne permet-
taient pas à don Juan d'accéder aux propositions du
roi de France; les infantes ne pouvaient jamais rece-
voir leur dot en terres, mais seulement en argent
comptant : il fallait donc chercher un autre biais.
Juan proposa de nouveau à Louis de faire examiner
les droits qu'il prétendait avoir sur les deux comtés
par un conseil de jurisconsultes qui devraient donner
leur avis dans le terme de deux mois, et qu'en atten-
dant, la ville de Perpignan et son château fussent
13(1 LIVAE; THOlSlËMIi.
pigca^i ; il vit le$ muraillcsi Afi 0eUe ville lei j6 du araîf
de marSf mais ne put le$ jCranishir. Ao reste, Tenlvée
de ce surcroit ^e bouches dans une place déjà affamé^
naurait fait qu ajouter à la misère dies habitanUt« iâM
cpntribuerà les sauyek*. Réduits aux demiersi iermct
deifii famine, ayant dévoré tout ce qu'il étaî,t p^MJbUi
d/ç. dévorer, JUâqu a. des cadav^s même 4 nite mfana
ayant, circonstance horrible, i^ourri, dit*on , iton ae;
<^n4 enfaiU de \» cliaii: du premier, déjài!inort''djB
J^im^.ies hraveft Pcrpigiianiiis furent dans Jactudle
obligation .de a^ soumettra à ce roi de Franot: i|â*âa
Avaient tant de sujet de redouter, parce qii-iis Tavaienf
beaucoup olfensé. Us capitulèrent lé 1 o de mars; dvee
14 permission du roi d* Aragon, qui, à roccasûm de
cette défense niémorable et dû motif. qui lavait aine*
née, donna à leur ville le titre de Très-Fidèle^ ••• •
; . Leé Perpignanais savaient à quel prince ils avaient
«ffure; ils sa\'^ient que Louis était vindicatifvetjlea^
ocfnduite avait tropjustenientirrité son coumouk. Gob-
tmintspar la pliis dure loi de retomber sousaa pnis-
îEUiiicc, ils avaieilt tout lieu de redotltei^la rigueùn^de
sa vengeance : ils s étudièrent dé tous leurs moycnsiA
cm diminuer les effets, en s efforçant de le lier de lent
mieux |>ar les articles de la capitulation. Ces airtidct
' Voyez U Bote IV.
* Preuves, D* IX. (!ettf ca|ùtulati(>n , quoi que (lise* Kosm, fut Ikitf
atee les contult de Perpignan. H non aVet ie capitaine généraldeCtf-
talogâe. Prcavta, n* X.
CHAPITRE SIXIÈME. 129
pour la conserver. L*évcque de Bascara , qui se trouvait
à Girone avec quelques chevaux , eut ordre de s'y jeter;
mais les passages étaient trop bien gardés : le prélat
fut battu y et Elne se rendit le 5 décembre, après un
mois de blocus. Sa gambon napolitaine fut renvoyée
en Catalogne; quant à Bernard d*Oms et à quelques
autres chevaliers qui avaient prêté serment de fidélité:
au roi de France, ils furent arrêtés et conduits au
château de Perpignan, où quelques jours après Us
furent décapités. La tête de d*Oms, fichée au bout
d'une pique , fut plantée devant la porte de la ville.
Immédiatement après la prise d*Elne, la ville de Fi-
guières se donna aux Français.
Le supplice de ce Bernard d'Oms est présenté par
quelques historiens catalans, et par les écrivains rous-
sillonnais de toutes les époques, comme le martyre
de la fidélité la plus éclatante , et sa mort comme la
plus haute gloire pour lui et la plus grande honte pour
le prince qui l'ordonna. Si l'histoire, dans sa sévérité,
ne doit rien dissimuler des crimes d*uii roi, dans son
impartiale justice elle doit aussi le laver de ceux .qui
lui sont faussement imputés. Pesé dans la balance de
la plus rigoureuse équité , le supplice de ce chevalier
roussillonnais est loin d'être un attentat de Louis XI.
Bernard d'Oms était né, il est vrai, sujet du roi d'A-
ragon , mais son choix libre et volontaire f avait mis
au seWice du roi de France, qui lui avait confié un
poste important en Languedoc, avant l'engagement
II. 9
-'■,
■
1.
156 LIVHE TROISIEME.
à ceux qui en ont abusé , de toucher aux piîvHéges
ecclésiastiques, et qui restreint, en un mot, f autorité
royale dans les deux comtés, comme si leur poptih
lation , se donnant volontairement au roi de Prftnc^,
disait ses réserves dans le traité par lequel elle ebtt-
sentirait à Télire pour ison souverain. Tout estextÉ«-
ordinaire dans le règne de Louis XI , mais cette ca-
pitulation n*est pas Tacte qui le soit le moins, htê
généraux qui signèrent ce modèle de plaidoyer pour
la défense d'intérêts personnels, et qui s'obligèrèM,
par un cartd particulier, à le faire accepter pai^ le ni,
sous peine d*ètre réputés infâmes^, n'avaient-ils aucoilé
connaissance de ce qui se passait dans la place, etycrah
laient-ilsFobtenirà tous prix ? Étaient-ce des misérablëi
qui, jugeant leur maître encore plus mai qu'il ne de^
vait l'être, ne se faisaient aucun scrupule de promettre
ce qu'ils étaient persuadés qu*il ne tiendrait pas, quoi-
qu'ils en jurassent l'accomplissement en son nom et
de la manière la plus solennelle, les satellites d'an
tyran , et c'est \h le nom que l'histoire contemporaine
donne & Louis XI, étant ordinairement des gensdigiles
de lui ; ou bien étaient-re des soldats braves et pleins
d*honneur, connaissant leur maître sous d'autres cou-
leurs que celles dont on fa noirci, et cherchant,
par humanité , à encltaîner son premier mouvement,
h leurs propres risques? De tels sentiments annonce-
raient une bien grande vertu. Les épithètes Je traître
' Totfi ce cartel A U Auite de la capîluUlîoii. PrfuvcA, n*X.
CHAPITRE SIXIÈME. 151
délit. Leroi'rfe Siôilé, fds de Juan; dans les lettres
patentes qti'il acootdâf Tannée suivante au fds dfe ée
même Bernard d'Oms, à raison de certains privilèges
qtii lui furent concédés, loin de méconnaître les de-
voirs que Bernard* avait à rertiplîr envers lé roi 'de
France, les prtK'lame au contraire hautement lui-
même*.
Depuis la prise d'Elne , d'où Perp^an tirait toutes
seste&sources, (?ette place ne pouvait plus se soute-
nir. La fortune qui se^clar&it ehtîèrement contre le
roi d' Aragon veriâfH"de lui pfortér le *dfemier coup : le
roi de GastiHe 'était mort, et ^èt érénement, eti jetant
le roi de Sicile dans une nouvelle guferrè potfr s'afè-
suror' la possession déliât couronne de sa femtne I^-
belle, privait don Juânde totisles sébours qu'il pôtt-
\-ait atteindre de sort"ftls.* L' Aragon était éj>ûisé ,' fet lés
fi'..
celui de François , son frère , qui atteste les précautions que («ouis XI ,
prenait pour ces sortes d^aetes. Voyez aux Preuves , n* VIII.
En présence de teb finit», naos ne comprenons pavanninent Fittaa '
a pu cherchera disculper ce Bernard d^Oms. Ce n'est pas, çoi^me i) Iç*
croit, pour avoir refusé obéissance au roi, en vertu du traité du 17 sep-
tembre 1 ^75, qu'il fut puni, mais pour avoir fait révolter le pays avant
cette époque, et «oas Uf puitsânoe dHin èétnKen$, de -fidélité tv 'roi de '
rnuice ,■•■ • : ■ ■■! • . /..n 1 • ."^
> Voici les propres paroles de Ferdinand, dans ces lettres patentes :
« \viendo aquella parte de Espana que entre cl Pyrineo esta situada , en
« les mismos montes y rays d^eilps, que daman Rosseffon y €crdafia,
«ûdo dada en renés- dei illos^rimno pqdre nnealro, Juan, à Luû, ii-
• lustre rey de Francia, del 91^1/, Luj^ uvi^sidti^ vufsiro p^re fm^jpor
• el quel atia (jovernado alqunas paries» np de poca monta, en el reyno de
• Francia» etc. ( (.ri^i dé Cataluna. ]
166 LIVHE THOISIÈMK.
ayant rembourse les soiiunes pour lesquelles ils étaient
engag(^'s, ils seraient rendus à ce prince. Ferdinand*
qui regardait coninie le point le plus important et le
plus difficile, celui de tirer ces terr<*s des mains du roi
de France, consentait d*abord à cet arrangement;
mais renonçant ensuite à ce système , quand les con-
férences furent ouvertes , il en revint à celui de boo
père , qui était de recouvrer les comtés sans rembour-
ser aucune somme. Le vieux roi d*Aragon fondait,
suivant Zurita , cette singulière prétention sur les dis-
positions du traité primitif; il soutenait qu*il n*y avait
rien de plus préjudiciable h ses intérêts que de recon-
naître que ces terres eussent été engagées pour aucune
somme d*argent quelconque, attendu que ce traité
primitif n en disait mot , et qu au contraire , en vertu
de ce même traité, le roi de France se trouverait
obligé de restituer toutes les rentes qu il en avait reti-
rées ^ Rien n était moins conforme à la vérité. Le
premier de tous les traités survenus pour cette aflbire,
celui de Sauvcterre , ne parie pas de l'engagement des
comtés, et quant à relui de Saragosse, dont nous
donnons le texte, il dit tout Topposé, et s'exprime â
cet égard de la façon la plus explicite. Mais quel rôle
aurait donr joué la France, dans Thypothèsc de
Juan II ? Elle aurait prodigué k re prince ses trésors et
le sang de ses enfants '-^ |)our le seul plaisir de lui
' /uriU,\X, iti.
' La t;iif m; tic Roussillon «vdl occaaîonnf Uiit dr pertes «ui Fran-
CHAPITRE SIXIÈME. 135
avec ces deux cents* hommes d*armes et ceux qu^fl
avait déjà avec lui; tnais, suivant Texpérience dé tous
les temps, pour mener à bonne fin toute entreprise
militaire , il ne faut pas être arrêté du coté dés finances ;
et le banque d'argent était devenu tel ôhez le roi
d* Aragon, que ce prince, passant de Girone à Càs>
tellon d*Âmpurtas , n'avait pas eu seulement de quoi
payer les muletiers qui avaient transporté soh bagi^e;
qu*ii avait dû engager, pour les satisfaire , sa propre
robe fourrée de martre. Ainsi, au milieu de Thivcr, tm
vîeiUatd presque octogénaire se voyait forcé, pour le
payement d'une modique somme, de renoncer au
seul vêtement qu'il :eât pour se garantir contre les
r%ueurs delà saison ; et ce vieillard était un* mÀiMatjpae *
maître d'un grand empire , et dont le <£lrderrait bientôt
étendre son sceptre sur les deux mondeis 1 ' i^» -
Le roi d'Aragon; réduit à ne plus savoir où donber
de la tête, usa du dernier moyen qm lui restât '^^our
secourir Perpignan : il: fit partir jpoor dette ville -les
compagnies qu'il avait auprès de lui, smis le cbm<>
mandement de Rodrigues de Bovadill'^ c'était a«lifsi
fancre d'espérance * des assiégés. Mais les Français,
maîtres de tous tes dehors de la place, snrvcfldiaieflt
avec tant de rigueur toutes les avenues, que rien m
pouvait plus passer. Ce fiit en vain que Bovadill dé-
ploya un grand courage et beaucoup dli^ileté pour
traverser le Roussilloh en combattani,, f oujours et sans
relâche, depuis le Pertus jusqu'aux approches de Per-
13(1 LIVHE; TH01S1ÈII&
pigca^i; il vit le$muraill<$6t 4e, Cette ville. Ieij6 du qkw
de mars, mais ne put les jCranbbir. Ad r^te, Tenlfitt
de ce surcroit de bouches, dans une place déjà affamétf
n aurait fait qu^ajoutcr à la misère dies habitanUt IttM
contribuer. à les sauyelr. lléduitâ aun demierst ieriiM
deifiL famine , ayant dévoré tout ce qu*ii étajjt pQsaîàb
d?. dévorer, jUâqu a. des cadav^s mème^ utte oièM
ayant, circonstance horrible, liourn, dit-on v »tmi W;
coi)4 enfanjt de ia cliaii: du premier, déjàijnorti ib»
J^imM^ lutiveft PcrpigfiaAAis furent dans lactu^Ut
obligation .de a^ soumettra à ce roi de Franoti^Â'Jb
oyaient tant de sujet de redouter, parce qti-ils i*aTaMnf
beaucoup olfensé. Ils capitulèrent lé i o de mars 4 dvee
la permission du rOi d* Aragon, qui, à f oecasîoA de
cette défense ulémorabie et du. motif. qni lavail aine*
née, donna à leur ville Ut titre de Très-Fidèle'^ **»<
; . Leâ Perpignanais savaient à quel prince ils avalent
sil^e; ils savaient que Louis était vindicatifv^etjlear
ocfndtlite avait trop justementirrité son cpurrtouk. Con-
traints par la plus dure loi de retomber sous aa pair*
sauce, ils avaieilt tout lieu de redotltei'la nguetWide
sa vengeance : ils s étudièrent dé tous -leurs moyens» Ji
cm diminuer les effets, en sefibrçaiU de le lier de lent
mieux par les articles de la capitulation. Ces airtidct
' Voyei U Bote JV.
* Preuves, n* IX. Otte ca|iitulatu»n , quoi qiif (ii»f Koftita, fut Cûtf
tfM les cofitolt de Perpignan, H non avet l^^ raprUine général' di^'iSi*
ulogae. Prvwrca, n* X.
(nreiit t^ q|ii aurait pu Iqs dei^ajflu^err pqiq: en,o)^t^i^r
imiilepDept uQ^ p^tie , imç pl^^ô ^i se ser^ £|Ou^ii&^
ayaiU d ppu^r it/^u£i les moyeps (l^ rqsiftai^çe^; ^%},^!^
qulw a le t>lu^de,peifiô>;Çpnç6y,oir4iç:q^)i,que;ies.4eH/(
généraux d^ Ii*çw^.,lesip|aips^tiçept^t;^^ ^çor(^èrenl
, ,0<ï ne.$î|ij;, en v4rité> qfte .pftnçpr 4q ç^r g^^f»)viv#
qui étaieot c^peupdanj^ 4^.fay,açi» dpj^roi, (pi^jpn)!^
y^ approuver, «^ns!i;ft^tric^«)ij,w<G»fi^^ wpe PApitji4i^
Bpi^4es,c?f:actèrsfslfl(9.l'aigi-^uri,^t4e,|^,wn»|Wi,'W
mpyen de iaqueUi^ Ciejàt'. d^ft^ , Jp» .b^W . ^vm^^ ,4^
i»j^çndre ,«;V.autpri^é„ f^,^,çxpj;lsef; ffpfifffç ,^^13^,
lisent, reiix. 4,qn^,lç,.r,oi;fie,Ii'rançp^çs 9XfÂVWP#4^f
pv gràe« >.|jj»r réqonupeftse^. j»^, ^e>y ,fl^;||i^;fiïlJJf i^^
qHJ,ipaposeaH rqi v jctçfiej^x, dq^^t U cql^.^ pf^t jnsfcr
mft^P ê^rç,/e4ptf^fi^,^.fi>f;ifïft,d30s d^cpifi^a ^.djÇKffi
eî,i¥i défend dly, jqi{fiç^,fij,^^iq^ IfflUBftn nit.t*}W
j«ftP9|tSi; qui il»'».Pffi?ffnVlJe„i;esï>^feF.,fpHS .}^ pi^^ijf
!48«V ';»pni?S»4çWW*; 4^,1». viJtel W?¥ îlÇfirf)i?l».f «Bftr
roi de ^établir sçn piulemeif t , d[enlf ver, a|ic!uiiiç,,i)rine
156 LIVHE TROISIÈME,
à ceux qui en ont abusé , de toucher aux piiVil^^
ecclésiastiques, et qui restreint, en un mot, fautotM
royale dans les deux comtés, contn^e si leur pô^pfth
lation , se donnant volontairement au roi de Prttneè;
disait ses réserves dans le traité par lequel eUeeifl^
sentirait à Télire pour ison souverain. Tout estextM*
ordinaire dans le règne de Louis XI , mais cette ^ca-
pitulation n*est pas Tacte qui le soit le moins, htê
généraux qui signèrent ce modèle de plaidoyer pcfat
la défense d*intérèts personnels, et qui s*obligèrèM;
par un cartel particulier, à le faire accepter pài^ le toi,
80uspeined*ètre réputés infâmes \ n*avaient-il8 audàllé
connaissance de ce qui se passait dans la place, ettôtl^
laient-ikfobtenirà tous prix ? Étaicnt-ce des misérablëi
qui, jugeant leur maître encore plus mal qu*il ne dè^
vait Tètre , ne se faisaient aucun scrupule de promettriè
ce qu'ils étaient persuadés qu*il ne tiendrait pas , quoi-
qu'ils en jurassent laccomplisscmcnt en son nom et
de la manière la plus solennelle, les satellites -d'im
tyran, et c'est \h le nom que l'histoire contemporaine
donne & Louis XI, étant ordinairement des gensdigiles
de lui ; ou bien étaient-ré des soldats braves et plèmi
d'honneur, connaissant leur nmatre sous d'autres cou-
leurs que celles dont on i'a noirci, et cherchant»
par humanité , à enchahier son premier mouvement,
h leurs propres risques ? De tels sentiments annonce-
raient une bien grande vertu. Les épithètes Je traître
■ Tciyét ce cartel k U %utiti dt U capitulatîoii. Prru^f^, n*X.
CHAPITRE SIXIÈME. W
que Louis prodiguera l)ientôt à Duffbu, s6ti cbUtr^x
k la nouvelle d'un traité qui lui liait les bras, nous
font d'autant plus volontiers incliner vers t-e dertiîer
sentnment, que nous ne tarderons pas à voir un afutre
des favoris de Louis, le sire BoflBle-de-Jtige, refuèér à
Son tour de servir les vengeances de ce prince. ' '
Quoi qu^ en soit dés itiotifs qui RttM accepter éW
conditions de la capitulaticfn , les assiégés, jfKmr en as-
surei^ le mieux qu'ils poiirraietit l'exé(^tibn , ét^èrent,
par le dernier artide, <( que les lieutenants èf bâpitaihes
•
«généraux jurassent dès ce moment, et le r6i de
«France dans le terme dé deu^'tnois', pàf iiidtre Sei-
«gneur Dieu et psir la dâftinàtton éternelle de leurs
« âmes , sans pouvoir en obtèmr janlais^ labsolutioil ; y
« renonçant expressémetit et donnant leurs ftmeséi toWs
«les démons, s'ils n'observaient pel9 les attiélett de la
«capitulation; ))'ajotttàm, pdur plus de prévoyance;
que s'il y manquait quelques mots , ' 3s devràieM elfe
interprétés en faveur des habitants; iét 'que ^ eux,
lieutenants , ou le roi ne reniplissaient pas ponctuelle-
ment toutes léiirs'pit>messês. Ils pomraient être- dé-
clarés, par le premier vefm,éteommoniés, damnés
etpaijures. '
'En traitant delà reddition deia'^lâce^ letf <dbefs des
assiégés avaient fixé au troisième jour après celui de
la siimature de la câpitidation , rouverture dés portes
.*^ .■•«■II'' . • mu. -Il • il .. ,fH'ir.Ii
de la ville aux Français, si dans l'inteurvi^e lexpi d'A-
ragon n envoyait pas à leur secours un corps de troupes
139 UVAË TAOlâlEME.
9^iI^alU pour forcer k biociu, et contraûpidr^. Jk psunp
iVaufais i^ s éloigner. €e troisièmf jour ôtffnt v«nujQl
aucunes forces aragdniiaise^iie^! a étauA naopiré^s^tUïl
(Hituts-ipvis de la place iureni abais^ft. : les FnfftçM»
roi)tr,èrefi.t dans PerpignUu, prétçdéft jp^r taureffi-dn^
Villanova» Tua de^ coufiuls^.par Xluaou^.d^rVîitwf
oyt Viviers, daropiseau, 0t.'par).<j0orgis .Fiiny^if Uw-
g^pis, George Ciurar»»'doy«n.deii iiouijresv:0()fi*n#T
rpis Estèvç, dQyen des.Uftleurs, tous. six,, otages i^fH*
p^ les Fraiirfus« le jour 4e<la sigilature de bi'capitM:
lotion.* . ;•, . ■ ; «li CI } !• •■ 1 -1 .'1 . j •.
- ,JLa p^rspejCtiye d*iui limité qui arrêterait tou^#ii^
vpiigeaticefi, au moment de lès elejK:erj ne pouvait que
^ulever rind^nation de Louis. Aussitôt quîleut,C!^(|u
4^ p^s générant :1a c4Mttiais6anee d^ bayas wTilaaT
qiiellesjl^ allaient traiter avec lés assilégés, il s^mpofila
ri^ntre eui en jujurks^iet, pow mnpêdier ia eoflaw^T
mation d*un acCe si contraife à sbs inientioiNit qui
étaient d atTaiMir Perpignan de luanièroA ce qoé^ç^lpt
ville fut dansTiiupossibilité de se tévolter yne.aeeondk
fois, il fit partir sur«le-ebamp,.Iniberlide Qatarna^ii
sire du lk)Uchage» celui de ses confidents en^fiiiii
avait le plus de confiance, avec les ordres sui^tfttU ^ •
u Instruction À M. du lk)urhage de oequ il a à j$ire
' Au nombre de9 pf rsonnrs (|iii quittèrrnt I*rr|Mga4in uvrH la rapir
tulaiion, /iiriia noinnii* un Blaiiclia* sans ilouU* rrlui qui, èuA pre-
ntwr nmtuf', avàlCtfiftlrt \f% [toiriti ilt la ville au roi d^Vragôn/ XdrilS'.
de par le rQ^ 4 l^\<c]^i^iilQ v^oge «pi'iL faîi^é»e»te^
ment en Roussillon. .•'•.. 1 r. , r> i :» • l'i- •
;,,«£t prei|iièr.çn>fi|ty)èri jeiiY^rra le,plMsfaiHtiyemenl
qu!il .po^n^ (n^^ssirQ^ .y;¥OQHDu|£pu et M. Àti Lti4^v .1 « : 1
, «1^. Sr,,9oyfiB}^/i1*A$t d^is^fl^, patomemant^riëil
ianxari^i,i(9tiftU^t desaiensfi-^rt-wjfi^fi'^M* , i^iii • ♦ **
« 3 . De retenir tous les gens .d'^irpc» * liA |(|ttancl des
4^$s\ii4Hs ^c0i^: parU$,. fiei gn^nep ltou»>lks. lieute-
nants des dessusdits, et]^*il |yé!{ieutiga§ner>ieSlli0a»'
t^rMlntR,yqu;>J,^|^e l,ésgwflî4îar*Hfli i / M) i -•: (
....«ti./Qeic^a^Qr: t0litdf)<ge^4fehms(idei(lft v^ède
P|3jrpigoen , que ifietiViagii^e^ ten^ oîimit^lQS'iinailresij et
i^j^lewlstibsera Uo^^^Q piè^ji}^ harodU) u!> i^fric;:
p^ipière ciiQfiiQiqw^i^P^tlaire^'ffe^td^Misà'des poiii
a 6. De faire une citadèile'. >i .m/j!» tii j;" )i/ '-»l! *
général; aussi s* il n'en est pas, y mettre le Pou-
Ittfllei*.'.' ' ■•'•■'"■••"''■' •' •••''• J-'"' '■• *ti*i/ •'.•,■.• iM •' » '
(c8. Abattre ..toutes ïèsTortéi^eMes* .résèr^^ Pèir-
et Laraquk;.Lë PcmlaiUer tienAti(fiËrdne9et'Go^[rik
Faùcàult-de^Rinhévàï HëftdWLïiï^Qque. "et celUi oue
duoteau de 'Perp^eny 'Ct -Regnatilt'-diaxCheMnn^'v'
Sâticei^liôfeâté: ' ■'■ ■" '•'■" "■ ' '•'•'■. ■'■ "i' ;•"' : ''• ,." "''**'" ''■■ '
(( 9 . Mettra tous lep i^pçil^s, qui, «e, jSOflt arçQe^ cQQtre
140 LIVRE TROISIÈME.
leroy dehors; et donnera 'leun héritages, qudcpe
appointement qui ait été fait. '
tf 10. Donnera les terres desdits nobles au- Pou-
lailler, à Boffile, à son Ueutehaiit, k Regnaullndu-
Chesnay et k tous les autres qu*fl verra qu^Hs seront
bien aigres , pour garder que les gentilshommes né té^
tournent plus au pays.
«r 1 1 . Leur donnera tous les censàis de ceuk ' qlii
seront dessous le roi d* Aragon.
« 1 a . Fera venir b femme de Philippe Aubeit et
sa fifle, pour pourchasser sa délivrance, et si le 'Pou-
lailler la veut avoir en mariage il 1 aura, sinon, Ré^
gnault'du-Chesnay Taura. Et s*il avait été proittis par
ledit appointement de rendre ledit Philippe Aubert,
dira k sa femme que le roy se vent assurer de son mari
et d'elle, et que pour cette cause il faut qu'elle et- ta
fille viennent devers le roy *.
« 1 3. Defaira tous les officiers de k ville,' réservé
' Ce Philippe Aubert était un Catalan ou Roussillonnais qoi^ à
ion 4f la gjranUe influence ([u*il exerçait sur let compatriolai, avait été
attiré à Paris par Louis Xf. C^ prince , en lui conf<^rant une charge da
conseiller, Tavait aimi forcé àe lui prMer serment de fidélité. AufcsH
ayant voulu ratovmer en Catalogne, Lo«b t^eaKUsait de lui nmdn M
liberté sur ce que, recevant de lui sa pension ordinaire, il était de ti
maison et ne devait pas la quitter. Ce prince , qui redoutait la présence
de ce personnage en Catalogne, alléguait en outre qu'ayant reçu de loi
le semant auquel étaient tenas tons cens de son conseil , il M l*avMt
(tas moins trahi , puisqu'il avait (ait tout ce qu*ii avait pu pour la des»
servir, et qu*il n avait pas dû étrr compris dans la capitulation. Il est
patlé de lui dans Tartirle s i . Vnyei cette pièce.
%
CHAPITRE SIXIÈHB. 141
un lieutenant pour la justice;, et ôtera tout té pouvoir
à ceux de ia^ ville, eç -clefs, et touty et sauront plu»
nuls offices.
il 1 4* Pour les réparations de la ville, commettra
un clerc des pays du roy, qui prencbra ce qu il pourra
en la ville pour ce faire, et ce quil ne pourra, le .tré-
sorier le fournira. .
« 1 5. Contestera le comte et le châtelain ( les deuil
ambassadeurs aragonnais )- sîila sont encore là , et les
laissera ^er quieuid ils voudront, et essayera d avoir,
quelque trêve afin de mettre la viUe en sAreté pour le
roy devant que là guerre y vienne, et la pius longue
qu*il pourra, afin que les guerres fussent terminées^
avant que Tautre coaunençât. li -: . «
n i6. En cas que ledit comte et châtelain fiisâeoÉ
partie, envoyer :Guyot et Chesnay devers léuxy pour
prendre une ttève la plus longue qu*â pourra, . et sen^-
tira d*eux s*ils ont volonté de tenir au roy ce qu*ila ont
promis et tenu; bailler toutes les béllâs paroles qu*on
pourra. . .
« 17. Dira à M. tfAlbi, en l'entretenant, qu'il
prenne hardiment toutes les bonnes églises qui y va-
queront, et. puis^ qu'il eti avertisse le )roy, lequel y
tiendra la main pour lui, envers et contre tous. ',;
« 1 8. Pourvoira à tous les bénéfices du Roussillon,
et peuplera les monastères de Françaiis.
« 1 9. Mettra tous les officiers nouveaux pour gou-
verner Vévèché, tant au temporel qu'au spirituel.
142 IJVBE TROISIÊM*;.
tt lo. Bailiera' le gotfvemMien'i de toil*' lesf'béhé-*
fic^, tant au tèmpcirel Yfii*an s]p]'ritii'el, et en f>6nM*a
\o mandrmcnt paient audit d'Albi. • ' '
« » I : Dira k M. d'Albi qu'il prenne r^(^hé'd*Eâillnes
enitomniande, et bH'j a quél(i[itf« liiAutai^'béfl^fidé'
par deçà'/ ifd'il le plromette," etptiis'qu^ tfen tienne*
rien, et quil en laisse faire le roy, lequel- yrèiWédléWr
bien^ ■ " ••'-'■■ ' •■••• '
' icîa. Si la- trêve n'était faite, et qù'ily'falhltlMi!!'
cents laiir^esr, il y làisseraVetit deBoflîlë, à^ ijoiittAûni
et do M. du Lude; êt^'il y fallait quatre cents ItmcM;*
H y laissera mit -du gouv^metir de Roûstnllônret W
renverra Jean ChAnu.'"' '" :
« 2 3. S'il peut, à cette heure, repeupler la rîMe è
neuf, il le fera; et aussi a' il ne peut; iien teiasera' la
chaire A M. d'Albi, et en prendra l>6bli^tiôn de hii d«
le faii^o, et apportera au roy son obligation, aign^ de
samâin* -!
' (I n l\, Paira bailler les dix mille ^cua an comtt» M
aurhâtelain, et prendra, s'il peut, la trêve ave**'Wit.
« Pour Puyssaitlan :
« 1 .Huet d' \niboi8e aimi le gouvernement de Puys-
sardan>
> Cet é^éclié l'tait oi*cupA par Cbarlet de ^i•illt-Gc'laift, d*origiatt
rran< aise , qui m> liéniit , pI reçut ialilMiye Je Sa lut-Léouard-de-Fer^
ri^rrA. I^uîs le fit remplacer par Charles de Martiguy, qui fut ton am-
baiMdeuf«ffi ^ngletiiTsra 1A78.
CH'APaTRC SIXFÈMl:. 1«5
« 3< Après <(ue ledit Hiiet aura eu ledit gdùvernè-
ment, M. d'Albi* lui fera promettre qu'iimettm hbta
toute la bantle çontra^ç de |Vlereadif r et dç, fpn neveu
et à toute cette bande.
'«3. Diira'à ihbndif ' sieur d'Albi qu'il' essaye j" par
toAte^ leH feçôriS ijùTi poorrtiV d*àVoir'Lyvié' (la vîHe
dé Livia ) (^èf tient itiës«iré Caillât, soft pat* promèsi^
êtnt^ailùn iteXte th'ùier et i'p^ëi qu'il l'alita; tpfil 1^
baffle â son ffère HuetTet kptèi ^èiedit'IftîetraûrÀ'J
qtt'iltietine dè^<pt<«in'è^âes ce (^u'H vëh^'^eire à faire;
G«p<l0dh dmiiVi'ïtmqiie pt-otuiessé qu'il àit'^âitë aii
fdy, iU'a toujOdW'tWlii et trbihjié. "> '» '" ' ' '
■ «a. Que ledit' ^filët' thiifë bièii'Mei^dier' ef si
bande. ' '"'
i 6. Qti^ s'ayd4 ^è 'Machicoi et dé -itën gens, jus-
iH s<^A pôuita pastièi*. qd'îl TeAVoUè dévéH'le'W,"à
^fl prenne M dé' M» gèris'dù d'àlitrés; tatôti ^'fl'^
ittedra pbâï' ledit pays, et «^é'ié'rbjr ieis fôtiJ payent 'et
quHl' ne «ouffire bdttitné éH"Puyi>sàraàri'4ù*irV<è%'h
nUAbékit à •hit' 6t ififilAe së'goUvéV^ë*|Jâ^ lui, cki-'lè
roy tr«M qu'il' MtJt ««iil'cft^^'H^riè' tfé ^Mrt^èrhéûr ^dh
pays, car lewy-ii'à'flàncé'éti'àtilH!;'-'''''-''' ' "•'' •■'''■''■
-<*6'. Em^ i«ti'6S"èkbise^,'^edrit{b<eM qitë'fc pi^s
sera' en «ùreié 'p0iir! le* tbjî et ^tiè')e (âsM^'eh
seiia hopa>, s'en revenirà tdâtéida^ênee'éty'lais'ile^
1. '.Il-, ■• »l ■>"l\l>- •• I ;. . : '■' ' I '•>•>•• ." >■ f- .'t
' Louis d Amboise , évèque d'Albi , différent de Jouffiroy, cardinal
t,.|l^ 1 .j il • :<•■ il' ' ; '11. '•! I il Ml l"> î !• lu ■ •!
178 LIVRE TROISIÈME,
sation de rempire imaginaire qu*it sVtait forg^. Il ré-
solut donc de ronimenrer par re royaume rexécution
de SOS gigantesques projets. Charles, en pensant à
rOrient, oubliait quil ^tait entouré d'ennemis inté-
ressés à le contrarier. Il crut |x>urvoir à tout en s*ar-
rommodant avec le roi d*Espagne, et c*cst pour s aban-
donner librement à ces séduisantes illusions , qu*î) se
montra si facile sur iabandon du Roussillon h TEspagne.
■ i9a Les innombrables pratiques superstitieuses aux-
quelles se livrait Louis XI , en réagissant sur le faible
cerveau de son fils, avaient rendu ce jeune prince tr^!«*
accessible h toutes les impressions d*une dévotion
minutieuse : c*e.st par ce faible trop bien connu que
le catholique roi Ferdinand lattaqua. Le moine Jean
de Mauleon, que ce prince avait envoyé k Charles,
avait déjc^ préparé les voies de la renonciation de la
France au Roussillon, quand des plénipotentiaires
furent nommés par les deux puissances, pour la con-
clure. Ceux de France furent Louis d*Amboise, év^ie
d*Albi, Pierre d'Absac , évéque de Lectoure et abbé
delà Grasse, Jean d*Anglade, François de Cardono,
maître des fmancesdc France, et le secrétaire roval,
Etienne Petit; ceux d*Espagne furent Jean de Mauleon,
Jean d*Albion et le secrétaire roval, Jean Coloma. Les
commissaires français se rendirent d*abord h Fignièrrs,
où s ouvrirent les conférences, qui furent ensuite trans-
férées h Narbonne. Après de grands débats entre ces
pléni|>otentiaires, il fut enfin am>té que le sieur llamis.
CHAPITRE HUITIÈME. 179
commandant du château de Perpignan, et Jean d'Al-
bion se rendraient à Étampes auprès du roi, pour
prendre ses derniers ordres, pendant que les évèques
d*Albi et de Lectoure attendraient à Perpignan le re*
tour de ces envoyés. Le secrétaire Coloma, au lieu de
se rendre i Perpignan avec les commissaires français,
devait aUer prendre sa résidence à Geret.
A cette époque, Boi&le-^é-Juge, qui prenait le titre
de comte de Castres, depuis que Louis XI lui avait
donné ce fief provenant de la confiscation des biens
de Jacques d*Ârmaghac , perdit , par suite des intrigues
de la sœur du marquis de Mantoue, la vice-royauté de
Roufsillon, qu'elle fit donner & son mari , Gilbert, comte
de Montpensier. Ce prince , dont la résidence habi-
tuelle était à Paris , abandonnait la direction de la pro^
vioce à son vice-gérant Guillaume de Carmaing, sei**
gneur de Venez , qui portait le titre de vicomte de
Rodés par son mariage avec la fille unique de la titU'^
laire de cette vicomte. La crainte de perdre dans un
changement de domination les terres de Ceret et de
Millas, qui avaient été constituées en dot à sa femme,
portait ce seigneur, qui était en même temps gouv^^
neur de Perpignan , à &ire tous ses efforts pour em«
pécher la restitution des comtés. L'intérêt privé se
colorant u du prétexte du bien général, de Venea
s'étudiait de tous ses moyens à entraver les négocia-
tions. Pour avoir k la tète des affaires de la ville des
consuls à sa dévotion , ce gouverneur empêcha l'élcc-
12.
180 LIVRE TROISIÈME,
tion des nouveaux magistrats qu*on devait nommer ia
veille de la saint-Jean, suivant lusagc, et il en installa
d autres qu il avait choisis lui-même. Les plaintes des
habitants étant parvenues au roi , ce prince annula les
nominations faites par de Venex , et les commissaires
plénipotentiaires français se rendirent de Narbonne k
Perpignan pour prendre connaissance de Taflhire , et
faire procéder à des élections régulières. C'est ici sans
doute qu*il faut placer ce que dit Zurita , que de Ve-
nez voulut persuader aux commandants du château et
de la citadelle que les évéques d*Albi et de Lectoure
venaient pour livrer la ville aux Espagnols, et qu*il
iàllait s y opposer. Les élections se firent suivant l'u-
sage, et, le 6 septembre, les plénipotentiaires les
installèrent à Thôtel de ville. Le gouverneur voulut
sans doute y mettre empêchement, puisque nous
trouvons dans Vaissette, que le lendemain y, ces com-
missaires condamnèrent de Venez à une amende de
cinquante marcs d*or . Ce gouverneur ne se tint pas pour
battu. Huit k dix jours après, de nouvelles élections
devant avoir lieu pour les autres offices municipaux ,
de Venez, à la tète de quelques troupes du ban, dont
les capitaines étaient tous opposés à l*abandon des
comtés, se porta à Thôtel de ville, empêcha ces élec-
tions, expulsa de leurs sièges les consuls élus, et
instalb à leur place ceux qu^il avait nommés lui-même.
Sur cela, les commissaires quittèrent Perpignan, it
ils chargèrent de rex<*rution de leur sentence un juge
CHAPITRE HUITIÈME. 181
de Carcassonne. Ce juge, accompagné d'un sieur de
la Serpent, entra dans Perpignan le a 8 du même mois,,
muni de lettres-royaux confirmant Télection des con-
suls populaires , et faisant commandement aux capi-
taines de leur prêter main-forte , sous peine de la vie
et de leurs biens. Ces subdélégués installèrent derechef
les consids élus, le 2 octobre ^ De Venez, forcé
d*aller rendre compte de sa conduite au roi , fut pro-
bablement absous de toute condamnation, puisqu'il
retourna à son poste, où il continua ses oppositions..
Le traité négocié par les commissaires des deux na*
tions fut conclu à la fin de décembre; traité étrange»
qui enleva à la France les deux comtés de Roussillon
et de Cerdagne, et par lequel un vaste territoire fut
échangé contre de simples et insignifiantes promesses*.
Lesnégociateiu^s français crurent avoir assez fait pour
la politique, en proposant par manière de compliment,
comme dit Tannaliste d'Aragon avec beaucoup de sens,
et par forme de justification de leur conduite devant
les grands du royaume, opposés à la restitution, la
condition , tout à fait illusoire , que le roi d'Espagne et
ses successeurs seraient tenus, quand ils en seraient
requis par les rois de France , de nommer des juges
arbitres non suspects, pour examiner la question de
propriété des comtés , avec obligation de s'en tenir à
leur décision s'ils déclaraient que ces comtés devaient
revenir à la France.
» Voyex aux Preuvet, n* XI.
182 LIVRE TKOISIÈME.
Lue clause aussi dérisoire que celle dont on
pour Ta venir toute la garantie de la France aor la
propriété de la province de Roussillon ; cet appel dit A
la bonne foi d*un prince tellement connu pour n*enavoir
point , qu*un prince d*ltalie disait que pour compter
sur les serments de Ferdinand il voudrait qu*il jurât par
un Dieu en qui il crût; une condition aussi abaurde
que celle qui soumettait la nomination des arbitres A
ceux qui étaient intéressés à ne pas tenir juste la ba-
lance, à Texclusion totale de Tautre partie intéressée',
condition qui , en définitive , ne montrait que la guerre
pour moyen d*cxécution y n*aurait arrêté personne, et
moins encore Ferdinand : que n aurait-il pas juré,
quand ce n'était que des serments qu on exigeait de
lui!
Ce traité, qui portait en substance qu*ii y aurait
alliance oflensive et défensive entre les deux nations;
que les deux comtés seraient rendus à TEspagne sous
la condition de revenir à la France si en aucun temps la
possession était reconnue lui en apparteniru pardesar-
tt bitr. s nommés par le roi d*Espagne^ » que Ferdinand
' Voyei ce traité dans les Pièces de Godefiroy, à U mite de IHîstoîre
de Charles VI II.
' Voici ce singulier article : • Item est conventutn et concordatam
tquod , licet oos, dictot m Franconm, aimus in bona paanMme oaa-
• que et titulo suifidenti ad tenendum comitaïuni Rosailîoaîs el Cerita-
i nise — pruniittimus ipsis |M»tcntissiniis régi rt rt'giiue llispanir , facere
idari possessionem eoruin,quotiescanH|ue i|>si potriitisAimi rei rt rr-
« gina reiTriiit et|iassavmiit przsentesligairlronfederalionrs— provisu
CHAPITRE HUITIÈME. 183
ne pourrait pas marier ses filles aux princes ennemis
du roi de France , ni permettre que ceux qui devien-
draient ses gendres se déclarassent contre Charles ;
que les comtés seraient évacués quinze jours après la
ratification» ce traité fut signé par le roi de France, le
i8 janvier i/igS, etpar le roL dEspagne, le 19 du
même mois.
Pour toute garantie de l'exécution de ce qui concerT 1493.
nait le roi d'Espagne , dans ce traité,, on n exigeait
qu'un simple serment dci Ferdinand et d'Isabelle,
confirmé par les villes de Saragosse et de Barcelone,
formalité aussi vaine que ridicule; le roi de France
était obligea un serment pareil, confirmé aussi par les
villes de Toulouse et de Narbonne , pour la fidèle
exécution de l'évacuation de la province : ce serment
du roi de France devait être livré avant cette évacua-
tion, et celui du roi d'Espagne devait suivre de deux
mois b prise de possession des comtés ; ainsi , en sup-
posant que cette formalité singulière du serment des
villes eût été bonne à quelque chose, ie roi de France
se trouvait lié par sa religion , avant mêàae de savoir
«qnod, loties qootkft n^t, dicluft m fVviioomm , lisredetqae et taoéié-
a Bores nostri, voluerint fàcere videri et visiteri jura per aos priBAeniA tp
« dictis comitatibas, tum ratione et ex causa ingagiementî et impignora-
• tîonis quam aliaa, qualitercumqne sit, nos dicti rex et régina Hispa-
«nîai, liWffmkiiiqnii et suocessofee nostri, tenebimur digère et sonefe
« arbitras et jiiinfii neutres pro discutîendo et determinando de dietis
■juribus, et tenebimur nos, rex et regina Hispanis, baBredesque et suc-
• cessores nbstri , eligere dictas judices et de illis formis , intra unum
f mcnsem , etc. t Art; 8' du traité.
184 LIVRE TROISIÈME.
si le roi d'Espagne se croirait encore lié par la sienne
une fois qu il tiendrait ce qu'il voulait avoir, et c'est ce
qui arriva en eflet. Dans toute cette affaire , Charles se
montrait encore plus pressé d'en finir que le roi d'Es-
pagne même; on eût dit que, disant une excellente
afiaire , il avait peur que son adversaire, se ravisant, ne
revint sur le marché. Semblable à ces enfants d*iui
père avare , qui sont impatients de dissiper la fortune
acquise par tant de privations, qui leur est enfin
échue, le roi de France, la tête pleine de chimères,
hâtait de tous ses moyens le démembrement d'une
province si utile à la sûreté de ses frontières.
Le traité était signé; mais le pariement de Paris,
qui avec la France entière accusait de prévarication
les plénipotentiaires français , s'opposait à son exécu-
tion, et Gharies, inquiet de cette résistance, n'osait
pas passer outre. Cet incident alarma le roi d'Espagne ,
qui avait tout lieu de craindre que le roi de France
n'ouvrit enfin les yeux sur l'énorme faute qu'on lui
faisait commettre. Jusque-là il avait flatté les il-
lusions de Charies par la perspective d'une alliance
qui lui permettrait de suivre tranquillement ses fan-
tastiques projets; alors, c'est sa conscience qu'il fit
assiéger : il corrompit, dit-on, deux cordcliers, Oli-
vier Maillard, prédicateur du roi, et Jean de Man-
sicmc, confesseur de la duchesse de Bourbon. Ces
moines obsédèrent les enfants de Louis XI, et ceux-
ci, pour cmjiecher Tânie de leur père de brûler en
CHAPITRE HUITIÈME. 185
purgatoire \ se raffermirent dans la résolution de
rendre les deux comtés. En vain le pariement et le
consefl voulurent-ils encore opposer la raison d*état à
cet inconcevable abandon d*unc province sans rem-
boursement ni indemnité ; le roi agit d'autorité , et il
fidhit obéir.
Tous les historiens firançais, de^ diverses époques,
prétendent que les Perpignanais s'étaient si bien fa-
çonnés au régime de la France , qu'ils ne virent qu'avec
le plus vif chagrin le futur retour de leur pays à la
couronne d'Espagne, et que, par l'organe de leurs
consuls, ils réclamèrent contre la mesure qui allait les
fiûre ainsi changer de domination : c'est encore là une
erreur d'amour-propre. Les consuls de cette ville
écrivirent, il est vrai, le k du mois de juin, à la du-
chesse de Bourbon , pour lui exprimer le dévouement
des habitants de Perpignan au roi de France et la dé-
solation qu'As ressentaient de devoir ^retourner sous
le sceptre d'Aragon; mais l'identité de pensées et
d'expressions de cette lettre avec celles de la lettre
que de Venez écrivit le même jouf à cette princesse
prouve suflisamment que ces magistrats , appelés ches
ce gouverneur, ne firent que signer une dépèche pré-
parée d'avance ^. A qui pourrait-on persuader, après
ce que nous avons rapporté plus haut des violences
de ce gouverneur pour empêcher la libre élection des
' Daniel, Gamier, etc.
* Voyes ces deox lettres aux Preuves, n* XI.
186 LIVRE TROISIÈME,
consuls, que ceux qui signèrent cette lettre ei^pn-
maient les vrais sentiments de la populaUon? Si le
sage Bofiiie avait exercé encore la dignité de vicenroi,
on pourrait croire que Fexpression des sentiments ma-
nifestés par la lettre, sans être plus vraie au fioad;
était au moins un témoignage d'afTection accordé pv
ces magistrats au chef qui, de Taveu même de Zuûtita,
si peu indulgent pour les Français, avait su secooeî*
lier la bienveillance des habitants; mais la révocâtioD
de ce gouverneur général , et la dureté de son suôces*
seur^ avaient excité à un tel point le mécontenlemeat
des Perpignanais, qu*une émeute violente avait éclaté
dans la ville Tannée précédente , et que pour la com*»
primer on avait dû y faire descendre du château en-
quante lauce^^ : ces faits n'annoncent pas une grande
corres[K)ndancc de sentimeuts entre les peuples du
Roussillon et les Français. Se persuader d*ailleuri que
ces peuples eussent tout à fait changé leurs affectkms
en moins de vingt ans, ce serait bien mal connaître
les hommes. Quelques individus peuvent bien varia:
dans leur opinion en moins de temps, mais une popu-
lation en masse ne renonce pas aussi facilement à •€§
idc'es premières; les antipathies nationales ne s*effii-
cent pas avec cette promptitude; et qui ne sait que
lamotu* que nous portons à la nation dont notre paya
lait partie, nous le sentons eiKore plus vivemepi
' Uoflîlo rra bien quuto ; ) el coiulr ( dp MoiitpmMirr ) k» tfsUvs
iiiuy a»|>cnuiii>utr ZuriU , |>art V , lib. I , cap. 7. *— ' ibidem.
CHAPITRE HUITIÈME. 187
quaad od veut nous séparer de cette même nation P
Ceux qui, vingt ans auparavant, avaient coopéré au
soulèvement en faveur du roi d'Aragon, n'étaient pas
tous morts; leurs enfants avaient vu le si^e, et souf-
fert des niaux qu'il avait entraînés; ils connaissaient les
privilèges de gloire dont Juan II avait récompensé la
valeur de leurs pères, et devaient désirer d'en jouir;
pouvaientriU donc ne pas aspirer à reprendre les cou*
leurs d'Aragon? Tout concourait à leur. faire partager
Taversion que les Catalans portaient aux Français, car
le souvenir des maux passés , «ntretemu par une haine
nationale, est un inextinguible foyer de patriotisme.
La masst des Perpignanais ne partageait donc pas les
voeux qu'exprimait la lettre imposée aux consuls : aux
preuves que nous en avons déjà il va s'âi joindre une
plus décisive encore.
Le terme assigné pour l'évacuation dû Roossillon
était expiré depuis longtemps , et rien n'annonçait, de
la part de la France^ la volonté fie remplir cet enga-
gement. Le pariement de Paris et le conseil du roi,
toujours opposés à cet abandon, faisaient naître sans
cesse des obstacles , . et soutenaient prohaMeitient de
Venez, qui, dans le poste qu'il occupait è Perpignan,
continuait à susciter des inécidents pour £dre neutre
une rupture. Feignant que cette rupture avait eor lieu,
il réunit un jour les gens de guerre, fait entrer trois
cents homined dans la ville, occupe le CastiUet, et&it
braquer le canon du château contre les maisons, pour
188 LIVRE TROISIÈME.
contenir les habitants. De leur coté, ces
réunissent en tumulte et en armes , et les consuls or-
donnent la construction de fortifications et de barri*
cades, principdement autour de Thotel de ville. Ces
magistrats établissent aussi des postes au voisinage du
château, pour empêcher le pillage de certaines bou-
tiques de marchands menacées par les soldats. Les
deux partis, sans en venir à un engagement, escar*
mouchaient entre eux comme en une ^ce cer-
née par Tennemi^ A cette époque Tévèque d*AIbi
était à Thuir, pour terminer l'œuvre de la restitution.
Les Espagnols, voyant que le traité ne s*exéciitail
pas , avaient ourdi une conspiration pour enlever Per-
pignan ; et la conduite de Tévèque d*Albi prouve qa*fl
la favorisait lui-même. Le chef de cette conspiration
était Goloma , le secrétaire de Ferdinand et Tun des
plénipotentiaires espagnols. Les garnisons des ^ces
étaient un mélange de Français , dltaliens et de Cata-
lans. Ces compagnies, qui n'avaient pas reçu leur
solde depuis longtemps, ne cachaient pas leur mé-
contentement , et ce mécontentement était exploité *
dans Perpignan , par un nommé Sarriera , agent de
Coloma. Ce Sarriera avait gagné , entre autres , un ca-
pitaine italien , nommé Bernardin , cousin de Boffile,
et ami intime du capitaine qui commandait le château »
en labsence de Barras , son gouverneur. Soit que de
Venez eut eu vent de ce complot, soit que les propos
* ZuriU.
CHAPITRE HUITIÈME. 189
de Bernardin lui eussent rendu suspect ce capitaine ,
il l*avait fait sortir de la yiUe avec sa compagnie, qui
avait été cantonnée dans des lieux ouverts. Bernardin,
encore plus courroucé , s'était entendu alers avec les
Àragonnais , pour passer de leur coté en cas de rupture,
si on le laissait hors de la place, ou pour les favoriser
de tous ses moyens, si, le cas échéant, on le rappe-
lait dans Perpignan. Un de ses gens d*armes allait
même beaucoup plus loin. Celui-ci, nommé Perrot-
Planella, proposait à Coloma de se charger, avec vingt
de ses camarades , ses amis , d'exécuter toute entre-
prise qu'on voudrait lui confier, se faisant fort de réus-
sir. Le succès, suivant lui, serait d'autant moins dou-
teux, que, les compagnies n'étant pas payées, tous les
étrangers sortiraient de la ville, que les habitants
étaient tous pour les Àragonnais, et que ce qu'il reste-
rait de Français dans la place serait dans l'impuissance
d'opposer aucune résistance.
Coloma se trouvait à Claira iPrec l'évèque d*Âlbi
quand ces ouvertures lui furent faites ; il les accueillit
avec précaution , promit de grandes récompenses à
qui servirait bien le roi d'Aragon , et engagea Hanella
k s'emparer de la porte de Canet , si on en venait à
l'exécution. Sarriera, soutenu par les gens de guerre
qu'on aurait fait venir de l'Âmpourdan , devait se tenir
en embuscade ayec quelques chevaux, prêt à entrer
dans la ville aussitôt que les Perpignanais se seraient
rendus maîtres du château et de la citadelle, ainsi que
VM) LIVHE TI\OISIKME.
(le la pei*soniie du gouvemcar et do i'nicaydo : leun
chefs étaient Michel d* Annendarès , AguUana et le
commandeur de Saint- Antoine. L*amiral aragonnais,
liernard-de-Villamarin , étant, siu* ces entrefiiites,
venu mouiller h CoUioure avec trob galères , le com-
plot lut étendu à cette ville , qui devait être livrée A
cette escadrille dans le même temps que Perpignan
le serait à Sarricra. Il fut convenu encore qu'immé-
diatement après la surprise de ces deux villes, on
inart'herdit sur Argelcs et sur Elne, avec Tartiilerie
des galères, afin d'occuper les principales places du
Roussillon avant que les Français pussent s'y opposer.
L ciécution de ce complot avait été remise au mo-
ment où Ferdinand , qui s approchait de la frontière
avec des forces considérables pour prendre possession
k main année d'un territoire dont un traité signé li-
brement, quelque préjudiciable qu'il fût i la France,
larrendait propriétaire légitime, serait assez près pour
assurer la conservation des places enlevées de cette
manière.
Cette conspiration, très-bien ourdie, aurait mis
probablement les Espagnols en possession des deux
comtés quelque temps plus tôt, si un secret confié A
tant de monde avait pu être gardé rigoureusement;
mais quelques indiscrétions donnant leveil au gou-
verneur, il demanda au roi des forrcs pour garder les
châteaux, et la trame fiit déjouée ^
* ZanU« tom. V.
CHAPITRE HUITIÈME. 191
Peu de jours après la découverte de cette conspira-
tion, le secrétaire Coloma Fut sur le point de tomber
lui-ineme dans un guet-apens. Cet Espagnol, quittant
Glaira pour se rendre à Figuières , traversait le Pertus ,
quand il &it joint par le commandant du château de
Bell^[ardef qui lui dit qu'étant Breton, et ennemi du
roi de France, il voulait passer au service. du roi d'A-
ragon et lui livrer sa forteresse. Coloma et lui con-
vinrent de se voir secrètement au milieu des champè,
en compagnie d un seul écuyer. Se rendant à Pont-
de-Molin peu de temps après, le Breton dépêche au
secrétaire un messager, pour qu'il vienne le joindre.
Coloma s'y rend en effet, et le Breton, en ayant l'air
de lui donner des nouvelles, le fait cheminer du coté
de fat Conquière. Bientôt une hande de cavalia^s ca*
chés derrière qudques arbres vient barrer le chemin
derrière l'Espagnol, qui est contraint de prendre la
route de Belk^arde : heureusement pour lui la trahi-
son avait été découverte. Des gens qm allaient k la
Jonquière ayant aperçu l'embuscade avaient donné
l'alerte daiis ce village « d'où un grand nombre de
gens armés^ & pied et. à cheval, étaient sortis pour se
porter à Balle , entré la Jonquière et Bellegarde. Foii*-
dant sur les Français au moment où ils passaient avee
leur proie, ils en tuèrent et blessèrent plusiein*s,:et,
entre ces derniers, l'auteur de cette noire perfidie. Le
résultat de cette algarade iîit de &ire reprendre les
armes à tous les habitants de l'Ampourdan, et 4e faire
192 LIVRE TROISIÈME.
jeter des garnisons et des vivres dans toutes les places
des montagnes . comme si la guerre allait recommen-
cer. La conduite de ce commandant de Bellegarde était
sans doute concertée avec de Venez, qui cherchait tou-
jours à provoquer une rupture : au reste, à l'exception
du roi, tout ce qu'il y avait en France de gens prenant
intérêt aux affaires publiques, la désirait autant que lui.
Par ses lettres du 7 juillet, adressées au comte de
Montpensier, qui se trouvait en Roussillon k cette
époque, Charles VIII avait réitéré Tordre, déjà donné
auparavant, mais tenu secret, à ce qu'il parait, afin de
ne pas l'exécuter, de livrer sans plus de délais les deux
comtés aux Espagnok : ces ordres eurent le même
sort que les premiers. Bien plus, le 1 5 d'août suivant,
de Venez, soutenu par le prince et secondé par les
capitaines, qui tous étaient contre l'évèque d'Albi,
qu'ils qualifiaient de traître , voulut s'emparer de la
personne de ce prélat; mais les Perpignanais , dont
celui-ci servait si bien les voeux, prirent parti pour
lui, et on en vint encore une fois aux mains. Dans œ
nouveau conflit entre la population et les gens de
guerre de France , tout le désavantage étant pour ces
derniers, au milieu de rues étroites et tortueuses, 3a
durent se retirer k la citadelle et renoncer k leur des-
sein. Le lendemain les habitants en armes escortè-
rent l'évèque plénipotentiaire au grand château ', où il
voulait faire sa résidence. Le commandement de la
* I^ grand châlMU ^il dififtifiit df* U citAdrile; voyei U nol^ Vf.
CHAPITRE HUITIEME. 193
vQie fut alors retiré à de Venez, et donné au premier
consul ; et quant aux soldats mutinés , Tévêque les fit
rentrer dans le devoir en leur payant leur solde. Enfin
le roi qui, comme dit Zurita, ne voulait entendre
parier d'autre chose que de Texpédition de Naples ,
ayant renouvelé ses ordres de la manière la plus im-
pérative, les places fiurent remises aux Espagnols.
Après une lutte de sept mois entre le roi de France ,
impatient de répudier de son héritage ce qu*il en avait
le plus coûté à son père à acquérir et à conserver, et
le pariement de Paris , le conseil , les princes et d'au-
tres grands personnages, animés, les uns du pur
amour du bien public, les autres d'un motif moins
noble, mais qui se dérobait sous le masque des senti-
ments patriotiques, le sacrifice fut consommé, et la
province de Roussillon fut perdue pour la France. Le
a de septembre la remise des fortifications comïnença 1493.
parle castillet de Perpignan, où entra Jean d'Albion,
avec la garnison qui devait l'occuper. Le grand château
et la citadelle furent livrés le lendemain à Mossen-
Ci^ar et au capitaine Lutier; d'autres officiers parti-
reift ensuite poiu* être mis en possession des autres
places de la province. Quant à la solennité de la remise
de la ville de Perpignan et des deux comtés, elle n'eut
lieu que le 1 o, entre les mains de Coloma, qui vint de
Flguières pour les recevoir.
Ferdinand et Isabelle , partis de Barcelone le 6 de
ce mois de septembre , firent leur entrée dans Pér-
it. i3
194 LIVRE TROISIÈME,
pignan le i3 suivant, vers deux heures de ¥i
midi, au milieu d*une pluie battante ^ L'un et Tautre
renouvelèrenties privilèges des habitants, que Louis XI
avait dénaturés , prodiguèrent les récompenses à ceus
qui avaient montré le plus de dévouement à leur cauae,
et nommèrent gouverneur général Louis d*Oms, fik
de ce Bernard qui avait eu la tête tranchée après la
prise d'Elne : ils retournèrent à Barcelone le 9 octobre
suivant.
Ces royaux époux, dont le r^^e fut signalé par
deux événements de la plus haute importance, Tanéan-
tissement de la domination arabe en Espagne et la
découverte du nouveau monde, sont arrivés jtuqo*à
nous avec une renommée tellement resplendissante de
gloire , qu*il semblerait qu*à l'exemple des historiena
espagnols on ne devrait citer leur nom qu'en l'entou-
rant du plus profond respect : le lecteur sait si toutes
les vertus dont les parent à l'envi les écrivains de relie
nation furent en effet leur partage.
L'un des premiers actes de Ferdinand, après la prise
de possession du Roussillon, fut d'appliquer à cette
province Tédit d'expulsion des Juifs, prononcé l'an-
' • Christianistimus Franatrom r«x Karolu» de Yaloft reatitnit boa
• comitatQS Ross, et Cent, inclyto ac iovictîssimo AragODum et Ispaiiia'
tregi Ferdinando, qui uoa cam lerenisaima regina FJisabeIk, fjos
• uiore, inlranint hanc Perpiniiiiii villam io \igilia eialtationb aaacl»
• crucis, xiij mensis septimbrit; et eral dies veneris, post mendient,
«hora ferc serunda, imbribiis copiotis de ccbIo cadentibus. • Note du
registre des StalaCa de runiversilé de Ptrpigiian.
CHAPITRE HUITIÈME. 195
née précédente contre ceux du reste de l*Espagne.
Nous allons , dans le chapitre suivant , examiner rapi-
dement quelle fut l'existence civile et politique de cette
classe de la population en Roussillon.
i3.
196 LIVRE TROISIEME.
CHAPITRE IX.
Jui&. — Leur établissement à Perpignan. — Leur nombre. *—
Persécutions. — Leur état politique. — Leurs usoret. <—
Leur juridiction. — Leur vanité. — Expulsion. — Spolia»
tion.
PtraiMBd n. Lçg juifg ^ette classe dliommes si émineininent
'** wIm VIIL
ii93. industrieux et qui se vengeaient, par Topulence qu*ils
savaient acquérir aux dépens des chrétiens , de lliuini-
liation dans laquelle les tenait plongés le fanatisme le
plus intolérant; les Juifs, forcés par les Romains de
quitter leur patrie , s étaient répandus dans le monde
entier; TOccident aussi bien que TOrient reçut les dé-
bris dispersés de cette population. Les Gaules en vi-
rent arriver une bande dès le v* siècle, et Naribonne
en reçut un grand nombre dans ses murs. Chassés de
Septimanie par Wamba, ils y revinrent sous son suc-
cesseiu*, et s y maintinrent ^ Perpignan passait k peine
sous la domination aragonnaise, que déjà une de leurs
colonies s'établissait dans cette ville. Soit que les
comtes de Roussillon n*eussent pas voulu les souflnr
dans leurs états, soit que Perpignan fût encore trop
* Il parait qu il ft>n était établi une kande du càxé de Gain,
qu'an trèa-vieux acte parie d*uD quartier de ce terroir nommé Stmefm
MmrU de Imàticià. ( Ank. €€cln. )
CHAPITRE NEUVIÈME. 197
peu considérable à cette époque pour les attirer, il est
certain qu'en 1 1 7 3 , époque du voyage du célèbre
Benjamin de Tudèle , il ne s'y en trouvait encore au-
cun, puisque ce rabbin fait mention de ceux de Girone
et de Narbonne , et qu'il ne nonmie même pas Perpi-
gnan , où cependant il a dû coucher. Mais , dès que les
rois d'Aragon devinrent propriétaires de ce comté , les
Juifs y accoururent, et les nouveaux souverains en-
couragèrent leur établissement dans Perpignan. Le
19 avril \ili5 Jayme le Conquérant leur avait déjà
permis d'y acquérir des maisons et de les posséder en
franc alleu, les exemptant même du droit de foriscape
ou d'aliénation , s'ils les revendaient à d'autres Juifs ,
mais les y soumettant, si l'acquéreur était chrétien.
Cette disposition fut annulée cinq ans après par la
reine Yolande , épouse de ce monarque et lieutenante
générale du royaume. Alphonse II n'avait consenti à
laisser la ville primitive de Perpignan au lieu où elle
était bâtie , qu'à condition qu'on peuplerait la colline
du Puy de Saint- Jacques , qui la dominait; mais les
maisons qu'on avait construites sur cette hauteur res-
taient sans valeur, et leurs possesseurs n'en pouvaient
tirer parti, faute d'habitants. Sur leur réclamation,
Yolande, par une pragmatique donnée à Collioure , le
16 des calendes d'avril 1260, assigna aux Juifr de
Perpignan une résidence forcée sur cette colline , qui
ne faisait point encore partie intégrante de la ville, et,
enleur enjoignantd'y transporterleur domicile, elle leur
198 LIVRE TROISIÈME.
accorda jusqu'au a 5 décembre suivant, pour opérer
ce changement de résidence ; passé ce terme , tiMil
Juif qui ny serait point encore établi devait payer une
amende de cinquante marobotins alphonsins^ Le
quartier que ces Juifs occupaient au Puy SaintnJacqaes
formait une rue qu'on trouve désignée , dans les an-
ciens actes y par le mot caU^ corruption du latin eaUh.
Quant à leur quartier même, il portait le nom anbe
de Aijaîma^.
Les Juifs de rÂijaîma furent d abord sous Tadminis-
tration de deux syndics et d'un scribe de leur nation,
approuvés par l'autorité. Cétait aux syndics que celle-
ci s'adressait pour donner des ordres à la population ;
plus tard ils eurent pour chef un bailli. Par lettres
patentes du 1 6 avril i SgS Juan I défendit qu'aucune
commission de bailli des Juifs de Perpignan , lïkt-cile
même royale , pût être admise par le gouverneur de
Roussilion , si les consuls de la ville n'avaient été préa-
lablement entendus , conformément aux privilèges de
la commune.
Le scribe des Juifs était chargé du recouvrement des
contributions , et du payement des tributs et cens im-
posés à la peuplade. Les tributs étaient le plus sou-
vent arbitraires , et se percevaient au nom du roi , en
celui de l'autorité locale, et en celui de l'église. Au
* Cette pièce a été trauicnte en entier pu KotM, lUnt lOQ Iféaioirt
pour Tordre des avocit*, paga 66.
* ^!^ Khaima, tuguriuni , casa, iabemaculum. Lrxic. Arpla^.
200 LIVRE TROISIÈME.
preuve ii*était accordée qu*au premier. Dans les cir-
constances où un Juif devait, de nécessité, être admis
au serment contre un chrétien , les usages de Barce-
lone, en vigueur en Roussillon à cet égard, prescri-
vaient la formule de ce serment, qui contenait dix
pages d'imprécations contre le Juif, s'il faussait la vé-
rité. Le Juif qui laissait passer deux ans sans rédamer
une dette, ou sans en faire régler Tintérêt par le juge»
ne pouvait exiger plus du double de son principal,
quelque temps qui se fût écoulé depuis Temprunt.
En 1289 Alphonse II avait défendu qu'aucun
pût jamais être admis à tenir lieu de viguier, de
ou d'assesseur; il leur fut interdit ensuite d'exercer
aucune chaîne ou fonction publique, pas même celle
de bourreau ^
Un Juif qui tombait en adultère avec une chré-
tienne perdait tous ses biens.
Le Juif ne pouvait se faire musulman ni le musul-
man Juif, sous peine de mort.
Les rois de Majorque portèrent différents r^e-
ments sur la police de rAljaima. Par son ordonnance
de 1 a 65 Jaymc I prescrit à tout Juif ou Juive qui au-
rait reçu en gage un objet volé, ou seulement engagé
sans la participation du propriétaire , de (aire connaître
l'emprunteur, et, s'il ne IcpouVait, le gage était rendu
au réclamant sans indemnité pour le préteur. Eln 1 a 79
le même roi défend h tout Juif ou Juive de prendre une
' Jacobi GnoI. «dv. Joibros.
CHAPITRE NEUVIÈME. 201
chrétienne pour nourrice de son enfant, pour femme
de chambre ou pour servante , et à toute fenune chré-
tienne de s'engager à eux en cette qualité, sous peine
de deux cents sous d'amende contre Tune et iautre ; et,
8*ils ne peuvent pas pa^ er cette somme , ils seront fus-
tigés par toute la ville. La même peipe serait encourue
par toute fenmie chrétienne qui entrerait dans une
maison juive pour y rendre quelque service que ce
fût, même le plus insignifiant.
Le 17 des calendes de septembre laSo Jayme I
fixa rimpot foncier que les Juifs de Perpignan auraient
à payer à perpétuité : cet impôt fut réglé k douze de-
niers par livre , sur la valeur de leurs biens.
Les Juifs ne pouvaient jouer aux dés pendant les
fêtes de TÂncien Testament , ni aux noces , ni en nulle
autre circonstance , s'ils n'en avaient reçu la permission
du bailli royal , qui savait la leur fidre payer : dans
aucun cas ils ne devaient jouer avec des chrétiens.
Les ^uls jeux de dés permis à cette époque, tant aux
Juifs qu'aux chrétiens, étaient celui qu'on appelait en
catalan taules maUeta ou taales ferrando, et celui du
cabieboch : nous ignorons en quoi ils consistaient pré-
cisément. Il était défendu k tout chrétien d*aller vendre
des comestibles dans la call, sous peine de deux sous
d'amende , tant contre le vendeur que contre l'ache-
teur. Aucune denrée ne pouvait être exposée en vente
par les Juifs dans l'Âljaîma; ils devaient se pourvoir de
tout au niarché. Telle était l'horreur que les Juiis exci-
202 LIVRE TROISIÈME,
taient parmi les chrétiens, que nul n'aurait voahi
manger ce que Tattouchement de leurs doigta kd «li-
rait semblé souiller. Un règlement du bailli royd ée
Perpignan , du 8 des calendes de septembre i ^99* dé-
fendit aux marchands de fruits de leur pennetire 4e
rien toucher dans les paniers ; comme les lépreux , les
Juifs devaient indiquer ce qu*ils voulaient acheter, aana
y porter la main.
Dans le principe les Juifs étaient libres dana TAI-
jaima; plus tard ils y furent enfermés chaque «oir*
Le 8 des calendes de mai 1 296 Jayme I défendit I
tout propriétaire de maisons de la call d^ouvrir an*
cune porte de ces maisons sur les rues des chrétiena ,
et il ordonna de tenir fermées celles qui existaient déjà,
afin qu*on ne pût pénétrer dans cette call que par la
grande porte destinée à cet usage. A la même épo^pe
il fut défendu à tout Juif baptisé de conserver auGime
relation avec ses anciens co-religionnaires , de lea fré-
quenter, et même de leur parier, sous peine de TUigt
sous d*amende, ou , s*il ne pouvait les payer, de TUigt
coups de fouet.
Le roi Martin , dont la politique était bien moitta
étroite et la religion moins superstitieuse que celle dea
autres rois d* Aragon, regardait la population juive
romme importante à conserver, parce qu'elle se rea-
sentait de l'industrie des Arabes, avec lesquds elle
était en contact par plus d'un point; mais Faveugle
fanatisme des moines et dea prêtres , qui poursuivait
CHAPITRE NEUVIÈME. 205
relâche cette caste réprouvée; la dévorante cupi-
dité des officiers royaux qui la pressuraient de toute
\sl force de leur avarice; la jalousie des artisans et des
ouvriers chrétiens, qui, moins habiles qu*eux, ne ces-
saient de crier que le travail donné aux Juifs était du
pain arraché aux chrétiens; ces causes réunies susci-
taient tant de persécutions à ces malheureux, que force
leur était de s expatrier. Déjà , à f avènement de Martin
au trône, le nombre des Juifs de Perpignan était singu-
lièrement réduit. Le manque de travail en avait con-
traint plusieurs à contracter des dettes , et leurs créan-
ciers les poursuivaient avec une rigueur inouïe. Pour
arrêter ces vexations, Martin, par ordonnance du
3 octobre iSgS, motivée sur ce que ula plus grande
«misère et la plus grande désolation régnent dans
«TA^aîma, â cause des fréquentes exécutions faites à
« rinstance des créanciers; considérant que cette cir-
« constance force plusieurs Jmfs à abandonner leur
«domicile, et peut les porter à s'éloigner tous; vou-
«lant empêcher que cette Âljaima ne périsse, sans
« prétendre toutefois que les créanciers perdent leurs
« créances , » ordonne au gouverneur de Roussiilon ,
sous rénonne peine de deux mille florins d*or, de fiure
surseoir à toute poursuite, jusqu'à ce qu'il en soit au^
trement ordonné par lui.
Sous la protection du monarque , les Juifs, par Tac*
tivité de leur industrie, eurent bientôt rétabli leurs
ai&ires , et ils ne tardèrent pas à redevenir eux-mêmes,
204 LIVRE TROISIÈME.
créanciers des chrétiens , contre qui ils obtinrent do
roi la permission d'exercer» à leur tour, des pommdtiai
jusqu'à la prise de corps. Cette &culté accordée soi
ennemis de la religion chrétienne, de (aire emprisonnor
des chrétiens, révoltâtes Perpignanais ; leurs coosids
réclamèrent vivement, et Martin, trop en avint de
son siècle , dut révoquer une mesure qu'il avait priae
un peu imprudemment peut-être, et qui Jailleiin
était en opposition avec les usages de la vflle. Cette
révocation, qui est du 29 mai 1&09, fut comme le
signal de nouvelles persécutions contre les Juifii : alors
les désertions se multiplièrent, et en moins d'un demi-
siècle l'Aljaîma fut réduite à rien. Une ordonnance
de Pèdre IV, rendue dans les corts tenues à Perpignan
en 1 35 1 , avait défendu aux Juifs de cette ville, sonf
peine de soixante sous d'amende , de tailler ni vendre
de la viande dans les boucheries des chrétiens « et il
en avait été établi une dans la cdU ; pendant la pcaies
sion du Roussillon par Louis XI, le vice-roi, Boffle»
de-Juge , fut dans la nécessité d'ordonner aux boucfaen
chrétiens de leur vendre la viande nécessaire à leur
consommation , parce que déjà il n'existait plot de
quoi entretenir une boucherie dans cette même ctH.
Une cape ou manteau particuUer distinguait les
Juifs des chrétiens , mais ce vêtement n'était pas de
toute saison. Pour qu'ils ne puissent cesser un seul
instant d'être flétris du sceau de la réprobation , le
bailli de Perpignan leur enjoint, le 6 des calendes
CHAPITRE NEUVIÈME. 205
d^avril 1 3 1 6 , de coudre sur leur robe de dessus , au
noilieu de la poitrine et de la manière la plus apparente ,
\Mne roue de toile ou de soie , d'un empan de circon-
Cérence , et d'une couleur bien tranchée avec celle de
la robe. Tout saion, ou appariteur, qui en aurait ren-
contré un sans ce signe infamant, était tenu de lui en-
lever sa robe, pour être vendue, le tiers du prix res-
tant à l'officier de police , les deux autres tiers devant
appartenir au trésor royal.
Les usures énormes des Juifs appelèrent plusieurs
fois l'attention du gouvernement. Les premières or-
donnances dont les recueils des actes publics de Rous-
sillon conservent le souvenir datent du règne de
Jayme le Conquérant. Â cette époque l'intérêt des
sommes prêtées était égal à la moitié du principal. Par
son ordonnance du 1 1 des calendes de janvier i aa8
ce prince défendit de prendre , pour l'intérêt de l'ar-
gent prêté, plus de quatre deniers par livre d'argent,
par mois , ou plus du sixième de la vsdeiu* prêtée , par
an, que le prêt eût lieu sur nantissement, ou non; et
pour empêcher qu'abusant du besoin de Temprunteur,
le prêteur ne prenne des voies détournées pour éluder
la loi, il est défendu aux tribunaux de s'en rapporter
au serment d'un Juif, en matière de réclamation de
dettes ; et l'emprunteur, au moment de passer l'acte ,
doit prêter le serment suivant : « Moi , N., je jure que
<c dans le présent acte je n'ai pratiqué ni vu pratiquer
« aucune fraude ou machination , à l'effet que ce Juif,
206 LIVRE TROISIÈME.
a ic*i présent , puisse rien retirer de moi ou de mes co-
(( débiteurs ou de mes cautions , relativement i cet
(( emprunt, en contravention aux constitutions du sei-
«gneur roi; je jure que j ai reçu telle somme, que je
u lui payerai tant d*intérêt, et que je n*ai rien donné
a ni promis de plus. » Cette ordonnance fut renouvelée
en 1 a &o par ce même roi, et en i a8o par le premier
roi de Majorque. Ce dernier défendit de |dus au
Juifs de prendre usure d*usure, et de iaire implica-
tion d usure , au renouvellement des papiers et con-
trats , ou de toute autre manière. Du reste , la voie de
s enrichir par des usures énormes n'était pas suivie seu-
lement par les Juifs ; bien des chrétiens ne se faisaient
aucun scrupule d'imiter leur exemple et contribuaient
de leur côté à exploiter la misère publique. Un acte
de vente d une propriété appartenant à des mineurs,
fait en 1 298, porte que le tuteur est obligé de se dé-
faire de cette partie de la succession de ses pupilles,
pour les arracher à la ruine usuraire de leurs créan-
ciers, tant juifs que chrétiens ^
Le roi d'Aragon , Jayme U , avait ordonné que tout
écrit ou contrat passé à titre usuraire ou non, parles
Juifs de son royaume, ne fût plus valable après un
laps de six ans , si dans cet intervalle le créancier n*avait
fait quelque instance judiciaire, h moins toutefois que
le contrat ne fût en faveur d'un mineur ou d'un absent.
* Tarn ju(l«t ftub gravaminibus usuris quam cri»lianii. Arek.
fccle$.
208 LIVRE TROISIÈME,
sous celle du châtelain du château royal de Peqiignan.
En i3()a Juan I les enleva à cette juridiction pour
les replacer sous celle du hailli de la ville ; plus tard
ils furent soumis à celle du procureur royal, de la-
quelle, sur la demande de leurs propres syndics, Al-
phonse V les retira en i À 1 7, pour les mettre sous celle
du tribunal du domaine.
Nous devons faire remarquer ici la singulière difli^-
rence que Pèdre IV mit dans sa conduite à f égard des
Juifs de Perpignan et à Tégard du clergé de la même
ville , dans une situation identique. Nous avons parlé,
en son lieu, du long et scandaleux démêlé qu'il y eut
entre les consuls de cette ville et f évèque d*Ellne, au
sujet d une taxe sur le vin et la viande. Cette même
taxe avait frappé les Juifs, qui réclamèrent comme
avaient (ait les clercs. Sur cette réclamation , Pèdre
écrivit, le a a janvier, aux consuls de Perpignan, qu'ils
avaient sans sa permission et contre sa volonté frappé
d*une contribution les Juifs de leur ville ; qu'il se sou-
vient très-bien cependant qu'en aucune session de
corts, et en aucune autre circonstance, il n'avait voulu
accorder ni à eux ni h d autres, que ses Juifs, Jaiœi nastri^
fussent compris dans les impositions des chrétiens sur
le vin et la viande ; que les Juifs ne devaient être tri-
butaires que de lui seul, tandis que par cette voie ils les
rendaient tributaires d eux-mêmes. Il défend en consé-
quence de leur faire payer cette taxe, et charge le gou-
verneur de Roussilloii , le bailli et leurs lieutenants ,
CHAPITRE NEUVIÈME. 209
de lui dénoncer toute nouvelle contravention de ce
genre, et de la faire amender au double. Cette taxe
n'était pourtant que celle autorisée par ce prince lui-
même, pour Tamortissemeut des dettes de la ville. Les
raisons qu'il disait valoir en faveur des Juifs pouvaient
s*appliquer également aux clercs, qui n appartenaient
pas plus que les Juifs à la juridiction municipale, et que
les consuls ne pouvaient pas non plus rendre tribu-
taires de la ville. Ainsi, pendant que Pèdre abandon-
nait entièrement le clergé à ces consuls , et qu'il auto-
risait tant d'ignobles vexations contre l'évèque du
diocèse , il prenait avec une vive chaleur la défense de
rAljalma contre ces mêmes magistrats. La raison de
cette différence est vraisemblablement que les Juifs ,
pressurables à volonté, avaient toujours leur bourse
ouverte au roi , au lieu que le clergé ne lui payait rien
sans l'autorisation du pape , et sans de grandes difficul-
tés et de longues instances.
L'avarice et le fanatisme faisaient généralement re-
garder aux chrétiens la fraude et la mauvaise foi envers
les Juifs comme chose licite. Personne ne s'en faisait
scrupule, peuple, magistrats, inquisiteurs. Les abus
de ce genre étaient devenus si criants et l'impudeur
publique si révoltante, qu'en 1 398 Martin dut ordon-
ner au gouverneur de Roussillon de chercher dans la
rail une maison pour y établir une cartetia commune,
c'est-à-dire un dépôt des étalons de toutes mesures en
usage dans le pays, afm que chaque Juif pût vérifier
II. i/i
210 LIVRE TROISIEME.
si on ne Tavait pas trompé dans le mesurage ou le
poids; et, dans la rrainte que rettedis|>osition proter-
trier ne fut pas exécutée, le roi prononça contre re
magistrat lui-ménie une amende de mille florins d*or
h prendre sur ses biens, s*il négligeait de remplir ses
ordres. Quant aux inquisiteurs, le 10 octobre 1&91
la reine Marie leur défendit impérativement de se
mêler en rien des affaires des Juifk, hors les cas con-
cernant la foi. Le ton de sévérité qui règne dans la
lettre que cette princesse écrivit k ce sujet au gouver-
neur indique suffisanunent le peu de mesure avec la-
quelle on en usait envers ces malheureux.» Ayantappris
u a ve(^ déplaisir, disait-elle, que Tinquisiteur établi dans
» vos contrées ne rougit pas d*outre*passer les bornes
<( de son ofTire, et de porter arbitrairement la mainsar
«la moisson d*au(rui; cpi*il frappe souvent de contri-
« butions les Juifs de cette ville , tant hommes que
« femmes , quoicpril sache bien qu'ils n*ont jamais ap-
« partenu h sa juridiction, mais qu'ils dépendent uni-
« quement de la juridiction royale , etc. » L*époux de
cette reine avait déji^ , en 1 .4 1 7 • défendu h ce même
gouverneur et au bailli royal de Perpignan de s'im-
miscer en rien dans les afluiresde rAIjalma, sous quel-
que prétexte que ce fût, et d en maltraiter les habitants.
Le préjugé était tellement contraire aux Juifs, leur
persécution semblait si légitime, que, dès que par l'in-
tervention delà majesté royale un s\sième de vexations
était anéanti, on en inventait iunnédiatenMMit un autre
f
CHAPITRE NEUVIÈME. 211
urle remplacer. Quand parles défenses d*Âlphonse V
«n ne put plus leur extorquer de i argent au moyen des
svanies , on chercha k leur en arracher par la crainte
de la juridiction ecclésiastique. Le pape Martin dut
faire cesser lui-même ce nouveau scandale. Dans un
induit enregistré à Perpignan le 2 4 avril ilm^y ce
pontiCe défend expressément de contraindre aucun
Juif à recevoir le baptême.
Nous avons dit que les ouvriers chrétiens étaient
jaloux du travail qu*on donnait aux Juifs. Cédant aux*
vives instances des consids provoquées par les plaintes
continuelles de ces ouvriers, Alphonse, le a 7 juin 1427,
fit publier dansPerpignan un règlement portant défense
à tout chrétien i^ de donner aucun ouvrage à £ûre à
des Jui& ; a"* de recevoir personne de cette caste dans
ses maisons pour y demeurer; y d'aller à rAljaïma,
du vendredi soir au samedi matin ; d"* d'entrer dans la
call pour y boire, manger ou jouer; 5** d y entrer après
le coucher du soleil, et aux jours de fêtes solennelles,
le tout sous peine de cinquante sous d'amende, dont
un tiers au profit du dénonciateur.
L'homme se retrouve partout avec . ses £aiiblesses.
Les Juifs, malgré leurs constantes humiliations, étaient
devenus glorieux. Au commencement de ce règne de
Ferdinand II , qui devait leur être si fatal , ils s'étaient
arrogé le titre de don, originairement distinctif de la
noblesse, mais usurpé depuis quclquetemps par toute
personne qui jouissait d'une certaine aisance : à Tins-
i4.
212 LIVRE TnOïSlKME.
tant tous les chrétiens (]ni portaientre mémo titre, par
concession ou par usurpation , le quittèrent unanime-
ment; ce ne fut plus que sous le ^^Rne suivant qu*on
commença à le reprendre. Charles-Quint lavant donné
de nouveau à quelques Catalans, en signe de nohlesse,
le don ne tarda pas «^ se replacer de lui-même devant
le nom de tous ceux qui prétendaient à quelque dis-
tinction '.
C est en mars i 49^ que fut puhlié en Catalogne
redit dVxpulsion des Juifs : ceux de cette caste qui ne
se seraient pas tait l)aptiser avant le mois de juillet
suivant devaient quitter TKspagne pour toujours. D^s
le mois d avril le trop célèbre grand inquisiteur, Tor-
quemada. Ih publier dans toutes les provinces de la
monarchie espagnole un rescrit qui intenHsait k tout
chrétien, sous les peines les plus terribles, d avoir
aucune communication avec les Juifs passé le terme
fixé pour leur sortie du royaume : nul ne devait plus
alors leur fournir ni vivres ni secours d*aucuue espèce:
le funeste bûcher les menaçait. La misère et le déses-
poir portèrent plusieurs de ces proscrits h changer de
religion , ce qui ne fil que retarder leur ruine. I^e plus
grand nombre de ceux qui se soumirent ainsi à un
baptême de (inconstance , accusés plus tard d*étre ton-
jours Juifs dans fànie, ou, suivant Tc^xpression consa-
crée alors, de toujours jud«iïser, expièrent au miliini
> Ffliu delà IVfia; cl, |)oiir tmitlf n*%lc..4nA. fArim |i\n* terl M
i>t m. Lihrr prwii ; Lihrr ordinal vomt. ée (Àtlal. passim.
CHAPITBE NEUVIEME. SIS
des fianmies le (ort àf. n'avoir p» fui une patrie inlios-
pitati^re. Ceux qui s'étaient décide» 4 ce grand sacri-
fice eurt-nt eiix-Tnènu's à soulFrir lout ce qu'il est pos-
sible A l'homnie d'endurer de plas iiH'reiix. i\ppou»sé8,
ii)our.iiitsde faim, dépouillés pres<jiie partout du peu
qu'ils aviiieiil pu sauver de leur naurrage , car c'est le
seul aiitii qu'on puisse donner A la catastrophe cpiîleur
lit perdre h peu prts tout te qu'ils possédaient, il n'est
|ws d'horreurs auxquelles une insatiahie avaiif e ne se
portât contre eux. En Afrique, où ils uvaienl espéré
de trouver un refuse, plusieurs lui-ent évcntrés pour
cpi'on put chercher jusijue dan» leurs entrailles l'or
qu'on le» soup^-oniiait d'avoir avalé! Et il »'est rrotivé
des chrétiens, que dis-jc, des ministres d'un dieu de
rlémence et de misérieorde , qui ont osé voir dans de
pareilles atrocités un excellent remède dont Dten
s'était sen-î pour dessiller les yeux de ces inrortU]iés'.t!
Horrible langage du plus exécrable fanatisme!
Le nombre des Juifs qui so/tirent d'Espagne fut de
plus de cent mille. Il en passa en Portugal, en Fraïu-e,
en Italie . en Grèce et jusqu'en Asie. L'empereur des
Turcs, Bajazet 11, dont la vue éLiit plus profonde que
cellede Ferdinand, ne put s'enripécher de dire en voyant
«iTÏver ces Juifs expulsés : u Est-ce donc là, ce roi qu'oit
«I appelle grand politique , qui appauvrit sa terre pour
■• enrichir la notre ! n
Les Juifs de Roussillon ne purent être expulsé» que
2ili L1\HK TROISIÈME.
Tannée suivante, iiprès que Ferdinand fut rentré en
possession de re rointé. Le- ai septembre lâgS ce
prince signa dans F^erpignan Textcnsion de cet édit
qui forçait res nialiieureux à vider le territoire des deux
comtés dans le terme de trente jours.
Bien des historiens, et xMariana à leur tête, en par-
lant de cet acte inique autant qu impolitique, peignent
cette mesure connne calamiteuse pour TEspagne, i
raison de la grande quantité d*or et de marchandises
précieuses dont elle occasionna la sortie : c*est une
erreur démentie par les faits. Le désastre de cette me*
sure ne fut pis de priver les provinces espagnoles de
richesses niétalli(pies ou manufacturées, mais bien
d*uiie niasse de population cpii devait les aflaiblir d'au-
tant plus, quelles allaient bientôt s*appauvrir encore
des migrations que lavarice précipiterait au delà des
mers. D ailleurs , ce n'est \yas Fenlinand qui aurait per*
mis la sortie des richesses matérielles ; la plaie pro-
fonde que se fit TEspagne dans cette circonstance,
comme dans celle de Texpulsion des Maures, qui suivit
bientôt, c*est la perte de la partie la plus industrieuse
de sa population, de celle qui plaçait alors ce royaume
à la tête de b civilisation de l*é|M)que, perte qui la fit
rester bientôt en arrière des pix)grès que firent les
sciences et les arts dans le reste de fKiirope , après en
avoir inipriinr elle iiiénii* le mou veinent.
Le délai d*un mois que les lettres patentes |M)ur
IVxérulion de Tédil acrordaieiit au\ Juifs du Uoussilloii
CHAPITRE NEUVIEME. 215
avait pour objet de leur iuisscr l«s inoj eus de bc d(^fair«
«]e leurs biens , ni surtout d'acijuittcr les charges qu'ils
pouvaient rester devoir. Comme à ceux de la Péiiin-
suic, il leur était défendu d'emporter le produit de ces
ventes en or. en ai^ut ou en marrlitindiscs dont la
sortie du royaume était prohibée ' et les seules, par
conséquent, qui eussent de la valeur, il ue leur restait
donc, après avoir réalisé icui- lurlunv. qu'à en appli-
quer le montant à l'iieh^t de eertains objets d'une va-
leur assex vile pour s'en défaire cnrrore , h perle peut-
être, dans les ftays où la destinée allait les jeter apn'ïs
«voir payé d'énormes Irais de transport.
Le même jour qu'il rendait exécutoire cet édit d'ex-
pulsion, Ferdinand en signait tm autre dans Pcrp^>an,
jHirtant lu peine de mort eantre tout individu de laraee
proserite, qui rentrerait en Koussillon, sons quelque
prétexle que ee fut, même pom* traverser seulement
le pays, et rontvc tout Roussillonnais qui les recevrait,
les recèlerait ou qui favoriserait leur retour '.
QueUpie forme tpie gardât Ferdinand, dans l'édit
d'expulsion, pour gai'untir aux Juifs la libre vente de
lem-s biens, il est certain que cet acte fut un véritable
bijl de spoliation. Commentées malheureux auraient-
ils trouvé à se défaii-e de leurs Immeubles , h un prix,
non pas raisomiablc, mais vil, lorsqu'ils les vendaient
' Édit d'expuliioD, Ai
(.ii-CP.n'XVIll.
' IhiJeia.
I
2ïk LIVKK TKOISIÉME.
Tannée suivante, après que Ferdinand fut rentré en
possession de ee comté. Le ai septembre i&93 ce
prince signa dans Perpignan Textcnsion de cet Mit
qui forçait ces maliieureux a vider le territoire des deiUL
comtés dans le terme de trente jours.
Bien des historiens , et Mariana à leur tête, en per-
lant de cet acte inique autant qu imi>olîtique, peignent
cette mesure <*onnne calaniiteuse pour TEspagne, i
raison de la grande quantité d*or et de marchandiies
précieuses dont elle occasionna la sortie : r*est une
erreur démentie par les faits. Le désastre de cette me-
sure ne fut pas de priver les provinces espagnoles de
richesses métalliques ou manufacturées, mais bien
d*une masse de population qui devait les aOàibUr d'au-
tant plus, quelles allaient bientôt s appauvrir encore
des migrations que lavarice précipiterait au delà des
mers. D*aiUeurs , ce n*est pas Ferdinand qui aurait per-
mis la sortie des richesses matérielles ; la plaie pro-
fonde que se fit TEspagne dans cette circonstance,
comme dans celle delcxpulsion des Maures, qui suivit
bientôt, c est la |>erte de la partie la plus industrieuse
de sa population, de celle qui plaçait alors ce royaume
à la tête de b civilisation de répo([uc, perte qui la fit
rester bientôt en arrière des progrès que firent les
sciences et les arts dans le reste de TEurope , après en
avoir ini|)rimr ellt^-nicnic le mouvement.
Le délai d*un mois que les lettres patentes |M)ur
l'exéculion de ledit aceordaieni au\ Juifs du Koussilloii
f
CHAPITRE iNEUVlÈME. 215
savait pour objet de leur laisser les moyens de se défaire
^e leurs biens , et surtout d'acquitter les charges qu ils
pouvaient rester devoir. Gomme à ceux de la Pénin-
sule , il leur était défendu d'emporter le produit de ces
ventes en or, en ai^nt ou en marchandises dont la
sortie du royaume était prohibée ' et les seules, par
conséquent, qui eussent de la valeur^ il ne leur restait
donc, après avoir réalisé leur fortune, qu'à en appli*
quer le montant à l'achat de certains objets d'une va-
leur assez vile pour s'en déÊdre encore « à perte peut-
être, dans les pays où la destinée allait les jeter après
avoir payé d'énormes frais de transport.
Le même jour qu'il rendait exécutoire cet édit d'ex-
pulsion, Ferdinand ensignait un autre dans Perpignan,
portant la peine de mort contre tout individu de la race
proscrite, qui rentrerait en Roussillon, sous quelque
prétexte que ce fût , même pour traverser seulement
le pays, et contre tout RoussiUonnais qui les recevrait,
les recèlerait ou qui favoriserait leur retom* *.
Quelque forme que gardât Ferdinand , dans l'édit
d'expulsion, pour garantir aux Juifs la libre vente de
leurs biens , il est certain que cet acte fut un véritable
bill de spoliation. Commentées malheureux auraient-
ils trouvé à se défaire de leurs immeubles , à un prix,
non pas raisonnable , mais vil , lorsqu'ils les vendaient
' Édii d^expulsion, Arck, Dont, Voyei aux Preuves, U dernière
pièce . n' XVIII.
* Ibidem.
2ili LIVHK TROISIEME.
Tannée suivante, après que Ferdinand fut rentré en
possession de ce romt6. Le 2 1 septembre i àgS ce
prince signa dans Perpignan Textension de cet édit
qui lorçait ces malheureux à vider le territoire des deiUL
comtés dans le terme de trente jours.
Bien des historiens, et Mariana à leur tête, en par-
lant de cet acte inique autant qu impolitique, peignent
cette mesure conune calamiteuse pour TElspagnc « i
raison de la grande quantité d*or et de marchandiies
prérieuses dont elle occasionna la sortie : c*est une
erreur démentie par les faits. Le désastre de cette me-
sure ne fut pas de priver les provinces espagnoles de
richesses métallicpies ou manufacturées, mais bien
d*une niasse de population qui devait les aflaiblir d'au-
tant plus, quelles allaient bientôt s'appauvrir encore
des migrations que l'avarice précipiterait au delà des
mers. D'ailleurs , ce n'est pas Fenlinand qui aurait per-
mis la sortie des richesses matérielles ; la plaie pro-
fonde que se fit l'Espagne dans cette circonstance,
comme dans celle de l'expulsion des Maures, qui suivit
bientôt, c'est la |>erte de la partie la plus industrieuse
de sa population, de celle qui plaçait alors ce royaume
à la tête de b civilisation de i'é|MK|ue , perte qui la fit
rester bientôt en arrière des progrès que firent les
sciences et les arts dans le reste de Tturope , après en
avoir imprimé elle incnir le mouvement.
Le délai d*un mois que les lettres patentes |M)ur
IVxécntion de fédil arrordaient au\ Juifs du lloussillon
CHAPITRE NEUVIEME ai&
^vait pouroiijptdc Irur laisiîerlosiiiD^eiisdese di^tairc
'«le leurtt biens , et surtout d'Hcquitter les rhnrgcs qu'ils
puiivaienl rester devoir. Coiiiuic <i ltux dt.- b P<;mn-
suie , il leur était déi'endu d'emporter le produit dece§
ventes en or, en niigeiit ou en marrhiindises dont la
sortie du royaume était prohibée' et les seules, par
(unséquent, qui euiisent de Ib valrur, tl ne leur restait
Houe, après avoir réalisé leur fortune, qu'à en appli-
quer le montant à l'achat di* certains objets d'une va-
leur assez vile pour s'en délidi'c enrore , i perle peut-
l'tre, dans les pays où la destinée allait les jeter après
Hvoir payé d'énormes frais de transport.
Le œêmRJour ipi'il rendait exécutoiit ret édil d'ex-
pulsion, Fenlinand en signait un autre dans Herpig;nan,
portant ta peine de mort contre tout individu de lu race
proscrite, qui rentrerait en Kuussillon. sous quelque
prétexte que ce fût, même pour traverser seulement
If pays, et contre tout RoussiUonnais qui les rei-evrail,
lea recèlerait ou qui favoriserait leur retour '.
Quelque forme que gardât Ferdinand . dans i'édit
d'expulsion, pour garantir aux .luifs la libre vente de
leurs biens, il est certain que cet acte fut un véritable
bill de spoliation. Commentées malheureux auraient-
ils trouvé à se défaire de lem's immeubles , à un prix,
non pas raisonnable, mais vil, lorsqti'ib tes vendaient
I
I
' Édit ileipulûon, âkIi. T)om. VojM »ui Preiivi
.•XVtlI,
U dcrnièm
2Ui LIVHK TUOISIEME.
sous le rouleau? l^ouvflit>il y avoir concurrence pour
racquisitioii de ces biens, quand Tavarice publique
savait ({ue dans un mois il irait de la vie pour les ven-
deurs s ils étaient encore dans la province, et qu'il
était défendu de surseoir, pour quelque cause que ce
fut, À Texécution de Tordonnance?
Iminédiateincnt après la promulgation des deux
édits dans Perpignan, des officiers royaux s*étaient
transportes dans rAljaïnna, et, parcourant chaque
maison, de la rave au grenier, ils avaient inventorié
et estimé généralement tout ce qui s'y trouvait, meu-
bles, bardes, nippes, provisions, etc. : cette mesure
était prescrite par Ferdinand, pour être assm*é que
les Juifs avaient les moyens de payer re qu*ils pou-
vaient devoir au iisr et aux particuliers '.
' Tout ce qui se rapporte à IVi pulsion des Juifs est dans un registre
intitulé : Inrrn9an drli Juh us. Cet invenlairc ue parie guère que de ma-
telas de iMMirre, trè^iteu suut de laiur, et, irc&œptioii de quelque»
rot>e!( (le reniinc lM»rdces de fourrures c»u de «elours, tout le reste n*ctl
que de la sale fn|)erie.
/
f
CHAPITRE DIXIÈME. 21
CHAPITRE X.
^ ^rdinand viole toutes ses promesses. — Alliance très-sainte
contre la France. -^ Rançon des prisonniers de guerre. —
Trêve. — Louis XII. — Nouveaux parjures de Ferdinand. —
ÉTénements divers.
■
Pour prix des sacrifices que le roi de France avait i4<j3.
si impolitiquement faits au roi d'Espagne , en lui aban-
donnant gratuitement les comtés de Roussiilon et de
Cerdagne, Ferdinand avait contracté Tobligation de ne
prendre aucune part dans la guerre que Charics Vm
voulait porter en Italie , et de ne donner pour époux
à ses filles ni le roi d'Angleterre ni le roi des Romains.
A peine les garnisons espagnoles avaient-elles prispos-
session des deux comtés, que les princes qui portaient
ombrage à Charles devinrent les gendres de son pré-
tendu allié, et que ce monarque perfide organisa ime
nouvelle ligue contre celui qu'il avait si indignement
trompé. «Ferdinand, dit le père Daniel, devenu pos-
«sesseurdes deux comtés, non content d'avoir violé
tt les traités faits avec le roi , en traversant par toutes
«sortes de moyens les desseins de ce prince, en entrant
a dans la ligue d'Italie, en envoyant à Ferdinand d Ara-
«gon (roi de Naples) des secoiu's d'hommes et de
«vaisseaux, en offrant à Emmanuel, roi de Portugal,
218 LIVUE TROISIÈME.
(« une de ses filles en mariage pourvu qu il voulût re-
<< non(*er aux allianres (|u*il avait faites avec la France
« et signer la ligue contre elle, fit encore une diversion
« du côté d(*s Pyrénées. »
\a\ déloyauté et le parjure du roi d*Espagne forçant
(-harles à revenir enfin de ses illusions, ce prince re-
connut, mais trop tard , Ténorme faute quil avait faite
en livrant le Roussillon à l'ennemi jure de la France.
Ferdinand avait soulevé contre ce prince le roi des
Romains, le pa|K\ la seigneurie de Venise et le duc de
Milan. Cette ligue de toutes les puissances contre le
roi le plus véritablement chrétien de tous ceux qui
régnaient alors en Europe, y compris le pape, était,
par le plus étrange abus des mots , qualifiée de trh-
sainte.
L*armée française avait traverse Tltalie, et 5*était pré-
sentée aux portes de Rome , dont la conduite hostile
du pape favait forcée de s*emparcr. Le pontife s* était
réfugié au château Saint -Ange; mais bientôt un acconl
était suryenu entre lui et Charles, et, en exécution de
ce traité, Alexandre VI lui avait livré fempercur Zem,
détrôné par Ikijazet, son frère. Dans ses projets de con*
quête, Charlescomptaitop|M)serceZemà Bajaset; inais
celui-ci, informé dès longtemps parles Vénitiens des
projets du roi de France, s*était adressi^au |)a|>e, et le
pontife avait eu soin d'empoisonner le malheureux
Tun* avant de s'en dessaisir^ : Zeni, victime de la
' Mri.iniln* VI fui, foiiiiiif un vail, \c %m ri li* rriiiii- |irrBuiiniriésk.
CHAPiTRÈ DIXIÈME ' Sϧ
dooblv perfidie de son fri-rc et du i-hcf des chrélîen»,
expira en amvani auprès du roi de France.
Le royaume de Naplcs allait être ronquJs, mais
loutc espérance «tait perdue du côté de Constanti-
nople, et la ligue ourdie par Ferdinand s'annorf^ait
IbimidaMe el menat^ante. A Velletri , un anil);ïssadeur
de ce prinfc. Antoine de Foiwcra, tjui. n'ayant plu»
trouvé Charles Ji Paris, avait couru sur svs trares, lui
avait dit que. s'il persistait h faire la guerre au roi de
Naples , il aurait alEiire h son maître , en dépit des Irai-
ré«. Pur accommodomcnt Ferdinand proposait de re-
mettre lejugement de la question touchant la ronronne
de ce pays, au papo Alexandre; or ee pontife était
tellement dans la dépendance du roi d'Espagne, que
Goiuaivc , le grand capitaine , [>ouvait impunément le
morigéner'. Le ton d'arrogance avcclequeU'anibassa-
dcur espagnol se permettait de parler au roi de Franco
remplissant d'indignation quelques seigneurs français
présents, ds lui impo.'>«''rent silence ens-iuémcs. Alors
Avant de (Xinvr I* lîarc il *t«il mi d^jA rinq cnCints adulUrin», et
(|Mii4 Baj<»«l, qui le cnnna'uuil bien, voulul w d^llirf r i)p MUI« In-
^rtodci l'égartt lie «on Irin, il écrivil i ce pq» poorigvill'empnl-
lonDll, loi prumelUol, en rtcumpcuM, trai* cent mille ducab pnur
idiHter qiirifjura dnmainet A tr* «nftnti. Pour |»r«iive qu'il avait paginé
lewlaîre, Alnanilreluî «ovoya )« corpa île 2em, auivaiit lo diwét
bjtici. Voyu la lellr« île rc Turc , daiu lei pitcca Je* Uénrain» 6e
' n rat ruritui ât «nir dam Mariana, livre X.\V1, cbap. 81, la
ittUn dont (lonulvc nproi'bi- au pape *M déhmluMiil*, et le me-
I
I
i
110 L1\1;E TKUISIËME.
Fonsera, lacéi-ant le traité d alliance entre la France et
rKspagiie, quil avait appoi*tc avec lui, somma quel-
ques capitaines espagnols qui avaient pris du service
dans larniée Irancaisc d*avoir h la quitter sous trois
jours '.Charles n*en (*ontinua pas moins son belliqueux
vo\age et réduisit facilement Naples et ses provinces;
mais la Ircs-sainte alliance rendant sa position critique
au fond de lltalie , ce monarque , pour n*y être pas en-
fermé, se hâta de reprendre le chemin de France, et,
vainqueur à F^ornoue, il rentra triomphant dans sa
capitale.
En voyant le roi de France heureusement échappé
au\ périls dont il s'était cflbrcé de f enviroimer. Fer*
dinand craignit avec raison que ce prince ne se ven-
geât d(* sa déloyauté, en cherchant à reprendre le
Houssillon, et il songea h le prévenir dans ce pays.
Apres avoir ravitaillé les places et chargé Sarriera de
se ménager des intelligences sur la frontière de Franre,
il fit entrer en Languedoc, au mois de novembre,
IIein*i ilenriquez. de Gusman , duc de Medina-Sidonia,
capitaine général de Koussillon, avec quatre cents
lances et autant de fantassins qu il avait réunis h Opol.
Après avoir, dans cette taiilive campagne, pris et sac-
cagé le ciiatCiUi de Talayrac, Hcin^iquez. rentra en
Koushillon , einnienaiit de son expédition vingt mille
moutons , quatre cents têtes de gros hélail et soixante
prisonniers de guerre. La rançon de ces prisonniers
\tii\i'riii'-'riin|iirl . //ijf «/en tCllsp
CHAPITRE DIXIEME 981
devint cnsoïtc , dans Pcqiigiian . ];i cause de vives cou-
lp«lati(ins.
A (■es époqvips, oi") les prisonniprs faiw h la fjiipppe
np pouvaient rpcouvrer leur iibertt^ qu'A prix d'argent,
1p tant de la rançon des soldiits tétait d'une somme ^gale
h relie de trois mois de leur solde; qiinnt am olliders,
<*lle m^me ran^ii s'^al>li«sait de gi-*^ À gré, d'après
leur rang ou leur fortune, la rançon des prisounicrs
bits isolf^ment appartenait de droit au eapteur, ainsi
que ses armes et son (équipage ; mais pour cent cpii
avaif ni M pris en rommun , par une bande armée , le
montant des difr<6rentes nuirons formaïl une masse
cpii se partageait entre ceux qui avaient coopère!' à la
capture, suivant un tarif proportionna au rang el au
pnade de etiarnn. An retour de I'exp«^dition de Lan-
guedoc, les hommes d'anues r^'cbnitrent deux parts
sur la rançon des soixante eaptifs, suivant l'usage qui
avait fait rtNgle juscpir-ià ; mais les gin/?tes leur rontes-
tèrenl eet avantage, prétendant tpj'eux , c[ui se trou-
vaient à la lite de la cavalerie, el qui, courant les
champs, en leur qualité- de cavalerie l^g^rc, avaient le
pKis de mal , ne devaient pas souffrir que d'autres fu»-
sent mieux ti-aif^ qu'eux. La dispute sVeliauGfant, ëf I
les partis menaçant d'en venir aux mains . Henriqueittl
fit délivrer h rhacuii une seule part , mettant en réservM
la double part rontestce aux hommes d'armes, jiisquTlf'
ec que lo roi eût prononcé lui-mênte sur relte contes-
tation.
222 LIVIIE TUOISIKME.
Le bruit se répandit, sur ces entrefaites, qu*nn cer-
tain Giginta, confuinax condamne h mort en Italie
pour avoir livré aux Français la ville d'Ostie, intri-
guait pour faire tomber maintenant en leurs mains
Collioure, sa patrie, aussitôt larrivée de certains bri*-
f;antins quon armait h Narbonne; et cette nouvelle
(coïncidant avec celle de la réunion sur la frontière de
deux mille lances, six mille Suisses et trois mille arba-
létriers, falarme devint extrême. Bien que ces forces
fussent insulTisantes pour rien entreprendre contre
Perpignan , elles auraient pu causer cependant beau-
coup d*inquiétude dans la campafpie, et attaquer avec
avantage quelque autre place que ce fut dans le comté.
Le capitaine général envoya sans perdre de temps,
dans chacun de ces châteaux, un renfort de fantassins,
d'arquebusiers et de ces artilleurs qui manœuvraient
ce ((ifon appelait des ribaudequins ^ et il se porta lui-
' Lr nom et Ir calibre des piî't*es d'artillerie de cette époque étaient :
le serpentin , canon court tirant vingi-quatrr li%res de balle»; le dra-
gon ou coulent ri ne, tirant \li\^t li\rCH de balles; la demi -cou!ru% fine,
de dix livres; Taspic, canon court, de doute livres; le |)élican , d* cinq
livres; le sacre, couleuvrïne de cioq livres; le fauconneau court, da
troi*« litres; le fauconneau long, de deui livre», le ribaudequiu court,
de une et demie; le rilwiudef{uiii long, de une cl un quart; IVaierilIon
Cdiirl , de riouie onte»; rénierillon long , de dix onces ; le mousquet de
brome, di' cinq onceK;ran(iiebu»4* de br«in»*,di' une once et un quart dr
balles de fer, ou dix scizicme:» de balles de plonib.Jl y avait en outre des
rannuiide liatterie, tirant depuis sii juM[u*ii quatre-viugt'Seise livre» de
liai If 'H. ArtiUtria dr Dinjo l'fano.
i'.'rsx m I ^i|i que 1rs Français introduiMn-nt, iiendantla c«iinpagar
CHAPITRE DIXIÈME. 225
niémo jt (jolliotire avpr don Alvar dt- [/una. fjouvcr-
ncur de Roussillon. et don Sanehe de Castille, pour
Ctiro luie enquête »u sujet de In conspiration àe Ci-
^inta. L'n nommti' Pi, ol qui-lques antres habitants
furent arrt^tés, mnis mine put rien di-couvrir A leur
chaire, n parut r^siiUer, an contraire, des divers t^-
inoigiivgcs, que Gi^nta, ioùi de vouloir renouveler
son crime , ne elierrliait que i'ocrasion de renfrtT en
gràfp, en rendant a» roi (pielqneflcrvieesîgnali^.ApiV^s
avoir !iii);menl(^ les Torces de CoDioure et fait démolir
quelque» maisoiifl qui gênaient ie eliâteau, Henriqiiex
passa h Eine, où il laissa ponr gnnvemenp Charie» de
Biedma: il pourvut en m^-me temp» à la dt^feiisc du
diâleaudDSalses.qui était en mauvais élal, et A celle
de Puyeerda.
La campagne s'ouvrit, l'année suivante, d^sle mois
de janvier, par la prise du <'h;ito<in de Calailrny. dans
les Corbit^re-s, où llenriqnei entra suns opposition. Ao
niéme moment eent hommes d'armes fran<;ais, rent
cinquante vbevau-lt^gers et sept rents fentassinn se
jetaient, de leur eôt«^. sur la Salaiique, qui est la
|>laÎDe baise et saline {piî borde la littoral de la mer.
Celle troupe emmenait déjA raille cinq cents t^-lcs de
menu b^^tail . quand les e-avaliers de la garnison de Per
pif(nan, se réunissantaux ipnèlcsdela frontière, semï-
renl A sa poursuite, et lui firent abandomier une partie
d'Iuli» . Tiiui^r ilr* IkiuIi
f
22'i IJVKK TROISIEME.
fir ce hiitin. A son retour, Henriqucz lit ri^prer \o%
rortificatîoiis dos pinces, of , pour mettre les troupeaux
^rabri d'un nouveau coup de main, il donna ordre de
les conduire en Ampourdan.
liC château de Snlses défendait l'entrée du Rous-
sillon par la grande route; mais il y a, pour arriver
dans cette plaine, une seconde route resserrée entre
la mer et Tétang de Salses . k travers Tétroite langue de
terre qui les sépare : on la nomme le chemin du Grau
( (iradus) de Leucate. Pour barrer ce passage, Henri-
quez fit construire h la hâte un château en bois , dana
lequel il mit dix arbalétriers et autant d^arquebusiers.
Ce blokbaus, muni de trois ribaudequins , était
tellement fort par sa position , cpi'il semblait que rien
ne devait plus passer. Cependant, malgré cette pré-
caution, une bande de Gascons pénétra en Roussillon
pendant la nuit, et se mit à butiner. Poursuivie an re-
tour, elle dut, après un léger engagement, où il périt
queUpies soldats de |)art et d autre, renoncer k emme-
ner plusieurs centaines de moutons qu'elle avait enle-
vés il Hivcsaltes.
De grands eilbrU se préparaient en France pour
une nouvelle tentative; plus de trente pièces de gros
calibre , ce qui faisait h cette époque un très-grand parr
d'artillerie, étaient déj,^ n*unies à Reziers, et on en
formait un second à Aiguës -Mortes. Les seigneurs de
Saint André et de laRoche-Aymon commandaient les
lroup«*s disciplinées, et Alain d*Albret, pèn* du roi de
CHAIMTUK UIXIKMK 225
\avarrc. étail à la tète du ban et de i'arrière-ban de
Gascugnc. Otte arm^e entra vn Roussillon le 8 oc-
lobrc. cl, quoiqu'il fût d^jA tard quand eilc arriva ce
joiir-iAdevaiuSaUes, cette place fut aussitôt tiivpstie.
U^s 1.1 nuit m^-ine on travailla à dresser ïvs hutlerit^s,
»^t avant le jour le leu avait M ouvert, Salses, dont
Henriqucxavaitr^pan^leKmiir.tet fait sa place d'nrnics.
«^tait respeclaMe. Don Diego de Aievedo , Bernard de
Sainl-Iiiifîo eC {^Usieurs autres chevaliers s'y trou-
vaient avec leurs compagnies, qui comptaient plus de
deux cents arquebusiers , et vingt-neui' pièces de canon
rn défendaient les mnpartx. L'attaque fut si vivi' et si
)ni|>t^lu«>use, le l'eu de l'artillenc, déjà parvenue en
t'rance, à cette époque, k une supériorité remar-
quable', fut si teiTÎbie. que ce fort ne put tenir. Les
Français a^anl ouvert b brèche s'y précipitent, tuent
Azevcdo avec trois cents houunes qui la défendaient,
et serrent les autres assiégés contre l'inrendie qu'avait
orciisionné le fcude l'arlillerie.RéduilsA Timpossibililé
de se défendre , eeuï-ci se rendent la vie sauve.
Zurita accuse ici les Frani;ais d'avoir massacré une
iwrtie de ces prisonniers quand ils lurent hors du
château : il est le seul historien qui cite un pareil acte
de barbarie, et plus d'un passage de ses annales atteste
que, qimique très-exact d'ailleurs, il n'est pas tou-
jours juste envers notre nation. Garnier. de son côlè,
fait un crime .'i Henriquox de n'itre pus sorti de P«r>
> Danirl.'Jùf df Franrf
i
226 LIVRE TROISIÈME,
pipiaii pour ailier au secours de cette place aver ses
forces, qui étaient su|>^rieures k celles des assaillants.
Ce qu il y a de certain, c*est que de Perpignan ce g^
néral pouvait entendre la canonnade, et qu*il ne se
init en marche que lorsqu'il n'était phu temps ; mais
Henriques connaissait la force de Salses; il savait que
ce point était susceptible d'une certaine résistance, et
il lui était impossible de prévoir que l'attaque sendt
aussi impétueuse et le succès si proyipt.
La perte du château de Salses était d'un augure
fâcheux pour les Espagnols : il jeta la consternation
dans tout le pays , qui se r^;ardait déjà comme envahi;
et le capitaine général s'était empressé lui-même d'é-
crire au comte de Ribagorra , vice-roi de Catalogne, de
se mettre en mesure sur la ligne des Pyrénées. Mal-
heureusement les Français n'avaient pas ordre de
|x>usser plus loin ,.et cette imprévoyance de la cour fit
manquer l'occasion de sVtablir encore en RoussiUon.
Il était décidé que les Français ne feraient que des
gaucheries. Henriquei s'était porté en avant avec ses
forces, comme pour en venir aux mains. Cependant,
loin de présenter la bataille à ses adversaires, il leur
envoya un héraut demander une trêve , et les FVaii-
çais, qui étaient dans la plus belle position pour pous-
ser leurs succès, raccordèrent. Cet armistice inop-
portun , signé pour deux mois finissant au 1 7 janvier,
sauva le Koussillon. Mais les affaires de Charles allaient
mal en Italie, et vv prince n'avait |nis moins l>esoiii d«*
CHAPITRE DIXIEMK. 227
repos quu le roi d'Ëspiigtie. A l'expiration de la trôvu
on la rL'uouvcla. et dos nigociations furent entamées
pour le rétablissement de la pnix-
lieiiriquei, clist^é des pouvoirs de Ferdinand , de-
vait «e rendii- h Uivesaltes avec Nvêque de Ciilane et
le docteur Philippe Pons, lorsqu'il périt dans Perpi-
gnan d'une façon tragique. Une rixe s'était élevée entre
quelques bahitJints et des soldats de la (garnison; les
soldat^avaientmi^répécàlii main, etl'un d'eii\. .Mvar
deSouta. avait tué un inarchiuid. nommé Serra. Ce
meurtre, dont le bruit se répandit rapidement dans 1«
ville, soulevant la population , elle sëtait portée tuniitl-
tueuseiuentvcrsUmaison d'un certain Jean de Leyva,
chczipiis 'était réfugie Alvar. C'est ;iu moment où le ca-
pitaine général accourait pour arrêter ce désordre , qu'il
fut atteint par une pierre laneée d'une fenêtre. Le coup
fut si violent, que cet ofliiier en mourut peu de jours
après.Cepreniiermalheurinanqua d'en occasionner dé
plu» grands. Le romie de Rihagorra, venu h l'ei-pignan
sur la nouvelle de la première émeute , voulait faire sor-
tir de la ville la garnison, qui jurait de venger sur )m
habitants la mort de son général, (les soldats se mutiné-
renl. et, loin d'obéir au\ ordres du prinee, il»»* pré-
paraient k foiidi-L- sur le» Perpignan»!» . qui, de leur
côté, se trouvaient en mesure de les l'eeevoir, Chaque
parti accusant l'autre de trabison , et se montrant pa-
iement furieuK, une collision semblait inévitable. Le«
eheffc. de part et d'autre, ne saraient plus que fnin
♦
228 LIVRE TROISIÈME,
pour éviter une (*atastrophe , quand le moyen le plus
simple, et qui aurait dû se présenter le premier à leur
esprit, vint suspendre les coups: ee fut d*annoiieer
qu il serait fait une enquête impartiale pour découvrir
le meurtrier du capitaine général, et que justice serait
rendue ; cette promesse apaisa le tumulte. L'enquête
eut lieu, et il en résulta que la piètre qui anit firappé
le duc de Medina-Sidonia avait été lancée au hasard, et
qu elle était partie dune des fenêtres de la maison même
de Jean de Levva. Sur cette assurance, tout rentra
dans Tordre. Une seconde enquête, faite peu de tempe
après par ordre de Ferdinand , qui avait envoyé pour
cela à Perpignan un alcade de la cour, ne fit que con-
firmer la première. Il fut reconnu que les seuils cou-
pables, dans tout ce conflit, étaient Alvar de Sonia et
ses compagnons, qui tous s'étaient déjà réfugiés en
France. Pour prévenir tout nouveau désordre, on ne
laissa dans la ville que le nombre de soldats nécessaire
k sa défense ; les autres rentrèrent en Catalogne.
Le château de Salses, complètement démantelé dans
la dernière attaque des Français, exigeait de si grandes
réparations pour le rendre tenable , que les vainqueurs
n*avaient pas jugé convenable d'y rester, et qu*fls
l'avaient abandonné le même jour qu'ils l'avaient |MÎs.
Le roi d*Espagne se décida à en faire construire un
nouveau . au bas de la colline sur laquelle était assis le
premier, et plus près du chemin. L*idée ne fîit pas
heureuse. Ce nouveau fort , isolé dans un lieu
f
CHAPITRE DIXIÈME. 229
<)on)iné, à demi-portée de canon, par les collines qui
se rattachent aux Corbières, et où il est facile de faire
arriver de Tartillerie , avait le double désavantage d'être
facilement battu en temps de guerre , et d'être d'une
garde dangereuse en tous temps, à cause des marais
qui l'avoisinent. Ces travaux, aussitôt entrepris que
décidés, furent poussés avec la plus grande activité.
Quant à la réparation de Claira, qu'Henriquez avait
remise à cette année , don Sanche de Castille , nouveau
capitaine générai de Roussillon , ne fut pas d'avis de
l'exécuter. Cet officier regardait les places de Salses,
de Perpignan, d'Elne etde CoUîoure, comme suffisantes
pour la défense de la frontière ; on plus grand nombre
lui en semblait embarrassant, à raison de la quantité
de soldats qu'il fallait pour les garder, outre la dépense
qu'entraînait l'entretien de l'artillerie et des bâtiments.
Pour Claira en particulier, la position de cette place ^
près du Grau de Leucate ajoutait encore, pour elle,
aux inconvénients généraux. Le passage du Orau était
tout à l'avantage des Français , parce qu*il est beaucoup
plus étroit sous Leucate que du côté du Roussillonf,
d'où il résultait que les Français pouvaient , soos k
protection de leur forteresse , effectuer le passage de
ce défilé , tandis que les Espagnols se trouvaient arrêtés
par cette même forteresse , s'ils voulaient, de la Sa-
lanque, passer en Languedoc; le château de Claira
était donc complètement inutile : on acheva de le dé-
manteler.
250 LIVRE TROISIÈME.
Les plénipotentiaires chargés de négocier la ptii
trouvaient, ceux de France à Narbonne, ceux d*E»r
pagne à Perpignan. La distance qui sépare cet
villes nuisant à la facilité des eommumcâtions, ils
rapprochèrent : les premiers s*établirei»l k Sigeae , ies
seconds à Rivesaltes. Ceux d'Espagne étaient f évè^pe
de Catane et Philippe Pons , ceuxi de France ïéwéqm
d*Albi, un chétalicr provençal, nommé Solîer, et le
juge de Provence.
Après bien des pourparlers, les négociatioiis n*a*
vaient encore produit qu'une trêve qui, commençant
au 5 de mars de 1/198 pour les Espagnob, et an
1 5 avril seulement pour les autres puissances Kgoéca
contre la France, devait durer jusqu'au mois de
vembre suivant. Les deuK principaux ennemis étai
en désaccord sur les bases de la paix; Charles VIII
proposait de détrôner le roi de Naples, comme tut
possédant pas ce trône à litre légitime , puisqu'il étah
fds d'un prince que la tache de sa naissance en aurait
dû faire exclure ' ; et, dans ce cas, comme celle 0011-
ronne ne pouvait revenir qu'aux rois de France on
d'Espagne, de se la partager 1 Ferdinand voulait, an
contraire, maintenir ce sceptre entre les maioa de
celui qui le possédait, à condition que celui-ci indem-
niserait pécuniairem^it le roi de France des finis qu'il
i4if8. avait faits pour cette guerre. Charles avait envoyé en
' Ferdinand fl, mi dr Naplen , ^Uiit ÙU de Ffnlinand f , rnlani ns-
liirrl du roi d*\nigon, Alphonse le Savant.
f
^
CHAPITRE DIXIÈME. 231
ambassade. à Ferdinand, Guillaume de Poitiers, sei-
gneur de Glairieux, le sej^neur du Bouchage, et trois
autres personnages. Au partage du royaume de Napies
Qâiiieux ajoutait encore la demande de déclarer unis
pour toujours à la France le duché de Milan et Tétai
de Gènes, et 4 TEspagne le royaume de Navarrô. Le
roi d*Eâpagne elivoya Sà réponse par une autre ain<
bassâde à la tête de laquelle était le duc d*Esirada.
Au moment où lôs négociateurs espagnols pasisaient
la frontière , tout se disj^sait en Languedoc pour une
attaque sérieuse du Houssillon par des forces considé-
rables de terre et de mer, et pour le siège de Perpignan .
Ces ambassadeurs ne manquèrent pas d^ea informer
don Sanche , qui fit suspendre à TiUstant les traVaux
du nouveau fort de Ssdses, pour porter toute «on at^
tention sur la i^paràtiosi An château ^t 4u oastiUfit de
Perp^vlan. Des troupes lurent envoyées à E3ae, à
Gollioure et à Puycerda, et Ferdinand kunooêmei. lais-
sant à la tête des affaires de CastiHe Tinfante», dafill^,
se mit en marche pour le Houssillon «vec toutes ses
forces. La mort lno|)inée de Charles VIII vint rcinvet^
serd*un seul coùJp les espérances 4e$ Français v€ti dé-
livrer le Roussilkm de tpules ses inquiétudes. • >. * .
Ghaiiçl mourut d'apople^e, le samedi avant le
dimanche des Rameaux de f année 1 49& Revemit 4es
illusions , fruits du vice de son éducation « U ne songeait
plus quà faire le bonheur de son peupliE), autant, du
moins , que ce bonheur pouvait être coiB^tible nv^c
232 livhf: thoisiëme.
ret état peniiaiient de guerre, source trop réelle de
toutes les espèces de calamités. On sait que ce prinae
avait chargé la cour des comptes de rechercher com-
ment saint Louis rendait la justice au pauvre peuple,
afin de Timiter. Cest à ce prince et à son expédition de
Naples que la France dut ses premiers pas vers la re-
naissance des arts. Ayant fait Tachât de quelques bons
tableaux en Itah'e , Charies se proposait de les pkœr
dans ie château d'Amboise , qu'il faisait construire , et
que des architectes, des sculpteurs et des peintres
amenés dltalie devaient décorer des productions de
leur génie. Cest aussi sous ce r^[ne que la chinii]gie
fit lune de ses plus précieuses conquêtes, Topération
de la taille pour Textraction de la pierre de la vessie;
Un malfaiteur condamné à mort la subit le premier,
et, par l'efiet le plus singulier des bizarreries des choses
humaines, au lieu de perdre la vie pour ses crimes, il
se vit, par suite même de ces crimes , délivré de la plus
douloureuse infirmité.
Lie même prince qui avait disputé à la duchesse de
Beaujeu la tutelle de Charies VIII, le duc d'Oriéani
était monté sur le trône de France. Signalant son avè-
nement à la couronne par un généreux pardon envers
tous ceux dont il avait eu k se plaindre, «Le roi de
«France, avait-il dit, ne venge pas les querelles d^in
« duc d*Oriéans. >•
**99- Un traité de paix avec TRspagne marqua la seconde
année du nouveau régne en France : il entrait dans les
Jt
CHAPITRE DIXIÈME. 235
vues de Ferdinand de 8*acconimoder avec cette puis-
sance, pour la mieux tromper plus tard.
Lie traité par lequel le Roussillon et la Cerdagne
avaient été rendus au royaume d'Aragon réservait au
roi de France la faculté de pouvoir soumettre à des
arbitres la question de ses droits sur ces comtés, quand
bon lui semblerait. Soit que IxMiis XII eût manifesté
Imtention de réclamer le bénéfice de cette condition,
soit que Ferdinand la regardât comme pouvant être
dangereuse dans qudques circonstances qu\>n qe pou-
vait pas prévoir, U résolut de s'en affiranchir et intrigua
pour la faire effacer. Le moyen qu'il imagina , pour
rendre plus facile le roi de France, ce fut de fiiire re-
vivre lui-même de prétendus droits sur la Provence ,
laissée par testament de son dernier comte au roi
LfOuis XI, et sur Montpellier, dont ses ancêtres avi^^nt
jadis possédé une partie de la souveraineté. La guerre
dltalie était le vertige de l'époque : pour poursuivre
la couronne lointaine et chanceuse de Naples , Louis
sacrifia à son tour les dernières ressources qui restaient
à la France pour revendiquer la possession du Rous-
siUon , qui était à ses portes et presque à ses désirs.
Avec un prince du caractère de Ferdinand , on ne >^oo-
pouvait pas plus compter sur la religion des traités
qu'on ne l'avait pu jadis avec Louis XI : le roi de
France ne devait pas l'ignorer , et c'était une rais<Mi de
rester sur ses gardes; màisil était destiné à être, comme
son prédécesseur, la victime de aa bonne foi. Ses pre-
25/i LIVRE TIIOISIËME.
mien pas en Italie avaient été cotironnés d*uii briUttit
succès ; il ctait sur le point de rétablir le^ affiûres dtib
France au fond de cette péninsule , cfuand Perdînailif,
eflray é, proposa ce partage du royaume de Ntpfea €faSà
arait d'abord retiisé' quand Charies le lui propbiÉi lîtt*
même. Le roi de Na[4es, forcé d'abandonneraontlélw
et de choisir entre le prince qui a^était constaminêiit el
ouTertement déclaré aon ennemi, et celui qui feln-
hissait en se disant son aHié , se rendît, en Fnnœi «I
ii*eut jamafs Ueu de se repentir de sa confianoek Smb
royaume fut occupé par les FVahçais et les AragoiMus;
Bientôt Gonaalve , le grand capitaine, s'empahi pw
trahisort de là partie qui devait rester à Louis XD*
|)endant que son digne maître travaillait k soulcrvcrdt
nouveau contre la France Tempereur, le pape et ici
VéQÎtiens. *
f>immenses préparatifs pour la guerre de NeplaÉ^e
faisaient en l*Vance et en Espagne , et celui des délia
concurrents qui serait le plus tôt en mesure devait
avoir indubitablement un grand avantage sur fentrob
Ferdinand le savait, et il eut encore recours au pkp-
jure pour arriver le premier'; les Français, toujodn
trompc's , se laissèrent tromper encore en cette oèca-
sion. Louis , indigné de la conduite de ce princedans
Taflairc du partage , avait chassé de sa com* les ambat^
sadeurs d'Espagne , et rompu tout commerce avee ce
cabinet. Ferdinand songea à envoyer & Paris quelqil*«n
que Ix>uiB ne pût pas refuser d*écouter. et son chou
f
CHAPITRE DIXIÈME. 235
s arrêta sur rarchiduc Philippe, le mari de Jeanne, sa
fille 4 Tenu en Gastille pour complaire à Isabelle, mais
(fB, rebuté de ce séjour, tant par la différente des
mœurs et des usages que par la froideur que lui témoi*
gMÛt son beau-'père » voulait retourner en Brabant :
c'est sur ce prince que Ferdinand jeta les yeux poiit* eti
bire rinstrument d*uiie nouvelle perfidie. Le moyen
qu'il onploya était bien usé; tnaîis par un avei:^emènt
des plus inconcevables, ce qui n'aurait pas réussi au-
près du dernier des sujets était toujours en possession
de bieit prendre à la coui^. Ferdinand fit proposer au
roi de France le mariage de i'ihfant Charies <le Luxem-
bourg , qui fut Clrartes-Quint , ?âgé alors de deiix ans ,
aVedla princesse Qâude^ fille unique de Louis, âgée
eUennême de trois ans; et Louis, que FerdfaiakMlse
vantait avec impudeur d avoir troihpé phis dé dix- fois,
n*eut pas la prudence d'apercevoir le piéj^e. Le thdté
signé en conséqttence à Lyon < le 5 avril , donnait à là
jeune princesse les provinces napblitaiiies revenïiit à
là France par f &cte de partage, et le roi d'Ërfpagne prd-
mettait , dé sou côté, de eéder à Cbaries^ ion jlëtit*^,
la Fouille et la Calabre. L'archiduc Philippe devait
être , jusqu'à f accoiuplissément du mariage , Id gardien
de ces provinces espagnoles , qui seraient à cet effet
évacuées par Gonsalve et sou^ armée.
Plein d'honneur et de pfobité ,' Louis , en signant le
traité du 5 avril, avait suspendu tous ses préparatifs;
mais, ainsi qu'on pouvait s'y attendre, Gonsalve ne
i5u.i.
25(î livre: troisième.
voulut pas reconnaître Tautorité de Tarchiduc, et ce
lut au moment même où en France on se livrait à la
joie et aux réjouissances pour la conclusioade la poi*
qu'on apprit par un courrier de Marseille qu*une flotte
espagnole cinglait vers Naples, et, par un autre courrier
d'Allemagne, que deux mille lansquenets embarqués à
Trieste traversaient également le golfe Adriatique. Le
i*oi d'Espagne triomphant rejeta tout l'odieux de cette
fraude sur son gendre, qu'il prétendit n'avoir agi dans
cette af&ire que de son propre mouvement. Il fit [dos,
il accusa ce prince d'avoir cherché à le dépouiller lui*
même de son vivant , afin d'acheter par cet arrange-
ment l'alliance du roi Louis. Philippe, déshonoré par
son beau-pére et honni par le roi de France, révéla les
turpitudes du premier, en montrant ses instructions
écrites; il implora la clémence de Louis, et finit par
s'échapper furtivement de France pour aller cacher sa
honte auprès de l'empereur son père^
Tout en faisant la guerre à Ferdinand , en Italie ,
Louis voulut faire quelques démonstrations du côté du
Roussillon. Les maréchaux de Rieux et de Gié se por-
' Garnier, Hiti. de Franer, Mariaiu dit que If roi de France usa de
\iolencc pour forcer l'arcliiduc i outre-passer tes pouvoirs, ce qu*oo ne
pourrait gu^re comprendre. Garnie r prouve d'ailleurs que les iuslmc-
lions dp Philippe fuient oonfonnes h ce qu*il 6t en Ie4 suivant , et Goîe-
dardini, dans son Histoire dltalie, ne dissimule pas la mauv
de Ferdinand dans cetle circonstance. Ferreras , qui dit comme !
«'onvicnt ce|)en(Unl que Ferdinand «%ait prévenu d*avancr GoniaKede
n'obëir i aucun ardre de Philippe.
238 LlVUb TliOlSIEME.
(le la défense du Tort de Salses , non encore entière-
ment achevé. L approche du roi d*Eftpagne à la tétede
forces considérables détermina bientôt les Français à
abandonner ce sié^e , et la campagne, qui s'annonçait
comme si terrible , se réduisit à une vaine promet
nade en Roussillon. C'est pendant la courte durée de
ce même siège, que l'ingénieur Ramire, chargé de la
construction du fort, eut recours à un moyen employé
pour la première fois à Naf^es à l'attaque du chiteau
de l'Œuf t par Pierre de Navarre » celui de la mine-
Voyant les assaillants dbriger tous leurs efforts contre
un boulevarty Ramire fit placer, comme son devan-
cier, quelques barils de poudre dans une des caves
de cette partie, dont il facilita ensuite la prise; et quand
les Français y furent entrés en grand nombse, il y fil
mettre le feu : l'explosion fit perdre la vie à plus de
quatre cents hommes ^
Le roi d'Espagne entra dans Perpignan le 1 9 octo-
bre , avec Tannée la plus nombreuse que depuis long-
temps on eut vue sur ces frontières. Ce même jour il
annonça son arrivée aux Français par l'attaque et la
prise inunédiate d'un fortin de planches construit sur
le bord de la mer, au passage du Grau. Le maréchal
de Rieux, ne se trouvcuit plus en force, fit filer la nuit
' Le prciiiipr oftsai dos niinrH «It* |;uerre a\ait Ho lait par \tê Oënoit
«■11 I i83 , (Irvaiit Srri'ianella , \ îllt* dr T«>ftcaiic , mai^ miih aucun »urcés.
Pii'iTi' <lp \a\am\ i^trou\diil flans vvMv arnïM», avait rlél«-iiioin «le ce!
f«%ai . rt sut en linT |»arti
CHAPITRE DIXIÈME. 239
* Suivante son artillerie vers Narbonne , et il rentra lui-
même en Languedoc. Le 2 1 octobre Tannée espa-
gnole, forte de deux mille lances, cinq mille ginètes et
plus de vingt mille fantassins, avec une flotte de plus
de quarantegrosses nefs qui suivait la cote, pénétra sur
les terres de France. Le 2 8 le duo d' Albe porta son camp
sous Leucate, qui fîit forcé de se rendre ^ là garnison
restant libre de rentrer en France. La Palme , Sigean ,
Fitou, Roquefort et quelques autres lieux fiirekit aussi
occupés et incendiés. Si nous ne dissimulons pas ce
qu a fait de mal Ferdinaàd , nous ne devons rien taire
de ce qu*il a &it de bien. Par son ordre tous les bles-
sés finançais durent transportés à Perpignan , où ils re*
curent les mêmes soins que les Espagnols sans dis<
tinotion de rang. Une trêve de cinq mois fîit conclue
à la fin de novembre, et Tannée suivante le mariage de
Ferdinand , veuf d'Isabelle depuis le 1 6 novembre ,
avec Germaine de Foix, nièce de Louis XII, amena
la paix.
Ferdinand n'était roi de CastiUe que par sa femme:
après la mort dlsàbejle il dut en abandonner le titre,
et mettre cette couronne sur la tête de Tarchiduc Phi-
lippe, son gendre^ Étranger akm à la CastiUe, fl se
retira dans son royaume d'Aragon. Après la mort de
* Le lundi au point du jour, 3o octobre i5o3. (QMiaXI, G. kjovê
al Rey N. S., Madrid , 179^, in-8*. ) — Sigean s'était rendu à G. Ayora
et A Pedro Alvarez , commandant un détacbement de trente-cinq cava-
liers et vingt hommes de pied. (J&ùiflai. y . '
lôoA.
i5o5.
I -toli
2M LIVRE THOISIÈME.
Philippe, survenue le a 5 septembre 1 5o6, Ferdinniil •
rentra dans Tadininistration de Théritage de sa fille,
dont Tesprit était aliéné. Enfin le vainqueur de Gie*
' >><^- nade succomba lui-même le ^3 janvier 1 5 1 6, laiamit
à sa fdle et après elle k son petit-fils, Charles de Luxem-
bourg, toutes les couronnes de la péninsule, moins
celle de Portugal.
Ijouis XII avait précédé d*un an ce prince au tom*
beau ; il était mort le i* janvier 1 5 1 S, i Tige de cîn-
quante-trois ans.
Nous avons fait connaître le caractère de Ferdinand
par sa conduite même. Comme roi, Ferdinand inC,
dans ses relations avec les autres puissances» le pins
fourbe des hommes. C*cst au jeu qu*il sefit sanscene
de la bonne foi et des serments les plus solennels, que
TElspagne dut la grandeur, la puissance et le vif édat
dont elle n avait jamais brillé avant ce règne, qui pré-
para le règne glorieux de Charies-Quint. Cest k cette
même cause, que la France, si rétrécie à Tavénement
de Louis XI à la couronne, avait dû son agrandisse-
ment sous ce monarque et l'acquisition de plusieors
provinces : triste, bien triste vérité à méditer! Elle
renferme tout le système de Machiavel; mais c'est que
Machiavel vivait précisément à cette époque, et qn*fl
n a fait que réduire en théorie et en préceptes ce que
lui enseignait Texpénence de ce qui se passait sous ses
yeux. Comme administrateur, Ferdinand eut desqua-
lités auxquelles fimpartialité de Thistoire se piait Ji
f
CHAPITRE DIXIEME. 241
rendre hommage. Juste et équitable envers ses peu-
ples , il les protégea contre les grands dont il aimait à
rabaisser Torgueil , et c'était là encore un trait de plus
de ressemblance de ce prince avec Louis XI. Ennemi
<lu faste , il ne (ut ni avare ni prodigue, et si, pour &iffe
iace aux dépenses considérables de son règne, il cher-
cha une odieuse source de finances dans la confiscation
des biens des victimes que la nouvelle inquisition éta-
blie par ses soins condanmait par milliers , du moins
il ménagea ses peuples du côté de Timpôt. Modéré
dans son gouvernement, il couvrit de sa royale pro-
tection les sciences et les arts; enfin, comme son père,
il ne laissa pas , dit-on, dans son trésor particulier de
quoi suffire aux dépenses de ses fiméraiUes.
L'année de la môtt dlsàbelle , Tévêque d*Elne , le
cardinal François Lloris, parent du pape Alexandre VI,
iîit élevé à la dignité de patriarche de Constantinople.
Porté ensuite à Tévêché de Valence, il cumula ce
dernier siège avec celui d'Elne. Lloris fut un des pré-
lats qui firent le plus de hpnte à T^lise^. Successeur,
dans révêché dElne, du trop célèbre César Borgia,
il se chargea pour ce dernier de Thorrible massacre de
Sinigaglia, raconté par Machiavel; et quant à César
Borgia , évêque dËlne avant de se marier, on sait que
ce fiit Tun des plus grands scélérats dont ait eu à rou-
gir Thumamté.
Jusqu'à Lloris , le siège épiscopal dElne avait été
soumis à la métropole de Narbonne ; Lloris le fit placer
II. 16
242 LIVRE TROISIÈME,
sous la dépendance immédiate du saint siège ^ En
1 558 le concile de Tarente Ibrrant tous les évèqnèi
sans métro|K)litains h s'en élire un, Tévêque Martinei«
qui occupait alors cet évèché, opta pour Tarchevèque
de Tamigone.
' Nous ayons sous les yeui un catalogue, sans interruption, de dm-
^uante<{uatre évèques dmine; il était appendu fort aacMMiflBMBt wmr
les parois de Téglise d*£lne; il commence aiusi :
I Berengarius, qui Ecclesiam sancti Joannis Perpiniani ooniv-
cravit, gubemabat Ecclesiam anno Domini 1 010, et finit psr
cette bgne, cpion voit bien n*étre pasla dernière : S4 Fraa*
ciscus Ralmster, et Sala, gubemabat anno 1598. Notco do-
cument n'est rien moins que conforme au travail des béné-
dictins. Voici la série des noms, k partir du fameux César
Borgia jusqu'à Martinet.
37 Osar Borgia Valentiuus, papas Alexandri nepos. S. R. £. oifd.,
auno I A95.
38 Franciflcufl Lions, Valentinus. S. R. R. canl. regebat
anno 1 199.
39 Jaoobus Serra , Valentinus, patriarcba Constan. S. R. B.,
card., anno. .* 1 5o6.
ho Joannes Vilalba , Cathalanns, gubemabat anno i5i&
4i Beraardusde Mesa, Castellanus, gub i5i7
4 3 linillelmus de Valdenensa , Burgundns, re|;efaat 1 5t&.
43 Ferdinandus de Valdes,Castellanus, gub lâtf.
\ 4 I lieron jmus de Oria , Genuensis. S. R. E. card. reg. an • 1 S3o
45 Jacobu» Rich . Catalanus, gub. an 1 53 1-
46 Hieronymus de Requesens, Catal. gub • . . • . 1 537
47 Ferdinandus a LIoases, Valentinus, reg 1 SAs-
48 Petrus .Augustinus, Casaragu»tanus, rpiscopus , creatus
anno i544.
49 Micbael Puig, (jithalanus, regimen Rcdem suscepit
anno I&45.
S» Raphaël Vbacb , Cathalanus, gub. an i&&3.
ji Lupus Martinet l«agonilU. Aragonius, reg. au 558
CHAPITRE DIXIÈME. 243
C'est sous le règne de Ferdinand que s'établit en
Espagne , comme en Catalogne et en Roussillon , l'usage
de parler à la troisième personnel
La lèpre reparut à Perpignan Tannée qui suivit la
mort de Ferdinand. Le 5 octobre 1 5 1 7 les consuls de
cette ville remirent en vigueur Tancienne ordonnance
de Jaymel, qui infligeait la^tigation aux mazeaux
étrangers ^.
La ville de Perpignan posséda une iniprûnerie
dès I 5oo*. Mestre Johan Rosembacb , Âlamany , c'est-
à-dire de nation allemafide, publia encore la chirui^gie
de l'Italien Père de Argilata^ ou Ai^elata, traduite en
catalan par En Narcis Sola , et corrigée par trois Per-
pignanais ^.
Nous allons voir plus loin que si Ferdinand n^it ^e.
l'opiniâtreté à rétablir l'inquisition, le peuple et les
corts surent, lui résister avec énergie.
* Carbonel , Chronic. de Esp. T 209.
' Liber ^rdinat.
' Drtviaritun secundum conMoekidinem EccUêia Elnensis, Perpiniaiù»
par J. Rosembacb, in-6*. {Hist. de Imprimerie, sect. xii, prem. part,
p. 93, 49.)
* Francescb Serrent, Alfonso de Torelleo, et Johaa Odabert, 1 vûl.
in-P de trois cent huit feuillets ou à% cent seize p«^« plus dpuie
pages de table. Perpignan, 1 5o3.
16.
24/i LIVRR TROISIÈME.
CHAPITRE XI.
Inquisition ancienne et nouvelle. — Saint oflice de BoumSIim.
— Multiplicité des familiers. — Nombre réglé par les oorta.
— François I" et Charles-Quint aspirent à Tempire. — Nod-
vellcs. guerres. — Siège de Perpignan. — Le duc d*AIbe. —
Roussillonnais rachetés par François I*.
Ferdinand réorganisa dans les différente royanmes
de la monarchie espagnole Toffire de Tinquisition,
prescjue tombé dans Toubli depuis le xin* siècle , et il
lui donna une forme nouvelle qui la rendit mille fois
plus tyrannique et plus atroce que Tanciennc.
Ce tribunal , qu*on ne sait comment qualifier, dont
les jtiges provoquaient les dénonciations par tous les
moyens, les accueillaient également de toutes les
sources et en faisaient un mystère à l'accusé afin d'aug-
menter la somme de sa culpabilité des faits dont il était
forcé de s'accuser lui-même en cherchant h deviner le
grief (pi*on lui imputait; qui n ouvrait jamais une porte
«lu repentir, une voie à Vinnocence, et ne voulait trou-
ver que des coupables dans ses accuses ; qui faisait de
Teflroi de Tinculpé une présomption terrible , et d*un
violent soupçon une preuve suflisante excluant celle
du contraire*; qui n'interrogeait qu'au nn'lieu des tor-
' Violenta eniin su^pirio ad cnmlemnanduni Auffint . ri pn>baiioiiem
CHAPITRE ONZIÈME. 245
tures, ne procédait qu'au milieu des ténèbres, n'était
astreint à aucun code et ne suivait que l'arbitraire^; ce
tribunal , institué dans les temps d'ignorance et de
barbarie avec des formes bien moins cruelles, devint
la plus horrible monstruosité , par les soins de Ferdi-
nand , et par l'infernale organisation que lui donnèrent
à i'envi les grands inquisiteurs Torquemada, Deza et
Lucero, qui dans l'espace de vingt-deux ans pronon-
cèrent, à eux setds, cent cinquante et un mille quatre
cent soixante et treize condamnations | dont douze mille
sept cent quatre-vingt-douze aux flammes*.
L'hérésie des Albigeois avait donné lieu à l'érection
d'un tribunal ecclésiastique chaîné de poursuivre les
hérésiarques ; mais cette première institution ne cons-
tituait pas un corps permanent; elle ne consistait qu'en
des commissions données temporairement, et pour un
temps toujours assez court, aux moines de la fondation
de saint Dominique. Après la mort d*Innocent III ,
créateur de ce saint office, Grégoire IX, son suc-
cesseur, donna à 4'inquisition ime forme stable. La
proximité de la Catalogne du pays des Albigeois fit
étendre l'inquisition sur toute la principauté.
Le roi d'Aragon, Jayme II, s'était déclaré le protec-
teur fervent du saint office; le 22 avril 1292 il avait
ordonné à toutes les cours de justice de ses états de
coatrariam non admittit. Ejmerici Direciorimm iMupùiU^rum, p. 3^.
Director. inquisitoram.
Llorente , HUt, de Tinquisit, d^Esp.
I
s
246 LIVRE TROISIÈME.
prêter main-forte au& inquisiteurs ; mais ses peuples
n avaient pas jxirtagc son enthousiasme : plusieurs in-
quisiteurs et grand nombre de moines qui leur étaient
adjoints p<^rirenten divers lieux, victimes de la furenr
populaire.
La laveur de rinqtiisition allait toujours croiiiant
auprès des souverains des divers états de la Péninsule*
où , À la honte étemelle de l'humanité , on avait ▼■
même un roi, Ferdinand III, de Castille, porter sur tes
propres épaules le bois destiné à brûler pfaisieaft de
ses sujets, sous Imlâme prétexte du bien de la religion^.
L*£spagne avait été divisée en deux grandes proi^iilces
inquisitoriales; la première, sous le nom deprovinee
d'Espagne, se composait des royaumes deCastilleet
de Portugal; la seconde, sous celui de province d'A-
ragon, comprenait rAragon,la Navarre, Valence; h
Catalogne, le Roussillpn, la Cerdagne et les flea
Baléares. Telle était Torganisation de la première ià
quisition d'Espagne , quand Ferdinand vint la tirer de
la désuétude dans laquelle elle était tombée.
La forme nouvelle que Tépoux d'Isabelle donna à
cet ancien tribunal avait jeté l'alarme dans TAragon.
Jusque-IA l'inquisition , quelque rigoureuse qu'elle
fût , conservant les apparences de la justice, avait oflRni
' Lucas de Toy, Chrûn. dn monde: Pulgar, Hltt. de Ptdmrm: VU^
rente, Uisi. dr finquitit. Alphonse X, fils de re roi, disait de ton père
(prH eirelltil en tqtl choies: boire, manger, être assis, rire coùèW,
aller, rester en place et che\auchrr ; il aurait pu en ajouter une hui*
ti^nir
248 LIVHE TROISIÈME,
pas devait être condamné comme convaincu : telle
était la forme de procédure indiquée aux inquiAiteart
dans leur directoire '.
Un code aussi immoral qu'arbitraire et sanguiaure
souleva ime indignation générale dans toute l'étendue
du royaume d'Aragon. £n Catalogne, à Valence, i
Majorque , en Roussillon, pays où la confiscation des
biens et le secret des dénonciations étaient contraints
aux libertés publiques , l'irritation des esprits fit com-
mettre une foule de meurtres ^. Ces excès ne changé»
rent rien à la résolution de Ferdinand , et causèrent le
supplice d'un grand nombre de nouveaux chrétiens,
qu'on accusa d'être les moteurs de ces graves désordres :
un mot explique l'obstination de Ferdinand; ce mot,
c'est le besoin d'argent. Les chrétiens nouveaux étaient
de riches Juifs, ou des enfants de Juifs baptisés, dont
l'hérésie déclarée constante par l'inquisition, entrainail
la perte de tous les biens confisqués au profit du fise.
L'inébranlable fermeté de Ferdinand triompha par*
tout , malgré la vive résistance de la Catalogne , qui ne
put être réduite qu'en i A87, c'est-à*dire huit ans après
l'établissement de cet épouvantable tribunal en Ca»>
tille, et trois ans après son introduction dans f Aragon.
La fermentation n'était pas éteinte dans les états
patrimoniaux de Ferdinand. En 1 5 1 o les corts d'Ara*
gon adressèrent des remontrances au roi, pour
* Vide Direclorium inquitilorum Ëvmericî , SS 3, 1 1 , 1 a , 1 5, 1 6 et 1 7.
' LIorentf.
CHAPITRE ONZIÈME. 249
plaindre de renvahissement des inquisiteurs, qui ne se
bornaient pas aux recherches des délits concernant la
foi , mais qui allaient jusqu'à prétendre r^er lei» im-
pôts et ajoutaient chaque jour aux franchises qui leur
étaient accordées ; qui , augmentant aussi hors de pro-
portion le nombre de leurs familiers , diminuaient con-
sidérablement par là celui des contribuables aux chaires
publiques devenues plus onéreuses^ à ceux qui de-
vaient y satisfaire; elles se plaignaient encore que, dès
que les magistrats voulaient a'opposer aux prétentions
des inquisiteurs , ceux^i les menaçaient des f(mdres de
féglise , ce qui les arrêtait eux-mêmes , ne voulant pas
8*exposer à l'ignominie des auto-da-fé, « comme il était
«arrivé à des vice-rois et à des gouverneurs de Bar-
«celone, Valence, Majorque, Sardaigne et Sicile, et
a même à des grands d*Ëspagne ; » elles suppiiaieïitt enfin
le roi de pourvoir au maintien des constitutions du
royaume , et d'enjoindre aux inquisiteurs de donner à
leurs procédtlres toute la publicité des procédtu^s
criminelles^. ^
Ferdinand , dans la crainte d'une insurrection de
f Aragon et de la Catalogne, h*osa pas repousser ouver-
tement ces plaintes , mais , comme il tenait à son insti-
tution et qu'il ne votdait pas revenir sur ce qu'fl avait
ordonné, il répondit en' biaisant, et renvoya ladis^
cussion de cette afiaii*e à la prochaine seteion des
corts. Pressé de^ nouveau en 1 5 1 d, il (tdlut contenter
> Conttit. de Catal.
250 LIVHK TUOISIBMiL
les états, et il donna des statuts qui fixaietit b jitfi''
diction du saint office en la renfennant dans set véri*
tables limites ^
On sait qu*il en coûtait auiSf i peu à JKerdinand pour
engager sa parole que pour la violer : forcé , poiir la
tranquillité de son royaume, de modifier sa premièif
résolution , il se fit expédier. par le pape, le 3q msH
1 6 1 3, un bref qui le dispensait de tenir son seroMol.
A cette nouvelle, un cri d*indignation s éleva, «tua
nouveau soulèvement eut lieli. Ferdinand , recodmk-
sant alors l'impossibilité de soutenir son systèiBe.daila
les provinces d* Aragon , fut contraint de renonodf tH
bref qu il avait provoqué , et d*en demander ua UM
contraire, celui de la confirmation du décret itedu
dans la session des corts : ce nouveau bref <CI 4u
12 mai i5i5.
Les articles arrêtés dans les rorts de 1 5 1 a af aieBl
été reconnus insuffisants pour arrêter les envahitae-
inents toujours croissants des inquisiteurs; celles Àt
i5i8 demandèrent dy ajouter quelques nouyfflea
dispositions reconnues indispensables. A cette épojque
Ferdinand n'était plus. Charles-Quint, noaant f^^tOt
entièrement ces réclamations , fit une réponse amJbi-
guê. L'année suivante, cïomme il présidait pontf.h
première fois les corts de Catalogue, des réiocfM»
dans le même sens lui furent demandées ennpUBt.et
Cliades ne promit prcs<|ue rien, cna\aiitraîr«ie|Mt>-
' CnnêM. dr (laial.
r
CHAPITRE ONZIÈME. 251
mettre beaucoup; mais, bien difTérent de son aieui,
il fit exécuter fidèlement ce qu'il avait jtu^.
L'orgueil et Tarrogance des inquisiteurs étaient tels,
que ce n'était que ia menace à la bouche qu'ils
s'adressaient k l'autorité séculière. Voici le modèle des
lettres par lesquelles ils devaient requérir son secourSi
«Frère N., de l'ordre des prècheurSi, inquisiteur de
«k perversité hérétique, spécialement délégué par
41 le saint siège apostolique dans telles terres , ou dans
« les domaines de tel seigneui*, aux vénérables et chers
«en J. C, N. bailli (ou sous-bai&i où N. consuls) de
« telle ville ou de tcd lieu , salut et ordre d'obéir fiuv
a mellement à nos mandats , où plus véritablement
M aux mandats apostoliques.
« Comme tous ceux qui dnt été revivifiés à la fon-
te taine du baptême , et principafement les sei^èurs
«temporels, donstù^^ officieré et autres recteurs et
a présidents au régime des rillès , châteaux et autres
«lieux, sont tenus d'aider lléglise suivant leur pouvoir
«et leur office, dans la défense de notre . saîntef £m
« orthodoxe et l'extiirpation de la perversité .hérétique ,
« s'ils veulent rester fidèles et être réputés tels par les
«autres; qu'ils dotveht jurer de le fidre quand i}s en
« seront requis par les évoques ou les inquisiteurs ^ s'ils
« veulent éviter lés graves et nbmbt^uses peincto de
«droit, ainsi que l'enseignent les institutimfis ouioni^
«^eé; Noué, qui venons dans -telle vîHe pour cause
« de foi , et y sommes présent èii ce moment , et qui
252 LIVRE TROISIEME.
tt avons à y remplir certains devoirs difficiles de Cm*
a pour la sainte défense de cette foi et f extirpation de
«la perversité hérétique; ce que nous ne pouvons
«faire romniodénient si ce nest avec le secours ^ne
«nous invoquons de vos bras séculiers; cest pour*
« quoi, de par l'autorité apostolique dont nous joui*
« sons dans cette partie , nous vous requérons • vous
«et chacun de vous, vous avertissons et, tout en
« vous avertissant , en vertu de la sainte obéissance et
« sous les peines de droit vous ordonnons et comman-
u dons qu'après les trois jours prochainement et natu-
« rellement suivant celui-ci , dont le premier complcn
«pour le premier, le suivant pour le second et le
« troisième pour le troisième jour, et qui vaudront
« pour une péremptoire ettriple monition apostolique,
«tel jour, qui sera le suivant immédiat, vous venies
« dans telle terre , à telle heure et en tel lieu, et oom-
« paraissiez personnellement par devant nous , et que
«vous y prêtiez corporellement le serment sur les
« quatre saints évangiles de Dieu , juriez et prometties
« que tout le temps que vous remplirez loflice de votre
«charge vous aiderez fidèlement et efficacement
u r^ise contre les hérétiques et leurs complices quand
« vous en serez requis par nous, de bonne loi suivent
« votre charge et votre pouvoir, et que vous obser-
« verez et ferez observer inviolablement dans les lenes
« soumises à votre juridiction et à votre régime les
« constitutions promulguées et approuvées |)ar le saint
CHAPITRE ONZIÈME. 255
« siège apostolique contre les hérétiques, leurs adhé-
« rents , receleurs , fauteurs et défenseurs , leurs fds et
w leurs neveux. Que si, ce quà Dieu ne plaise, vous
u vous rendiez, ingrats à nos monitions , mandats et
«commandements, ou plus véritablement aux com-
« mandements apostoliques, et que vous fussiez re-
« belles à nos avertissements et mandats en ne com-
«paraissant pas dans le terme qui vous est assigné,
u sachez , vous et chacun de vous qui seriez ainsi re*
«belles, contumax et désobéissants envers nous, ou
« plutôt à la véritable sainte ^lise de Dieu , que vous
« êtes noués et noués par une sentence d'excommuni-
«cation, laquelle sentence d'excommunication nous
«promulguons par cet écrit dès aujourd'hui pour
« alors , et alors comme aujourd'hui (votre contumacie
«l'exigeant et la justice le requérant) contre vous et
« chacun de vous qui serait ainsi désobéissant , contu-
«max et rebelle è nous, ou plutôt k notre très-saint
« père le pape ; vous notifiant que si vous vous laissez
« ainsi nouer par notre dite sentence , nous procéde-
« rons contre vous à d'autres peines plus graves,, suivant
« que vous les aurez encourues , ainsi que le veulent
« le droit et la justice. Donné sous notre sceau, tel jour
«de tel mois, en telle année et tel lieu^. ^
Rien ne nous &it connaître que ces horribles juge-
ments rendus par l'inquisition sous le nom d'acte de
foi , et qui j étaient l'épouvante dans toutes les provinces
1 Direct, inqaisit. p. SgS.
254 LIVHi: TKlMSIliiMK.
(rKs|>agiie ; que les relaxations au hrus séculier, qui eu
étaient la ronséqueure . c'est-à-dire que de barbares
sarrifiees humains aient eu lieu en Roi»sillon depuis
le rétablissement de Tinquisition par Ferdinand;
aucunes archives, aucuns registres, aucuns documents
n*en consen'ent des tracées . et dans le grand nombre
de procès rapportés par rhistoricnde cette déplorable
institution . il n en est aucun qui appartienne à cette
province.
Le saint oflice d'Aragon rugissait de devoir se rési-
gner à rester dans les limites que lui traçaient les cons-
titutions locales , quand il voyait celui de Castille gvni-
venierdespnti(|uemcnt l'autre moitié de TËspagne et
le nouveau monde. Les continuels empiétements de ce
tribunal forcèrent encore plusieurs l'ois les corta
d'adresser au roi de nouvelles ré(*lamations. Le nom-
bre des familiers avait tellement pullulé , malgré ce
qui avait été arrêté dans les corts de 1 5 1 3, qu'on ne
pouvait plus faire un pas sans être entouré d'un essakn
d'espions intéressés h faille des rapports. EnRoussiUon,
où, comme nous lavons montré déjà, tant de gens,
pour se soustniireâ la juridiction de l'ordinaire , en-
tniient dans la eléricatun*, le saint oflice, qui avait
aussi sa juridiction k |iart , ne pouvait \ïas manquer
d'avoir de nombreux ailidés ; quelquefois même, sous
le pn'*texte de la commission de familier, les inquisi-
teurs prenaient sous leur pnitectionrertainsdélinquanta
f^rils voulaiiMit snustrain* aux rerli«M*rh<*s d«' la justice*
CHAPITRE ONZIÈME. 255
séculière. Cest ainsi qu'en i533 le procureur royal
de Roussillon et le juge du domaine ayant fait enlever,
pour cause de banqueroute, les livres et écritures d un
certain André Fabre , de Perpignan , soi-disant fami-
lier dé l'inquisition , lé commissaire du saint office
leur enjoignit de les lui restituer, et, sur leur refus,
les frappa d'excommunication et d'une amende de cinq
cents ducats d'or. Les officiers royaux se plaignirent
an grand inquisiteur, le cardinal archevêque de Séville,
qui, le 3 septembre de la même année, les releva de
l'excommunication et de l'amende, et manda à son
délégué de rendre la connaissance de l'af&ire de Fabre
au }uge à qui elle appartenait, pour que justice fôt
fidte à qui et par qui de droit ^.
Les mêmes causes qvce nous avons déjà s^inidées
comme paralysant en Roussillon l'eflfet des meitteures
ordonnances de l'autorité suprême , quand elles con-
trariaient des intérêts privés , avaient fait maintenir
dans ce comté la multiplicité des agents de l'inquisi-
tion, mal^é l'ordre d'en réduire le nombre. De nou-
velles plaintes iurent portées au commencem^fit de
1 559, et le ^ mars suivant le conseil du roi « informé
« par les consuls de PlArpignan que i'inquisition avait
«dans cette vUle une quantité infime de fan^iers qui
« ne reconnaissaient d'autre juridiction que c^e du
«commissaire du saint office; que cet état de choses
a est contraire à f ordre public , attendu queees finni-
' Arck. Dom,
^
256 LIVHF. TROISIÈME.
« liers, exerçant les professions de pécheurs et de re-
((Vendeurs, ronimettaient dans ces firoressions de»
A délits pour lesquels Fautorité locale ne pouTut pas
(( les rechercher, les rend k la juridiction de ces w»^«!Wff
(I consuls pour qu ils puissent les châtier toutes hm
(( fois quiis le mériteront ^ n Cet abus cessa momcaie^
nément comme les autres , et ne tarda pas k repandire
plus fort qu'auparavant. De nonUireuses réclamatiofis
eurent encore lieu, et en i Sgg les corts de Barccioiie
obtinrent que le nombre des familiers fût enfin rédah
et maintenu à celui fixé par Tarrét des corta de i5is.
Il fut rég^é en conséquence, que le grand iiiqukitear
retirerait dans le délai de deux mois, s *il était ponnfliki,
toutes les commissions et familiarités délivrées en
Catalogne , Roussillon et Cerdagne , et que le nombre
des nouveaux commissionnés serait de quatre seule-
ment pour Barcelone et pour toutes les villes de
quatre cents feux et au-dessus, de deux pour les villes de
deux cents k quatre cents feux; et que pour toutes les
autres et pour les villages et tous autres lieux des trais
comtés, il y aurait quarante familiers en tout, répartis
de mani j^re à ce q u il y en eût un seulement pour chaque
deux cents maisons , soit agglomérées soit éparses, en-
tant , autant que possible, que le lieu de la résideoee
de ces familiers fût le même que celui des barons. On
arrêta de plus que l'inquisiteur nommé pour les trais
comtés serait tenu de jurer, en prenant possession de
' Lih. Aft/rn
4
CHAPITRE ONZIEME. 257
sa charge , d^observer fidèlement les statuts de i 5 1 2 ,
et que le notaire du saint office qui recevrait le ser-
ment en délivrerait un certificat authentique à la
députation. Si l'inquisiteur venait à manquer à quel-
qu'une de ces capitulations, les députés étaient auto-
risés à retenir les six cents livres de censivesque la pro-
vince lui payait , jusqu'à ce qu'il se fut rangé à son
devoir : c'était le meilleur moyen de le forcer à ne
plus sortir de ses attributions.
L'inquisition de Roussillon fut abolie quand cette'
province passa sous le régime français. Le titre d'in-
quisiteur fut conservé à l'évêque de Perpignan jus-
qu'à l'an 1 788 , où ce titre fut définitivement sup-
primé; le nouvel évêque nommé à cette époque, de
Leyris d'Esponchés, continua néanmoins à jouir du
revenu et des prébendes attachés à ce titrée
Après sa rentrée sous la domination espagnole , le ch«rfe» v.
Roussillon goûta ce repos auquel il n'était plus accou-
tumé depuis longtemps et dont il avait un si grand
besoin à la suite de tant de désastres. Ce repos ne fut
que légèrehiSnt troublé pendant les guerres de la riva-
. lilé de FrançoisJ* et de Charles-Quint.
* L'état àê Roussillon en 1761 , ms. déjà cité, porte ainsi les re-
venus de monseigneur de Gouy d^Avrincourtfcomme évéqne d*]^e,
quatorze mille livres *, comme abbé de la Real , deux mille; comme abbé
commandataire d'Arles, sept mille; comme chancelier de l'université ,
cent cinquante, en tout vingt-trois mille eenfccinquante livres. On croit
que le tribunal de Tinquisition , à Perpignan , était dans la rue actuelle
de la Monnaie.
II. 17
2M LIVKK TKOISIKMK.
Leinprrour Maxiniilien , qui au liVu d*avoir Tam-
bilion (le (l(*v(*nir un grand prîiire avait celle de mou-
rir pape, ayant quitté, sans avoir la tiare, la rouronnr
impériale avec la vie, le i a janvier i Sao, les rois de
F'raiice et d*Espagiiese mirent sur les rangs pour être
portés à cette dignité par la diète électorale. Malheu-
reusement pour le roi de France, Maximilicn, dans sa
manie de |>apauté, s'était assuré l'assistance de Ferdî*
nand, en lui promettant de résigner Tempirc entre les '
mains de Charles, leur commun petit-fds, et, k cette
(condition, le roi d'Espagne lui avait promis les suf-
frages des cardinaux de ses états. Autant pour né pas
revenir sur ses promesses que pour (*onserver la cou-
ronne impériale dans sa maison, Maximilien avait £iit
lui-même , avant sa mort , des instances auprès des
électeurs en faveur de l'archiduc Charles.
Dans cette circonstance la diète électorale n'auraîl
pas dû examiner les titres des deux princes rivaux k
l'obtention de son suilrage , mais bien les motifs qui
devaient les faire exclure tous deux ; car ni le roi de
France ni celui d'Espagne ne pouvaient convenir A
l'empire. Possesseurs l'un et l'autre d'une grande cou-
roime qui leur procurait les moy(*ns delever de puis-
santes amiées indépendantes de rAllemagne, François
et Charles se présentaient égalenuMit redoutables
devant la confédération gemiainquc. En passimt par-
dessus ces considérations vitales, l«vs |)rinces dont la
réun%n composait l'empin* p«*nlaient tout moyen
CHAPITUE ONZIÈME. 259
non pas seulement de dominer, mais de contenir le
chef qu^ils allaient se donner; s ils n avaient plus la fa-
culté de lui accorder ou de lui refuser les forces qui
devaient constituer sa puissance, s il pouvait être
puissant sans leur concours, c*en était fait de leur in-
fluence ; au lieu d'imposer eux-mêmes leur volonté à
ce souverain , il était à craindre qu'ils ne fussent forcés
de recevoir la sienne.
A ces motifs généraux d'exclusion applicables aux
deux concurrents il s'enjoignit d'autres contre chacun
d eux en particulier. Ainsi , relativement au roi d'Es-
pagne , on ne devait pas laisser trop longtemps l'em-
pire dans la même maison , de peiu* qu'il n'y devînt
héréditaire comme la suite le prouva; et, par rapport
au roi de France , comme la couronne impériale avait
appartenu d'abord à des princes fiançais sur qui elle
avait été usurpée, et les rois de cette nation la consi-
dérant toujours comme une partie soustraite de leur
patrimoine, si elle rentrait encore une fois sous leur
main , on devait croire également qu'elle n'en sortirait
plus^ La sage politique commandait donc de repous-
ser les deux compétiteurs^ : le destin et l'intrigue en
ordonnèrent autrement.
Pendant que les deux princes rhraux mettaient tout
en œuvre auprès des électeurs pour se les rendre fa-
vorables, et auprès du pape, dont l'influence était tou-
jours très-grande dans ces sortes de choix , la dîète
' Daniel, Hist. de Fnnirr.
'7-
260 LIVRE THOISIÈME.
s assemblait à Francfort. Plusieurs des électeurs étaieot
d abord d^avis de ne prendre pour empereur qa*iin
prince d'Allemagne, et, s*il faut en croire Érasme, la
boule de Tempire fut déférée dune conunune Toix i
rélecteur de Saxe, qui la refusa. Ce prince était fon
des mieux disposés en faveur du roi d'Espagne : aon
refus pour lui-même et son suflrage pour ce dernier
entraînant tous les autres votes, Charles d'Autridie,
roi de toutes les Elspagnes, fut proclamé empereu^lê
a2 juin i5ao.
Les deux prétendants à l'empire avaient toujpim
affecté une grande modération ; ils s'étaient étudiéf â
garder entre eux les mêmes égards , les mêmes proe^
dés, les mêmes déférences que s'ils n'avaient pas am-
bitionné Tun et l'autre le même diadème. Mais ces
sentiments, qui n'étaient pas au fond de leurâmé, ne
se soutinrent qu^autant que la grande question fut in-
décise. Ils avaient affiché trop de prétentions, pour
que celui qui serait rebuté ne se sentît pas vivement
blessé dans son amour-propre. Quand l'arrêt de la
diète fut connu , le dépit du roi de France fut égal â
la joie du roi d'Espagne : le cœur de François I*8*al-
céra contre son fortuné concurrent , et un avenir san-
glant s'ouvrit devant l'Europe.
Quatre ans avant sa mort , Ferdinand avait enlevé
la Navarre à Jean d'Albret , époux de Catherine de
Foîx , princesse issue de la maison de France. Apr^
la mort de ce roi il avait été <y>nclu h Noy on un traité
4
CHAPITRE ONZIÈME. 261
t?ii vertu duquel ce royaume de Navarre devait être
restitué à Henry, prince de Béam.
n n entrait pas plus dans la politique du roi d'Es-
pagne de renoncer à la possession de la Navarre , qu'il
n aurait dû être de la politique de Charles VIII de re-
noncer à la possession du Roussillon : ce que Charles
de France ne sut pas faire , Charles d'Espagne était
trop habile pour le négliger. L'inexécution du traité de
Noyon venant fort à propos déguiser la blessure de
lamour-propre , François fit passer une armée dans ce »S'>.
royaume , pour commencer à se venger de son rival
heureux. Mais la fortmie se déclarant bientôt contre
lui , aussi bien en Navarre qu'en Italie , il perdit le Mi-
lanais , et ne tarda pas à voir une formidable coalition
le menacer. Plus malhem*eux encore à Pavie , Fran- **'*•
çois fut le troisième roi de France qui connut la cap-
tivité.
Les conférences de Cambrai n'avaient produit
qu'une paix éphémère : une nouvelle guerre les suivit
de près. Dans cette guerre , Charles-Quint pénètre
jusqu'au cœur de la Provence par l'Italie , et il en sort i536.
avec la moitié de son armée de moins. François , ne
trouvant que des ennemis en Occident, cherche des
secours dans l'Orient , et il se ligue avec les Turcs. Le
pape, qui voulait réconcilier les deux principaux enne-
mis , provoque une trêve dont la durée devait être de ^
dix ans , et que l'animosité réciproque fait rompre au
bout de trois. De nouvelles armées françaises se met-
^Àr'
202 I.IVUË TUOISIËME.
teiit en cainpagiu*; Fuiic doit agir contre le Brabant et
\c Luxembourg, I autre contre le Roussillon : la for-
tune est aussi contraire i Tune qu'à lautre.
i54a. u Si Ton va faible en Roussillon, disaient les du
<( lîellay à Fninçois I**, on sera accablé; si on y ▼& en
u nombre , on sera ailanié. » Les du Bellay n étaient
pas pai*tisans de la guerre des Pyrénées ; ils auraient
mieux aimé que larméc destinée à laire cette cam-
pagne lut envoyée en Italie , où elle aurait obtenu « sui-
vant eux, de plus grands résultats : ils ne voyaient pas
(|ue la conservation du Roussillon, contigu à laFrance,
était facile dans tous les temps, et que celle de Naples,
«\ Textrémité de la botte d'Italie , devait être toujours
onéreuse et souvent impossible. Mais la conquête de
Naples était la folie de Tépoque , comme celle de la
i^alestine avait été celle des siècles précédents.
Le commandement de Tannée destinée contre le
Roussillon avait été attribué au dauphin, è qui, à rai-
son de sa grandes jeunesse , avaient été donnés potur
conseils le maréchal d'Annebaut et le seigneur de
Monpezat, lieutenant du connétable en Languedoc.
On avait prétendu tenir secrète la destination de ces
Ibrces, afm de surprendre Perpignan; mais pendant
<|uà la cour de France on en faisait grand mystère,
en Piémont , où se trouvait d'Annebaut . on en parlait
publiquement , et les seigneui*s qui devaient faire par-
tie de fcxpédition. pi*i*suadés connue* les du Rellay ,
quon de\ait mourir de faiin en Roussillon . faisaient
CHAPITRE ONZIEME. 265
filer déjà de grandes provisions de bouche vers Nar-
Ijonne. Il ne fut donc pas difficile à Charles-Quint de
connaître quel était le point menacé , et de ce moment
l'opération fut manquée.
Les instructions du dauphin étaient de jeter immé-
diatement sous Perpignan une partie de son armée,
sans s'arrêter devant les autres forteresses , afin que ,
cette place étant investie dès l'apparition des Français,
l'entrée de tout secours fût impossible; le reste de
l'armée devait suivre de près', et le roi promettait de
venir lai-même sur les lieux , dans l'espérance de se
trouver enfin face à face avec l'empereur. Il ne doutait
pas que le blocus de Perpignan , qu'il croyait dépourvu
de moyens de défense, ne déterminât Charles à venir
au secours de cette place, et qu'alors une bataille dé-
cisive ne dût avoir lieu ^ : il se trompa ; Charles avait
calculé autrement.
Dès la fin de juillet le duc d'Albe avait fait entrer
dans Perpignan huit mille hommes des vieilles bandes
espagnoles, avec toute Tartillerie et les munitions
qu'on avait sauvées de la funeste expédition tentée
contré Alger l'année précédente, et qui étaient consi-
dérables. Pour mieux défendre les approches de la
place, ce général avait, le 2 d*août suivant, fait sautef
la première arche du pont de la Tet, du côté de la
ville, démolir la chapelle de Notre-Dame-du-Pont ainsi
(|ue l'église de Notre-Dame-des-Grâces, qui était au
' Mém. (le Duhellajr.
264 LlMiE THOISIËME.
iuiibourg, vi abattre toutes les maisons de re faubourg
et de relui des Blanqueries; tous les arbres fruitiers
et autres des jardius de ces faubourp;s avaient été arra-
rhés et de farauds terre-pleins et des bastions garnis
d*une nombreuse artillerie s étaient élevés de toutes
parts en debors des murailles ; ainsi Perpignan qu'on
eroyait surprendre se trouvait au contraire dans un
formidable état de défense. Outre cela, TAmpourdan
se rem|)lissait de gens de guerre sous le commande-
ment de ce même due dWlbe, dont le quartier-géné-
ral était à Ciirone.
Ce fut le u I août que les premiers détachements
de larmée française dépassèrent la frontière.
Cette avant-garde, composée de sept à huit mille
(*bevau\ italiens, courut tout le Uoussillon jusqu'au
Pertus, pillant et dévastant tout sur sa route, enlevant
les vivres, et faisant prisonniers quelques paysans.
I)en\ jours a|)rès, le dauphin amva avec environ
quarante-huit nn'lle bonmies , tant Français qu'Italiens,
Suisses et Albanais. Cette armée campa h Castel-
Houssillon, et dressa des batteries contre la porte
d'KIne, contre la red(>ut«' de Saint -La7.are et contrôle
fort dit des Alh^nands. élevé sur la hauteur, en dehors
du bastion actuel de* Saint-Jacques. Lue note manus-
crite d'un rej^istre de t^omptes de féglise de la Real,
dans laquelle sont puisés ces détails, porte <pie durant
\v sié^i* b\s (lasrons r<jururent le p.iys. mais que, ne
li(Mi\.uil plus rii M :i |ir<ii(lie pan'c* fpie les Italiens
M
CHAPITRE ONZIÈME. 265
îVAraient rien laisse , ils mirent, de dépit, le feu à tous
*^^^ villages; ainsi, dit cette note, furent détruits tous
*^^^ lieux de Roussillon, à l'exception de Perpignan,
5^ses, Elne et Collioure.
Pour empêcher Tarrivée de tout secoiurs à Perpi-
sian, le dauphin avait envoyé des forces au Pertus ,
«us le commandement du sieur de Thermes, qui
^^iriva trop tard : deux mille hommes , des trente mille
^qpe le duc d*Albe avait réunis dans TÂmpourdan,
avaient déjà traversé les Pyrénées, et, passant de
nuit au milieu des postes français, ils se glissèrent
dans la place.
Perpignan, quoique investi de toute part, ne souf-
Grait point des attaques des Français, parce que le feu
continuel de son artillerie foudroyait et renversait les
ouvrages des assiégeants, et rendait leurs opérations
aussi difficiles que meurtrières; aussi, Dubellay, en
parlant de ce siège, dit que « la ville était si bien garnie
«de canons, quelle semblait un porc-épic qui, de
« tous côtés, étant coiuroucé, montre ses pointes. »
Les assiégés avaient tenté d'enlever Tartillerie des
Français , qu ils savaient mal gardée ; on commençait
déj<^ k emmener les pièces, quand le sieur de Brissac,
colonel des gens de pied , fondit sur la troupe espa-
gnole , lui douzième , et la chargea avec tant de vigueur
qu'il lui fit abandonner sa proie. Cette heureuse témé-
rité ne fut suivie, pour Brissac, que d'une légère
blessure , et Boi vin de Villars rapporte que le dauphin ,
.>^
-;
266 LIVRE TROISIÈME.
témoin de son action , s*écria que , s ii n était pas le fik
du roi de France, il eût, ce jour-là, voulu être
sac*.
Le siège de Perpignan coûtait beaucoup d*eflbffls
et n aboutissait à rien. Le roi, parvenujusqu'àSaUUet.
près de Narbonne, n était pas sans inquiétudes , à
de rapproche de la saison des pluies. Pour être
informé de la situation des choses, ce monanqoe
envoya près du dauphin le comte de Saint-Pel et
I amiral de Brion, et sur leur rapport quil y
alors moins d*espoir pour la prise de la Tille
le jour de larrivée du camp, le roi sauva Famoiir*
propre de son fils en lui donnant Tordre de se retiver.
II partit lui-même de Sallèles le 28 de septembre*
* 11 était temps de décamper. Le lendemain du dépert
de Tannée française et les jours suivants, des (dam
tombant par torrents enflèrent à tel point les deux n*
vières de la Tet et de TAgly , que dans un débordcuwt
dont on voit peu d*exemples, leurs eaux transfonnèrenl
rette partie de la plaine qui les sépare, en un immeme
lac que tous ceux qui étaient restés derrière durent tra-
verser à la nage. Plusieurs d*enire eux y perdirent le
vie*.
En s éloignant de Perpignan, les soldats italifM
avaient enlevé et emmené environ trois cents femOMt
ou filles roussillonnaises, que leurs pères ou leurs
^ Mrm. f/r IhàhrlUiY
' FfiiiM , d'âpre le iiiaiiUM:ril de Puignau.
* ^taicnl empressi^s de rérlamer. Les ravisseurs pie-
^•*»ïdirem n'avoir fait eu cela qu'user de reprt^iulles
*^c»iiu-c les Espagnols. qui, lespnaiiiers. avaient duiiné
■ «Meniplc de ces yiolenres en Italie , et ils exigeaient
*»«ie ran(;on de leurs eaplives. Trop loyal poiu- tolérer
*A n Ici brigand Hge , mais forcé de ménager encore ces
^•rangers dont il avait besoin . François prit le parti dr
■acheter de ses propres deniers toutes ces femmes, qui
fvrent rendues A leui's familles. A cette promenade
viiilitaire se bomt-rent toutes les entreprises de Pran-
^ois ronlre le Roussillon. L'année suivante Charles-
l'oint passa en Italie, emmenant avee lui mille homme»
de la garnison de Perpignan ' et laissant au duc d'Albe
le 8oin des affaires de la guerre sur les frontières des
Pyrénées. Dans le courant de cette année et de relie
qui suit, le capitaine générai de lloussillon prit et dé-
mantela la plupart des bourgs nimés qui se trouvaient
dans les Corbiî-res, jusqu'à Narbonne.
La guerre dura encore deux uns , et se fit dans le
Lmemboui^, le BrahanI, la Picardie et le Piémont.
Le général des Turcs, lîarberousse, après avoir essayé
de prendre Nice . alla liivenicr à Toulon avec sa flotte.
Une rixe très-violente entre les soldats de la garni-
SOD de Perpignan et les habitants, rixe dont nous
n'avons pas pArlé en son lieu , pour ne pas interrompre
' C'ttt k pirlirde cette rpoijiir- iju'il y n tv ^«nuMin |>min«nonlc
■tr Irnugiei diRi Peqiignon Eucàt hUlor. rt mitil. fur b jirminct J*
HtHUtilloil .
268 LIVRE TROISIÈME,
la série des événements généraux , ensanglanta cette
ville le 8 juin 1 53g. François de Piémont, capitaine
génénd de Roussillon, épousant la querelle des soldats,
imposa silence aux habitants en faisant tirer sur les
maisons de la ville Tartillerie de la citadelle. La riic
s^étant renouvelée le i*' mars de l'année suivante, le
même oITicier fit tirer de nouveau le canon contre la
ville, et c est dans cette canonnade que furent démcdis
en |)artie les clochers des églises de Saint-Jean et de la
KéaP.
En i53o la peste avait régné dans Perpignan, et
avec elle une famine affreuse : le premier de ces fléain
se déclara le ng octobre , et dura jusqu'au mois d*août
suivant ^.
* Note d'un livre de comptes de U ptroisse la Réel.
Une autre note de ce même livre nous fait connaître la manière dool
les nouvelles arrivaient au peuple à cette époque ; la voici : • AoJ4
■ dliui, i** septembre 1 5 ii, rcmpereur se trouve à dix lieaet d«
• avec plus de quarante mille hommes, et le roi d'Angleterre s*fl8l dé-
«claré pour lui; ils vont prendre Paris. L*intention du roi de Fraace
■ était de s'eni[>arer de Milan et de la I^omUardic ; mais comme il Mil
«que Tempereur était à dix lieues de Paris, il lui envoya deux imlt
• sadeurs pour demander la paix ; mais Tempereur ne voulot pas Isa
> écouler. Sur cela , le roi de France lui a envoyé la reine, sa fc
■ qui e»t sœur de Pempercur, avec plusieurs autres dames, et Ti
« reur a refusé aussi de Tentendre , disant que ce ne «ont pas là d«i
■ aflaires de femyies; enfin, il lui a envoyé le dauphin avec beaooom
• de monde , |>our dédariT que le roi de France ferait tout ce que rem-
■ pereur \<>u<lrait; alurs reni|>ereur a été ctiiileiit, et la |ai& s'est faite.
■ et on la puldic en ce moment.* (Traduit littéralement du catalan. )
* IWgistre des statuts de runiversilé.
CHAPITRE ONZIÈME. 2G9
Eii iSAg révêque d*Elne, Michel Puig, défendit,
ses statuts, à tous les prêtres de son diocèse de
porter des armes offensives.
François 1* mourut le 3i mars iSlxj, et Charles-
C^uint,le 2 2 septembre i558, dans le monastère de
Saint-Just , où il s'était retiré après avoir abdiqué la
ciouronne le i* janvier i556. Un édit de ce prince,
de Tan i553, avait défendu, sous peine de galères
perpétuelles, d'extraire du Roussillon et de la Ger-
dagne aucun esclave maure, pour le conduire en
France.
270 LIVRE TROISIEME
1670.
CHAPITRE XII.
I
Mesures d'intérêt local. — Tentative sur Peq>ign«n. — Gm-
frérie de saint George. — Philippe II. — Hiilippe OL «-»
Expulsion des Morisques. — Translation de Tévèché
à Perpignan. — Maîn-araiée. — Procès des sorcières. —
lippe IV. — Projets hostiles contre la Catalogne. -—
dations.
Henri II, successeur de François l"" au trône de
France, avait perdu la vie à la suite d un accident sur*
venu dans un tournoi, après douze ans de règne, et sa
couronne se trouvait sur la tête de son jeune fils Fran-
çois II , sous la tutelle de sa mère , Catherine de Mé^
dicis.
Cest la seconde année de cette trop funeste régenee
qu'éclatèrent, paria conjuration d'Amboise, cet af-
freuses guerres de religion qui devaient faire couler
pendant soixante et dix ans le sang français dans loutea
les provinces.
iiiiiipprii Ces guerres amenèrent deux fois les protestants en
Roussillon. Dans leur première irruption, en iSyo,
ils pénétrèrent jusqu'à Estagel; dans la seconde* en
i5()a, une de leurs bandes se jeta sur Vinça, ou
elle perdit iieaucoup de monde de la main des ha-
bitants. Dans rintervalle, ccst-à-dire en 1575, Hii- .
^'i
CHAPIÏKE DOUZIÈME. 271
**|>pe II, successeur de Charles-Quiul, fil fortifier
^oJlioure et réparer plusieurs des tours ou atalayas
d^ la c^te ^
La Catalogne, la Gerdagne et le Roussillon fiirent
f^evables à Philippe II de l'unité de poids et de
rnesures : par son édit de 1 585 ce prince avait or-
donné que, puisque les trois comtés ne formaient
c|u une même province , ils devaient ne se servir que
dies seuls poids et mesures de Barcelone. Cette même
année parut un autre édit qui prohibait , dans toute
la Catalogne, les arquebuses portatives qu on nommait
poitrinals. Le peu de longueur de cette arme, alors de
nouvelle invention , et introduite de France en Rous-
sillon, avait favorisé, dans ce comté, une foule de
meurtres ; Philippe prononça , contre celui qui en se-
rait trouvé porteur, la peine de dix ans d*exil , s*il était
chevalier, de dix ans de galères, s'il était roturier, et
de mort si c'était un Français. La même prohibition
s'étendait aux arquebuses ayant moins de trois empans
de long, dites pistolets^. A cette époque le Rous-
sillon était inondé de bandits de tous les pays , débris
* Feliu de la Pena , Annales de Caial.
* Constit. de CataL Les arquebuses furent inventées sous Louis XII ^
leur usage continua jusqu*au xyiii* siècle , sous le nom de mousquets.
Le porteur tenait réunis dans sa main les deux bouts d*une mècbe; il
en appliquait un à une pincette qui tenait lieu de cbien, et qn^on ap-
pelait serpentin, lequel, en s abattant sur le bassinet, mettait feu à
Tamorce. Une petite roue qui se trouvait à la batterie, pour le mouve-
ment du serpentin , faisait aussi donner à cette arme le nom d'arque-
buse à muet.
^
272 LIVRE TROISIÈME.
(les haiiclrs (le gens de guerre, qui, sans ini^tien et
sans ressources, h la paix, vivaient de brigandage
jus(|u'i\ ce (|u\uie nouvelle guerre leur donnât les
moyens dVxister autrement. Cet état de désordre , qui
se prolongea durant plusieurs années, avait excité
une telle terreur dans ce pays, qu*on n'osait plus sortir
des villes el des villages. En \S^li, lëvéque d*Elliiese
trouvant ii Tliiiir, deux chanoines de Saint-Jean « de
Perpignan, députés par le chapitre pour aller vers ce
prélat, ne consentirent k entreprendre cette course de
deux lieu(*s, qu après que le chapitre se fut obligé, par
acte notarié , de les racheter s ils tombaient entre les
mains des bandes ^
1.^. Cest vers cette époque qu expira en Aragon le
pouvoir du justicia. Un certain .\ntoine Perei, secré-
taire du roi , accusé d*un meurtre . s efait évadé de sa
prison et n'Iugie en .\ragon ; il avait invoqué Tautorité
du justicia contre le roi . qu'il accusait d^avoir fait périr
lui-même Thounne dont on lui imputait rhomicide.
Quoique le justicia Teùt pris sous sa protection, les offi-
ciers royaux ne le conduisirent pas moins dans les pri-
sons de Sara<;osse. L'inquisition se l'étant fait livrer en-
suite malgiv Topposition de ce même justicia , une sédi-
tion éclata : les rebelles menacèrent d'incendier le saint
oilice. et se firent rendre Perez. Philip|H* voulant eu-
Vf»veruneanne«M'ii Aragon, les mutins prinMitlesarmes
pmir •»*i»pposer .1 leiitn'edes M)ldat> i'tran«;ers. ce qui
CHAPITRE DOUZIÈME. 273
en opposition avec les privilèges du pays. Lejus-
ticia, Jean de laNuza, mourut sur ces entrefaites; son
fils , du même nom que lui , se mit à sa place sans
titre qui ly autorisât, et il sortit à la tête des mutins.
Ceux-ci se dispersant à la vue de larmée castillane , la
^uEa fiit pris et décapité ^ et la chaîne supprimée.
Après bien des traverses, le vent de ladversité qui,
suivant les expressions d'Henri IV lui-même, avait
commencé de si bonne heure à souffler sur sa tête,
avait enfin permis à ce prince de s'asseoir sur le trône
où l'appelait son droit d'hérédité. La France, sur qui,
depuis vingt ans , les furies de TElspagne ne cessaient
de brandir leurs poignards, plus tranquille enfin sous
un roi qu'elle avait acheté au prix de tant de sang et
de désastres, avait déclaré une guerre nationale k la
puissance qui avait été le principal mobile de ses mal*
heurs. Le désir de secourir l'église contre les hugue-
nots avait d'abord paru armer Philippe II contre la
France; mais ce prétendu zèle de religion n'était que
le manteau dont la politique de ce monarque couvrait
fambitieux projet de placer une de ses filles sur le
trône d'Henri.
Le roi, dont l'un des petits-fils devait un jour tenir te
sceptre du prince qui maintenant voulait lui ravir le
sien, signa, le 17 janvier i5g5, son manifeste contre
l'Espagne. La guerre se fit au nord de la France et dans
les Pays-Bas, avec des succès balancés: ce fiit deux
^ Ferreras, Hist. dEsp,; Anton. Perei, Relac,
II. 18
274 LIVRE THOISIÈUE.
alla plus tard seulement, quune circonstance particu-
lière amena une tentative de surprise contre Pier-
pigiian. En i5()7 le gouverneur de Dourlens» Telio-
Porto-Carrero , avait surpris la ville d*Amieiis; les
Français voulaient avoir leur revanche, et le cafMlaîne
Gentil , célèbre par quelques expéditions hardies, «rail
persuadé k Henri qu on pourrait user de représailles
sur Perpignan. Mais la surprise d^Amiens, tramée dans
le plus grand silence, n avait eu besoin d*aucùhs pré*^
paratifs, tandis quil en fallait beaucoup pour arrirer
jusquà Perpignan. Le duc de Ventadour, lieutenant
général du Languedoc, devait réunir des forcea qu*il
n avait pas sous la main , et faire des dispositiona qui
ne pouvaient rester secrètes. On sut en eflet en Roua-
sillon que des troupes se rassemblaient au pont Saint-
Esprit , et quoiqu'on cherchât à faire prendre le chai^
sur leur destination en ré|)andant le bruit quelles de-
vaient aller forcer Fosseuse - Montmorency dans la
citadelle de Mende et raser cette place, personne ne
douta qu elles ne menaçassent Perpignan. Au premier
bruit d'un mouvement de troupes en Languedoc, le
capitaine général de la principauté, don Fcmandde
Tolède, accouru h Perpignan, avait fait prendre les
amies à tous les habitants, sous peine de mort, et
avait assigné provisoirement à chacun son |ioste, tan-
dis que, par les soins du vice-roi de Catiilogne, douie
mille miliciens de la viguerie de (lirone et cinq cents
(lu romtr de Peralade man*liai«*nt \ers cette ville.
CHAPITRE DOUZIÈME. 275
Le bailli de Figuière y était venu de son côté avec
trois cents hommes, et le viguier de Roussillon y avait
fait passer un corps de milices du Vallespir; enfin le
chapitre, laumônerie et la communauté des habitants
de Girone avaient armé, pour leur propre compte, et
fait partir pour la même destination, troi^ cent cin-
quante miliciens : Perpignan était donc plus qu en me-
sure de résister aux cinq régiments de milices langue-
dociennes que le maréchal d*Omano avait reçus du
duc de Ventadour pour cette expédition.
Don Fernand de Tolède avait réglé que le château
de Salses annoncerait par deux coups de canon Tentrée
des Français en Roussillon; à ce signal, la citadelle de
Perpignan devait en tirer deux autres , pour avertir les
gens de la campagne d*être sur leurs gardes. Le 1 8 août, 1597
de dix à onze heures du soir, le canon d'alarme se fit
entendre, et les Français découverts durent dès ce
moment regarder leur entreprise comme manquée.
Au bruit du canon de la citadelle, les tambours et
les trompettes avaient appelé tous les citoyens aux
armes; en un clin d*œil toutes les fenêtres de Per-
pignan s étaient illuminées et tous les postes avaient
été garnis de défenseurs. Des gerbes de paille enflam-
mées furent jetées de toute part dans les fossés, pour
en éclairer la profondeur et faire connaître de quel
roté les Français porteraient leur attaque. L*auteur
d'une des relations manuscrites de ce coup de main,
le notaire Puignau , expert dans le métier de la guerre
18.
276 LIVRE TROISIÈME.
quil avait faite en Italie et en Portugal, et qui wt
trouvait posté au-dessus de la porte d*Elne, découvrit
le premier Tennemi se dirigeant vers cette porte, que
le capitaine Gentil voulait pétarder. Maift avant que le
pont roulant au moyen duquel on devait attacher le
pétard fût prôt, le jour parut, et les Français jugèrent
prudent de se retirer. Une note d'un registre de b
communauté des prêtres de Saint -Jean porte qoe
quarante ecclésiastiques, commandés par un chanoiiie
de cette église, gardèrent pendant trois jours et trois
nuits le poste le plus dangereux. A cette époque les
prêtres payaient encore de leur personne comme les
autres citoyens, pour la défense de la commune pe*
trie, cependant il doit y avoir ici un peu de vanterie.
Quoique réconcilié avec Téglise romaine, le ni,
({ui portait une couronne que les Elspagnols avaient
destinée h une princesse de leiu* nation, devait néœs*
sairement être toujours à leurs yeux un hérétique. Le
vulgaire parodia, â Toccasion de réchauffourée de
Perpignan^ le prodige de Josué, et attribua ainsi à un
miracle le salut de cette ville. Le soleil , montant sur
rhorizon deux heures avant qu*il ne dût y paraître, fit
découvrir les Français, et déconcerta leurs mesures'.
Et un homme instruit , un historien a pu ajouter fin à
un conte si ridicule, et cest en 1700 qu*il n*a pas
craint d'imprimer une pareille absurdité^!
* PHiu de U Pena y Fanel , AnaUs de Caialmna.
* Le notaire Puignau , auteur de Tune des relalions mannaerilM de
CHAPITRE DOUZIEME, 277
En s' éloignant de Perpignan , d'Ornano sVlait retîi'é
sur V'illelongue de la Salanque. Apr^s s'y être reposé
quelques jours , il marrha de luiîlsurla petite place de
Canet pour la surprendre, et ne fut pus plus heureux
lit qu'à Perpignan, Partageant ensuite sa Iroupe en
deuxliandcs, il les envoya contre Rivesattes, Clairo,
Sainte- Marie . Torelles, Suinl-Laurent et Saint-Hipp»-
ijle. qui furent ravagés. Enfin, après dix jorn-sdest;-
juui' en Roussillon, ce eanip volant rentra en Langue-
doc, emmenant prisonnier tout ce qu'il avait trouva
dans les villages. La prise d'Opol. le nj du mois de
mars de i'ann*^e suivante , une tentative infmctueuse
surlilcetune irruption dans la vaU(^e de Caroi, turent
les opérations de la rampagne, et les derniers évt^ne-
meiitsde cette guerre, à laquelle mil fui le traité de
Vcrvins, signé le i de mai. Lit souniission du due de
Mercœur, deniier soutien de 1» ligue, venait aussi,
depuis deux mois, d'éteindre cette infernale association
qui , pendant un quart de siècle , avait fait pleuvoir sur
la France tant de calamités.
Philippe ne jouit pas longtemps du repos qu'il ve-
nait de domier à ses peuples; il mourut le ta sep>
tembre de cette même aimée . laissant à son successeur
le soin de ratifier le traité de Vervins.
cette campognc, que Pim» cïtoni d'après Kohm , parce qiir mii iimiiub-
iiit s'uBi piTila. pnratl avoir \e premier consigna m conlc nliMnlp
ilan* M)n juurnal Pirrr« Pssclial , aulro aoUÏrr . ijui oaui ■ taiMé iiimÎ
nnjouriut de tout ce qui s'est pas«£ de renuiiiuablc dint li-coundoH
«ie, dilsiniplcnicptqiicl» F'rintais se préaciit^ rr.nl lieviiil Prr|n|^iin
ratr« Iroia r.t i^uitra heure» du nulin
^
i7« LIVHE TKOISIÈMK.
Philippe 11 passe, aux yeux des Kspagnols, pour
un prince sa^o et religieux. Les rois de France qui
régnèrent de son temps ne conviennent pas, dît Da-
niel, de la justesse de cette dernière qualité. En eflett
ils avaient par devers eux trop de preuves que la reli-
gion iTétait (*hez ce prince que le manteau de l'am-
bition. Henri IV savait , par sa propre expérience, que
le zèle de ce monarque contre les hérétiques ne Tem-
pèchaitpasde les animer contre les orthodoxes, quand
son intérêt s*y trouvait; pour ce qui est de la sagesse,
Philippe possédait à fond cette partie de Tart de gou-
verner qui apprend h allumer le feu chez ses voisins
pour avoir la paix chez soi, et il avait le rare talent
de St'ivoir choisir des ambassadeurs cpii le secondaient
h merveille; aussi, comme le remarque Rohertson,
t*xrita-t-il plus de mouvements en Kurope sans sortir
de son cabinet, qiie n'avait pu le faire Charies-Quint
en la parcourant h la tête de S(*s années.
Sous le règne de Philippe II fut fondée en Roua-
sillon une association du corps de la noblesse et des
rhevaliei*s , semblable h celle qui existait déjA à Bar-
celone; et, comme celle-ci, elle prit le titre de con-
IW'rie de Sainl-George (San Jordr), (jette confrérie.
instituée le [\ d*aoùt i.S(ia, veillait aux intérêts du
cor|>s des nobles, avait ses règlements, ses oiliciers,
sii caisse, son sceau, son se<Tétaire et ses airhives.
Tout noble de titre, damoiseau ou (*he\alier de Roua-
sillon en était de drnil, sans être tenu de s\ faire ins-
CHAPITRE DOUZIÈME. 279
orire. Par un article de son règlement, cette asso-
ciation était obligée de donner, le lendemain de la
Saint-George, ou tel autre jom* indiqué, mi tournoi
h pied ou à cheval, des joutes, des courses de bagues
ou tout autire exercice militaire , auquel sci*aient admis
les chevaliers étrangers; im autre article prescrivait au
protecteur ou premier officier du corps , et aux quatre
conseillers, qui étaient élus tous les ans par |a voie du
sort, d*élire de la même tnanière un diaiuteneur et
six aventuriers ou combattants, pour tenir les. joutes
ou autres jeux chevaleresques ^ . ^î ' * î
La peste ayant exercé de grands ravages dans Per-
pignan en 1 563 , Philippe prescrivit dés mesures fort
sages pour Tassainissement de la ville. Dank la lettre
qu'il écrivit aux consids le a 7 février de Tannée 6ui->
vante , il leur recommande de laisser, après que le
Te Deum aura été chanté , s*écouler encore quarante
jours avant de permettre qu*aucmie des personnes
qui seraient sorties de la ville ny rentre, parce qiie,
passant d un air pur et sain dans une atmosphère en*
core viciée V elles en seraient facilement iiicommodéos.
«Pendant ce laps de temps , ajoute le prince,, on dé-
« vra bien nettoyer les rues et les maisons ,: en ayant
« soin de faire purifier aux firais de la commune cellei
u des pauvres qui ne pourraient en faire eux-mêmes
a la dépense. Les maisons où il existe encore des'ina-
utades seront exactement surveillées v pour que per-
280 LIVRE TROISIÈME.
4( sonne ny entre ou nen sorte sans pemuMJpii.
tt Chaque nuit, autant que faire se pourra , on alliunen
<c de grands feux dans les rues , et Fartillerie du châteu
« majeur, de la citadelle et du castillet fera de temps
« en temps quelque décharge. On aura TattenlMm de
0 brûler tous les effets qui auront servi aux malades «
« si ce n*cst ùiii déjà ^ »
**<>*- Sous ce même roi fut achevée la citadelle de Per-
iiitUpp* m.
pignan, que Charles-Quint avait fait commencer*.
Le traité de Vervins avait mis fin à la guerre»
il navait pu faire cesser les inimitiés nationides et ré-
tablir entre les peuples des deux royaumes le peu
d'harmonie qui existait avant les hostilités. Non-ieole-
ment les Catalans continuaient à traiter les Français
en ennemis , mais on parut même croire en Catalogne
que ces derniers avaient voulu se rendre maîtres de
Perpignan par intelligences, au milieu de la paix;
ils connaissaient bien mal Tàme noble et loyale
d*Henri IV. Les consuls de cette ville en conçurent
la crainte , et se mirent en état de défense « ainsi que
latteste une lettre que Philippe III écrivit à ces ma-
gistrats, \e 12 décembre i6oa, pour leur en témoi-
gner sa gratitude dans les termes les plus flatteun'.
La guerre ne se renouvela que sous le règne sui-
vant.
Philippe III signala son règne par quelques édita
en faveur du Roussillon , qu il importe de signaler.
» Liber ordinal. — » Vo>e« U iiote VI. — * Preuvrt, n* XII.
CHAPITRE DOUZIEME. 281
Dès la secondi? année de son avcnemenl au trône , ce
priiice prouva qu'il voulait être v<^ritablemcnt le père
de ses sujets, en créant dans la Catalogne et les deux
comtes un ofTice d'avocat des pauvres. Sur le rap-
port qui lui fut fait que ces malheureux perdaient
beaucoup de causes, quelque justes qu'elles fussent,
Eaute d'être convenablement dirigés, il ordonna qu'il
y aurait à l'avenir, uniquement pour eu\, deux avo-
c^ta et deux procureurs, dont le salaire serait de quatre
cents livres pour les premiers et de deux cents pour
les seconds. Ces avocats et ces procureurs étaient
tenus de passer U'ois lieures le matin et autant le soir,
dans les prisons, pour s'instruire de tout ce qu'ils
pourraient avoir à faire dans l'intérêt et pour la dé-
fense des prisonniers pauvres, de qui il leur était
expressément interdit de recevoir directement ou in-
directement aucun argent ni cadeau ni autre gratifica-
tion quelconque; et pour cela, ces jurisconsultes
étaient assujettis h la visite, comme les autres officiers
royaux. Philippe ne borna pas là sa sollicitude. Vou-
lant empêcher que par paresse, par indolence ou par
tout autre motif, ce» mèn)ea jurisconsultes ne missent
de la né^igence à remplir ce devoir paternel, le
nif^me édit crée un oiTice de solliciteur, dont le titu-
laire sera obligé d'aller, deux fois par semaine , visiter
les prisons pour recueillir de la bouche des pauvres
déleinis des renseignements sur l'état où se trouvent
leurs alTaires, et solliciter, presser, s'il le &ut, les
282 LIVRH TROISIÈME
avoral5 do s en occuper. Ce nest pas encore asseA( le
roi veut que ces solliciteurs rendent eus.-inèai«0
rom|)te aux docteurs du conseil royal , dans la TiêHe
des prisons à laquelle ceux-ci sont assujettis chaque
semaine, des diligences faites dans chaque cauae,"di-
riarant publiquement si c*estpar la faute desavomls,
des pi*ocureurs ou des juges, que ces causes é{»ou«
vent des retards.
La prospérité industrielle de la principauté et de
ses dépendances attira aussi lattention de Philippe.
Un édit de 1 699 pourTaniélioration de la fabricatioa
des velours, satins, damas, taflTetas et autres étoflet
de soie dans le Roussillon, prouve que cette brandie
d'industrie, aujourd'hui entitTcnient éteinte» y ébdl
alors en grande activité. La même année parut un
autre édit sur les étoiles de laine fabriquées dans lee
trois comtés. « Ces étoffes, dit le roi, sont de mauvaise
<i qualité, ce qui fait tort au pays, d abord en ce que
uThabitint ne peut porter un habit bon et de durée,
uet dépense ainsi, en vêtements, deui fois plusquil
«ne devrait le faire; en second lieu, parce que ces
« draps ne pouvant entrer en conciurence avec ceux
udes autres |)ays, le commerce d*exportatioa en
«< souffre considérablement, n L'édit détermine la lar-
geur (|ue les pièces devront avoir, pour que la qualité
<*n soit mieux soignée ^
LVvénnneiit le pins remarquable et le pliu» ini|io-
* Lihrtttiritli mitwn. i
CHAPITRE DOUZIÈME. 285
ilm^tique du règne de Philippe III lut ia complète expul-
ion des Maures.
Cet événement désastreux pour TE^pagne était
appelé depuis longtemps par les vœux du clergé.
Déjà, dix ans après Texpulsion des Juifs, H avait été
question de celle des Maures, et notamment de ceux
ifui se trouvaient en Catalogne à Tétat de captivité;
mais les corts.de Barcedoaje de iSo3 B*étaietit em-
pressées de réclamer contre imen^esuré qui' port^niit
un notable préjudice^ ceu^ qui> en ayaient sur leurs
terres \ Tindustrie particulier e à ces hommes faisant
de leur individu une propriété précieuse. Cette assem-
blée ayant demandé) au rc» sa parole royale que
Texpulsion n aurait pas lieu, Perdinatid la donna et la
tint^. Il ny eut que les Maures libres de Grenade, à
qui il (ut ordonné de sortir d*Espag»e dans le t^rme
d*un mois. Uexpulsion différée, et toujcmri sollidtée
par le dei^é , fut enfin arrêtée. ^
Le personnage qui se montrait le plus acharné
contre ces tristes descendants des anciens c<^nqûérants
de la Péninsule , auxquels on donnait le nom de Mb-
risques depuis que leur domination avait entièrement
cessé , était ^archevêque de Valence^ Ses obsession^ ,
celles des autres ecclésiastiques auprès de Tarchevéque
s ■ <
' Los (|uals son en poch nombre, e Aeria mn dun e desinicdo 4p|8
l>aroD9 e altres parts haon dits Moros stan poblats. ( Cap. xi^ en cort
relebrada en Barcelona M. D. III. )
* ConstitiU. de Catal.
284 LIVRE TROISIÈME,
de Tolède , firère du duc de Lenne , ministre el finrori
du roi , furent si importunes , que ce ministre , soUidlé
lui-même par le prélat , fit enfin arrêter irrévocable-
ment leur bannissement, quelque efibrt que poMent
(aire encore, et quelque bonne raison qu'eussent A
donner ceux que la mesure lésait dans leurs intéiéls,
ou qui prévoyaient le mal qui devait en résidter poor
la patrie. Pour avoir un prétexte, on accusa ces llo-
risques de s'être réjouis du malbeureux résultat qaV
vait eu une expédition des Espagnols contre Alger;
d'avoir pressé le grand seigneur et les rois de Fei et
de Maroc de faire une descente en Espagne, promet*
tant de les assister en se révoltant; d'avoir com[dolé
le massacre de tous les vieux chrétiens , au jour dn
vendredi saint, et d'avoir commis encore d*aiilres
crimes dont il eût été bien difficile peut-être d*adim*
nistrer les preuves. Les prélats ajoutaient à ces griefs
politiques d*autres inculpations concernant la foi; ik
prétendaient que ces musulmans étaient des infidUes
incorrigibles ( accusation bien singulière contre des
gens qui tenaient à leurs croyances ), sur lesquds les
sermons ne produisaient aucun effet, et è l'égard de
qui les instructions étaient perdues'. Les barons au
pouvoir de qui étaient ces Morisques répondaient A
cette dernière accusation, que si la plupart de ces
Morisques restaient obstinément dans leur religion ,
la faute en était à l'igiionincc et à Tincapacité des ec-
' //îjl. imirrrfl iom. LXXll, ri note V
CHAPITRE DOUZIÈME. 285
^(^siastiques qui entreprenaient de les convertir, à la
istinction très-impolitique qu'on faisait de vieux et
e nouveaux chrétiens, et surtout aux violences et
siux cruautés de Tinquisition. Philippe était trop éclairé
pour ne pas apercevoir le tort que la perte de tant
<l*hoinmes intelligents allait causer à f industrie, aux
arts et h Tagriculture : il hésitait. Pour porter le der-
nier coup , on eut recours aux miracles et aux prophé-
ties supposées, et, gouverné entièrement par json
favori , qui Tétait lui-même par son frère Farchevèque ,
le prince signa enfin Tédit fatal , le 1 1 septembre 1 609. 1609.
Obligé de se séparer de plus de six cent mille de ses
sujets, Philippe voulut au moins pourvoir, autant
qu'il était en lui, à leur avenir, et, par un dernier
effort de sa sollicitude , il employa son ascendant pour
leur faire obtenir en Afrique un bon accueil et les
meilleurs établissements possibles ^ Rien n^est plus
déchirant que le tableau de ce départ, tracé par l'un
des apologistes mêmes de cette désastreuse mesure :
qu'il nous soit permis d'en insérer ici quelques pas-
sages. Nous traduisons le plus littéralement possible,
afin de conserver au langage du témoin oculaire l'em-
preinte de ses émotions et de ses souvenirs.
«Les infortunés Morisques sortirent aux jours dé-
terminés par les ministres du roi , en procession dé-
sordonnée, ceux â pied mêlés avec ceux è cheval,
en grande confiision, accablés de douleur, inondés
' Hist, univers, tom. LXXII , et note V.
284 LIVRE TROISIÈME,
de Tolède , frère du duc de Lerme , ministre et favori
du roi , furent si importunes , que ce ministre , sollicité
lui-même par le prélat , fit enfin arrêter irrévocable-
ment leur bannissement, quelque efibrt que pussent
(aire encore, et quelque bonne raison qu'eussent à
donner ceux que la mesure lésait dans leurs intérêts,
ou qui prévoyaient le mal qui devait en résidter pour
la patrie. Pour avoir un prétexte, on accusa ces Mo-
risques de sêtre réjouis du malheureux résultat qu*a-
vait eu une expédition des Espagnols contre Alger;
d'avoir pressé le grand seigneur et les rois de Fes et
de Maroc de faire une descente en Espagne, promet-
tant de les assister en se révoltant; d'avoir comploté
le massacre de tous les vieux chrétiens , au jour du
vendredi saint, et d'avoir commis encore d'autres
crimes dont il eût été bien difficile peut-être d'admi-
nistrer les preuves. Les prélats ajoutaient à ces grieb
politiques d'autres inculpations concernant la foi; ils
prétendaient que ces musulmans étaient des infidèles
incorrigibles ( accusation bien singulière contre des
gens qui tenaient à leurs croyances ), sur lesquels les
sonnons ne produisaient aucun effet , et à l'yard de
qui les instructions étaient perdues ^ Les barons au
pouvoir de qui étaient ces Morisqucs répondaient à
cette dernière accusation, que si la plupart de ces
Morisqucs restaient obstinément dans leur religion ,
la faute en était h rignomnco et à rinrai>acité des cc-
' !H»i. UAircTS toni. liXXlI, ri note V
CHAPITRE DOUZIÈME. 285
olésiastiques qui entreprenaient de les convertir, à la
distinction très-impolitique qu*on faisait de vieux et
de nouveaux chrétiens, et surtout aux violences et
aiux cruautés de Tinquisition. Philippe était trop éclairé
pour ne pas apercevoir le tort que la perte de tant
cl*hommes intelligents allait causer h Tindustrie, aux
arts et â Tagriculture : il hésitait. Pour porter le der-
nier coup , on eut recours aux miracles et aux prophé-
ties supposées, et, gouverné entièrement par Bon
favori , qui Tétait lui-même par son frère Tarchevêque ,
le prince signa enfin Tédit fatal, le 1 1 septembre 1 609. 1609.
Obligé de se séparer de plus de six cent mille de ses
sujets, Philippe voulut au moins pourvoir, autant
qu'il était en lui, à leur avenir, et, par un dernier
effort de sa sollicitude , il employa son ascendant pour
leur faire obtenir en Afrique un bon accueil et les
meilleurs établissements possibles ^ Rien n'est plus
déchirant que le tableau de ce départ, tracé par Tun
des apologistes mêmes de cette désastreuse mesure :
qu*il nous soit permis d*en insérer ici quelques pas-
sages. Nous traduisons le plus littéralement possible,
afin de conserver au langage du témoin oculaire lem-
preinte de ses émotions et de ses souvenirs.
«Les infortunes Morisques sortirent aux jours dé-
terminés par les ministres du roi , en procession dé-
sordonnée, ceux à pied mêlés avec ceux à cheval,
en grande confiision, accablés de douleur, inondés
' Hîst, univers, tom. LXXII , et note V.
286 LIVRE TROISIÈME.
(le larmes, élevant des plainles tumultueuses et cort-
iiises; chai^gés de leurs femmes et leurs -enfants, de
leurs maladrs, de leurs vieillards et des maimotA,
rouverts de poussi^rre, suants et haletants; les uns en
chariot, serrés Ih avec leurs meubles et bagages « les
autres ehevauchant d^une étrange sorte et en postiireà
rustiques, sur des selles à dossier, sur des bâts en
joncs ^ entre les jarres où Ton porte Teau; entourés de
besaces, de tentes, de paniers, de robes, de saies, de
chemises, de linceuls, de manteaux, de monceaux de
chanvre, de pièces de lin et autres objets semblables,
chacun avec ce qu il possédait. Les uns marchaient à
pied • déguenillés , mal vêtus , un pied chaussé d*iuie
spaixlille et fautre d*un soulier, d*autres avec leur cape
au cou, d*autres avec leur besace sur les épaules,
d*antres encore avec* diverses enveloppes et chiffons;
tous saluant ceux qui les regardaient ou les rencon-
traient , leur disant : u Que le Seigneur vous garde ici;
(( seigneurs, soyez avec Dieu! » Panni ceux qui étaient
sur des chariots ou sur un cheval de louage ( parce
qu ils ne |)ouvaicnt emporter ou extraire du royaume
(|ue ce quils [univaient prendre sur eux, comme
l(*urs vêtements et f aident de leurs biens-meubles
<puls avaient vendus), (|ui les accompagnaient jusqu'à
> S«»rtc «le |uinim faÎH a\('C<lf*A trrMct do «parte ft rn fonuf de
uraii'le.s Ih's.i( c», (luiii«>ii sr seri «laii» le Midi |Hiiir pi»r(rr de» nro\uioiu
Mir 1rs iM-tf'H tli* Miiiiiuc vi (|u'oii uppridit Mirriii . ci) vi«Mi\ latin et ca-
laldii , «'.yhim/'i. i*n cdMillaii. mot dmit l)iiran<;i' n'a |»aA coiuiii rciiicte
sii;iiirKMti(>ii
r
CHAPITRE DOUZIÈME. 287
1* extrême frontière, on voyait de temps en temps pas-
ser les femmes des riches Maures avec leurs bijoux,
de grands médaillons d'argent tombant sur leur poi-
^lirine et suspendus à leur cou avec des chaînes, des
«^oiUiers, des pendants d'oreilles, des bracelets, des
<X)iraux.« et avec mille bigarrures et mille couleurs dans
leur costume et leurs vêtements ,. conune si elleis
avaient voulu dissimuler un peu les souflrances du
oœur. Les autres, en bien plus grand nombre, sans
comparaison, allaient à pied, las, affligés, éperdus,
harassés, tristes, confus, essoufflés, enra^s, cor*
rompus, ennuyés, désolés, exténués de soif et de
bim; car, par juste châtiment de Dieu, ils n'avaient
jamais assez et ne trouvaient jamais leur suffisance
de pain dans le^ villages, ou d*éau aux fontaines,
quoique le pays soit abondant, et que ' pour leur
argent on leur donnât du pain à discrétion; enfin,
aussi bien ceux qui étaient à cheval, malgré leurs
tristes habits de fête, que ceux qui allaient à pied , tous
souffiirent , au début de leur bannissement, des peiiles
insupportables, de très-grandes ani^tumes, des dou-
leurs et des peines aiguës sut le corps et dans f âme ;
plusieurs succotnbèrent à leur affliction, payant réai]ij
et lombre , en route , parce que c'était pendant fêté
que ces malheureux sortirent; et plus tard , quand ils
furent hors des terres de notre catholique roi , il en
périt en peu de jours, suivant la notice qui m'en est
parvenue, tant de chagrin que de mille dures pensées
288 LIVRE TROISIÈME.
et par le poids de mille autres inévitables n
plus de soixante mille ^. n
Cette expulsion ne 8'accom[dit pas, cepemknl,
sans effusion de sang. Poussés au désespoir,
infortunés se révoltèrent plusieurs fois. Un
nombre d*entre eux se réfugièrent en France, «k
Henri IV leur procura des vaisseaux pour pmap «■
Âfiique.
En i6oa eut lieu la tranriation è Perpignan
siège épiscopai d'Elne , à la sollicitation d*Oni
Réart , alors évéque de ce diocèse. La buiie qui ■•-
torisait cette trandation fiit présentée au chapiliv le
3 février, et la cérémonie s'en fit le 3o juin. Vérètfm
de Barcelone, assisté de celui d'Elne, se rendit prooit»
sionnellement d'E^e à Perpignan , avec tout le cfaiH
pitre , emportant les reliques des saintes patronnai éa
diocèse. La procession, dans laquelle se trounMH
quarante-sept croix des différentes cures du diocètOt
entra dans Perpignan à sept heures du matin,
autels avaient été dressés à la porte d'Elne, où se
valent réunis tous les prêtres et les moines des diflft-
rents couvents de la ville. Les reliques des sainles
Eulalie et Julie , reçues au bruit de l'artillerie de le
citadelle , furent portées à Saint-Jean, sous l'escorte des
chevaliers de la confrérie de Saint-Geoi^ges , qui
allèrent ensuite exécuter sur la place de la Loge cette
* Aioar Cirdoiui, ExpmUioH JMstiJUuda de lot Morisan etpMk$,
|itrt. Il, cap. II.
CHAPITRE DOUZIÈME. 289
pèce de tournoi emprunté des Maures, qu*on appe-
lait jeu de Cannes ^
Il tomba en Roussillon une si grande abondance de
neige le 5 février 1 6o3 et les trois joiu-s suivants, que
cet événement fut noté comme un phénomène. Dans
les rues de Perpignan où ce météore , qui y est très-
rare , couvre à peine de quelques pouces la surface du
sol, la neige s'éleva au delà de six empans ou plus de
quatre pieds et demi ^:
La sécheresse qui désola le midi de la France en
1 609 fit entrer en Roussillon , le 1 3 du mois de mai ,
une procession des habitants des villages fiançais limi*
trophes de ce comté, dans laquelle se trouvaient cin-
quante flagellants. Après avoir traversé la fix>ntière ,
cette procession se rendit à Perpignan , où elle fit ses
dévotions devant Tautel de Notre-Dame-des-Grâces ,
qui se trouvait dans féglise des Âugustins , et devant
Tauteldu Christ, dans Téglise de Saint-Jean.
Trois ans après , la même cause amena une prise
d*armes de la ville de Perpignan contre celle de Ville-
firanche , en vertu de ce qu'on appelait le privilège de
la main-armée.
Le droit de commune impliquait, dans Torigine,
celui de venger par la force des armes ses propres que-
relles. La conséquence naturelle de ce droit était, pour
les habitants des communes, d*ètre toujours armés.
La charte de commune de Perpignan traçait la marôhe
* Manuscrit de Pierre Paschal. — * Ihidem.
II. 19
290 IA\\\E TROISIÈMK.
que SCS citoynis devaient suivi'e en cas d'injures h
venger par retle voie. Celui qui avait reçuroffense,
quel qu il fût , devait porter sa plainte aux officiers
royaux et municipaux, qui jugeaient s*il y avait lieu h
en poursuivre la réparation parles armes. Si la nature
de l'injure était telle que l'emploi de ce moyen (Ùt re-
gardé romme nécessaire, TofTenseur était d*abord
sommé de réparer son méfait, et, s'il s'y refusait, le vi-
guier de Roussillon , le bailli et les consuls de Perpi^
gnan faisaient déployer l'étendard de la main-armée ,
ce qui était l'appel aux armes de la population. I^a
petite armée municipale étant organisée, le premier
consul de la ville en prenait le commandement, et, eri
compagnie du viguier et du bailli , elle se portait vers
le domicile de rotTcnseur pour se faire justice. Si les
concitoyens de celui-ci embrassaient sa querelle ets*ii
s'ensuivait mort d'hommes, nul ne pouvait en être res-
ponsable : c'était une guerre privée V Cet usage des
temps barbares s'était |)erpétué en Roussillon, où il
reçut encore son application h l'époque oii nous
sommes parvenus. La sécheresse étant très-obstinée
en iG]2, les consuls de Perpi^^nan avaient envoyé,
suivant ce qui se pratiquait dans ces sortes de circons-
tances, un syndic de la ville à l'abbaye de Saint-Mar-
tin de Canigou, pour requérir le transport à Perpignan
des rt^liques de Saint-(iauderic, qui se conservaient
dans ce monastère, et en qui les Roussilloiniais ont
' Voyfi la noto VII, ot aui Preuves iIp U pirmirrr |urtif , Ir n* \.
CHAPITRE DOUZIÈME. 291
^ne grande confiance pour obtenir de la faveur du ciel
la cessation de ce qui est un véritable fléau pour leur
pays. Ce syndic, par une cause qui nous est inconnue,
ayant été retenu à Villefranche avec les reliques du
saint, que trois religieux accompagnaient toujours dans
ces déplacements « la ville de Perpignan déploya, le
17 décembre, le drapeau de la main-armée , qui fut
planté hors des murailles de la place. Ce ne (iit pour-
tant que le a 1 janvier suivant que cette armée urbaine
se trouva complètement organisée. Son infanterie se
composait des corps de métier marchant sQus leurs
bannières respectives, et la cavalerie était formée par
les chevaliers de la confrérie de Saint-Georges qui
avaient délibéré de faire cause commune avec les
bourgeois dans cette expédition ^ Ce jour-là cette petite
armée alla coucher à Thuir, d*o{i en trois jours elle
arriva au plan de Sirac où elle campa, et fit le dégât
dans une propriété appartenant à un habitant de Ville-
franche. Ceux de cette dernière ville firent une sortie
le lendemain 1 7, et furent forcés de rentrer dans leurs
murailles. Les Perpignanais tirèrent contre la ville une
vingtaine de coups de canon , avec une pièce qu*ils
avaient amenée ^ ils arrachèrent les .plants de deux ou
trois vignobles, et, après ces exécutions, le syndic
captif et les reliques ayant été repdus, le second
consul de Perpignan, qui commandait Tannée en
Tabsence du premier, donna Tordre du retour. La re-
' Xaupi, Rech. hittor.
19.
292 LIVRK THOISIEME.
lation d'un témoin oculaire, chirurgien dans t'trmve
|ierpif;naiiaisc . qui nous donne ces détails', nous ap-
prend que les pertes essuyées dans cette petite cam-
pagne furent, du rùto des Perpignanais , un homme
(ué et quelques blessés, et du côté de ceux de Ville-
franche , plusieurs morts et un grand nombre de bles-
sés. La citasse de Saint-Gauderic entra triomphante
dans Perpignan , le i " février.
Une nouvelle occasion de faire sortir l'étendard de
la main-armée se présenta en i6a8 : nous allons en
parler tout de suite, pourn'avoir plus à revenir surre
sujet .
Depuis un an une vive mésintelligence existait entre
la Catalogne et le Roussillon, et spécialement entre
Barcelone et Perpignan. En i Gay cette dernière ville
avait adressé au roi un mémoire pour demander que
les deux comtés fussent séparés de la juridiction du
vice-roi et du conseil royal deCatalt^nr, surfe motif
que tout l'ai^cnt du pays pas.<tait à Barcelone, soit pour
procès des partirulicrs , soit pour les fonds de la dé-
putalion , qui ensuite ne faisait aucune dépense pour
ces comtés ; cet état appauvrissait ces contrée» , qui
recouvreraient au contraire, disait le mémoire, leur
ancienne prospérité si elles étaient constituées en pro-
vince indépendante. La députation, â qui re mémoire
avait été renvoyé . réfuta les griels proposés, et la de-
mande lut rrjetée; mais la publicité donnée À la r^
' Minuinit ilr J. t'.t<ii
f
.4i
CHAPITRE DOUZIÈME. 295
ponse' jeta beaucoup d aigreur entre les deux pays.
Quelques Perpignanais sortant de Barcelone et refusant
de pay ercertains droits auxquels ils prétendaient n'être
pas soumis, une rixe s'éleva, leurs mulets furent saisis
et ils durent se cacher pour sauver leur vie. A cette
nouvelle , grand tumulte dans Perpignan : l'étendard
de la main-armée fut arboré à l'hôtel de ville le q jan-
vier 1629. ^ charge du bailli se trouvant vacante en
ce moment , et la présence de cet o0icier royal étant
indispensable, les consuls pressaient le gouverneur
d'en désigner un. Le gouverneur avait demandé déjà
des instructions au vice-roi , qui lui-même en avait ré-
féré à la cour. Un messager venu de Barcelone annon-
çant que cette ville désirait terminer cette affaire par
accommodement, on voulut rentrer l'étendard; mais
le peuple, qui méprise toujours un péril qu'il ne voit
que de loin , et qui est d'autant plus audacieux qu'il
s'imagine qu'on le redoute, se persuadant qu'on voulait
mettre des bornes à son courage , se mutine, et la
crainte de voir cette populace furieuse mettre le feu à
l'hôtel de ville, suivant sa menace, fit annuler la déli-
bération qui venait d'être prise dans ce sens. Bientôt
même, l'irritation devenant toujours plus grande, on
dut avoir recours à l'évêque, qui se présenta, le saint
sacrement dans ses mains , devant les attroupement»
pour les engager à se dissiper. D'autre part, l'autorité
' Mémorial hecho por el princip. de CaUl. en repoesta a otro kecha
por la villa de Peq)., etc. Margant, 1637, in-r de TingUdetii pagea^
\
'in LIVRE TUOISIÈME.
[irovinrialc de Barcelone, considérant la prise d*arnies
de Perpignan comme une révolte, avait envoyé dans
celte ville rofficial des ordinaires pour arrêter les con-
suls et le viguier. Cet oflicial arrivant à Perpignan le
jour même de cette émeute, on l'engagea à tenir sa
mission secrète , s il ne voulait être mis en pièces par
la populace , et le gouverneur , qui par ses rapports
avait provoqué cette mesure, n e se regardant pas comme
en sûreté dans son hôtel , se retira dans un couvent.
L'étendard sortit de Perpignan le i o février, porté par
le viguier et suivi par toutes les compagnies de gens
de métier, auxquelles s étaient réunis grand nombre
de bourgeois, ainsi que les chevaliers de Saint-Georges,
qm' avaient spontanément offert leurs ser\'ices aux
consuls. Cette expédition préparée avec tant de bruit
n'alla pas au delà d'Klne, et elle se bonia à la saisie de
quelques denrées appartenant à des Barcelonais dans
cette ville d'Elne, h Sainl-Cyprîen et en quelques
autres lieux. Le 2 du mois de mars deux otTirials et
un juge de l'audioiice de Barcelone arrivèrent à Per-
pignan, et montcriMit h la citadelle, où ils séjournèrent
jus([u*au 7 avril suivant , sans oser descendre dans
la ville. Dans Tintervallc le roi d'Kspagne mit un
terme A IVIferveseencc populaire, par la lettre sui-
vante, qu'il écrivit aux consuls en réponse à leur sup-
plique.
«A nos aniés et féaux, les consuls de notre très-
fidèle ville de Perpignan, le roi.
CHAPITRE DOUZIEME. 295
u Nos amés et féaux , afin d'éviter les désagréments
^ui pourraient s ensuivre si les difficultés que votre
"v iile a avec celle de Barcelone se traitaient autrement
«^ue par les moyens de la justice, je vous charge et
■iiande instamment qu'au reçu de la présente vous vous
désistiez de toute&les disppsitions que vous avez corn-
Kxiei)cé à prendre de fait, lesquelles pe^vent être en*
o usées, et que vous retiriez immédiatement Tétendard
delà main-armée, vou3 acquittant pour tout le passé
si vous ne poussez pas plus avant dans aucune de ces
dispositions, et vous promettant défaire examiner et
reconnaître les privilèges pt papiers que vous avez, et
de vous faire rendre justice en donnant à votre syndic,
Raphaël Xatmar, Taudience dont vous me suppliez.
Que si vous ne faisiez pas ce que je vous mande par
ce$ présentes, je serais très-mécontent de vous, et
vous me délieriez à Tinstant des grâces que je veux
vous faire , et qu*ont méritées votre fidélité et votre
loyauté. Ponné à Madrid, le 19 de mars 1629. Moi
le roi. »
En même temps qu'il envoyait cette lettre aux oon*
suis de Perpignan , Philippe IV enjoignait à laudience
royale de Barcelone dmterrompre toute procédure
commencée sur cette affaire, ce qui n empêcha pas
Jautorité municipale de pette ville de faire Vendre,
nonobstant fopposition de laudience et du vioe-roi,
la maison d*un Perpignanais établi dans Barcelone.
Au mois de septembre suivant cette même ville, pour
206 LIVRE TROISIÈME.
se venger de sa rivale, Taccusa d'avoir voulu se livrer
à la France, ce qui donna lieu à une enquête solennefle.
Le vice-roi de Catalogne s'étant transporté à Perpignan
à cette occasion , le corps municipal lui envoya une
députation pour lui exprimer toute Tindignation qa^
ressentait d*une accusation aussi atroce que perfide,
et le vice-roi promit de faire rechercher et punir Faa-
teur de cette diffamation ^
Les procès les plus scandaleux auxquels la supers-
tition puisse donner naissance furent jugés dans Per-
pignan en 1618 : nous vouions parler des procès des
sorciers. Déjà de semblables scandales avaient été
donnés en France , neuf ans auparavant , et il avait été
constaté par une enquête judiciaire , faite par ordre
du pariement de Bordeaux, quil y avait eu au
four du palais de (lalien , près de cette ville,
réunion présidée par le diable en personne. Ceci n*est
que ridicule; mais ce qui est affreux et inconcevable,
c est que des malheureux, poussés, on ne sait par qud
fanatisme , aient osé soutenir au milieu des supplices
qu*ils avaient réellement assisté au sabbat^. Le men-
songe obstiné a donc aussi ses martyrs, comme f éter>
nelle vérité ! Les détails nous manquent au sujet de
ce qui se passa en Iloussillon , sous le rapport desfiuts
criminels imputés aux sorciers; nous apprenons seu-
lement de deux témoins oculaires, qu un enfant nommé
* Manuscrit de J. Om ; Xau|)i , Hfch. mr la nobl.
* Dr LaiiiTf , de flncùiut. de$ démons . a 4 c rti».
•
CHAPITRE DOUZIEME. 297
X-^urent, prétendu sorcier lui-même, ayant déclaré
«^*il reconnaîtrait, à la vue des personnes, celles qui
étaient de la bande, on arrêta et on mit en jugement
une multitude de femmes , tant de Perpignan que des
autres lieux , et que plus de deux cents d'entre elles ,
convaincues de ce crime imaginaire , furent pendues ^
Les arrestations ne s'arrêtèrent, à ce qu'il parait , que
lorsque ce petit misérable eut enfin découvert un sor-
4Ûer des plus considérables, ce que Jérôme Gros
appelle de la grossa manega : celui-ci Ait livré au saint
oflBce qui, plus éclairé ou moins barbare que les juges
ordinaires, se contenta de l'envoyer aux galères.
Le meilleur des rois , celui qui faisait du bonheur
de son peuple ses plus chères pensées, et que ces pen-
sées ne quittaient jamais; qui tout en disputant sa
couronne à des sujets révoltés n'oubliait pas que ces
rebelles étaient ses enfants et leur fournissait lui-même
du pain ; celui dont le panache était toujours le pre-
mier aux champs des périls et sur le chemin de
l'honneur, Henri IV, était tombé sous le fer d'un
assassin. Son fils, Louis XIII, n'avait pas encore ac-
compli sa neuvième année , quand un fanatisme d'au-
tant plus atroce qu'il n avait plus depuis longtemps
ni fondement, ni prétexte, ni excuse, lui donna un
sceptre que sa débile main était condamnée à ne sa-
voir jamais tenir.
De l'autre côté des Pyrénées, Philippe Illavait aittii puiipp« iv.
' Manuscrits de Jérôme Gros et de Pierre Paacbal.
208 LIN HE TROISIÈME.
laissé une couronne qui s'étendait sur les deux mondes ,
h son fils Philippe IV, tout aussi incapable que Lonb
d*en supporter le poids , mais qui n'avait pas, conmie
le roi de France, Favantage d*être remplacé par un
ministre, le plus habile homme dVtatdeson siècle.
Le service fîmèbre célébré dans Perpignan à l'occa-
sion de la mort de Philippe III donna lieu , entre les
consuls et le gouverneiu*, à une contestation de oérd*
moin'al qui se prolongea pendant douze ans. Le goii»
verneur s était rendu à Thotel de ville, précédé de deua
massiers, contrairement à lusage qui nen attribuait
qu aux consuls. Pour protester contre cette usurpation,
CCS magistrats refusèrent d'accompagner le gouverneur
k la cérémonie et ce dernier se rendit seul à Téglise de
,6,,. Saint Jean, où, de Thôtel de ville, on avait déjà envoyé
faire opposition k la célébration de Toflice. Comme
c'était le premier consul de la ville qui tenait le deuii«
le clei^é déféra h cette opposition , et dès que le gou-
verneur, arrivant seul h Téglise , eut pris place dans
le chœur, révoque se relira, l'autel fut déparé, et on
défit le catafalque. Le lendemain, ce gouverneur, qui
s appelait don Christoval (lallar y deTreguer, fit cé-
lébrer un service particulier dans féglise des Aiigus-
tins, auquel il assista, et le service solennel n'eut lieu
à Snint-Jean que quelques jours plus tard, en présence
(1rs consuls'. Les neuf jours (|ui avaient précédé celui
auquel devait se faire le service ainsi n^nis. leprtv
' Maiiu>crilstl(> Pirrrc l*uft«.'lial vt tir J. Om
4
CHAPITRE DOUZIÈME. 299
ier consul avait tenu le deuil dans sa maison » où tous
corps de métiers étaient transportés pour faire une
^riflitede condoléance. La nouvelle de la mort du roi
Cut annoncée dans la ville à son de trompes mimies
de sourdines, avec défense d'ouvrir les boutiques pen-
dant toute la neuvaine. Cinq jours après, une nou-
velle annonce en fut fiûte par des trompettes à cheval,
suivis par les difiSérents officiers de la ville , aussi è
Aeval. ' ' . « .
Une galère génoise sur laquelle se trouvait la prin- i6
cesse Dorothée, fille de l'empereur Rodolphe, âgée
de treize ans, se perdit le sq nov€»nbre 1622, près
de Leucate. Des forçats sauvèrent à la nage larchidu-
chesseet ses dames, qui se rendirent à Perpignan. Les
consuls allèrent attendre cette princesse à la porte de
la:vîUe, avec une compagnie de deux cents hommes
et plus de cent torches allumées, et cette archiduchesse
entra dans Perpignan à la nuit tombante, au bruit de
lartillerie des remparts et de la citadelle ; elle i^epartit
de cette ville après s'y être reposée un jour ^
La peste se déclara dans le village de Pc^estre en
l63i, apportée^ dit-on, par des effets appartenant à
une femme française. De PoUestre elle gagna Perpi-
gnan , où la plus grande mortalité régna jusqu'au mois
de janvier : eh trois mois lé nombre des victimes
9'éleva à six mille. On accusa de cette mortafité ex-
cessive l'incurie des consuls^.
' Manuscrit de J. Gros. — ■ Ibidem,
500 LIVRE TROISIÈME.
Les guerres civiles , qui depuis le règne fimeste de
Charies IX ne cessaient de désoler la France, aTUflnt
trouvé un constant appui dans les Espagnols, à cette
époque les implacables ennemis de cette couronne* Le
temps venait enfin où la première de ces puissances,
en faisant rentrer définitivement sous sa dominatioD
une province qui en était séparée depuis cinqaièdett
allait se venger de tous les troubles que la seconde
avaitfomentés dans son sein avec tant de persévéraneià
Sous rétemel et banal prétexte de défendre la reli-
gion, l'Espagne, quis*en était faite le champion et i|iii
y trouvait son compte, ne cessait de provoquer les
peuples à la révolte contre leurs souverains. Aprfcs
avoir fait soulever la Valteline, elle avait excité de tons
ses efforts la révolte des huguenots de France , et eUe
avait fini |)ar faire perdre la fidélité au frère même
du roi.
Une paix toute d'hostilités était un état plus fildiem
mille fois que celui d'une guerre ouverte. La surprise
de la ville de Trêves par les Espagnols, avant toute
déclaration , fournit au cardinal de Richelieu, premier
ministre de Louis XIII, l'occasion de sortir enfin de
cette situation équivoque, et de prendre ouvertement
les armes. La guerre commen<^a par les Pays-Bas,
s étendit plus tard aux frontières des Pyrénées et finit
pour les agresseurs, après vingt-cinc| ans de durée, par
la perte du I^ortngal , du Roussillon , de partie de la
(lerda^iie et de partie de f Artois.
CHAPITRE DOUZIÈME. 301
Du côté des Pyrénées , la guerre débuta par le siège
é Leucate , que la politique espagnole fit bien moins
e^ntireprendre dans le but d*essayer une trouée en Lan-
l^edoc , que pour avoir le prétexte de couvrir la Cata-
logne de soldats étrangers ^u pays. L'intention du ca-
binet de Madrid était d'asservir cette province , que
ses libertés et ses privilèges sans nombre séparaient
entièrement du reste de la monarchie; mais, pour
mener k bien une entreprise aussi délicate , il aurait
fidlu k la tête du conseil un Richelieu, et il ne s y trou-
vait qu un Olivarès. Au lieu de la prudence et de
Tadresse qui seules auraient fait réussir ce projet ha-
sardeux, Olivarès n y mit que de la rudesse et de l'en-
têtement, aussi ne fit-il que soulever les Catalans
contre lautoritè royale et mettre dans le plus grand
péril le trône du prince qui lui en avait abandonné
les intérêts.
Le comte de Cerbellon avait reçu le commandement
de l'armée qui devait agir contre la petite place de
Leucate , à l'extrême frontière du Languedoc , que
Ton croyait surprendre.
Quelque mystère que les Espagnolseussent mis dans
leurs préparatifs , ils n'avaient pu tromper la vigilance
de Richelieu : l'arrestation de divers agents sur la
frontièreavait donné l'éveil, et, le i o septembre 1 634, »*^*-
on avait même arrêté à Lapalme et conduite Narbonne
le gouverneur provisoire de la citadelle de Perpignan,
don Jean de Menesès, qui explorait secrètement cette
if..i7.
502 LIVKE TROISIÈME.
partie de la frontière Irancaise^ QttiBnd l*année-dc
Ccrbeilon, forte de onze mille làntassins et de dji^lifth
mille chevaux avec soixante et dix pièces de caiyn«
entra sur le territoire français, tout était prêt pour
lui tenir tête.
Lcucate, situé au bas d un rocher dont la mer baigne
le pied , et dont les étangs de Salses et de Lapd
resserrent Tavenue du coté opposé, ne pouvait
attaqué que par Tisthmc étroit que ces deux étaii§i
laissent entre eux. Le château , séparé du village , avait
pour gouverneur un sieur de Barri de Saint- AniUÔi^
dont le père, pourvu de ce même commandeoMal
sous Henri IV , avait sacrifié sa vie pour la codm^
vation de son poste. La garnison, de quatre*vmg;la
hommes seulement, disputa pendant quatre jours le
passage de fisthnie aux efforts de Tannée espagnole,
qui avait franchi la frontière le 29 août.
L occupation du village de Leucate par les Eipa-
gnols isolant le château au milieu des ennemis. Car-
bellon s était assuré des villages de Fitou et de TreiHea.
et s*cm|)nrait des chenn'ns pour empêcher Tapproche
de tout secours. Pendant que d*un autre coté il éle^
vait des retranchements sur le haut du rocher de Len-
cate, pour se défendre contre les forces de Languedoe
et qu*il dressait des batteries contre le cliàteeu, il di-
rigeait une autre sorte d attaque contre la probité de
Rarri : cinquante mille érus et \u\o pension de deux
^ M«nu!irrit ilf J. <'.rn*.
th.^
CHAPITRE DOUZIÈME. 305
A~viille livres étaient le prix qu*on lui proposait potir une
trahison;
Le duc d'Hallwin , gouverneur de Languedoc , con-
naissait la détresse du château de Leucate. Sans
attendre la réunion de toutes ses forces , il part de
Narbonne le a 3 septembre, et &it attacjuer les retran-
chements ëniiemis le a 6 aii soir, jour de son arrivée ;
après des prodiges de valeur de part et d'autre, ils
furent enlevés. Le combat continua en arrière des
lignes, jusqu'à ce que Tobscurité empêchât de distin-
guer les objets. Les Français couchèrent sur le champ
de bataille pour recommencer le feu au retour du jour,
mais les Espagnols profitèrent de la nuit pour faire leur
retraite, abandonnant trente pièces de canon, les
bagages et les munitions et précipitant le reste de leur
artillerie dans Tétang de Salses. Cette brillante affidre
valut au duc d*Hallwin le bâton de maréchal de France,
qu'il porta sous le nom de Schombérg^
* On lit dans les nouveaux Mémoires de littérature, recueillis par
I ahbé d^Artigny, tome VI , le passage suivant , au sujet de Taffaire de
Leocate:
cOn trouva parmi les morts une douzaine d^Espagnoles armées et
t velues en soldats. On demanda aux prisonniers s^ils connaîsMÎent ces
t femmes, et sous quel capitaine elles portaient les armes. Ds répon-
cdiient que non; mais Tun d eux regardant ses camarades avec m^^Nria,
« leur dit d'un ton fier el majestueux : Digan que non no son mvgeres ,
« mugeres son los que fauyeron. ( Dites que ce ne sont pas dea ftÉmneè :
«ce nom ne doit être donné qo*à ceux qui ont fui.) >
Nous ignorons où Tautenr de ce mémoire a puisé cette tneodote,
que nous ne trouvons dans aucun des écrits du temps , à notre connais-
504 LIVRE TROISIEME.
1639. Après réchec de Salses, Tannée espagnole étah
rentrée en Catalogne, où sa présence, secondant les
projets du cabinet de Madrid, consolait la cour du
revers qu'avaient éprouvé ses armes. Deux ans après,
le prince de Condé, lieutenant du roi en Languedoc ,
et le maréchal de Schomberg se rendirent maîtres ,
sans opposition , de Rivesaltes , Estagel, Claira, Canet«
dont ils firent démolir les murailles. Le château d^Opol,
que sa situation rendait inexpugnable, fut livré par
son gouverneur, qui périt trois jours après, dans Per-
pignan, de la mort des traîtres. Le fort de Salses, sus-
ceptible de soutenir un long siège, se rendit le 1 9 juillet
après quarante jours de blocus, non sans de graves
soupçons de perfidie.
Le ministère espagnol semblait avoir tout fait , en
remplissant la Catalogne de soldats qui y commettaient
mille désordres; il se décida enfin à mettre ses forces
en campagne , et le 1 A de septembre elles allèrent
essayer de reprendre Salses.
Mnce-, ce qui nous donne de violents doutes sur son aotnentidlé, c*ert
ce qu'il ajoute au sujet des femmes de Perpignan , et qui est réeU€niCBt
apocryphe :
«Les femmes de Perpignan, dit-il, voulurent partager en queiq—
« manière la gloire de ces amazones, car, lorsque les vaincus furent ém
t retour, elles vinrent h leur rencontre , les accablèrent d*injam, et
«cju:itèrent un si grand tumulte, que Cerbellon fut contraint de se i4-
c fugierdans le couvent des capucins, où il resta plusieurs jours en at-
• toiulant (|uc Tcmcute fût apaiM'e, et qu'on eût fait des défenses très-
t «presses de |Mirler de Leucate , ni d*injurier ceui qui s étaient trouva
« à celte malheureuse expédition. ■ Pages 69 et sui\.
CHAPITRE DOUZIEME. 505
Les Français , restés en Roussillon tant que les Es-
'pagnols n avaient fait aucun mouvement pour les en
<!hasser, venaient de forcer le ohâteau de Teutavei,
^uandie marquis de Spinola, successeur de Cerbellon,
sortit enfin de Perpignan avec vingt-cinq mille honunes
d'infanterie et quatre mille chevaux. Pendant que
Schombei^ se retirait sur la firontière française, le
prince de Condé allait en Languedoc presser de nou-
velles levées , avec lesquelles il ne tarda pas à venir se
placer en face des Espagnols. Le prince aurait pu ,
comme lavait fait Schomberg devant Leucate, attaquer
dès le soir même les retranchements ennemis : il ne
le fit pas, et ce fut un malheur; un orage effroyable,
qui éclata pendant la nuit , força les Français à cher-
cher un refiige sur les hauteurs , et étendit une vaste
mer entre eux et Tennemi*.
Malgré les torrents de pluie qui tombaient sur leur
tète, les Espagnols n avaient pas bougé de leur camp.
Les rivières débordées ne permirent pas le lendemain
aux provisions d'arriver jusqu'à eux, mais elles ne les
empêchèrent pas de travailler avec une admirable ar-
deur à vider Feau qui les encombrait, et à rétablir lem^
lignes quelmondationavaitbouleversées.Des maladies,
auxquelles donnèrent lieu cette constance à affron-
ter forage et les fatigues qui en avaient été la suite,
enlevèrent bientôt à cette armée un grand nombre
d'hommes qui périrent dans les hôpitaux, ou qui y lan-
» Note vin.
II. ao
\
306 LIVRE TROISIÈME.
guirent pendant toute la campagne. Le prince de
Condo voulut, le i* novembre, avec quelques-unes
des milices dispersées par Torage et qu'il était parvenu
à rallier, attaquer les retranchements espagnols ; mais
il fut repoussé avec perte denviron mille trois cents
hommes, et il dut abandonner è ses propres moyens
la garnison de Salses, qui capitula le a 2 décembre'.
La reprise de cette place fut suivie, bientôt après, de
l'insurrection générale de la Catalogne. Comme c*est
cette insurrection, provoquée par le système d'oppres-
sion adopté par la cour contre cette province, qui fit
passer définitivement le Roussillon sous la couronne
de France, il importe de faire connaître (|urlles étaient
ces libertés dont jouissaient les Catalans, et qui cau-
saient tant d'envie aux autres provinces ainsi qu*au ca-
binet espagnol. Pour cela, il nous faudra reprendre les
choses d'un peu haut.
^ On lit dans le manuscrit dr Pierre Paschal que, le 37 juillet de
ctilp. année ir>3<j, on rommenra ù démolir l'ancienne église de Seint-
Mathiru, qui riait beauroii|> plus voisine de la citadelle. Ses natériatti
servirent à la construction de la Dou\elle église. Des note* du temps
disent que la démolition aVu lit à coups de canon.
LIVRE QUATRIÈME
CHAPITRE PREMIER.
Origine de la révolution de Catalogne. — Motifs de la cou-
ronne dans ses hostilités contre la province. — Premières
difficultés à Toccasion du serment royal. — Le comte-duc
d*01ivarès cherche à faire révolter les Catalans. — Violences
des soldats.
A répoque de la dislocation de Tempire d*Occident,
les Goths , après avoir soumis à leur domination une
partie de la Narbonnaise, avaient envahi TEspagne, où
ils avaient fondé une vaste et puissante monarchie
élective. Ce principe de Télection, la religion Tavait
elle-même ratifié : le quatrième concile de Tolède
proclama, dans son soixante et quinzième canon , qu*À la
mort du roi les primats du royaume, de concert avec
les prêtres, lui chobiraient un successeur • Le troisième
canon du cinquième concile de la même ville» pré-
voyant même le cas où un homme sans naissance et
sans vertus viendrait à s*emparer du trône, voua i Ta-
nathème relui qui tenterait d*usurper la couronne sans
ao.
308 LIVRE QUATRIÈME.
le vœu unanime de la nation ou sans Télection faite
comme de droite
Bientôt les Maures envahirent TEspagne; mais
Charles- Martel et son fils leur ayant arraché la Cata-
logne, la faculté de pouvoir se choisir un chef sans
égard h la succession fut conservée aux Catalans par la
permission que leur accordèrent les conquérants de
se replacer sous leurs anciennes lois. Louis le Pieux
donna à Bera, Tun des plus vaillants Goths, le fief de
Barcelone, avec le titre de comte ; Wifred le Velu ren-
dit cette dignité héréditaire dans sa famille, et les
comtes de IWcelone fmirent par monter sur le trône
d'Aragon .
Les Catalans prétendaient que leur droit d'élire le
souverain n'était pas anéanti par cette institution d'hé-
rédité, par la raison que les comtes ne jouissaient pas
d'un pouvoir ahsolu , que leurs décisions devaient être
consenties par les corts de la province, et qu'en accep-
tant, à la fm d'un régne , le fils du dernier comte pour
son successeur, celui-ci ne pouvait gouverner que sui-
vant le code des lois visigothes , seules reçues dans la
terre , ainsi que l'avait autorisé Charlemagne ; ils ajou-
taient que le successeur du it>i mort , ou le nouveau
comte de Barcelone, ne pouvant être reconnu dans la
province qu'après qu'il avait juré devant les corts le
maintien des privilèges et franchises, ce serment rem-
plaçait de fait le principe de IVlection et en Irnail lieu.
* Lahb^i Collfctio concil. lom. V.
CHAPITRE PREMIER. 309
La faculté d élire leur souverain était contestée aux
datalans par la cour de Madrid, et avec toute raison.
La Catalogne était une partie intégrante du royaume
d*Aragon, et ce royaume se trouvant réuni à la monar-
chie qui régissait les différents petits royaumes de la
Péninsule, devenus simples provinces d*£spagne, ceUe
de Catalogne devait nécessairement se soumettre à la
loi conservatrice de Tétat, et subir le vœu de la majo-
rité. Que deviendrait en effet le principe de vie d'un^
monarchie, si chaque province pouvait accepter ou
refuser pour sa part le roi qui succède à un autre?
Chaque changement de règne deviendrait inévitable-
ment le signal de nouveaux déchirements politiques,
de nouvelles guerres civiles, de nouveaux désoicdres.
Ce qui n était pas possible pour toutes ne* pouvait pas
être un privilège pour une seule, quand ce privilège
aurait été contraire à la loi générale et fondamentale
de rétat.
La Catalogne voulait se regarder comme une prin*
cipauté indépendante, placée par le seul fait de sa vo-
lonté sous la protection, et seulement sous la protection
de TEspagne, comme un territoire libre , ne reconnais-
sant lautorité du monarque espagnol que sous son bon
plaisir; mais cette prétention était fausse et illégale :
fausse , en ce que la Catalogne n'ayant jamais &it acte
qu'elle se regardait comime étrangère au roya^me'
d'Aragon, du temps que cette couronne était indépen-
dante de celle de Castille, les rois d'Aragon n'araient
.^10 LIVHE QUATRIEME,
pu supposer la possibilité de cette tardive prétention;
elle était illégale, en ce que le royaume d*Aragon étant
soumis aux lois générales de la monarchie, pour ce qui
concerne Tordre de succession au trône, et la Cola*
lognc, partie intégrante de TAragon, nayant jamais
récusé cette loi , elle s'y trouvait assujettie comme le
reste de ce royaume.
La Catalogne avait toujours été considérée comme
partie intégrante, indivisible, inséparable de TAragoD,
depuis qu'un comte de Barcelone était monté sur le
trône de ce royaume, et, à cet égard , elle était sur le
même pied que Valence et le Roussillon, Majorque et
la Cerdagne. Alphonse III , aux corts de Montso de
1 289, confirmantlunion des ilcs Baléares, disait :«t Or-
« donnons et statuons qu'en aucun temps le royaume et
« îles de Majorque, Minorcpie et Yvire ne soient sépa-
« rés ni aliénés de la seigneurie de Catalogne et de TA-
uragon. )i Jayme II, aux corts de Barcelone de lagi.
confinnant à son tour cette union, dit, « Statuons
a qu'en aucun temps le royaume et les îles de Ma-
ie jorque ne soient séparés ni aliénés de la seigneurie
«de Catalogne et desdits royaumes d'Aragon et de Va-
« Icnce, ni du comté de Barcelone^ ; » et aucune récla-
mation ne s'était élevée (*ontrc cette agglomératioii
d'éléments déclarés indivisibles. Pèdre IV , qui enleva
le royaume de Majorque à Jayme ll« ne regarde pas,
dans son édit d'union , la Catalogne comme une prin-
I GpMlif. Je Catai.
CHAPITRE PREMIER. 311
^ipauté libre et non forcément dépendante de sa cou-
ronne : « Les forces réunies en un faisceau assurent
« mieux la paix et la tranquillité contre les attaques en*
«nemies; et lexpérience a appris dans ces derniers
« temps combien la division , tentée par nos devanciers,
«des royaumes d*Âragon , de Valence et du comté de
«Barcelone, a eu un fâcheux résultat, etc. » li est
donc bien évident que les rois d*Âragon n avaient ja<»
mais supposé qu*on pût leur contester le droit de do-
mination successive et héréditaire sur la Catalogne*
Mais d'ailleurs, ce privilège que prétendait avoir la
Catalogne de pouvoir élire son seigneur, elle le fon-
dait sur fusage des lois visigothiques, et c était bien à
tort quelle en invoquait le bénéfice, puisque ces lois
avaient été abrogées solennellement dans les corts de
Barcelone de Tan i ^5 1 , par Jayme I. u Statuons, dit
«conseil des susdits, que les lois romaines ou gothes,
« décrets et décrétales , ne soient pas reçues dtos lei$
« causes séculières , qu'elles ne soient citées ni allé*
ttguées, et qu aucun légiste ne puisse les invoquer
a dans les tribunaux séculiers, à moins que ce ne soit
« dans sa propre cause ^ » Tels sont les termes de Tédit^
La prétention qui s'élevait sous Philippe IV nétait
donc qu une mauvaise raison dont le mécontentemi^at,
soit injuste soitlégitinie de la province , voulait coloirer
sa résistance à l'autorité royale, et au moyen de la-
quelle elle s'efforçait de justifier sa position.
' Constit. ahrog. de Cattd.
312 LIVKE QUATRIÈME.
Les jurisconsultes français, pas plus que les jurit-
consulles espagnols , ne reconnaissaient aux Catalans
le droit de se clioisir un maître; mais ils plaçaient la
question sur un autre terrain. Suivant eux, la Catalogne
relevait inunédiatement de la France et n appartenait
qu*abusivemcnt à TElspagne. Le droit, disaient-ils,
naissant du fait , le fait était établi de cette manière en
faveur de la France.
Les Maures , après avoir envahi TEspagne et péné-
tré jusqu'au cœur de la France, en avaient été chassés
par Chaiies-Martel et ses successeurs. Le gouverneur
de Barcelone Zatoum avait fait sa soumission à Charle-
magne, mais, ayant ensuite manqué à sa foi, Charles
l'avait dépossédé, et avait réduit sous son autorité
Barcelone, Tortose et Lerida. Ce prince, ainsi que son
fils, établirent des comtes de Barcelone, et la Cata-
logne, dépeuplée par les Sarrasins , reçut des colonies
françaises que lui fournit le Languedoc. Après que ce
comté de Barcelone eut fait partie de la Septimanie
pendant un demi-siècle , Charles le Chauve len déta-
cha et il en donna l'investi ture à Wifrcd. Les investi-
tures successives faites par les rois de France sont la
preuve de leur souveraineté légitime sur ce pays , qui
ne l'avait jamais mise en doute dans les temps anciens ^
Les formes du gouvernement de la Citalogne, qui
s*étendait sur la Cerdagne et sur le Roussillon , favori-
saient au reste les idées démocratiques de ses habitants;
* Mf rcurr de Villorio Siri , livre V.
CHAPITRE PREMIER. 515
un gouverneur, toujours de la nation, siégeait assisté
d'un assesseur, d'un juge, du secrétaire et du procu-
reur fiscal. Le vice-roi étant dans Barcelone, ce gou-
verneur ne pouvait pas exercer la justice dans la ville;
mais rien ne pouvait Tempécher de ladministrer au
dehors, parce qu*il était au-dessus de tous les ordi-
naires. Après lui venait le conseil des Cent, dont les
membres pris parmi les chevaliers, les bourgeois, les
avocats , les médecins , les marchands , les artistes et
les artisans, étaient présidés par Tun d*eux, sous le titre
de premier conseiller en chef; et ce président , dont
les fonctions étaient annuelles , on le choisissait alter-
nativement dans chacune des classes dont nous venons
d'établir la hiérarchie. Outre les tribunaux pour la jus-
tice civile et criminelle , U y avait un baiUiage général
pour la province , indépendamment d'un bailli parti-
culier qui jugeait les différends des marchands et des
artisans. La députation , qui, nous l'avons dit plus haut,
était le syndicat des corts, pour suivre les afiaires dans
l'intervalle des sessions, se composait de trois membres
qui étaient renouvelés tous les trois ans. Son principal
devoir était de veiller au maintien et à la défense des
usages du pays, de ses constitutions, de ses droits et
privilèges ; et c'est sous cette attribution que nous lui
verrons jouer le premier rôle dans la révolution de
Catalogne. Quant à l'audience royale , c'était une cour
suprême , d'une organisation particulière ^.
* Nous eu parierons plus loin, au chapitre Ti.
51A LIVRE QUATRIÈME.
Suivant! organisation dont nous venons de présenter
très-succinctement les bases , la province se réserfWil
à elle- même la connaissance de toutes ses a(Iiunf«
aussi bien que son administration générale et poti*
culière , elle n obéissait guère que de nom au vice^roi
que lui donnait le roi d*Espagne. En vertu de ses privi-
lèges , la reconnaissance même de ce vice-roi ne pàm*
vait avoir lieu quautant que le roi était venu lui-
même, au commencement de son r^ne, jurer, m
milieu des corts convoqués à Barcelone, le maindcn
des lois, privilèges et libertés de la province : c'est
cette soumission conditionnelle, cette prétention d*iD*
dépendance , que la cour d*Kspagiic voulait anéantit. •
En mettant à Técart la prétention au droit de se
choisir leurs comtes , ou , en d autres termes, de po»*
voir, suivant leur caprice, se donner à tel ou tel prince,
di*oit perdu d abord par le seul fait de l'usurpation hère*
ditaire de Tautorité souveraine par les anciens comtes
du pays, usurpation consacrée par une possession
interrompue de près de sept siècles, sans
ni contestations, et abandonnée ensuite par la renon-
ciation des corts de ia5i à Tusage des lois visigo-
diiques qui en établissaient le principe, et en ne consi-
dérant le vœu des Catalans que sous le rapport du
maintien de leurs ibrs, de leurs privilèges, immunités,
libertés et i'ranrliises, on ne peut les blâmer d'avoir
cherché h (*onserver par la force ce qu*une violence
brutale et outrageante voulait leur tirracher. Ces pri-
CHAPITRE PHEMlEh. 515
vilëges, ces libertés leur avaient été concédés volon-
tairement, librement, de plein gré et avec entière
connaissance de cause par des comtes ou des rois qui,
ajant eu k se féliciter de leurs services et de leur dé^
vouement, leur en avaient ainsi témoigné, peut-être
trop largement, peut-être aussi sans assez de discerne-
ment et avec quelque imprudence, toute Tétendue de
leur gratitude ; mais enfin ils en jouissaient paisible-
ment depuis des siècles; chaque nouveau roi promet-
lait solennellement de n*y rien changer, et Philippe IV
avait fait lui-même ce serment : rien de plus juste alors
de leur part que de chercher à se maintenir dans
cette possession. Tous les raisonnements qu*on fit à
cette époque , pour prouver que les Catalans avaient
tort de prendre les armes ne sont que des sophismes ;
le principal ouvrage publié dans ce but est celui du
prieur du couvent de Saint-Ânne, Augustin Bius, sous
le titre de Cristal de la vérité. Dans cet ouvrage « pleib
de paradoxes et de diatribes contre les Français, Rius
avance que les peuples, à raison de leur devoir de fi*
délité , et pour le maintien de la paix , ne peuvent
jamais exiger que les exceptions instituées en leur
dveur par les rois prédécesseurs du roi régnant et
jurées par celui-ci soient strictement observées par
lui; il veut établir que ces rois, jurant Tobservation
des pactes faits avant eux , même avec force de loi» ne
sont pas rigoureusement tenus de remplir leurs 6og«^
gements, tandis quau contraire le vassal qui a juré
316 LIVRE QUATRIÈME,
fidélitc cl obéissance ne peut être dégagé par rien au
monde de raccoinplissement de ce devoir. On conçoit
quen présence du pouvoir absolu, et entièrement
dans son intérêt, on puisse prêcher une doctrine qui
est Tasservissement brutal des peuples ^ mais elle n*en
est pas moins absurde , honteuse et immorale. Rius
n'ouvrait aux Catalans que la voie des supplications»
des remontrances, des plaintes, des réclamations; il
s*appuyait sur divers passages des constitutions de Ca-
talogne et, entre autres, sur la loi rendue par la reine
Marie, aux corts de Barcelone de i A^a. Cette loi in-
dique en effet les protestations et les remontrances
comme moyen légal de se faire rendre justice, en cas
de violation des privilèges et constitutions; mais elle
ajoute que ces moyens seront employés jusqu'à due
conclusion , de telle sorte que lesdits usages et autres
lois et privilèges susdits soient conservés et défendus.
Comment arriver à cette conclusion, les remontrances
ne suffisant pas sans la voie de la force? Une loi natu-
relle , antérieure à toutes les lois écrites , dit que qui
veut la fm veut les moyens, et Marie établissant en
principe que les privilèges doivent être conservés et
respectés , consent tacitement aux moyens de les faire
conserver et respecter autrement que par les protes-
tations, quand celles-ci ne suffiront pas; sans cette con-
dition, la loi des corts ne serait plus qu*une déception,
et telle n'était pas Tintention des membres do cette
assemblée. Ce que Marie ne dit pas , Pèdre IV lavait
CHAPITRE PREMIER. 517
et proclamé hautement, lors de Tunion du royaume
Majorque à V Aragon : Si lui ou quelqu'un de ses
successeurs voulait désunir ces parties du même
royaume , les peuples étaient maîtres de s'y opposer
par la force des armes. .
Mais , d un autre côté , tout avait changé autour de
la Catalogne , quand elle seule voulait rester immuable
derrière le rem part de ses privilèges et de ses anciennes
institutions. Ces privilèges, ces libertés n'étaient plus
en harmonie avec la marche de la nouvelle monarchie
qui, surtout depuis Ferdinand II, tendait manifeste-
ment à fabsolutisme et se débarrassait graduellement
de tout ce qui lui faisait obstacle. De plus, ces privi-
lèges étaient enviés, jalousés par les autres provinces
de l'empire qui, moins bien partagées, supportaient
toutes les charges, tandis que la Catalogne, retranchée
derrière ses fors , ne s'occupait que de ses propres in-
térêts. Le gouvernement voulant , et ici c'était son
devoir , faire concourir à la défense de Tétat et à la
prospérité générale, les efforts de tous les peuples
indistinctement, se trouvait dans l'obligation de pren-
dre quelques mesures pour détruire cet égoîsme d'une
province qui s'isolait de toutes les autres ; qui recourait
à la commune patrie quand elle avait besoin de son
assistance , mais n'entendait pas lui accorder eUe-mème
ses secom*s , en alléguant que ses privilèges l'en dis-
pensaient, ou qui, si elle consentait à les donner,
semblait imposer en même temps le poids, si lourd
320 LIVRE QUATRIÈME,
dignité'» , la députation et le conseil des Cent décidèrent
que le roi n étant pas encore venu prêter son scnnentv
le vice-roi ne serait pas reçu. Cette affaire se traîna
ainsi pendant deux ans; enfin la députation et la ville
de Barcelone députèrent à Madrid, pour presser le
monanpie de venir tenir les corts : Philippe donna sa
parole royale de se rendre en Catalogne dans le cou-
rant de raruiéc suivante, et, sur un engagement aussi
formel, toute opposition à ladmission du vice-roi iîit
levée.
Philippe vint en effet à Barcelone en 1 6a 6, comme
il Tavait promis; mais ce voyage, qui aurait dû être le
signal de Tunion des Catalans avec leur souverain, ainsi
qu il en avait toujours été sous les règnes précédents,
fut, en rétat où en étaient les choses, le principe
des malheurs du pays et de la révolution qui devait en
être la triste et inévitable conséquence : la faute provint
bien moins du roi que de son premier ministre.
En montant sur le trône , Philippe avait confié le
timon des affaires au favori de son enfance, don Gus*
nian, comte-duc d*01ivarès, dont le caractère souple,
insinuant et ambitieux s'était dès longtemps préparé
les voies de la grandeur. Du moment que le roi prit
les rênes de Tétat il lui donna le conseil d*arcabler les
Catiilans. Voici ce que Thistoriogniphr Siri met dans la
bouche d*un ambassadeur qui possédait, suivant lui,
la confiance des plus grands personnages Av la cour
d*Kspa;;ne : «Les personnes les mieux instruites des
CHAPITRE PREMIER. 521
« aâàires du cabinet espagnol assurent que le principal*
« conseil suggéré par le comte-duc à Philippe IV, lors-
«qu*il commença à régner, fut de donner aux Catalans
«quelque sujet de se révolter, afin de pouvoir ensuite
«les dépouiller légitimement de ces privilèges qui les
<» portaient à s élever avec tant d'orgueil contre Tauto-
«rité royale. 11 lui dit que le principal secret des mo-
tt narques était de favoriser les séditions dans les peu-
u pies qui ne peuvent supporter ni la servitude , ni la
«liberté, poiu* avoir droit de changer par la force des
« armes la demi-liberté dans laquelle ils vivaient , en
« une servitude entière , et de les traiter enfin comme
«des peuples subjugués. Cette doctrine, qui disait es-
« pérer au roi d^étendre son empire , flattait agréable-
«ment son oreille. Le comte-duc ne trouva aucun
a obstacle du côté de ce prince pour frapper au vif les
« Catalans, afin que la douleur, excitant en eux un plus
«grand ressentiment, offrît aussi plus de sujet de les
«châtiera»
Dans de telles dispositions, il n'était pas difficile
d'arriver au but. Plein de hauteur, le comte-duc d'OH-
varès blessa les Catalans , à qui non-seulement il ne
témoigna aucun égard , mais pour qui il montra au
contraire le plus grand éloignement , et qu'il affectait
même de prétendre réduire. La première tentative
qu'il fit contre les privilèges de la province fut d'exiger
qu'elle payât l'impôt nommé el qvdiUo, comme les
* Mercare de Viltorio Siri, livre IV.
II. ai
322 LIVRE QUATRIÈME,
autres. Les coris ayant réclamé, le ministère, qui peut-
être ne se sentait pas encore assez fort, s*était désisté
de sa prétention ; mais la tentative avait produit son
effet moral : elle avait suffi pour montrer aux Catalans
un ennemi dans la personne du second chef de Tétat.
A peine eurent-ils fait cette découverte , que la fierté
et la rudesse , traits distinctifs du caractère national ,
leur firent prendre tous les moyens d'accroître sa haine.
Leur dédain pour le ministre leur fit attaquer haute-
ment et à visage découvert Tidole devant laquelle était
prosternée toute TEspagne, et ils n'hésitèrent pas à
puhlicr que c'était chose indigne de la majesté royale,
que de laisser un favori distribuer la justice suivant
son gré et ses caprices.
Une scène tumultueuse qui eut Heu pendant la tenae
des corts, que Philippe présidait pour la première fois,
contribua encore à augmenter contre les Catalans Tan-
tipathie du ministre et laigrcur instillée dans le cceur
du roi. Le 3 mai i6a6, au milieu de rassemblée, et
en la présence du souverain, le duc de Cardone, fun
des principaux seigneurs catalans, outré des injures
que ]e comte de Santa-Coloma, Catalan lui-même,
mais partisan d*OUvarès, se permcttiit contre ses pro-
pres concitoyens, mit IVpée à la main contre ce sei-
gneur, qui avait tiré la sienne le premier. Une foule de
menibres présents imitant cet exemple et se rangeant
auprès de celui des deux rhampîonsdont ils partat^eaienl
1rs sentinuMits, la srèiie allait être ensanglantée.
V
CHAPITRE PREMIER. 525
quand les plus sages, s* interposant entre les deux partis,
firent remettre Fépée dans le fourreau. Le roi, efirayé
de cette action audacieuse , et pressé parle comte-<luc ,
moteur de la querelle et qui ne se regardait plus comme
en sûreté à Barcelone, en partit en secret le lendemain
matin '^ Dès que cette évasion fut connue dans la ville,
le conseil des Cent députa son conseiller en chef pour
aller témoigner au roi la peine que la ville et les corts
avaient ressentie de ce départ clandestin et lui offinr,
par une sorte d'indemnité de la scène si scandaleuse et
si irrévérencieuse dont on favait rendu témoin, une
somme de cinq cent mille écus qui fut acceptée.
Philippe revint à Barcelone en 1 632 et, cette fois,
une discussion eut lieu entre le comte-duc lui-même
et Tamiral de Castille. La noblesse et le peuple de la
ville s'empressèrent de prendre parti pour le dernier,
en haine du ministre^, ce qui ne fit qu'ajouter de nou-
veaux motifs à l'aversion qu'Olivarès leur avait vouée.
Décidé à les poursuivre de toutes les manières, ce
ministre affecta, dès ce moment , de ne les plus consi-
dérer que comme des rebelles , et il les rendit tels en
effet.
L'occasion de faire le bien, quelque firéquente
qu'elle soit , ne l'est jamais autant que celle de Ëdre le
mal. Olivarès voulait humilier les Catadans : l'occasion
ne pouvait pas manquer. Avant de quitter Barcelone,
* Félin de la Pena, Annal, de Catal.
« Siri,IV.
31.
32'i IJVKE QliMHIKME.
Philippe avait iioiiinié vice-roi de la principauté le
cardinal-inlant , son oncle. Au moment où ce prince
allait prctcr son sennent, le protonotaire ou secrétaire
d'état commanda h tous les grands réunis pour cette
cérémonie d*ôter leur bonnet et de rester la tête dé-
couverte, sans aucune exception, pas même pour le
duc de Cardone : c'était une infraction aux droits delà
provin(*o. Le duc de Cardone obéit, et Tun après lautre
tous les assistants suivirent son exemple. Cet acte de
faiblesse fut vivement blâmé par le conseil de ville,
qui trouva avec raison que ces seigneurs auraient dû se
retirer au lieu d'abandonner leurs prérogatives. Des
plaintes furent portées h la cour, et le ministre triom-
phant fit donner droit au cardinal. Le conseil des Cent,
irrité, défendit alors h tous ses membres de concourir
h rien désonnais ave<^ le vice-roi, cl ce décret fut
exécuté le jour même delà Fête-Dieu : aucun d'eux ne
parut à la cérémonie.
Le cardinal-infant ayant été envoyé en Flandre peu
de temps après, le duc de Cirdone fut nommé vice-
roi à sa place : c'était pour le ministère un raflinement
de plaisir (|ue de faire d'un Catalan même l'instrument
de SCS vengeances contre la Catalogne. La première
opération imposée au vice-roi fut la poursuite de cette
même tentative qui avait i choué déjà une fois : celle
de faire payer le tjuinto. Quelques réclamations qu'on
fît . cette fois il fallut obéir.
Dans le svstème d'hostilités combinées contre la
CHAPITRE PREMIER. 325
Clatalogne, il fallait afiaiblir Barcelone en privant cette
ville de la plus grande partie des avantages dont elle
jouissait. Pour premier moyen d exécution, il fut or-
donné au vice-roi de transporter à Girone Taudience
royale de Catalogne , mesure à laquelle le conseil de
ville s opposa vainement. Depuis ce moment, chaque
jour fut signalé par quelque nouvelle persécution : les
pécheurs catalans forcés de servir comme matelots;
les cautions refusées pour les prisonniers du pays que
les lois de la province affranchissaient d*une détention
de plus dtun mois quand ils of&aient ces garanties; les
Catalans retenus arbitrairement sur les galères après
l'expiration du terme de leur engagement; la ville de
Barcelone privée de sa juridiction sur les médecins;
une foule de causes enlevées aux tribunaux de la pro-
vince pour être portées à la connaissance de tribunaux
étrangers ; les demi-annates étendues sur la Catalogne
suivant le bon plaisir du gouvernement; la faculté de
mettre en séquestre les abbayes, au préjudice de la
principauté , tout cela en violation des droits et des
privilèges du pays; des alcaydes etgarnisons étrangères
mis dans les places fortes , au mépris du droit qu avait
la province de se garder elle-même ; la levée des droits
dévolue à la députation, dont on la priva; ses magasins
enfoncés pour en enlever les marchandises qui s*y
trouvaient; les avocats et assesseurs adjoints à la dé-
putation, forcés de se retirer, la faculté de pouvoir
remplacer h volonté les oiliciers dont les constitution^
326 LIVRE QUATRIÈME,
rendaient les chai^ges triennaics; Tordre publié à son
de trompe , que tout Catalan , sans exception , qui aTait
porté les armes eût à les reprendre pour faire la guerre,
sous peine de vie ; une foule d'autres mesures , de plui
en plus tyranniques et violatrices des libertés, que
chaque instant voyait éclore , poussaient k cette inaar-
rection que le ministre pressait avec tant d*ardeur« ^*il
attendait avec tant d'impatience : nocher imprudent
et présomptueux , qui ne savait pas qu'on ne joue pas
impunément avec les tempêtes, sur une plage hérissée
de récifs, qui, pour satisfaire la plus ignoble des
passions , ne craignait pas de compromettre la gloire
du prince, la sûreté de l'état , l'intégrité de la couronne,
et de pousser la monarchie sur les bords d'un abîme
où ses inhabiles mains n'étaient pas capables de rarrê^
ter. C'est cette intention coupable qui avait (ait entre-
prendre rex|)édition de Leucate.
Après le funeste résultat de cette campagne, le lo-
gement des gens de guerre devint une nouvelle source
d'oppression. Les ordres les plus odieux avaient été
donnés aux généraux |)Our écraser la province et ses
hai>itants. Le comte de Cerhellon, officier plein
d'honneur et qui s'était couvert de gloire en Italie,
forcé d'accepter un commandement qu'il prévoyait
devoir compromettre son nom par les fins dans les-
quelles s'entreprenait cette campagne, était mort de
rhagrinà Perpignan, peu de temps après la catastrophe
drLeurate, et le romte-dnr l'avait remplaré par un
L-(iiiv(.-iiancc, Icmarquisd
RuIbusoM. lit! dur de Cardonp avait eu aussi pour sac-
c^ssrur, dans la digntti^ de vice-roi. le comte de Santa-
Colonia , tout dévoué au miuistre , au préjudice de too
propre pays , et qui devait payer de sa vie ce funeste
dévouPDiPut.
Les iiisti'uotions que ce vîrc-roi rrcevsil de la cour
)e ressuntait'ut de iL-sprit qui unîinait le comie-dlic :
(■Itvs sont la honte de ccliiî qui i>^ dictait comme de
relui qui présïdnit à leur eiiéeutioii. Dans une dépêche
du 3 octobre i63if, dan» laquelle les Français snni
traités de (calvinistes, ce ministre ajoutait ees mots, de
Kit propre main : «Qu'il no reste pas. dans touti.- la
«province, un nrlisan qui n'aille ^ la {i^ierre et aucune
ti femme qui ne sei-vc à porter sur se» épaules la paille
«et le foin et tout ce qui est nécessuro au bien-être
« do la cavalerie et de l'armée. — Quant k votre lit . s'il
" n'est pas bon , enlevé» le leur aux chevaliers le* plu»
•■nobles de lu province, jusqu'Jï les faire coucher par
" IfiTe '. — Si vous aves besoin de pioniiicr» , écrivait-
H il te 1 /i du mîïmc mois, prenez-en |>artoul où il s'en
« trouvera, dussiet-vous les faire garrotter. — Qu'on crie
» contre votre Aeigneuric jusqu'à la lapider, il en résul-
« tera votre gloire cl le bien de la province. » Le 1 6 jai»-
vier suivant il le charge de forcer la noblesse de lever
' Co^iia dr tut curfeu. rie, {'.a iettrm ont 6t^ ini|iriaién i li «uila d«
■liv«TBv« briH'bun)» ilu temps, publia» 1 Barrrlonc ; eWn wiit auMÎ
dan* le IbieaMl i'Kvàtrr!
328 LIVKE QUATRIÈME.
des soldats à ses irais et de veiller à ce que ceux qui
sont sous les armes soient logés non pas seulement
bien , mais plus que bien. Vainement Tintérêt du bien
public est-il invoqué à tout instant dans ces détestables
dépécbes ; la furie est le fond des pensées , et la haine
la plus mortelle en est le seul sentiment.
La soldatesque n a jamais besoin d*ctre poussée au
mal ; trop portée à tous les excès par la grossièreté de
ses mœurs et par Tbabitude de la vie licencieuse des
camps, elle exige une surveillance de tous les instants
pour ne pas abuser de sa force contre le citoyen pai-
sible, trop souvent encore victime de cette propension
au désordre; mais de quoi n^est-elle pas capable si on
Texcite au lieu de la contenir? L*armée espagnole, se
voyant autorisée à violenter les habitants, usait large-
ment d*une aussi funeste condescendance. Les Cata-
lans indignées avaient déjà manifesté plusieurs fois
leur mécontentement, et chacun pouvait facilement
prévoir que Icxaspération à laquelle on les poussait
finirait par quel(|ue catastrophe.
>(>.^!K De violentes rixes eurent d'abord lieu en Roussillon.
La ])remitTe s(*èiie de désordre qui se passa à CoUioure
parait avoir eu pourorij^ine la cause la plus frivole;
mais létal de frénésie auquel étaient poussés les Cata-
lans devait donner un caractère de gravité aux événe-
ments les plus futiles. L'ii soldat castillan prend des
mains d*unefenmie une cruche pleine d'eau, et en place
le goulot entre ses lèvres , au lieu de faire jaillir frau
CHAPITRE PREMIER. 329
dans sa bouche sans toucher au vase, suivant la mode
du pays. Injiuîé par quelques Catalans , à cette occa-
sion , ce soldat est soutenu par ses camarades ; des
coups se donnent, une bataille a lieu, et le gouverneur,
don Antoine de l^enmenat, la fait cesser en tirant le
canon du château sur les combattants ^ À la nouvelle
de cette sanglante querelle, le vice-roi, qui se trouvait
à Perpignan , donne ordre aux soldats étrangers de se
rendre dans cette dernière ville, et leur arrivée est le
signal d'une nouvelle collision. Le 29 juillet ils se ren-
contrent avec des soldats catalans dans les rues de
Perpignan, un feu de mousquets et d*arquebuses
commence, et dure pendant une heiu'e entière; cinq
personnes y perdent la vie, et, pour séparer les partis,
un religieux se jette entre les combattants, le saint
sacrement à la main. Féliu de la Pena dit que ce cha-
ritable moine périt dans le conflit , mais un témoin
oculaire , le notaire Paschal , qui cite aussi ce trait de
dévouement, ne parie pas de cette funeste issue. Le
vice-roi, pour séparer les étrangers des soldats du pays,
fit monter les premiers à la citadelle. Il parait qu*on
ne les y laissa pas après le départ de Santa-Coloma,
puisque le 1 3 septembre une nouvelle rixe eut encore
lieu. Un paysan rentrant en ville avec des paniers de
raisin, du produit de ses vendanges, un soldat castillan
voulut les lui enlever; les Catalans prennent le parti
de leur compatriote, les Castillans viennent au secours
^ Felia de la Pena, Annal, de CaUd. XX, 3.
330 LIVRE QUATRIEME.
(lu lcui\ uiir hataille à coups d'arquebuse s'engage
cuire des bandes qu on évalue è huit mille hommes,
et la nuit seule peut mettre fin à la mêlée , après une
durée déplus de six heures, et après quun grand
nombre de morts et de blessés a couvert de sang les
pavés'.
* Manuscrit de Fierrc Paschal.
CHAPITRE DEUXIEME. 331
CHAPITRE II.
inuatlon du système d*oppressioD. — Doléauces des Cata-
^^ns repoussées. — Elxplosion de la révolte. — Mort du viee-
ux)!. -^ Emeute dans Perpignan. -^ L'armée, chassée de Ca-
talogne , se jette en Roussillon. — Désastre de Perpignan
>
L*irritation , qui était déjà si grande en Catalogne ,
avait été portée à son plus haut période par le retour
de Tannée espagnole, après la reprise du fort de Salses.
Cette armée n*était qu un ramassis des bandits de tous
les pays : Flamands, Milanais, Napolitains^ Sidliens,
Castillans, Valenciens, Âragonnais et gens d'autres
lieux encore, s y trouvaient pêle-mêle.
Dans Tobjet de diminuer les forces delà province, ,64o.
le comte*duc avait ordonné au vice*roi d'enrôler six
mille Catalans pour les envoyer en Italie; mais conune,
par les constitutions du pays, aucim soldat catalan ne
pouvait être extrait de la principauté, le roi^ qui crai-
gnait une commotion prénoaturée, avait écrit lui-même
au vice-roi d'user d'artifice pour les expatrier : recom-
mandation indigne de la majesté du trône, dont la
loyauté la plus scrupuleuse devrait sans cesse diriger
les actions.
Le ministre à qui doit être imputée la pensée de
532 LIVRE QUATRIÈME.
toutes (*es odieuses menées épuisait encore la princi-
pauté , en exigeant qu'elle pourvût à la nourriture, à h
solde et à l'entretien des troupes qui la couvraient,
d'après un tarif que le vice-roi avait été chargé de
dresser lui-même et qu*on trouve à la suite d*une de
ses lettres ^ Indépendamment de l'énorme quantité de
fourrages qu'on exigeait pour la cavalerie, et de la
fourniture des quartiers pour le logement du train,
des bagages et de tout le matériel de l'armée , on fiiisait
encore surcharger les villages de soldats que les habi-
tants étaient obligés de nourrir comme ils Texigeaient.
Le comte de Santa-Coloma , qui reconnaissait Timpot^
sibilité où se trouvait l'habitant de fournir plus long-
temps ik de pareilles dépenses, réclamait lui-même,
le 1 2 février, un allégement au poids dont on accablait
la Catalogne; mais les plaintes d'un homme qu*on
savait cependant tout dévoué au comte-duc, loin d'être
écoutées , ne servirent qu'à faire redoubler de rigueur,
afm de faire éclater cette révolte générale qu on sem-
blait attendre avec tant d'impatience. Poussé par son
favori , le roi trouva mauvais que Santa-Coloma n*eùt
pas exécuté rigoureusement ses ordres , et, en réponse
à sa dépêche, il lui mandait le 38 du même mois : « Si
uvous avez lu mes lettres avec attention, vous avec vu
« qu'il vous est enjoint de loger les gens de guerre dans
(( les villages , de façon qu'ils y soient toujours plus
«nombreux (|ue les habitants. De cette manière, se
' Lfltre du 1 9 mars.
CHAPITRE DEUXIÈME. 333
isani respecter par eux , tout s*aplanira et s'ajustera
omme il convient.» Un langage si impertinent, si
politique et, disons-le, si immoral, n est que celui de
passion haineuse que la main d'Olivarès plaçait sous
plume du prince. Dans la lettre que ce favori adressa
e son côté au vice-roi, lettre dans laquelle Olivarès
^r^écapitule les vrais griefs de la cour contre les Catalans,
:*est-à-^ire les produits de cet égoisme qui les rendait
étrangers à la monarchie, et qui était réellement con-
^mnable, il lui dit qu un homme comme lui aurait
dû faire déjà des exemples.
L'autorisation donnée aux soldats de maltraiter les
habitants , autorisation véritablement renfertnée dans
ces mots de la lettre d*01ivarès dont nous venons de
parler, ull n*est pas étonnant que ceux quon laisse
« manquer du nécessaire se livrent à des excès dont on
«ne peut les rendre responsables;» paroles d'autant
plus inconcevables qu'elles sont la réponse à ces au-
tres paroles du vice-roi , « Les capitaines eux-mêmes
« rapportent que quand bien même les villages vou-
« draient faire de nouveaux efforts , ils n'auraient pas
a de quoi sustenter les soldats,» cette autorisation,
disons-nous , portait ses firuits : ces soldats se livraient ^
sans contrainte à tous les genres de violences et de bri-
gandages. Les nombreuses et vives plaintes des habi-
tants ayant porté le vice-roi à réunir ime junte pour
adresser des doléances au monarque, le courroux des
Catalans rendit orageuse cette assemblée. Le vote du
35(1 LIVRE QUATRIÈME,
marquis de Villafraiica fit pressentir ce qui ne pouvait
tarder d'arriver. Après avoir eiposé combien étaient
injustes les charges dont on frappait une province qui
avait fourni d elle-même, pour la présente guerre,
vingt-cinq mille hommes, il proposa de diviser les
soldats espagnols de manière à ce qu*il n'en restât pee
plus de dix par paroisse, ce qui aurait allégé lefàrdeen
pour tous , et aurait en nu*me temps forcé ces scJdats
à rester dans leur devoir. « Le caractère du Catden ,
a ajouta-t-il , est peu endurant. En voyant son paya
a ravagé par des bataillons armés , il doit ou se son-
u mettre ou se préparer k la résistance. Le premier
u parti sefa très-difficile à ses inclinations coun^^euseï,
« tandis que le dernier est tout conforme à son homeiir
« martiale ^»
Les doléances de la junte parvinrent au roi plus
modérées qu'elles n avaient été proposées. Les Catalans
rappelaient au monarque les services qu'ils avaient
rendus dans la dernière guerre , les efforts de la pro-
vince pourfonner une année nombreuse et la fournir
do vivres, de bagages et de moyens de transport, le
tout à ses frais, faisant sans cesse de nouvelles levées
pour tenir au com])lct le nombre de ses soldats que
dérimaient les travaux de la guerre et les maladies;
les pertes effrayantes que fit l'armée catalane dans les
différents combats, et qui do vingt-cinq mille les ré-
duisit à huit millr en moins do quatre mois; iisajou-
( Friiii (le U Pena
CHAPITRE DEUXIEME. SSfi
^'Â^ml que de nuuvciius efforts ayant organisé une
'^^roiidearm^e. c'était princif>al(.'meiit à sa videur c|ii'on
^'^raildù les su<-cè& obtenus dans la dernière eipéditioii,
^». lorsque la Catalogne, fifcrc de son dévoueiiivul .
■^attendait aux tVdii:itations de sa majest<^ et aux r^
«Mimpenses que le trône ne refuse jamaÎA À une con-
duite loyale et g(^néreiise, elle n'éprouvait, aucontraîrt^
qu« des rigueurs et un Iraitemeiil pire que si clic
ï'i-lait monti-t-e en ennemie. Cette oppression, aggra-
vée par des uicurtrcs, des incendies , des sacrilt^s
leU que des barbiires :<euls pourraient s'en rendre cou-
[lables, avaient aigri lesesprits à tel point, qu'il nu
pouvait en nïsultcr c{uii de grands dommages pour
U chose publique. La pi^ce se terminait par une
bumble supplique au roi. de faire porter, avec toute
la promptitude que réclamait la gravité des cireoiis-
tARCes, un remède eflicaeu k ces maux, ofm que ses
(idoles sujets, animés par cette récompense, se mis-
sent en mcsm'e d'en mériter di^ plus grandes'.
Ces remontrance», au lieu d'obtenir i'elTct qu'elles
devaient produire . no firent qu'aggraver lus torts des
Catalans aux yeux de la cour, et la Catalt^ne fut irai-
tée en pays conquis. Le détail des excès que commet-
taient les soldats est cnrayanl; ce n'est partout que
meurtres, viols, pillage chéries pai'tîcuUei's , saiTÎlé-
ge» et ])rofanation5 dans les églises, incendies et dé-
vastations dans les fennes et les campagnes.
' Fcliu de la fei'ia.
♦
336 LIVRE QUATRIEME.
Par une longaniinito qui n est pas ordinaire dans le
caractère catalan, les paysans avaient d*abord eu re-
cours aux tribunaux contre ces excès; mais, enc<M«
par Tordre exprès du comte-duc, le vice-roi avait dé-
fendu aux avocats de prêter leur ministère k ces sortet
de causes. Alors les Catalans exaspérés virent qu*fla
n avaient plus de justice à attendre que de leurs armes,
et ils les saisirent : le terrible cri de via-fora^ retentit
dans toute la province, et le besoin pressant de la
vengeance mit en peu de temps sur pied toute la popu-
lation. De nouveaux ordres de la cour précipitèrent
lexplosion au lieu de Tarrèter. L*irritation était réci*
proque à Madrid et en Catalogne, et le ministre ne
voulait guérir le mal qu en taillant dans le vif. On était
au moment du carnaval. Les corts s étaient assemblées
extraordinairement, et leur réunion, quoique déguisée
sous un titre diiTérent^' , nen était pas moins iil^;Me.
puisqu'elle n avait pas été ordonnée par le roi. Diveis
membres s'étaient prononcés avec véhémence contre
le gouvernement, et fun d*eux en était venu jusqu'i
proposer de supprimer les amusements que comporte
cette époque , et de se vêtir de deuil comme dans une
calamité publique. La cour, qui en fut informée par
* Cest un cri d*aUnne qui ne m pouuait que dans les ciroonstaaeet
Ips plus critiques; celait comme le tocsin oral. On le pouaait aoHi
dans les incendies: \îa-Jora,Joch!
' On avait donné à cette réunion le nom à^Auemhlèe de» bru. ou
des états, ce qui n>n détruisait pu Hllégalité, puisqu'au roi seul en
cippartrnaît la ronvoration.
CHAPITRE DEUXIÈME. 557
1« vice-roi, ayant ordonné rairestation des principaux
séditieux, on jeta dans les prisons un député du clergé ,
viommé Claris, chanoine d'Urgel et président de ras-
semblée , un député militaire nommé François de Ta-
marit, et deux conseillers' du conseil des Cent. Le
second de ces prisonniers devait être transféré dans la
citadelle de Perpignan, mais cette translation ne put
avoir lieu. Le a a mai, environ quinze cents paysans,
précédés par une croix, entrèrent processionnellement
dans Barcelone et parcoururent les rues en proférant
le cri ordinaire des révolutions espagnoles : a Vive le roi
« et meure le mauvais gouvernement! » La populace se
réunit à cette prétendue procession, et tous ensemble
se portèrent à la prison , d*où ils enlevèrent les pri-
sonniers politiques, qu*ils ramenèrent en triomphe
dans leurs maisons. Contents de cette facile victoire,
qu on ne leur disputa pas , ils se retirèrent ce jour-là
sans commettre d autres désordres,
La nouvelle de cette première émeute inquiéta Tin-
dolent monarque espagnol qui, moins haineux que son
ministre , n avait pas peut-être Fintention bien arrêtée
de pousser les choses aussi loin. Ce prince s empressa
de mander au vice-roi de prendre des mesures effi-
caces pour étouffer ce germe de révolte : il n*en était
plus temps ; la fermentation des esprits était telle,
qu*il fallait que Tinsurrection parcourut toutes ses pé-
riodes. L^occasion d*éclater avec violence se présenta
un mois après cette émeute en (aveur des prisonniers.
11. aa
i6io.
538 LIVIIE QUATHIEME.
JiO 7 juin, jour do lii Fête-Dieu, époque à laquelle
les bandes de moissonneurs arrivent ordinairement k
Ikircelone, pour se mettre à la disposition de ceux qui
veulent les employer, un incident qui n*eût jamais pu
compromettre la tranquillité publique dans un temps
ordinaire devint le signal de bouleversements dont
les résultats devaient ébranler dans ses fondements b
monarcbie des deux mondes. En entrant dans la vflle,
ces moissonneurs, gens toujours turbulents et dange-
reux, s'étaient portés sur la place de la Rambla, où îb
ont coutume de se tenir. I^ domestique d*un alguasil
examinant avec beaucoup d'attention un de ces
paysans, une querelle s élève entre eux , et le paysan,
(|ui avait sans doute des raisons poiur désirer de n*étra
pas reconnu, s'enfuit dans la grande rue, poursuivi
par son adversaire, qui le frappe de deux coups de
couteau. A ses cris, ses compagnons se précipitent
dans c<'tte rue, où se trouvait Ir palais du vice-roi. Les
soldats qui y étaient de garde, sans s'enquérir de la
cause de ce tumulte, imaginent d'en disperser les au-
teurs k coups de fusil , et leur feu tue un des moisson-
neurs. A cette vue , la rage s'empare des autres , et tous
sVerient qu'il faut bnMer le ])alais du vice-roi. I)e toute
part on se dis|iose h f;)ire succéder felfet h la menace.
Aux cris de ces bandes furieuses, les moines de
Suiiit-Fi*anrois , dont le couvent était en face du palais,
sortent en toute diligence, et, pour arrêter IVxécution
(fun dessein aussi désespéré, ils posent une rroix sur
p
I
CHAPITRE DEÏÏXIKMK, 5oO
' boùd^à flntasM^ puur produire l' incendie , mais le»
rviobsoniiRurs la retirent et continuent leurs prépara-
sjls. Mon les religieux vont clierclier le saint »aci'«>
»-nent, qu'ils plucent sur un autel dressé A lii liâte de-
^■ant leur porte. Cette fois lys paysans n'osenl passer
outre; mais ils cnurent assuuvîr leur vengeance uir
«('autres (édifices, qu'ils livrent aux Hammes avec tout
€P. qui s'y trouvait. Les domestiques de l'holol du duc
de l'Vrmndina , voulant lo défendre, sont tous massa-
vrèM. Dans ce même temps , quelqu'un ayant fait courir
le biiiil que le conseiller Joseph Massana venait d'êtr**
tué par un e<mp paiiti d'une fenétie. la populace, (ju'on
eherchaiti mettre de la partie, fie croit outragée dans
la personne de l'un des chefs de son aduiinistmtioii, et
n^pond aussitàl À l'appel qn'ou lui f»il : de cet instant
il ne resta plus aucun moyen de rétablir l'ordre.
Au moment où le tunnille commençait dans lu
grande rue. les membres du conseil des Cent se trou-,
valent réuui« à la cathédrale pour la solennité du
jour. Informés de ce qui se passait , ils avaient r«mnt
chesle comte de Santa-Coloma . pour le sauver des
mains des moissonneurs; mais ceux>ri avaient déjà
i-enoncé à incendier ce palais, l^es conseillurs, qui
connaissaient l'aïuniostlé du peuple conti'c le vice-roi,
jugeant prudent de profiter de eti moment de répil
pour le faire évader, le conduisirent À l'arsenal de la
marine, qui leur paral^isaJI oiVrir pour lui {diude
chances de tiùreté. Sur ces entrefaites, on vurtait da
5/lO LIVRE QIIATIUKME.
(lérouvrir clans l'hôtel du conseil royal, livré
flammes , la correspondance du vice-roi avec le gou-
vernement , et cette d<^couverte , qui dévoilait le secret
du plan d oppression médité et suivi contre la Cata-
logne, ajoutant une nouvelle force k la fureur dont
était déjîi transporté le peuple de Barcelone, avait
décidé h prendre paii h Tinsurrection tous ceuv qui
jusquc-l(^ scn étaient abstenus. liC tumulte venait
d*augmenter de la manière la plus ellrayante; des voci-
férations, des cris de rage s élevaient de toute part,
croissaient d'instant en instant , se rapprochaient tou-
jours davantage de Tendroit où se trouvait Santa*
Coloma. Jugeant bien qu*il ne pouvait plus y avoir
pour lui aucune voie de salut s il n^ahandonnait pas
Barcelone , ce vice-roi se décide à s embarquer sur une
galère génoise qui était «^ Tancre dans le port, et il en
demande fembarcation ; mais il a Timprudence de
(|uitter sa retraite avant que cette embarcation ait
touché le rivage, et , aperçu , il est aussitôt frappé d'un
coup mortel.
Les soldats de Tarmée espagnole, dont les innom-
brables excès avaient tant contribué h amener cette
crise, poursuivis. alors <^ outrance par les Catalans*
coururent chercher un refuge en Roussillon, et se
présentèrent devant Perpignan if i i juin : un dé-
sastre épouvantable y signala leur arrivée.
Un des privilèges des Catalans était de n être pa.^v
tenus au logement des gens de guerre. |ya|)rès les lois.
%«jutcs les troupes devaifiii être casernées daiis les
CVHis.et.siuiie circonstance extraordinaire amenait un
l^slu» grand nombre de soldats que les quartiers n'en
%3uuvai(.'nt recevoir, il fallait le cuiiscntL'iiicnt du corps
municipal pour que l'excédant fût rei;u chez les [wrli-
culiers. Au moment où les bandes chassies de la Cata-
logne se ruaient sur le Roussîllon . la ville de Perpignan
venait d'être le th(^àtre d'un grave désordre à l'occiision
de res logements. Le k de juin les consuls avaient pris
une délibération dont l'objet, resté inconnu, fut sup-
posé relatifs la réception, dans la ville, des soldats
du prévôt. Le bruit s'élant répandu en même temps
que le premier consul , don Juan des Camps , avait été
le moteur de cette décision , le peuple se porta tumul-
tueusement vers sa maison, où heureusement il ne se
trouvait pas; mais celte maison fut pillée, malgré ief
eflorts de la garde de la porte Saint-Martin, aceouruii
pour la défendre. L'émeute ne cessa qu'assez tard aux
décharçes réitérées de l'artillerie de la citadelle tirée sur
cette partie de la ville. Personne ne périt de la canon-
nade, mais, au milieu de Iei rixe, deux soldats étaient
morts et plusieurs autres avaient été blessés '-
La commotion tpit venait d'avoir lieu, sur le simple
soupt^'on que l'autorité voulait doimer le logement en
ville k quelques compagnies , ne laissait Hucuii doute
sur les dis]K)sitions du peuple de Perpignan contre ce
It^ement. Quand les bandes reOuanl de la Catalogue
i
542 LIVRE QIATRIEME.
se préseiitèi*ent devant cette ville, la demande d'ad-
mettre les soldats chez les particuliers fut adressée aox
consuls par le marquis Xeri de La Rena , capitaine gé'
nierai de Roussillon , et par les principaux capitaines
de larméc : Philippe de Guevarra, Liéonard Mida«
le comte de Tirconcllo, Jean de Arc, Martin de
Los Arcos et Pernand Xirino, qui signèrent toui la
lettre.
La réputation de ces soldats les avait devancés en
Roussillon; on n'ignorait ni les désordres qu ils avaient
excités en Catalogne ni les excès qui les en faisaient
chasser. Les consuls répondirent à la demande do lo*
gement « que les habitants donneraient volontiers leur
uvie, leurs enfants, leur fortune pour le service ém
«roi, mais que l'expérience avait appris combien 9
«était préjudiciable de donner le logement, et que
« cette même expérience avait porté le comte de Santa»
ttColoma è leur donner, par trois fois différentes,
c( Tordre de faire monter au château toutes les troupes
uqui se présenteraient devant la ville, sans en ad>
(( mettre aucune dans l'intérieur. » Cette réponse ayant
niécontenté les officiers, trois d'entre eux, La Rena,
Guevarra et Mola écrivirent de nouveau ce même
jour, 1 1 juin , « que leur dernière résolution était que
n les troupes fussent reçues dans la ville cette nuit
« mt^me, décidés qu ils étaient à consen'er envers les
» amis et envers les einiemis le crédit et lu réputation
0 (|ui convenaient h leui*s armes. »
CHAPITRE DEUXIÈME. 543
Quelque dangereux que parut le parti de retiiser la
«lemande de ces officiers , le peuple ne voulait pas en-
tendre parler de logements de militaires. Les consuls
cherchèrent à entrer en accommodement avec le ca-
pitaine général, en l'assurant que ses soldats ne man-
queraient de rien dans les quartiers et qu'ils en fai-
saient eux-mêmes leur alTaire. Martin de Los Arcos,
gouverneur de la citadelle, descendant alors à l'bôtel
de ville , assura le corps municipal que lea soldats
Rentreraient point dans la ville» pourvu qu*on,y re-
çût le général et les principaux capitaines. Cette de-
mande étant accordée par les consuls , de Los Aroos
remonta à la citadelle \ mais La Rena, qui voulait faire
piller la ville ^ ne se contenta pas de cette réponse « et,
sans autre explication « il fit commenoer à cancxuier
les maisons et à lancer un certain nombre de bombes.
A une attaque aussi imprévue que peu méritée, les
Perpignanais prirent les armes , des barricades s*âe-
vèrent de toute part dans les ruea^ et on se dispcna
k la défense. L'évêque de Perpignan , effimyé deè ter-
ribles conséquences que pouvait avoir utie résolution
aussi désespérée^ s'était revêtu à la hàle de ses orne^
ments pontificaux, et, le saint sacrement dans ses
mains et sans dais , 3 monte à la citadelle , aocom^
pagné de tout son clergé. A cet aspect, le feu cessa ^
et les pourpariers recommencèrent. Les chefs de Var^
mée adressèrent aux consuls la note suivante :
« On donne deux heures de délai pour répondre.
54A LIVRE QUATRIÈME.
a Ce que la ville doit faire pour éviter le chêthniBit
u des armes de sa majesté est ce qui suit :
« i"" Qu*on se décide k loger tout ou partie de l*i
a mée comme il convient au service de sa majesté;
« 2'' Qu*on s oblige k donner Tartillerie et les
<t nitions , pour qu'on les place au point qui scn k
tt plus convenable au service de sa majesté;
« 3"^ Qu on détruise toutes les fortifications et bw-
« ricades qu'on a faites contre larmée de sa majesté;
tt 4* Qu'on se mette en mesure de prendre, avec
a Taide de larmée , les complices et rebelles du prévAt
« général ^ ;
tt 5* Qu'on écrive des billets à toutes les villes da
« comté pour leur faire comprendre que la rébdUott
ttctles troubles de quelques-uns ont causé le diilfc*
tt ment éprouvé, et que , si elles ne font pas ce qui esl
ic commandé et ce qui est convenable au service de
ttsa majesté, ceux de cette ville aideront toujouis à
« les châtier comme elles^le méritent.
« Ont signé , le marquis de La Rena , Juan de Afce»
« le comte TirconcU , don Âlvar de Quinones , Piiir
« lippe Guevarra et Léonard Mola. n
La remise de cette sommation avait été suivie de
ia convocation du conseil de ville, afin d'aviser à ce
' Nous ne trouvons dans les nuinusciits du temps, ni dan» lea pî
publiées à cette époque sur toutes ces aflaires, ni dans les histofMiB
rien qui éclaircisse cette question des soldats du prévAt. Peut-ètra ce
prévM avait-il fait punir quelques-uns des soldats coupables dVicès» K
cette conduite aurait attiré sur lui et ses gens la haine de Tarmét.
CHAPITRE DEUXIÈME. 545
qui! y avait à faire; mais, comme personne n'osait
ouvrir un avis , on se détermina à consulter le peuple
lui-même, qui se trouvait réuni en foule autour de
rbôtel de ville. La demande du logement fut unani-
mement rejetée , et les habitants se montrèrent plus
que jamais décidés à repousser de tous leurs efforts
des soldats qui, précédés par d'aussi funestes antécé-
dents, s'annonçaient à Perpignan d'une manière aussi
hostile. Sur ce vœu général, les consuls répondirent
à la sommation dans les termes suivants ^ :
«Au premier article, que les désordres commis en
« Catalogne par les soldats et les menaces qu'ils font
« contre la ville éloignent encore plus le peuple de les
« loger ; qu'ils ont fait tout ce qu'ils ont pu pour les y
«décider, sans réussir; qu'ils pourvoiront à ce qu'il
« ne manque rien aux soldats dans les cantonnements
«hors de la ville.
« Au deuxième article , qu'ils ont l'artillerie et les
« munitions pour le service de sa majesté et la dé-
« fense de la ville , et que le tout est toujours à la dis-
« position de sa majesté.
a Au troisième article» qu'il n'est pas temps oppor-
« tun pour arrêter les soldats du fNrévôt, parce que ce
« serait augmenter les inquiétudes du peuple ; qu'en
^ Toutes ces pièces se trouvent dans le Liber ordinaiuumm, de U
manière que nous les donnons ici \ nous ne faisons que les traduire. Lea
lettres qui accompagnaient probablement ces pièces ne sy troavent
pas.
546 LIVRE QUATRIÈME.
u temps et lieu on donnera toute assistance pour ifue
« le service de sa majesté soit rempli.
«Au quatrième article, qu'il ne leur appartient pM
a d'écrire aux autres villes, que c'est là rafiTaire dm
a gouvernement, n
Le courroux de La Rena , & cette réponse « te ma»-
Testa par un nouveau feu du château contre b viHe.
L'évèque remonte encore À la citadelle sous la prolM-
tion du saint sacrement ; il veut faire entendre nmm
au capitaine général, Itii montrer les défenses réitdfëés
du vice-roi de recevoir aucun soldat dans la ville : La
Rena ne veut rien écouter; il se contente dedoimar
au prélat une sorte d'altimatam, dans lequel il déclare
«que ce n'étaient pas les désordres des soldats» nuds
« bien le refus des logements qui avait occasionné œ
a qui était arrivé en Catalogne ; que tout le comté
(( étant en insurrection et les armes k la main , c*éliit à
u la ville k donner un bon exemple; que, si on ne les
tt recevait pas , ce qui s'ensuivrait serait la fiiule des
«consuls; qu'ils attendront deux heures, sans phu,
(( pour la réponse, avertissant que s'ils se logent par
u force ils brûleront et saccageront tout , et que la
« faute ne leur en pourra être imputée. »
Ils donnaient jusqu'au lendemain , i A du counuit.
pour dérider le peuple.
Cet ultimatum jeta les consuls dans une nouvelle
perplexité : ils étaient trop certains cpie l'exécution
suivrait la menace ; mais comment faire consentir las
CHAPITRE DEUXIÈME. 5k7
l:M.aibitaiits à ce qu*on exigeait d'eux? Les membres du
^néeil municipal , les nobles , des prêtres , des moines
répandent au milieu des groupes; ils exhortent,
^Dressent, supplient de consentir, dansTintérêt de la
^viile , à ce qui est demandé par dès forces auxquelles
MXï ne pourra pas résister, de ne pas attendre que des
forcenés décidés à tout oser les y contraignent par la
violence, ce qui ne pourrait se faire sans le pim
extrême péril pour eux^ pour leurs familles, pow
leurs maisons. Les menaces dû ces bandits smit ef-
£x)yables , mais on ne sait que trop qu^ils sont gens à
les accomplir. Enfui, à force de peines et de soms , on
parvint k obtenir Tassentiment de la population, et
les tx)nsuls répondirent k La Rena « qu'Us le prient
«d'envoyer quelqu'un pour disposer la manière dont
i(le logement devra se faire, afin qu'il ne résulte au-
a cun risque pour la place , dans un moment oà Ven*
« nemi est en armes pour venir L'astti^er^ »
Toutes les exigences semblaielit être satisfaites,
et la ville ne devait plus rien redouter ; mais l'armée
voulait le pillage. La Rena manda aut consuls de ae
rendre le lendemain matin près de lui pour arrêter \é
mode de logements. Dans cette entrevue il fut oon^
venu que deux cent cinquante maisons aendent dîs^
posées pour recevoir ies troupes « et on s'ocovpa ans*
sitôt du soin de les approprier k cette destination. Vers
neuf heures du soir La Rena fit dire qu'on eût k en
préparer un plus grand nombre pour les soldats, et
548 LIVRE QUATRIÈME,
une en pai^ticulier pour lui : on y consentit eueore;
mais entre dix et onze heures du soir, sur le préteile
que la mesure ne s'exécutait pas avec assez de promp>
titude, un feu si terrible de canons et de mortifln
foudroie la ville , qu'en peu d'heures cinq cent soixante-
quatre maisons sont renversées ou incendiées, et
qu'un bien plus grand nombre est plus ou moins en-
donmiagé. Les soldats qui bivouaquaient autour delà
place se présentent à la pointe du jour devant les
j)ortes ; mais les habitants exaspérés les repoussent à
coups de mousquets, du haut de leurs muraflles.
La résistance et le feu de la citadelle ne cessent tpîk
midi, et, pendant ce combat, les soldats perdent on
grand nombre des leurs et en ont plus de six cents de
blessés.
La ville avait fait tous ses eflorU^ ; elle ne pcaTah
se défendre plus longtemps sans s'exposer k une en-
tière ruine. Au milieu du jour, l'évèque, accompagné
du procureur royal, don Gabriel de Lupia , s'achemina
de nouveau vers le château, pour porter la soumisiion
des habitants et implorer la démence des chefs. IXa*
l>ord repoussé par la Rena, qui l'accusait de Tavoir
trompé deux fois avec son saint sacrement', le prâat
parvint enfin à se faire écouter. Le feu des batteries
cessa , mais ce fut pour faire place h des excès d*un
autre genre.
Forcés de se soumettre à discrétion , les ronsub de
' PnclmmoâioH calûlicm a la .V piaiham dr Felipe , rd . p. 64
CHAPITRE DEUXIÈME. 5W
^ «rpignan avaient fait dire à La Rena que la TÎlle lui
-"fciit ouverte, et qu'il fit ce qu'il voudrait. Ce qu'il
oulut, ce fut de faire saccager pendant trois jours les
rincipales maisons de celles qui restaient debout :
i , luie ville amie et qui n'avait pris aucune part à
L'insurrection de la Catalogne, se trouva comme enlevée
d'assaut, et ses décombres fumants encore du bom-
bardement, le deuil et la désolation de ses habitants,
les cris de désespoir des femmes et des enfants, privés
de leur asile et plongés subitement dans une horrible
indigence, les hurlements d'une soldatesque ivre de
vin, de colère et de sang, donnèrent à l'Europe la
mesure de tout ce que peut l'aveugle fureur d'un mi-
nistre poursuivant, dans la ruine d'une population,
la destruction de ses lois et de ses libertés.
Traitant les Perpignanais en rebelles vaincus, on
les désarma, on dressa des potences sur les places
publiques et au débouché des principales rues, on em-
pêcha qui que ce fût du dehors d'entrer dans la ville,
on organisa un système d'inquisition sur tout ce qui se
faisait; nul ne put envoyer des lettres au dehors sans
la permission des chefs, ni en recevoir sans qu'elles
n'eussent été lues d'abord par eux; aucun habitant ne
pouvait aller vaquer aux travaux de la campagne sans
payer aux sentinelles des impôts assez considérables;
aussi lit-on ces mots dans la plainte du conseil des
Cent au roi : « Un pays qui était le jardin de la prind-
«pauté, et dont l'abondance de tous fruits sustentait
550 LIVRE QUATRIÊMR
« les autres régions , a été converti en landes et en mi
« désert inculte ^ i»
Le duc de Gardone, seigneur chéri des Gitalant,
avait été nommé vice-roi à la place du comte de Sasta*
Coloma. Forcé d'accepter encore une fois cette di-
gnité , qu'il avait déji exercée i la satisfaction de le
province dans des temps moins diflicites, Gardone
voyait bien que le seul moyen cle ramener un pea de
calme au milieu d'un si violent orage, c'était, de la
part du gouvernement, un changement de systèaaaA
l'égard de la province, et, de sa propre part, une fer*
meté qui put poursuivre et faire punir les auteun de
tant de criminels excès. A peine était-il informé de ce
qui venait de se passer h Perpignan , que déjà il était
en marche pour cette ville, où il arriva te 2 g juin,
accompagné des évcques de Vie et d'Urgel, d'an dé-
puté et du conseiller en chef de Barcelone. Leviee-rai.
après avoir mis hors de la ville les soldats qui t'en
étaient emparés de vive force, et qui furent cantonnés
dans les villages , fit arrêter et enfermer dans la priMHi
ordinaire le marquis de I^ Rcna et les principaux an*
teurs des désastres. Révoquant ensuite la défense fiiite
aux avocats d'assister les citoyens dans leurs plaintei
contre les soldats, il enjoignit aux tribunaux de povr-
suivre, au contraire, les coupables.
La manière dont s'y prenait le nouveau vice-roi
était celle que commandait rimpartialr justice; c'était
* Pmrlam. vmiol.
352 LIVRK QUATRIÊHF:
vouer coupable; cétait déclarer, par conséquent ,
justes et mérités les traitements indignes et barbares
qu*on avait fait éprouver à la province; et, comme le
pardon n aurait été accordé qu au prix du sacrifice de
ceux des privilèges qui contrariaient le gouvemement,
c*eùt été la principauté elle-même qui en aurait fiût
volontairement Tabandon : tout le système était li.
lia ville de Barcelone envoya à Madrid des ambas-
sadeurs porter ses nouvelles doléances au pied da
trône, rejetant sur le ministre riiorrcur de tout ce
qui s était passé; mais le comte-duc ne les laissa pas
arriver jusqu*au roi : il chercha k les eflrayer sur les
conséquences de la guerre que la couronne allait bon
à la province , et une lettre autographe d*un religieus«
envoyé de Barcelone pour porter des pièces à V\
hassade, témoigne de la terreiu* quon lui avait i
pirée^ Dans Tinipossibilité de remplir leur mission
aupr«*s du monan(ue, les envoyés de Barcelone adres-
sèrent à la reine, aux princes, aux grands du royaume
et aux ambassadeurs des puissances étrangères, uoe
sorte de mémoire, sous le titre de l^roclamatian ca-
thnli(iuc à la mxijesté compatissante de Philippe le Grami,
par le conseil des Cent, dans lequel étaient longue*
miMit exposés et les griefs de la province et les ser-
vices quelle avait rendus dans tous les temps à h
moniirciiie, sen-ices qui lui avaient mérité les récom-
pcnsi^s dont on vonhiit la dépouiltcr.
CHAPITRE DEUXIÈME. 353
C'est dans une conférence que ces envoyés eurent
vec le comte-duc , qu'élevant pour la première fois la
rétention de n être soumis au roi d'Elspagne que
yarce qu ils le voulaient bien , ils se comparèrent ridi-
^^ulement aux peuples du Latium, qui, bien que sou-
mis, disaient-ils, à Tarquin TÂncien, avaient été ad-
mis cependant à la qualité d*aUiés de Rome, ce qui fut
un des principaux fondements de la grandeur romaine ;
ils demandaient, en conséquence, que le roi d'Es-
pagne les traitât de la même manière, puisque les Ca-
talans étaient ses sujets volontaires ^ Ce discours t
aussi arrogant que déplacé et faux en principe , (ut re-
gardé comme un manifeste de guerre. Le ministre fit
emprisonner les envoyés de Barcelone , et Temploi de
la force ouverte fiit résolu contre une province qui
venait de compromettre la justice de sa cause par un
véritable acte de rébellion.
La dédaration de guerre de la couronne contre la
Catalogne fut décidée dans le conseil du roi, mais elle
ne passa pas sans opposition. L'opinion du comte
d'Onate fut principalement remarquable. Après avoir
montré combien la douceur serait préférable à la sér
vérité, pour ne pas pousser k une révolte ouverte la
Catalogne, qu'on avait excitée déjà à la sédition;
après avoir examiné la situation intérieure de l'Es-
pagne , et déploré les malheurs d'une guerre civile , ce
vertueux citoyen terminait par cette péroraison : «La
» Merc. de Vitt. Siri.
II. a3
354 LIVnK QUATRIÈME.»
u Catalogne pleure, ne la désespérons pas; letCata-
ttlans gémissent, prêtons l'oreille à leurs plaintes. La
(I meilleure méthode des bons médecins , dans le tnir
(( tement d une maladie aiguë , c'est d'aider la nature
u par des remèdes, afm de la conduire doucement à la
(c fin vers laquelle elle paraît tendre. Que le roi sorte
« de sa cour, qu'il accoure auprès de ceux qui Tappci-
u lent et qui ont besoin de sa vue; qu'il place son att-
u torité et sa personne au milieu de ceux qui le chéris-
(( sent et qui le craignent, et alors tous l'aimeront sans
« cesser de le redouter. Qu'il recherche et qu'il chfttie«
«qu'il console et réprimande; il trouvera un bel
d exemple à suivre dans son auguste bisaïeul , loraqae«
upour ramener la tranquillité dans la Flandre* ce
« prince s'y rendit avec une pompe indigne sans doute
« d'un César, mais avec le cœur d'un César, et que .
« n*ayant pour compagnon que sa valeur même, il en-
« tra dans la ville de Gand mutinée et furieuse, et la
«rendit à l'obéissance, sans employer d'autre force
« que sa seule présence.
«Que sa majesté sorte, je le répète; qu'elle se
tt rende en Aragon; qu'elle pousse juscpi'en Catalogne;
u qu'elle se montre h ses sujets ; (pi'elle les contente,
«qu'elle les voie, qu'elle les console : mieux et |^ns
u heureusement triomphent les yeux du prince que les
« armées les plus considérables ^ » Un discours si géné-
reux , si ptriotiqne, ne put détenniner le roi : Pliilippe
' Feliii do ifl Pena.
CHAPITRE DEUXIÈME. 355
voyait encore que par les yeux de son favori.
La nouvelle de la résolution de la cour fut à peine
cM>nnue en Catalogne, que les corts se réunirent, et
cpie la détermination de se défendre jusqu^à Teitré-
mité y fut prise, de lavis des théologiens, qui décla-
rèrent qu*il était permis de prendre les armes quand
il s'agissait de sa propre sûreté ^
Suivant les ordres de Madrid, les troupes royales
commandées par le marquis de Los Vêlez, capitaine
général d*Âragon , s'étaient approchées de Tortose , où
ce général s'était ménagé des intelligences , et dont les
portes lui furent ouvertes. De là il fit faire des pro-
positions aux Catalans , s'o£Erant de s'interposer entre
eux et la cour pour leur faire avoir leur pardon.
La défection de Tortose causa de vives inquiétude9
à Barcelone; c'était un exemple funeste : Tortose fut
notée d'infamie , et on résolut de la punir. Outre le be-
soin si impérieux , dans toute entreprise éminemment
chanceuse , d'arrêter par une sévérité exemplaire ceux
qui seraient tentés de séparer leur cause de celle de la
masse , on sentait l'urgence de recouvrer, avant tout ,
une place qui laissait l'entrée de la Catalogne ouverte
aux ennemis. Pendant qu'on faisait des dispositions
pour la reprendre , on travaillait aux fortifications de
Lerida , et l'on chargeait de sa défense un gentilhomme
' Cette pièce fut imprimée sous ce titre : J. M. J. Jmdfcaew m conê-
ciencia de mtr près lo principat de Catahr^a hu armas , etc. Elle fat ré-
futée par oo religieux de Tortose.
23.
356 LIVhE QUATRIÈME.
rinçais, iioiiiiiir Saiiil-Paiil, qui était voiui oRnr ses
scrvin»> h la province.
I.e rardinal do Rirholicu, dans le testament poli-
tique qifon lui attribue, se d^^fend d avoir eu aucune
part à rinsurrection de la Catalogne, et son historien
Auberj' assure que ce n est qu'avec beaucoup Jindif-
férence que cette éniinence reçut la proposition de la
favoriser. Richelieu était trop habile politique pour
ne pas se mettre en mesure de rendre cet événement
profitable h la France, quand il fut bien assuré qu*il
devait avoir lieu. Des le a 9 août des ordres étaient
donnés h la frontière pour fourm'r des secours aux Ca-
talans, s'ils en réclamaient, et la certitude d'être sou-
tenus par les Fnmçais n'avait pas peu contribué k leur
faire lever hautement l'étendard de la révolte.
Cependant la députation, attentive à la sûreté du
pays, (*nv()\ait h .son poste Guillaume d'Annengol,
gouverneur du château de Bellegarde, avec un renfort
de soldats et de vivres, pour s'oppo.scr au retour en
Catalogne des troupes royales qui s'étaient jetées en
Kou.ssillon , si elles cherchaient à repasser les Pyré-
nées. Klle faisait partir en même tenq>spour Leucate,
Krançois de Villaplana, chargé de s'entendre avec
d'Kspenan, gouverneur de celte place, et avec Du-
plessis-Besançon , que Richelieu avait envoyé sur la
frontière, numi d'instnu'tions pour traiter au nom de
Louis \]|| avec les Catalans : voil<^ le moment où la
(latalogn<' devin! compIrtenuMil relieile <*! iTiminelie.
CHAPITRE DEUXIÈME. 557
où ses chefs acquirent incontestablement Tépithète
c3e traîtres , puisqu'ils livraient leur pays aux Français,
cfui étaient en guerre avec la nation dont ils faisaient
partie. Jusque-là ils avaient été dans leur droit, en
défendant leurs constitutions , dont le maintien av^t
été librement juré par le monarque qui voulait les dé-
truire; mais rien ne pouvait les autoriser à se jeter
entre les bras des ennemis de la commune patrie.
Poussés à bout par leur propre gouvernement, cest
ce gouvernement qui était le premier criminel ; mai9
im crime nen justifie jamais un autre. Que devaient
iaire les Catalans dans la position où ils se trouvaient?
Résister de tous leurs moyens , puisque leur cause était
juste , mais céder ensuite à la loi de la nécessité ; car
rien au monde ne doit faire transiger avec Thoiuieur
et pactiser avec Tennemi de sa nation.
Los Vêlez , général de Tannée royale » avait engagé
les Aragonnais à envoyer une députation de bon voi-
sinage aux Catalans , pour leur montrer labime vers
lequçl ils couraient. Les Catalans traitèrent ces dépu-
tés avec la considération qu ils méritaient , mais ib dé-
clarèrent qu aucune voie d'accommodement ne pour-
rait être ouverte tant que les Castillans menaceraient
leur pays.
Après le départ de ces députés , Duplessis-Besançon
entra à son tour à Barcelone, et, aux derniers jours
du mois d'octobre, il conclut, au nom du roi de
France , un traité que ce prince ne ratifia qu'à la mi-
558 LIVRK QUATRIÈME.
décembre. La France s'obligeait à soutenir Fiiidépen-
dance de la Catalogne, en lui fournissant des officiers
de toutes armes et un certain nombre de troupet
aguerries avec toutes les munitions nécessaires, ie
tdut h un prix convenu , payable d*avance et de mois
en mois. Douze otages devaient être donnés par la
province , et être pris dans chacun des trois bras ec*
désiastique , militaire et royal ; trois d*entre eux ta*
rent envoyés à Paris, pour remplir en même temps,
auprès du roi , les fonctions d'ambassadeurs de la prin-
cipauté'.
En même temps que ces choses se passaient dana la
Catalogne, en Roussillon don Juan de Garay, Perpl-
gnanais, successeur de La Rena au commandement
de Tarmée, tentait quelques expéditions contre les
bourgs que ses exactions et les violences des soldats
avaient aussi forcés à la révolte. Le 1 6 de septembre
ce capitaine général avait reçu de la cour fordre de
conquérir toutes les places et villes de Roussillon qui
s'étaient déclarées contre lui : Millas et Ille étaient de
ce nombre. Garay sortit do Perpignan le a 3 du même
mois , avec quelques petites pièces d*artillerie. Mflbs
lui ouvrit ses portes, mais lUe ferma les siennes, et
Garay se proposa de Ten laii'e repentir.
Le gouverneur de Leucate, dont les consuls d'IUe
avaient n>clamé le secours, sciait empressé de faire
passer dans cette ville quelques com|>:ignics de Fran-
' Lr\«»Mir. Htsf. de lAmit XÎU.
CHAPITRE DEUXIÈME. 359
çais, sous le commandement de d*Aubigny; Garay
l^ignorait. Il avait chargé don Juan de Arce d'aller at-
tacher un pétard à la porte de la ville , qu'il ne croyait
pas susceptible de faire gradde résistance : de Arce fiit
repoussé, et Garay, blessé lui-même, se retira à Sah-
Feliu. Quelques jours après il se çx}xt en mesure de
venger son affront en attaquant de nouveau, la ville
avec quatre mille hommes et qucdqiieii pièces'de gtos
calibre qu'il avait fait venir de Perpignan. Après une
canonnade de douze beurei , une large brèche se pré-
sentant , le capitaine général la fait assaillir^ à quatre
heures du soir. Ce premier làssaut repousBé « il eo (mi
donner, à huit heturea, un^eound qui ne réussit pas
mieux; un troisième^ encore tenté à quatre hewos du
matin, nest pas plus heuteux, et Garay « qui a pârdd
beaucoup de monde, se .décide à la retiràiÉe. B laisse
ses troupes à Millas «/rfauir et Ëlnè « et rentre honteu-
sement dans Perpignan. Le luademain les soldais
laissés à Milkis aUèrent ravager Gornella et îùceiidier
son église; enfin, le 2 octobr^^> sur Je bhnt^qiie
Schombei^ entrait en Roussilldh, touë cet détache*-
ments retournèrent à Perpignan.
360 LIVRE QUATRIEME.
CHAPITRE III.
» Catalans se donnent k la France. — Troupes firançaises cb
Catalogne. — Misère dans Perpignan. — Famine. — Ranri-
iaiUement -— Torrecusa.
La tentative des Barcelonais pour reprendre Tor-
tose avait été infructueuse. Les troupes royales ae
renforçaient, et le petit nombre des Français qui
étaient entres en Catalogne avec d*Kspenan , gouver-
neur de Leucate , n'avait pu empêcher cette amiée
de faire des progrès dans le pays. Plusieurs villages
étaient tombés au pouvoir des royaui, et Cambrib
avait vu massacrer la presque totalité de ses habitants
par les bandes forcenées que Los Vêles n était pas
maître de contenir. Ce général , porté à la vice-royauté
de Catalogne, occupa Tarragone le a& décembre,
marcha sur Martorell qu'il prit, et fut bientôt sous les
murs de Barcelone.
La position dos Catalans devenait de plus en plus
cTitique. D*ELspcnan, obligé de capitulera Tarragone,
avait dû rentrer en France avec les siens, et les Bar-
celonais n*avaient plu.s, pour tout secours, que quel-
ques ofliciers iraurais isolés. Dans ce danger, ils se
drcidcrent h se donner h la France, v\ don Joseph de
CHAPITRE TROISIÈME. 561
.^^argarit et don François Jean de Vergos, leurs
^otages-ambassadeurs auprès de Liouis XIII « fiurent
^^hai^és d'offrir à ce prince ia souveraineté de la pro-
"vince.
Barcelone était investie par les troupes royales, *^^*'
qui avaient, s'il &ut en croire Levassor, Tordre de
mettre tout à feu et à sang dans la Catalogne ^ Lios
Vêlez tenta encore une fois auprès des habitants de
Barcelone les voies de la persuasion , pour les Ceire
revenir à lobéissance ; mais les Barcelonais , dont Tir-
ritation semblait s accroître en proportion des périls,
répondirent que jamais ils n'entreraient en négocia-
tions tant que le pied des Gastâlans foulerait le sol de
la principauté^.
Los Vêlez avait £adt son devoir d'homme de bien «
il fit celui de fidèle soldat, fl attaqua la place avec vi-
gueur; mais les Barcdonais se défendirent courageux
sèment, et, la fortune secondant leur intrépidité i» ils
fiorcèrent en peu de jours les assiégeants à la retraite.
Barcelone était libre; mais le péril était loin d'être
dissipé ; tout faisait prévoir au contraire que l'armée
royale , qui s'était retirée à Tarragone , ne tarderait
pas à revenir avec des forces plus imposantes, et que
la valeur des habitants échouerait contre le nombre»
Duplessis-Besançon , qui était toujours dans la pre-
mière de ces villes, fiit chargé de se rendre auprès du
^ T.evai8or, Mut. de Louis XIII.
* Felia de la Pena.
562 LIVRE QUATRIÈME.
roi de France, pour rinfomier de la levée du riëge» et
lui présenter la nouvelle délibération des corts
la donation de la province.
Uichdiou aurait mieux aimé voir la Catalogne
constituer en république indépendante, aoùs la pro-
tection de la France , que de la recevoir à titre de pro-
vince libre , et il avait chargé Dupleasia d*eii fiuM k
proposition aux corts : on peut deviner ses rakdn^.
i )ans la première hypothèse , le ministre de Louis XIII
était bien assuré que les Catalans feraient, à qàdqnt
époque que ce iiit, les plus grands efforts
maintenir en liberté : leur intérêt les y obligeait i
dis qu'en les recevant au contraire comme siraplaft
sujets de la couronne, c'était la France qui dcvaS
elle-même faire ces elForts pour conserver cette pro-
vince. Les dépenses auxquelles le royaume se •tMil*>
vait déjà entraîné ne paraissaient pas à Rididien aal^
fisamment garanties par la possession d\in paya qiâl
n'était pas assuré de conserver perpétuellement,
à cause de sa position au delà des Pyrénées, qtt*à
son de l'inconstance et de la susceptibilité poiiHqde
si bien connues de ses habitants. Mais les Galalana ^fm-
quiétaient peu d'un avenir dont rien ne pouvait wé-
pondi-e , et beaucoup du présent, qui était tout poor
eux , puisqu'il ne se montrait qu environné de périkt;
ils pensaient qu'en se donnant entirrement à la Franœii
c*rtt(* puissance ferait bien plus de sacrifices pour les
déiendre qu elle ne voudi*ait jamais on consentir quand
/
CHAPITRE TROISIÈME. 563
£1 ne s'agirait que d*une simple protection : ils persis-
^rent à demander de faire partie du royaume , et , le
^3 janvier, les corts signèrent Tacte de donation de >c^*
la province au roi de France. Cette donation ne fut
acceptée cependant que huit mois après : la France se
trouvait avoir alors un intérêt pressant à dotniner, en
Catalogne , à raison des événements de la guerre , et
cette considération fit passer par-dessus toutes les au-
tres. Louis prit, le i8 septembre seulement ^ le titre
de comte de Barcelone , et il donna son ÉpfMrobatkm
aux articles du pacte , qui devaient être insérés dans
le serment que lui et ses sucoeà^eurs auraient à prêter
en^ cette qualité. La substatiee de ces articles était
que le roi de France observerait et ferait obëerver les
usages , constitutions et actes de^ étaté du pays , leà
droits municipaux, concordats, pragmatiques et toutes
autres dispositions iqui se tJnouvaient insérées 'dans lé
livre des constitutions; qu*il ne nomknerait que'déë
sujets catalans aux archevêchés, évêchés et bénéfices
ecclésiastiques quelconques; qu*fl coâëéh^erait aux
conseillers de la ville de Barcelmie le dMit et la pos^
session de se couvrir en sa présence, et de (aire pùttêt
partout, même k la cotu*, les insignes de leur dignité;
qu'il ne pourrait y avoir, dans le^ trois comtés» de iù-
gement de gens de guerre , quels qu'ils fiiMent^ tjtte du
consentement des consuls ou jtiTats des conanMes;
qu'il promettrait ( le roi ) que la principauté de Cata-
logne et les comtes de Roussillon et de Cerdagne ne
364 LIVRE QUATRIÈME.
seraient jamais, en tout ou en partie, etpourqud«|iie
raison que ce fut, démembrés de la couronne de
Krance , et qu au lieu du someten général ( ce qui fé-
pondait à peu près à la convocation du ban et de Tar-
ricre-ban ) , les trois comtés s obligeraient à lever et à
entretenir un corps de cinq mille fantassins et de cinq
cents chevaux, pour être employés, toutes les fina
quil en serait besoin, dans Tintérieur de la province.
mais jamais au dehors^. On voit, par ces conditions»
que les Catalans se conservaient dans la jouissance de
tous les droits , privilèges et libertés que leur aooor^
daient leurs constitutions, mais qu'ils ne faisaient nulle
mention du prétendu droit de changer leur souverain
en cas de violation de ces mêmes constitutions , droit
auquel n avaient jamais cru ni pensé leurs ancêtres,
dont ils ne pouvaient se dissimuler eux-mêmes la ▼*-
nité, et quiis n avaient mis au jour que pour ccdoier
une véritable révolte, d*une certaine apparence de
légalité.
L'acceptation du titre de comte de Barcelone par
Louis XIll étant décidée , le cardinal-ministre semUa
mettre plus de chaleur à soutenir la cause des Cata-
lans, au secours desquels il avait envoyé quelques
troupes dès le commencement de Tannée. Le a o lé-
vrier le comte de Lamottc-Houdancourt était entré
à Barcelone avec le titre de vice-roi , et au mois d*avril
suivant, à la tète de neuf mille honunes d*infanterie
* Aubery, Hiti. du cardintU de Hielubfu.
CHAPITHE TKOISIÈME. 565
de deiiv mille cinq cents chevaux, il avait marché
^•ontre Tarragone, que bloquait, du côté delà mer,
Henri de Sourdis , archevêque de Bordeaux. Le siège
de cette place, où s était enfermé Tltalien Frédéric
Colona , prince de Botro , successeur du marquis de
Los Vêlez au titre de vice-roi et de commandant des
forces royales d*£spagne en Gatalc^e , traîna en lon-
gueur, et, le 6 de juUlet, la flotte firançaise fiit battue
par celle de Philippe. Cet échec ne put être imputé
ni au manque de courage du prélat- amiral, ni à son
imprudence; la faute en appartenait tout entière au
prince de Condé, qui voidut faire rester cette armée
navale dans une position désavantageuse et exposée
aux coups des forces supérieures espagnoles, malgré
les représentations de Tarchevêque. En mars le mar-
quis d*Argenson était entré dans Barcelone avec la
qualité de surintendant de justice et des pleins pou-
voirs pour l'organisation de la province; ainsi la
France avait pris possession de fait longtemps avant
que la donation eût été oiBciellement agréée.
La ville de Perpignan , où se trouvait concentrée
Tannée royale chassée de Gatal(^e , sans être encore
investie , éprouvait déjà toutes les horreurs de la fa-
mine. Depuis que la France soutenait Tinsurrection de
la Cditalogne , les soldats cantonnés dans les villages
avaient dû rentrer dans cette place, et ces villages,
que les désordres de ces mêmes soldats avaient forcés
aussi de se soulever, ne portaient plus aucune denrée
562 LIVRE QUATRIÈME.
i*oi de France, pour rinforiiicr de la levée du nége, et
lui présenter ta nouvelle délibération des coïts poor
la donation de la province.
Richelieu aurait mieux aimé voir la Catalogne te
constituer en république indépendante, sous la pro-
tection de la France , que de la recevoir à titre de pro*
vince libre , et il avait chargé Duplessis d*eii fiûre la
proposition aux corts : on peut deviner ses raiaoïii.
Dans la première hypothèse , le ministre de Louis XIII
était bien assuré que les Catalans feraient, à qadqne
époque que ce fàt, les plus grands efforts
maintenir en liberté : leur intérêt les y obl^eah;
dis qu en les recevant au contraire comme simples
sujets de la couronne, c'était la France qui derail
elle-même faire ces eiforts pour conserver cette |lro-
vince. Les dépenses auxquelles le royaume se trdiÉ*
vait déjà entraîné ne paraissaient pas à Richetieo sof-
fisamment garanties par la possession d un pays qoSl
n était pas assuré de conserver perpétuellement,
à cause de sa position au delà des Pyrénées, qu'à
son de finconstance et de la susceptibilité politiqàe
si bien connues de ses habitants. Mais les Catalans a'm-
quiétaient peu d*un avenir dont rien ne pourah vè-
pondi-e , et beaucoup du présent, qui était tout poar
(Hix, puisqu'il ne se montrait qu environné de pérfli.;
ils pensaient queri se donnant enticrcmeiit à la FmDoe»
ccttt* puissance fcnu't bien plus de sacrifices pour les
déicndre qu'elle ne voudrait jamais on consentir quand
CHAPITRE TROISIÈME. 563
il ne s'agirait que d*une simple protection : ils persis-
tèrent à demander de faire partie du royaume , et , le
2 3 janvier, les corts signèrent Tacle de donation de »«i'
la province au roi de France. Cette donation ne fui
acceptée cependant que huit mois après : la France se
trouvait avoir alors un intérêt pressant à dominer, en
Catalogne , à raison des événements de la guerre , et
cette considération fit passer par-dessus toutes led au-
tres. Louis prit, le 18 septembre seulement^ le titre
de comte de Barcelone , et il donna son approbation
aux articles du pacte , qui devaient être insérés dans
\e serment que lui et ses successeurs auraient à prêter
en cette qualité. La substance de ces articles était
que le roi de France observerait et ferait observer les
usages , constitutions et actes deè états du pays , les
droits municipaux, concordats, pragmatiques et toutes
autres dispositions qui se trouvaient insérées <lans le
livre des constitutions; qu*il ne nommerait que dés
sujets catalans aux archevêchés, évêchés et bénéfices
ecclésiastiques quelconques; qu*ii coAsérVerait aux
conseillers de la ville de Barcelone le droit et la pos^
session de se couvrir en sa présence, et de (aire porter
partout, même k la cour, les insignes de leur dignité;
qu'il ne pourrait y avoir, dans les trois comtés « de io^
gement de gens de guerre , quels qu'ils foMent, (jiie du
consentement des consuls ou jurats des communea;
qu'il promettrait ( le roi ) que la principauté de Cata-
logne et les comtés de Roussillon et de Cerdagne ne
368 LIVRE QUATRlËMi:.
importante pour faciliter la prise de CoUioure. Cette
place , assicgée le i & , se rendit le a 7, sur le bruit que
le prince de Condé arrivait avec de nouvelles forces.
Le besoin de faire entrer en Catalc^ne une partie de
ces troupes fit suspendre ensuite les opérations mili-
taires en Roussillon : trois mille hommes allèrent aider
les Catalans à faire le siège de Tarragone. Pendant oe
temps don Gaspard de Lupia-y-Villanova et Manuel
Daxi , dont Tun résidait à Millas et 1 autre h Tbuir,
faisaient, c^ la tète des compagnies de partisans, de
fréquentes courses contre les troupes castillanes qui
se trouvaient aux environs de Perpignan. Le i& juil-
let une de ces compagnies s étant avancée jusqu'à un
jardin entre le Vernet et Saint-Elstève , la cavalerie de
Perpignan Tattaqua , et lui fit plusieurs prisonniers.
Ce même jour la nouvelle prématurée dune grande
victoire remportée en Catalogne sur les Français
donna lieu , dans Perpignan , à des fêtes qui durèrent
trois jours. Un Te Deam fut chanté dans toutes les
églises, les habitants illuminèrent leurs maisons, et,
chacun oubliant un instant ses misères, des exerdœs
chevaleresques furent exécutés sur la place de la
Loge'. Mais cette joie fit place k une profonde cons-
ternation, quand on sut positivement que, loin d'être
victorieuse, Tarmée royale d*Elspagne avait été com-
plètement battue.
|ja famine était déjà très-grande dans Perpignan;
* ManuMTÎt du noUirf Patchal
CHAPITRE TROISIÈME. 369
on ne trouvait plus de viande de mulet ou d'âne , et
les soldats faisaient la chasse aux chiens dans les rues,
tt Mes enfants et descendants , s*écrie le notaire Pas-
a chai, je vous en prie avec instances, si jamais vous
« entendez parler de guerre , éloignez-vous à ce seul
umot, car les soldats nous traitent plus mai que des
« esclaves. » Après avoir dit que les prêtres séculiers et
réguliers sont sortis de la ville, ne laissant dans chaque
église que le nombre d'ecclésiastiques indispensables
pour le service divin , le même écrivain rend compte
de la manière dont il a célébré la Noël, a N'ayant pu
« trouver, dit-il, dans tout Perpignan le moindre mor-
n ceau de viande pour nous régaler, nous l'avons fait
(( avec une sardine salée , dont nous avons fait trois
a parts ( pour lui, sa femme et sa fille) ; et encore, c'a
« été pour nous une grande joie que de l'avoir. Les
«autres fêtes nous n'avons mangé que de la soupe, et
<f en petite quantité. » Lie 1 1 .décembre , le froid ayant
été très-intense, deux sentinelles sur les remparts,
et une au château furent trouvées gelées, et le même
jour il périt également de froid deux autres soldats ,
dans une sortie qui avait été poussée jusqu'à Vingrau.
Pour achever le tableau de la déplorable situation de
Perpignan à cette époque, nous emprunterons encore
les deux traits suivants au même témoin oculaire*
<( Maintenant qu'on ne peut plus trouver ni chiens , ni
« chats , ni rats, nous en sommes venus à manger les
«semelles de no^ souliers, les parchemins ramollis «
II. a4
\
570 LIVHE QUATRIÈME,
«et toutes les herbes possibles, telles que pariétaires,
«chardons, doure-amère, gentiane, mauve, orties et
(( toutes autres ((u on pourrait nommer. Cest une v^-
«rite que dans ce moment le fils refuse à son père,
die père à son fils, Tami à son ami, ce qu*il a pour
'«4>- «soutenir son existence. — Aujourd'hui, ai janvier,
a me trouvant à prendre le soleil sous le porche du
u glorieux) Saint-Jacques, j*ai vu arriver au cimetière
« deux soldats qui se sont mis h brouter les herbes qui
<i V croissent, comme auraient fait des animaux. Cétait
<( chose qui atterrait, que de les voir manger ces herbes
u avec* dc^lices, tant ils mouraient de faim ^ »
J.a France, en guerre avec TAllemagne, la Lor-
raine, TEspa^ne et ses Pays-Bas, la Savoie et ritaJie,
était encore agitée à l'intérieur par les factions que ne
cessaient dr susciter la reine-mère, le frère du roi, et
les grands du royaume attachés h quel(|u*un de
points de mire des mécontents. Divisés de but, t
étaient unanimes dans leurs efforts, qui tendaient au
renversement du canlinal de Richelieu, colosse de
puissance insupportable à tous, au monarque lui-
même dont il maîtrisait les volontés , mais qui devait
subir son inévitable loi. Seul contre tous, ce ministre,
dont rame était aussi forte que son ^énie était vaste et
profond', havait vaincre k la fois |>ar ses fermes, dures
et inébranlables résolutions, les ennemis du dehors
et ceux qui lui était*nt opposés dans le sein du royaume.
* ManiiMTil île V Pasrhal
CHAPITRE TROISIÈME. 371
Vrai roi de France , sous la livrée de Téglise , le faible
prince qui en portait le titre n'était que le bouclier
quil opposait à ses ennemis personnels, tandis que
son bras seul triomphait de la coalition des couronnes
et de la force des armées. Orgueilleux, ingrat, cruel,
vindicatif; mélange confus et composé bizarre de
toutes les grandeurs et de toutes les petitesses ; pas-
sant ses jours à nouer des intrigues et souffler la dis-
corde chez les autres peuples, à éteindre et déjouer
des cabales domestiques dont la catastrophe était
presque toujours sanglante ; poëte profane et docteur
ascétique , composant à la fois des traités de contro-
verse et des pièces de théâtre; poëte erotique et con-
quérant mitre, faisant soutenir des thèses d'amour
avec les formes des thèses de théologie, et soumettant,
sous le titre de généralissime , toute la Savoie , après
avoir triomphé de la Rochelle ; libertin bas et crapu-
leux et amant audacieux et insolent, quittant les bras
de rimpudique Marion Delorme pour aller offrir un
impur et téméraire hommage à Tépouse du roi de
France, et croyant arriver au cœur de cette princesse
par le troc de la pourpre romaine contre un habit de
baladin^; apte, en un mot, à tous les rôles, et n*en
dédaignant aucun : tel était le ministre dont Tinfluence
se faisait ressentir dans toute TEurope , et que la France
' «Riclielieu était vêtu d'un pantalon de velours vert; il avait à set
«jarretières des sonnettes d'argent; il tenait en main des castagnettes
« et dansa la sarabande que joua Boccau. • Mèm. du comte de firienne.
^
372 LIVHE QUATRIÈME.
opposait avec tant de supériorité à celui qui, à
exemple, gouveniait FEspagne sous le nom de Vbi'
lippe IV. *
C était moins la lutte de deui rois puissants qui
embrasait le monde , que celle de deux ministres in-
trigants, également vains , également ambitieux, wêSb
inégalement partagés des qualités qui font réussir;
aussi, Fastre du Mançanarès devait-il s*éclipser entiè--
rement devant celui de la Seine. Richelieu possédait
au plus baut degré ce qui manquait presque complu
tement à son émule : un coup d*œil juste et pénélmit«
un jugement solide et sûr, une connaissance réflédiie
des hommes et des choses. Toute la sollicitude de ce
ministre s était tournée vers le Roussillon; il pressslt
Louis de se rendre en personne au siège de Perpignan «
dans le double objet de donner plus d'importance à
cette guerre aux yeux des Catalans, et d'augmenter
leur énergie en jurant au milieu d'eux le maintien de
leurs constitutions et de leurs privilèges. Liouis, dont
Tâme, quoique ajiathique, n'était pas insensible à la
vraie gloire, avait entendu la voix de son mentor,
et des ordres venaient d'être donnés pour réimir
une puissante armée en Roussillon. Le marédud de
Brézé la devançait avec le titre de vice-roi de Cata»
logne.
Brézé était arrivé en Roussillon au moment où le
troisième convoi pour le ravitaillement de la garnison
de Perpignan mouillait à Collioure.
CHAPITHE TROISIÈME. 373
Sentant combien il importait d*empêcher ces pro-
visions d'entrer dans la place, Brézé fit ses disposi-
tions pour couper toute communication entre les deux
villes. Il rappela de Catalogne un détachement de
trois cents hommes, pour porter son infanterie à sept
mille hommes et sa cavalerie à huit cents , et il marcha
sur Argelès, où il établit une ligne de retranchements
depuis le pied de la montagne jusqu'à la mer. Une
partie de cette petite armée, sous les ordres de d'Ar-
pajon et de d*Argencourt, fiit chargée de la garde de
ce passage, tandis que Tautre partie, sous les ordres
dn maréchal et de d'Espenan, se portait sur le re-
vers de la montagne pour défendre les défilés de la
vallée de Sorède.
Le marquis de Torrecusa , commandant des forces
qui protégeaient le convoi, était convenu avec le mar-
quis de Mortara, gouverneur de Perpignan , qu'il Im-
formerait par trois coups de canon tirés du fortSaintr
Elme, du moment où il serait nécessaire qu'il sortît
lui-même de la place pour venir à sa rencontre avec
sa garnison. Le 8 janvier Torrecusa se met en marche
au commencement de la nuit, et, faisant un détoiu*, il
passe par le col de la Massane, entre dans la vallée de
Sorède, fond sur les Français, qui ne l'attendaient pas,
et les met en déroute. Maître de la montagne, il des-
cend avec quatre petites pièces de canon sur les re-
tranchements français, qu'il force, après une résis-
tance énergique , et dont il s'empare, ainsi que du fort
1
574 LIVKE QUATHlÈiME.
qui les couronnait. Alors le canon du fort Saint«I2iiie
donnant à Mortara le signal du départ, trois régimenlf
sortent de Perpignan avant le jour, et marchent mv
Ârgelès. Arrivé sur les bords de la petite rivière de la
Massane , qui se jette à la mer sous cette ville» Blortaim
rencontre quelques détachements français qu'il
de son parti, et auxqueb il fait le salut , suivant ï\
du temps; mais une vive décharge de mouaqueteiâe
le détrompe, en lui enlevant une centaine d'hoEQBMft.
Au jour, les Français, s*apercevant qu'il règne pan
d'ordre dans cette sortie, veulent s opposer à sajcHMV
tion avec Torrecusa; une vive escarmouche s'engage,
Mortara a son cheval tué, et Torrecusa p^ fkor
sieurs des seigneurs qui l'accompagnaient. CependMift
la jonction s'exécute, et Brézé, reconnaissant rùnyoe-
sibilité d empêcher le passage, se retire k Sallèles et à
Elne. Huit cents hommes qu'il avait laissés à Âigelès
furent obligés de se rendre au bout de trois jours : In
Français furent renvoyés à £llne avec leurs armes; In
Catalans furent dirigés sur la Catalogne désarmés et
nu-tête, comme rebelles à leur roi^
La retraite des Français laissant libre le chemin de
Perpignan, Mortara fit entrer dans la citadelle oenl^v-.
sept sacs de blé, que les soldats gaspillèrent sans que^'
les habitants pussent en avoir la moindre part. «Lm
tt soldats vont dans les moulins, dit le notaii-e Paschal,
u prennent de force des poignées de bli% et, pressés
' Manuscrit de P. Paschal.
CHAPITRE TROISIÈME. 375
« par la faim, le mangent ainsi; ils prennent de même
«4 la farine , et la mangent à mesure qu*on la fait : j*at-
M teste ce que j*ai vu. »
Au nombre des officiers qui accompagnaient le
marquis de Mortara dans cette sortie , nous trouvons
un Français qui s'était distingué à Tattaque des retran-
chements espagnols sous Leucate, en iGâg, Banî de
Saint- Aunez, fils du gouverneur de cette place. Qudle
raison avait donc pu porter le fils de celui qui avait si
vaillamment défendu ce fort, le petit*fils de celui qui ,
sous Henri IV, avait sacrifié sa vie pour le salut de
cette même forteresse , et dont Taîeule s*y était elle*
même comportée en héroïne ^ à trahir ainsi ses de-
voirs et ses serments ? C'est ce que Thistoire ne nous
apprend pas. Les déplorables malheurs des temps,
pendant les trois derniers règnes, et sous le &ihle
Louis XII] , en armant fréquemment les Français les
uns contre les autres, avaient tellement rdâché les
liens qui doivent unir les sujets au prince, dans l'in-
térêt commun de la patrie, que le mot trahison sem-
blait avoir perdu quelque chose de son infamie, qu on
' Voyex THist. gén. de Languedoc, tome V. -— En 166O ce Suai-
Aunez, qui était retiré à Barcelone, ayant tenu quelques propos contre
Louis XIV, Lafeuiilade, qui fut depuis maréchal de France, partit ea
poste de Paris pour aller lui en demander raison : le duel n^èut pas
lieu À raison de TÂge avancé et des infirmités de Saint-Aunei. Un autre
Saint-Aunez servait en Catalogne à la fin de cette guerre, en qualité
de lieutenant général pour le roi de France. Voyei Lettres dm cttrâinèt
Mat afin, tome II.
7)70 LIVRE QUATRIÈME,
ne se laisuit presque pas de scrupule de changer de
bannière et de prendre les armes contre son pays. L'é-
lévation du cardinal de Kichelieu, sa morgue, ses ri-
gueurs, en rendant ce ministre odieux à la reine-mère,
aux princes, aux plus grands seignem*s du royaume,
contribuaient encore à augmenter, au milieu de ce re-
lâchement moral, le nombre des conspirateurs ou des
traîtres : c'est ainsi que nous voyons paraître tour à
tour, dans ce nombre, les noms les plus illustres et qui
avaient brillé du plus vif éclat dans les fastes de la
monan^hie. Pour ne pas remonter plus haut que le
règne auquel nous sommes parvenus, nous trouvons
dans cette flétrissante nomenclature les ducs de Mont-
morency, de Lavalette, de Vendôme, de Bouillon;
nous voyons le favori de Louis XJII , le jeune et mai-
heureux Cinq-Mars, pour servir quelcpies sourdes in-
trigues et venger quelques légères blessures d amour-
propre, s'unir, avec toute rétuurderie de renfance,
aux ennemis de Tétat, et cherclier les moyens de faire
entamer la France par les armées espagnoles, au mo-
ment même où il jouissait delà plus intime confiance
du roi; nous voyons le frère même du monarque se
traîner de conspiration en conspiration , sans jamais en
être l'objet ni le héros , pas même It* plastron. En eflet ,
soigneux de faire sa paix particulier!* quand le danger
devenait pressant, ce prince abandonnait ii Uniiv la ven-
geance du cardi[ial, ou, en d'autres termes, à la hache
des bourreaux , la tète de ceux cpii avaient été assez
f
CHAPITRE TROISIEME. 577
dupes pour chercher leur sûreté derrière son nom royal.
Les troupes qui avaient conduit jusqu'à Perpignan
la première partie du convoi des grains étaient ren-
trées à GoUioure le 1 1 de janvier, et deux coups de
canon tirés du château de Saint-Ellme, au milieu de la
nuit, avaient appris à Mortara leur retour sans acci-
dent dans cette ville. Mais les mulets n'avaient pas été
renvoyés, et Torrecusa, que Tétat des affaires de la
Catalogne appelait dans ce pays, était pressé de se dé-
barrasser de ce qu*il lui restait de grains sur les vais-
seaux : il se décida à faire porter ce restant par ses sol-
dats eux-mêmes. On confectionna cinq mille petits
sacs , dont chacun devait faire la charge d'un fantassin ,
et quatre cents de plus grands pour placer derrière
chaque cavalier, et le dimanche, a 6 du même mois,
on se mit en marche.
Torrecusa ignorant la position des Français, et les
supposant postés sur la rive gauche du Tech pour lui
en disputer le passage, avait d'abord pris la résolution
de s'arrêter sur le bord de cette rivière, pour conti-
nuer sa route à la faveur de Tobscurité de la nuit;
mais, changeant d'avis sur le soir, il se porta sur Sal-
lèles pour y laisser reposer ses troupes jusqu'au len-
demain. Harassés de fatigue sous le double fardeau
de leurs armes et des sacs de blé, dont la pluie tombée
en abondance dans la journée avait encore augmenté
le poids, les soldats ne pouvaient plus avancer. A
Sallèles , Torrecusa apprend que les Français sont à
1
578 LIVRE QUATRIEME.
Saint-Nazaire , à une demi-lieue de lui, et cette nou-
velle le force de bivouaquer toute la nuit. Le lende-
main , le jour paraissait à peine que ce général voit
les Français manœuvrant pour Tentourer. Il Tait former
à la hâte des retranchements avec les sacs de blé
mêmes, et deux compagnies de mousquetaires vont
occuper un bois voisin. La cavalerie françabe, cou-
rant se placer derrière ces compagnies pour les isoler,
les charge et leur fait éprouver quelques pertes ; mais
Torrccusa envoie h leur secours quelques bomies
troupes, et les Français sont forcés de se retirer. Maître
alors de la campagne, le général espagnol ramasse les
fourgons et chariots abandonnés par les Français , et
se rend h Ëlne, où il s'arrête deux jours. Le ag, re-
prenant la route de Saint-Nazaire, il aperçoit près
d'un monticule isolé , nommé lo \lant de la Terra^ les
Français qui, enhardis par un renfort de cinq cents
chevaux i'raichement arrivés, lattendaient de pied
ferme. Torrecusa voulait se porter sur Canet pour évi-
ter une action; mais, atteint par la cavalerie, il fut
contraint de s'arrêter et de se défendre. Dans le mou-
\emcut qui s opéra alors, ses escadrons, en cher-
chant ù éviter le choc des escadrons français, se reu-
versèrent sur les vieilles handes de Prosper Colona et
de Podcrigo , qu'ils mirent en désordre , et, dans le
même temps, les cavaliers français « fondant sur les
lrou|)es moins aguerries, les poussèrent dans un fossé
on rarlillerie les écrasait.
CHAPITRE TROISIÈME. 379
Le régiment de cavalerie française de Gassiou venait
d*enlever les bagages des ennemis. I>ésireux de pour-
suivre ses avantages, il essaie d*envelopper Tarrière-
garde espagnole, composée dltaliens; mais ces Ita-
liens étaient de vieux soldats : soutenus par le feu de
deux pièces de campagne, ils arrêtent ces escadrons,
et rejoignent ti*anquiliement le reste du convoi. Cette
manœuvre, exécutée avec audace, étonne les Français,
qui n'osent plus les attaquer. ToiTecusa, témoin de
cette hésitation , se remet audacieusement en marche
pour Perpignan , escorté par la cavalerie française qui ,
en voltigeant autour de lui , met toute son adresse à
percer à coups de carabine les sacs de blé que por-
taient les soldats : cette manœuvre eu détruisit en-
viron sept cents , dont le grain s*écoula par les trous
des balles.
11 n'était arrivé à CoUioure qu'une partie des na-
vires du convoi ; l'autre partie , qui était restée à Roses .
vint mouiller sur la plage de Sainte-Marie , le lende-
main de l'entrée de Torrecusa dans Perpignan. Ce
général marche aussitôt de ce côté , et fait entrer dans
la place, sans accident, cette seconde partie du ravi-
taillement. Laissant ensuite Mortara pour gouverneur
de Collioure, Torrecusa se rembarque avec ses sol-
dats pour Tarragone.
Au moyen des munitions qui venaient d'entrer dans
Perpignan, cette place aurait dû être approvisionnée
pour longtemps ; mais le gaspillage dont nous a parlé
580 LIVRE QUATRIÈME.
Paschal , et l'impéritie du gouverneur laissé dans la
place par Torrecusa , furent cause que les soldali ,
qui seuls en profitaient, n*en eurent pas pour
mois.
"^
CHAPITRE QUATRIÈME. 381
CHAPITRE IV.
Révolte du Portugal. — Le cabinet de Madrid revient sur ses
mesures. — Siège de Collioure. — Tentatives de secours. —
Blocus de Perpignan. — Intrigues dans le camp français. —
Voyage du roi d*Espagne en Aragon. — Tentatives de se*
cours pour Perpignan.
Le tour si alarmant qu'avaient pris les affaires
d'Elspagne faisait enfin ouvrir les yeux au gouverne-
ment du roi catholique. Le comte-duc s'apercevait
qu'en cédant à des passions haineuses, dans le poste
éminent où il se trouvait placé , on ne mène jamais à
bien les affaires publiques; Texpérience la plus cruelle
lui apprenait que le système qu'une folle présomption
lui avait fait adopter contre la Catalogne, loin de ré-
duii^e cette province et d'en faire tomber les habitants
à ses pieds, n'avait fait qu'irriter leur amour-propre,
exalter au plus haut degré le caractère national , qu'il
eût fallu connaître et ménager, et les précipiter dans
les bras d'un autre maître; il voyait, sans doute avec
la douleur la plus profonde, que cette insurrection,
qu'il avait si longtemps provoquée , était ime tempête
qu'il n'était plus en sa puissance de conjurer; il recon-
naissait , mais trop tard, que la révolte d'un peuple est
toujours d*un exemple très-dangereux pour les autres
582 LlNftl:: QLATRIÈM£.
peuples soumis à Ja même domination « parce que
chaque pays renferme inévitablement des mécontientai
des brouillons , des gens turbulents, outre cette mawe
qui n*existe que par les désordres, et la populace qui
cède toujours à l'impulsion du mal.
Les Catalans avaient trouvé des imitateurs dam les
Portugais, impatients du joug que leur avait impoeé
Philippe II en les réunissant à la couronne d'Espagae,
et qui s'étaient donné pour roi le duc de Bragaoee; le
plus proche héritier de leurs anciens souverains. Plus
tard un simple pécheur napolitain, Thomas Anidlo
ou , par syncope, Masaniello, souleva contre le goiK
vemcment la populace de sa patrie, et en peu d'annéee^
outre la Catalogne , le Portugal et les Açores, en Eu-
rope, TËspagne, par les fautes de son ministre, pefdil
encore Tile de Mozambique, Goa et MacaodansTAM^
et le reste du Brésil dans l'Amérique. L'impéritie d^
livarès , signalée dans les trois parties du monde par
des catastrophes , plaça sur les bords d*un abime im-
mense la monarchie la plus florissante, la plus étendue
et la plus redoutable qui fût alors. Il fallut, pour lav^
ver Ictat, revenir sur des mesures ordonnées, cequW
gouvernement ne fait jamais sans danger, on tout m
moins sans compromettre sa gloire; il fallut flatter,
caresser ceux qu on avait persécutés avec tant de bar»
barie , supplier des peuples qui ajoutaient maintenant
à leurs anciens griefs ce méprisant dédain qu inspire
toujours lorgueil forcé de s*humilier lui-même : OU»
f
CHAPITRE yUATKlÈMK. 385
varès avait dû en venir à proposer au roi un édit por-
tant pardon général à tous les Catalans, avec promesse
de ne plus attenter désormais aux privilèges, iranchises
et constitutions de la province.
Cet édit, signé le a 4 janvier de cette année 1 64a ,
avait été envoyé en Catalogne accompagné d*une ex-
hortation aux peuples de cette principauté à revenir à
leur véritable roi. Maladroit jusqu*à la fin , le comte-
duc crut augmenter ses moyens de réussite en s*effor-
çantde jeter du ridicule et du discrédit sur la puissance
à laquelle les Catalans venaient de se donner : c'était
une gaucherie. Olivarès aurait dû savoir que ce n*est
pas au moment où on s* engoue d*un nouvel ami, quon
prête Toreille aux sarcasmes que peut lancer celui
qu*on abandonne. L'exhortation aux Catalans était une
critique, non pas sévère ou même exagérée des usages,
des manières et surtout des mœurs des FVançais, mais
impudente et calomnieuse. Les réflexions et les con-
seils qui la terminaient , justes et sages, et qui pour>
raient encore trouver leur application en d'autres
temps, valaient beaucoup mieux,- et auraient dû
suffire : « Vous ne poiures jamais, ô Catalans, y était-
ail dit, jouir d'une liberté absolue, c'est-à-dire être
« indépendants de tout souverain; et quand vous f ob-
« tiendriez cette liberté , elle vous seiait très-nuisible
tt par plusieurs raisons : d'abord, parce que vous n'eu
«jouiriez pas en paix, mais dans des guerres conti-
unuelles, à l'exemple des Hollandais; ensuite, parce
58k LIVRE QUATRIÈME.
«que la splendeur de Barcelone, capitale de TOtR
a principauté , tient à son union et à son
«avec TEspagne qui la rend riche et magnifique;
« fois privée de ce commerce, elle deviendra hienlôt
« une ville sans importance : ses habitants ne dohreot
r
« déjà que trop s*en être aperçus, n Ici les Français tOBt
traités d*hérétiques , et les Catalans menacés de le de-
venir avec eux. u Ne vous laissez point, rataUfif
« braves et généreux , réduire à cet état de misère» le
«plus grand du monde; metlez-vous à Tabri decepé-.
« ril aussi évident que funeste pour vous et pour TOtre
« prospérité. Ëflacez le souvenir de votre révolte per
« un zèle ardent à servir votre roi et à montrer que les
« Portugais peuvent bien avoir été animés par TOtre
u exemple , mais non pas par vos conseils et par votre
«secours. Le roi catholique, votre souverain « TOire
« père, est plus porté à vous accorder le pardon que
« vous ne Tétiez à le demandera »
Le roi de France , décidé à se rendre k Barceloiie
pour prêter lui-même le serment qu'avait déjà prêté
en son nom le maréchal de Brézé^et pour préaiderm
siège de Perpignan, rappela à Paris le prince de
Condéy k qui il voulait laisser le commandement de
cette ville pendant son absence, et il chargea les
réchaux de La Meilleraye et de Schombergdu
mandement de larmée du Roussillon. Ce prince sortit
* Mercure de Vîttorio Siri* IV.
* Voyei r« tiennent aai Preuvet, n* XIII R
"1
CHAPITRE QUATRIÈME. 385
du Louvre le a 5 du mois de janvier, faisant emporter
avec lui tous les insignes de la majesté, afin de donner
plus de solennité à la cérémonie de son serment comme
comte de Barcelone, et il entra dans Narboniie le
10 mars, après avoir passé à Lyon une revue des
troupes qui devaient faire la campagne. Une seconde
revue générale ayant eu lieu à Sigean , La Meillei^aye
alla attaquer Claira et ensuite Argelès , qui se rendit
sans opposition.
Le port de Collioure était le seul où les Elspagnols
pussent aborder pour secourir Perpignan; il était donc
indispensable de commencer par soumettre cette place.
Son investissement par Schomberg, déjà entrepris
depuis quelque temps , fut continué par La MeiUeraye
avec seize mille hommes.
Collioure , commandé par Mortara , renfermait
trois mille bons soldats , dont deux mille , postés sur
les hauteurs qui environnent la ville , n en furent dé-
logés qu'après une rude mêlée. On attaqua ensuite le
fort de Sainte-Thérèse , à l'extrémité duquel s'élevait
une ancienne tour, et que foudroyaient trois batteries.
Des brèches assez larges se montraient déjà et la tour
elle-même semblait prête à se. renverser; cependant,
quelques efforts que Ton fît pour la faire crouler afin
que ses décombres pussent combler le fossé, cette tour
ne tombait pas. De nouvelles batteries firent un feu si
vif pendant les deux derniers jours de ce mois de
mars, que les trois brèches devinrent praticables,
n. 25
^
386 LIVRE QUATRIÈME.
La cour d*Kspagne , qui mettait un ai grand intéffèl
k la conservation de Collioure, parce qu elle nlgnoiail
pas qu*au sort de rctte place se rattachait celui de
Perpignan, s occupait des moyens de lui faire parvenir
des secours. Trois mille hommes des meilleqret
troupes qui restaient à la défense de TËspagne, el la
plupart officiers réformés, furent placés sous les onhpet
de don Pierre d'Aragon, Tainé des en&nts du duc dm
Cardone et nommé vice-roi de Catalogne , pour être
conduits en Roussillon. Don Pierre, justement eflEmyé
de la témérité d une entreprise qui ne tendait k rien
moins qu*à faire traverser à une troupe si peu nom-
breuse trente-six lieues de pays révolté, par dea che-
mins rudes et difficiles , chercha à en détourner le
cour; mais le ministre, que la contradiction irritait»
lui fit répondre par le roi lui-même, qu'il ne devait
pas balancer k exécuter ce quon lui ordonnait : « Lea
((Sujets peuvent proposer dos difficultés, ajoutait le
« prince, mais quand les ordres leur ont été réitérés,
«ils ne doivent pas répliquer. Quils partent donc.
«dussent-ils périr'. n Don Pierre partit. 11 chercha k
tromper les Français en feignant de vouloir attaquer
Tremps; mais La Motte, loin de s*écarter du chemin
que devaient suivre les Espagnols , se |>orta sur Bala-
guer. Parvenu k l'endroit qu'on ap|>elle les Trente-
Pas, don Pierre s'efforce encore de faire prendre le
change aux Français, en faisant mine de les investir;
> Frliuiiela IVna.
CHAPITRE QUATRIÈME. 387
mais La Motte Fa encore deviné, et, sans s'inquiéter
de ses démonstrations, il jette des soldats à la garde
du défilé, pendant que Brézé fait prendre les armes
aux paysans de la Catalogne. Le a 5 mars les deux
années se rencontrent, et les Espagnols sont battus.
Dans le temps que don Pierre ralliait ses bandes
dispersées, La Motte se portait sur Martorell. Le
a8 de mars les Espagnols s*étant remis en marche,
La Motte les attaque de nouveau sur les bords de
la Noya, et cette fois il les force de renoncer à pous-
ser plus loin. Dans l'impossibilité de retourner à Tar-
ragone, parce que les Français lui en ont barré le
passage , entom*é de tous côtés par son ennemi et sans
aucun moyen de sortir de ce mauvais pas, épuisé de
fatigue et de faim comme ses soldats, qui n'avaient rien
mangé depuis deux jours, don Pierre fut contraint de
se rendre sans coup férir.
Ces différentes affaires, dans lesquelles La Motte-
Houdancourt avait déployé des talents militaires , va-
lurent à ce général le bâton de maréchal de France ,
que Louis lui envoya de Narbonne.
Don Pierre d*Âragon et les principaux chefs de sa
petite armée avaient été conduits à Barcelone. Les
Français , pour (aire honneur à leurs alliés, les avaient
chargés de désarmer les vaincus; mais les braves
prisonniers aimèrent mieux briser leurs épées que
de les rendre à des rebelles. Cette noble fierté, très-
mortifiante pour les Catalans , fit dire à ceux-ci , avec
a5.
\
588 LIVRE QUATRIÈME.
un sentinirnt do drpit, sinon de vérité, que la perte
nVtait pas grande, puisque ccs<^pées n'étaient bonnes
à rien*.
Pendant ee temps le siège de CoHioure se poussait
a ver. artivilr. IjOs bnVhes de la denii-lnne du fort de
Saint<»-TI)érose étaicMil praticables, et les soldats de-
mandaient lassant : eVtait le premier d'avril. Avant
de I ordonner, La Meillei*avc aurait voulu voir la tour
sVerouler, paire (pie, avee le ehnteau , elle défendait
ces bnVlies et pouvait n^ndre cet assaut très-meurtrier.
II lit pousser une mine sous cet ancien édifice, qui
re.sla inébranlable. Alors de l'avis de son conseil il se
décida à faire assaillir les trois brècbes «^ la fois. Ces
trois assauts, donnés \r a avril, n'*ussiriMit, et les assié-
gés se réfugièrent dans le cluiteau. A la suite d'une
sortie cpi'ils tentèreni le lendemain, les Français, qui
les poursuivaient lepé*: dans les reins, s'emparèrent
de tous les ouvrages extérieurs, et, maîtres de la con-
tresearpe, ils se logèrent dans le fossé.
I)e|)uis cinc] jours \n\\\r lartillerie tonnait contre le
cbàfeau. et les nuirailles n'en étaient point entamées :
on eut recours à la mine. l/(*xca\ation était h peine
conunencée, que le roc lier sur leipiel It* château est
assis .se montra h nu , et lit douter du succès de l'opéra-
tion. ()iicliai*gea cependant le fourneau et on y mit le
feu. Alors, contre l'attente générale, non-seulement
rexplosiftn lit sauter tout le front crun bastion, mais,
' l-VIiii i\v\.-% iVnn.
CHAPITRE QUATRIÈME. 389
la fortune se déclarant contre les assiégés , les ruines
de ce bastion allèrent combler le seul puits qui four-
nissait de Teau à la place , ce qui en décida à Tinstant
même la reddition. La brave garnison sortit avec tous
les honneurs de la guerre, et fut envoyée à Pampelune;
les malades furent transportés à Tarragone sur des
navires que Mortara eut la permission de faire venir de
Roses.
Libre d'employ er toutes ses forces contre Perpignan,
La Meilleraye avait proposé à Louis XIII, qui était
toujours à Narbonne, de soumettre cette place par la
puissance des armes; mais ce prince, connaissant la
détresse qui y régnait, aima mieux la faire succom-
ber par la famine.
Depuis trente mois Perpignan se trouA^ait réduit à
Tétatle plus déplorable. La disette y était excessive;
des irruptions fréquentes dans les villages environnants
avaient procuré jusque-là quelques légers secours,
mais , après la prise de Colliom*e , le blocus devenant
très-rigoureux , il ne resta plus aucun moyen de rem-
placer le peu de vivres qu'il y avait encore à con-
sommer.
Louis connaissait toute Timpoiiance de Perpignan ,
place regardée alors comme inexpugnable , et ce mo-
narque tenait à très-grande gloire de s en rendre
maître. Dès qu'il eut appris la chute de Collioure, il
quitta Narbonne et vint s'établir à Saint-Estève , petit
village à une lieue de Perpignan. La Meilleraye se
590 LIVRE gi ATKIËME.
porta a\cr rinq rr^^imeiits, les compagnies royales et
six cents clirvaux , au pied de Taqueduc sur la route
d'Kspa^nc; les rcf^imcnts do cavalerie d*Enghien et de
La Mcillerayc furent postés à Pia; ceux d'Enghien, de
Condc, de Polignac, de Brissac et de Lcran infanterie,
se logeront h Hompas, et le régiment italien de Maxa-
rin fut cantonné près de Saint-Ëstève.
Le a G avril le roi, accompagné des maréchaux de
La Meilieraye et deSchomberg, avait (ait une recon-
naissance autour de la place, pour en déterminer la
circonvallation. Les lignes, partant de Castel-Roua*
sillon, se dirigèrent vers le ruisseau de Bompas,
de fautre coté de la Tet , et le suivirent jusqu'au
Vernet; à moitié dislance du \ ernet à Saint-Estève,
où était toute la maison du roi , les lignes fléchis-
saient pour se rendre t^ Malloles et h la colline dv.
Saint-lloch, au bas de laquelle se termintsrent les re-
tranchements. De ce point jusqii*à Castcl-Roussillon.
Tespacc était occupé par les ganics de cavalerie. Le
quartier du roi était auprès de Saint-Flstève, dans une
métairie qui depuis cette époque a conservé le nom de
mas (Ici rcy.
La garnison de Perpignan se composait de truis
mille hommes de vieilles et bonnf*s troupes, sous le
eoiiim;uidemt*nt de don KIorèsdWvilu et de don Diego
(iavallero. Quoique h* canon du rem|}art grondât sou-
\eiil du matin au soir, il ne taisait aucun mal au\
assiégeants : les Français n'avaient qu'i^ attendre, les
CHAPITRE QUATRIÈME. 591
bras croisés , que ceux qu ils tenaient comme dans
une prison renonçassent d'eux-mêmes k leur capti-
vité volontaire.
Si le camp royal de France était en parfait repos
sous le rapport des opérations stratégiques, il ne Tétait
pas sous celui du déchaînement des passions. Devenu
le champ de bataille de Tintrigue , il retentissait des
débats d une lutte à mort entre le cardinal-ministre et
le grand écuyer Cinq-Mars. Le premier était resté &
Narbonne , dans une sorte de défaveur, pendant que
son imberbe rival, & Tapogée de sa fortune, avouait
presque tout haut fintention de se défaire par un
meurtre de son premier protecteur devenu son
mortel ennemi.
Dans le même temps que les familiers de la cour
de France attendaient avec une vive anxiété le dé-
noûment d*une tragédie dont les premiers actes se
jouaient sous leurs yeux, ceux de la cour d'Espagne
n éprouvaient pas moins d'inquiétude en calculant les
instants qu'avait à durer encore la faveur du premier
ministre , dont la marche désespérée des choses faisait
regarder la chute comme inévitable. Le roi d'Espagne,
voyant ses affaires s'empirer chaque jour, et le roi de
France quitter Paris au milieu de l'hiver pour assister
en personne au siège de la dernière place qui restlt à
r Aragon au delà des Pyrénées, avait pris une réso-
lution qui lui aurait très-bien réussi un an plus tôt quand
dX )nate la conseillait : celle de se rendre en Catalogne
3^2 LIVRE QUATRIÈME.
pour révcillrr dans le cœur des peuples de cette pro-
vince le sentiment de leur ancienne fidélité. Ce voyage,
dont rintéret était si pressant, le monarque ne put
rexécutcr cpraprès avoir surmonté tous les obstacles
que le ministre ne cessait de faire naître par Torgane
du conseil de Castille; et encore, comment Texécu-
la-t-il ?
Le peuple, qui attribuait tous ses maux au comte-
duc, sindi{^nait des longueurs qui arrêtaient toujours
ce voyage annoncé depuis si longtemps, et, un jour
que Philippe allant Taire une chasse au loup traversait
le pont de Ségovie , les personnes qui se trouvaient là
oseront lui crier que ce n*étaient pas les loups qui les
dévoraient, niais bien le roi de France. «Que votre
« majesté aille h la chasse h CoUioure , ajoutait-on , cela
«vaudra mieux. » Les pasquinades, les épigrammes,
les sarcasmes devenaient chaque jour plus mordants.
Le roi déclara enfui au conseil qu il voulait partir: un
seul conseiller, le marquis de Grana , ambassadeur
de fempereur, applaudit «^ cette résolution ; tous les
autres, esclaves soumis d'Olivarès , trouvèrent encore
des raisons dVtat pour |)rouver ipie le roi ne devait
pas quitter la capitale ; ils dressèrent par écrit leurs
remontrances, cpie le roi, sortant en ce moment de
son apatiiie, décliira avet^ colère, déclarant que son
départ ne dépendait (pic de sa volonti*.
(le voya^^e, sur lecpiel le consi*il délibérait depuis
vin;;t mois, ctimt enfin décidé, on ordonna la for*
CHAPITRE QUATRIÈME. 395
mation d*un corps d*arinée pour accompagner le mo-
narque , et le commandement en fut confié au bâtard
du comte-duc , que ce ministre avait fait reconnaître
solennellement par toute la cour. Philippe, imitant cet
exemple , fit reconnaître avec la même solennité le fds
naturel qu*il avait eu d*une comédienne nommée la
Calderona, et ce fils, âgé alors de treize ans, et qui
s appelait don Juan d'Autriche , reçut le commande-
ment des^oupes dirigées contre le Portugal, sous la
tutelle d*un conseil de généraux expérimentés.
La députation , qui ne devait remplir ses fonctions
que sous les yeux du roi , quand il se trouvait .dans la
province, s était empressée de quitter Barcelone et de
se rendre auprès de Louis XIII , dès que ce prince (îit
entré en Roussillon : sa résidence fut fixée â Thuir le
3 3 mai. Par la même raison Taudience royale alla s'éta-
blir à Pezilla , où elle débuta par ordonner la confisca-
tion des biens de tous les Roussillonnais qui avaient
quitté le pays pour se rendre en Elspagne. Un orage af-
freux qui éclata sur le camp français, le a 6 de ce mois de
mai, aurait pu être fatal aux assiégeants, si la garnison
assiégée avait été en position d'entreprendre quelque
chose d'offensif; mais, épuisés par les fatiguer, exté-
nués par la faim, décimés par les maladies, les soldats
de cette garnison attendaient, avec cette longanimité
particulière aux Elspagnols , le succès des efforts qu ils
savaient qu'on faisait pour les secourir. Cependant, à
la mi-juin, don Diego Cavallero, ayant demandé un
VJ'J LIVUK QUATRIEME.
sauf-conduit pour se rendre au camp français, jeta
avant (|nel(|ues propositions pour la soumission de h
place; mais ses conditions étaient telles que les maré-
chaux de Fi-ance ne voulurent pas les écouler. A cette
épo((ue Louis nVtait plus au camp : les chaleurs ex-
cessives du Koussillon avaient tellement aflccté sa
s;uité, iUjk tr^s-affaiblie à son départ de Paris, qu'il
avait du chercher depuis quelques jours une tempé-
rature moins élevée.
Olivarés n avait pas perdu de vue Perpignan. Après
de longues délibérations, le conseil avait enfin décidé
<|u'il serait formé deux corps d'armée, fun sous les
ordres de Leganés , pour fopposer au maréchal de La
Motte, fautre sous ceux deTorrecusa, pour forcer le
passa(;e des Pyrénées et délivrer le Roussiilon.
Ilîircelone avait ses espions i^ la cour. Informée des
dispositions arrêtées, elle en prévint Schomherg, qui
se hâta d'assembler la noblesse de (lascogne, pendant
que le comte d'Alais réunissait celle de Provence. De
son coté l^a Meilleraye, laissant aux lignes de circon-
vallation une gai*d(* suflisante, étendit le reste de son
année le long de la plage et fortifia le Pertus. Le
marquis de Hrézé, amind de la flotle française , eut
ordre de stationner sur la côte de Koussillon.
I.e marquis de Legan^s, nommé vice-roi deCata*
iognt* pour f Kspagne , avait paru dans la plaine de
laiTagoiie aviM- huit mille l'antassiiis et deux mille
chevaux ; mais celle armée n était rompciséc que de
CHAPITRE QUATHIÈME. 395
gens enrôlés malgré eux , et qui désertaient à chaque
pas , si bien que les généraux français avaient plus à faire
à donner des passe-ports qu'à prescrire des disposi-
tions militaires.
Le roi d*E^pagne , triomphant de toutes les ruses du
comte-duc , avait enfm quitté Madrid le a /i avril , et
était arrivé à Arganda le a 8, ayant ainsi fait trois lieues
en quatre jours. Le a 9 un courrier du marquis de
Leganès traversant cette ville, le roi se fait remettre
les dépêches, et parleur lecture il acquiert la con-
viction qu'il est trompé sur la situation des afiaires :
les lettres qui lui étaient adressées personnellement
donnaient les plus belles espérances , tandis que celles
qui étaient pour le ministre faisaient tout paraître
désespéré. Une pareUle découverte eût été une leçon
utile pour tout autre souverain ; celui d'Espagne (ut
peut-être (âché de l'avoir faite; du moins il n*en profita
pas , et JOlivarès continua d'être ministre et favori.
Les murmures du peuple espagnol augmentaient
chaque jour, et son indignation s'exhalait en plaintes
amères contre cet Olivarès, toujours à la tête d'une
monarchie délabrée par son impéritie, et toujours fé-
cond à trouver des prétextes pour retarder le voyage
du roi. Ce voyage, qui aurait dû se &ire avec toute là
célérité et avec tout l'appareil militaire qu'exigeaient
les graves circonstances qui TaVaient fait entreprendre
ne s oxécuLiit (ju avec la plus désolante lenteur, et en
compagnie d'une troupe de comédiens pour amuser
5% LIVHK QL'ATRIEME.
riiidolcnt monarque dans tous les lieux de son passage;
aussi disait-on hautement que , tandis que le roi d'Es-
pagne* assistait à la romédio, ieroi de France lui pré-
parait la tra<2[rdic' \ Kniin, après avoir misdix-sept jours
«^ se rendre de Madrid à Aranjuez, Philippe termina
ià, pour cette fois, sa helliqueuse expédition. Soit que
les artifices du comle-duc Tussent parvenus à le per-
suader de riiiutilité de cette; c*ourse, soit que sa fai-
blesse se lassant de lutter contre tous ses courtisans,
qui, enticTcmcnt dévoués au favori, auraient, pour lui
être agréahles, laissé périr la monarchie (triste mais
inévitable condition des rois dominés par des favoris,
de n\''tre (Mivironnés cpie d'espions et de traîtres!), il
eut pris le parti do ne plus disputer une victoire trop
fatigante pour sa paresse, il déclara publiquement
qu*il nuirait pas plus loin.
La certitude du voyage du roi avait relevé de leur
abattement les provinces limitrophes de la Catalogne;
la nouvelle de la subite détermination que ce prince
venait de prendre* frappa ces peuples de stupeur, et
jeta partout le découragement. Les cris des Valencicns
et des Aragoniiais, dont les teiTcs se trouvaient déji
entamées par les Français, ayant pu cependant tra-
verser les nnirailles du palais du roi, IMiiiippc, après
un mois de séjour h Aranjuez, se décida de nouveau
â se rendre en Catalogne : il se remit en marche pour
Cueiira.
' \itt. Mri.
CHAPITRE QUATRIÈME. 597
Pendant que, s oubliant encore au milieu des fêtes,
des courses de taureaux , des parties de chasse que le
"ïTiinistre lui faisait prodiguer dans cette dernière ville,
^e roi d'Espagne donnait à ses plaisirs tout le mois de
juin , la reine , sa femme, Elisabeth de France, sœur
de Louis XIII, à qui était confiée la conduite des affaires
pendant labsence du roi , déployait à Madrid la plus
grande activité pour former des régiments et ramasser
des finances. L'énergie de cette princesse électrisant
enfin son époux , Philippe s arrache à sa Capoue et
vient à Molina. Là se tint un conseil dans lequel il
fut résolu qu on tenterait encore une fois de traverser
la Catalogne, pour aller au secours de Perpignan. On
ne sait vraiment comment concevoir cette obstina-
tion à vouloir toujours faire parvenir des troupes en
Roussillon par la voie de la terre, qui était fermée de
toute part, lorsqu'on avait celle de la mer toujours
ouverte, et qu'en jetant ces mêmes troupes sur la
plage de Canet ou de CoUioure on avait en sa faveur
toutes les chances de succès. C'était bien là ce que
désirait le conseil ; mais Torrecusa , qui était chargé de
la conduite de ce secours , voulait faire une campagne
brillante, et ce fut lui qui fit pencher la balance en
faveur du projet le plus audacieux. Torrecusa était
brave et habile, mais il se montra présomptueux, et il
sacrifia les intérêts de son pays adoptif ^ au désir de
chercher une ^oire personnelle qu'il ne put atteindre.
' Charles Caracciolo, marquis de Torrecusa, éudt Italien.
398 LIVRK QlrATIUKME.
Suivant \v plan arrrté, le marquis de Tavara de-
vait harrdcr les Catalans du roté de Tamigone, cl le
mar(|uis de Lo^rancs donner, du roté de Lerida, des
alarmes aux Fran(;ais, afin de les occuper les uns et
les autres et de faciliter la marche de 1 orrceusa à tra-
vers la principauté. Ln avantage remporté par le mar-
quis d*lnoyosa , gouverneur de Tarragone, venait en
ce moment de rassurer les esprits et de se montrer
comme le présage de plus importants succès. La
nouvelle d'une victoire remportée par la flotte es-
pagnole, sur les côtes de Catalogne, parvenant au roi
Philippe dans le même temps, tous les cœurs nagè-
rent dans la joie, et les félicitations sortirent de toutes
les houches. Cependant les détails ofliciels de la ba-
taille navale et la cruelle vérité vinrent bientôt chan-
ger lalégresse en deuil et les plus brillantes espérances
en de sinistres pressentiments : la prétendue victoire
n était qu une défaite due à Timpéritie du duc de Civita-
Real, qu'Olivarés avait donné pour amiral i la flotte
espagnole.
Torrecusa avait joint ses forces h celles du mar-
quis de iMortara, qui commandait en Aragon, et son
armée se trouvant alors de seize mille hommes, il
s était rendu à Tarragone pour man-hersur Pequgnan.
La cour d'Kspagne, jouet de tous veux qui voulaient
sannist'r de sa cri*dulité, venait d'apprendre, ou du
nu)ins le laissait croire, que le gouvcTueur de cette
dernière ville était parvenu à aciieter, h force d'argent
CHAPITRE QUATRIÈME. 599
h des Français mêmes , des navires et des provisions ,
ce qui lui donnait de quoi se soutenir encore pendant
tout le mois d'août ^
Le roi d*Espagne était enfm arrivé à Saragosse.
A la fm du mois d août il sut avec certitude que la
flotte toscane, commandée par le prince Mathias,
frère, du grand duc, venait de mouiller à Vinaros. Cet
amiral reçut aussitôt Tordre d'attendre dans ce port
les vaisseaux chargés de mimitions pour Perpignan et
de côtoyer l'armée , pour aller ensemble délivrer cette
ville. Au moment où le convoi réuni allait mettre à la
voile t Tavis parvint à Mathias que des négociations
venaient d'être entamées entre le gouverneur de Per-
pignan et les Français i et que la capitulation, dont les
bases étaient arrêtées, portait que la place serait ren-
due le 9 du mois de septembre, si elle n'était pas se-
courue avant cette époque* Une conférence entre le
prince et Torrecusa eut lieu à la suite de cette nou-
velle , et il fut convenu que pendant que les troupes
de terre continueraient leur marche à travers la Cata-
logne , la flotte irait combattre celle des Français ,
qu'on croyait ^ Barcelone. Mathias ne trouvant plus
ces vaisseaux, qui étaient retournés à Toulon, jeta
quelques soldats dans Roses et revint à Tarragone.
Cest ainsi que l'amour-propre de Torrecusa fit perdre
Perpignan au roi d'Espagne , et avec cette place le
Roussillon pour toujours. En eflet si, au lieu de faire
> M(TC. àe ViU. Siri, liv. V; Uvassor, HiM. de LomM Xlll
U(H) LIVRE QLATRIEMK.
adopter nu roi le |ilan de secourir Perpignan parterre,
re général avait laissé prévaloir Tavis de la majorité
du conseil, la ilotte toscane, beaucoup supérieure
aux fondes que la France pouvait lui opposer sur les
cotes de Catalogne , aurait eu le temps d*embarquer,
avec des munitions de bouche , les troupes destinées
pour le Roussillon , et de les transpoiier sur la plage
de ce comté. Nous ignorons quelles raisons empêchè-
rent ce même Torrecusa de prendre ce parti quand
parvint la nouvelle de la future capitulation de Perpi-
gnan. Florès dWvila sétait réservé la faculté d'infbr-
mer les généraux espagnols de cette capitulation qui.
n*gléc le 39 d*aoùt, ne devait être exécutoire que le
9 septembre, à deux heures de f après-midi. L* officier
chargé de porter cette nouvelle avait ordre de faû
diligence la plus extr(**ine , et plus de huit jours
taient encore h sYcouler avant le terme fatal, quand
le prince en reçut le prenn'cr lavis. Dans ce laps de
huit jours il était de toute impossibilité qu une année
pût se rendre par terre en Roussillon, presque toujours
combattant sur sa route, tandis que par mer, soit par
un vent favorable, soit |)ar la force des rames des
galères, on pouvait espérer darriver h temps. La voie
delà nuT présentant donc, seule, quelques cliances
de succès, Torrecusa sembler bû*n coupable de ne
l'avoir |)as adoptée.
Ca* général cependant s'avançait toujours, impo-
s:nit à l^a Motte par fandace même de. sa marche. Ce
CIIAPITHE QUATRIEME. 401
iiiarérhal ne pouvait concevoir la hardiesse d*une en-
treprise qui tendait à faire traverser cinquante lieues
do pays insurgé à une armée qui n'était pas supérieure
aux forces quon pouvait lui opposer, outj'e la diffi-
culté du passage des Pyrénées, parfaitement gardées,
et Tarmée du blocus qui était toute fraîche pour se
mesurer avec des soldats harassés de fatigues et épui-
sés de combats. Le succc^s aurait-il couronné tant de
témérité ? c'est ce que Tissue seule aurait pu faire con-
naître. Quoi qu'il en soit, l'audacieux et brave Torrecusa
fut bientôt forcé de s'arrêter, par la certitude que sa
périlleuse expédition était désormais sans objet.
A la fm d'août la famine était parvenue à ce point,
dans Perpignan , que les bourgeois ne laissaient plus
sortir leurs enfants de leurs maisons , dans la crainte
qu'ils ne fussent enlevés par les soldats pour être
mangés : c'est du moins ce que dit l'historiographe
italien de Louis XIIP. Dans les derniers temps le
gouverneur avait voulu expulser de la place les bouches
inutiles, mais les assiégeants les avaient forcées d'y
rentrer afin de hâter la consommation du peu d'ali-
ments impurs qui restaient encore; enfin, le a 9 du
même mois, le capitaine napolitain Fino et un autre
officier avaient été envoyés par Davila, pour traiter
de la capitidation *^ : une suspension d'armes avait eu
lieu immédiatement après la signatur^v
i ' Vitiorio Siri.
' Ceiie capitulation se troavp rapporta dana le Mercure de Siri.
II. ifi
^02 LIVRE QUATRIÈME.
Le jour nirnir que cette ronvention fut signée, les
g<^n(^ranx franrais, (^iniis do rompassion |>ourlesPer-
pignanais, h qui il restait jk peine un souille dévie,
leur avaient permis de venir s*approvisîonnerau camp
(le tout re dont ils avaient un si pressant besoin. Ce-
pendant, pour <^viter que cette grâce, que la seule
conimis(^ration accordait au malheur, ne pût tourner
au préjudice des intérêts du roi de France, on ne lais-
sait emportera chacun, chaque jour, que ccquiétaif
suffisant pour la consommation de la journée. Le 9 du
i«4«. mois de septembre aucune armée espagnole n'ayanf
pani, les Français entrèrent dans Perpignan et ils
plantèrent sur le donjon de la citadelle de Louis \]
rétendard de F'rance, qui ne devait plus en être abaissé.
Le marquis de Varennes fut chargé provisoirement du
commanch'inent de la place, qu*il céda bientôt au
marquis de Vaul)ecourl , nommé définitivement k ces
fonctions.
L*importante conqur^te que venaient de faire les
arme.i de FVance, et que s'empressèrent de célébrer
poètes et prosateurs', coïncidant avec le supplice de
Cinq-Mars et Av de Thou , les deux nouvelles furenl
annoncées au roi par Kichelieu, dans une lettre eom-
inencant par ces mots mémorables : «Sire, vosenne-
' 1^1 filbliollirtmede la France, dr Leluii^; ri Fontètr, dnnn«le lilrr
Hr drtiiff! (tiivra^cK f|iii fiircnt jiiihlios. tant m wn f|uVii prose, au tu
ji't dp la priic df* Pi'r|iigiun. Paniii les pn-iiiipr!» Ir plus mnân|nalile
pM Ir |Mirinf> du |>«-n' (^haiiiit. intitulé - Pirfiinuinum cafiinm
CHAPITRE QUATRIÈME. 405
«K mis sont morts, et vos armes s<)ntdans Perpignan. »
L'Elspagne ne possédait plus, en deçà des Pyré-
nées , que le château de Salses , et cette place ne pou-
vait pas être un obstacle à Taccomplissement des
destinées du Roussillon; les vivres y manquaient, et
la flotte du marquis de Brézé , revenue sur la plage
de Ginet, empêchait l'arrivée de tout secours par
mer. Ce château était à peûie investi , que don Hen-
rique de Quiroga , qui en était gouverneur, demanda
une capitulation honorable , qui lui fut accordée le
1 5 septembre, et^qui ne différa guère de celle de Per-
pignan. Comme dans cette ville la garnison sortit
tambours battants, enseignes déployées, mèche allumée
et balle en bouche^ avec un certain nombre de pièces
de canon et de coups à tirer, et emportant tous ses
bagages. Richelieu voulait faire démolir ce fort, et il
avait raison ; mais Schomberg insista pour sa conser-
vation, prétendant qu'elle était nécessaire à la défense
de Perpignan , et on le laissa subsister.
Richeheu ne jouit pas longtemps de son double
triomphe : il mourut le 6 décembre de cette année ,
trois mois après la prise de Perpignan. Louis XIII ne
survécut lui même que de cinq mois à son ministre :
il expira le i U mai 1 6&3.
' Avant l'invention des cartoudies, la pondre pour charger les
mousquets était placée dans une suite de petits cornets su^ndos à la
bandoulière, et les balles étaient dans une bourse doù on les tirait
pour les tenir avec les dents, pendant qu'on mettait la poudre pour
charger Tarme.
36.
'N
UWi LIVRE QUATRIÈME.
Ce prince , à qui*un caractère droit et franc,
piété douce et sans bigoterie faisaient pardonner Tés-
tréme faiblesse de son caractère, fut très-r^^retté em
Catalogne , où les poètes et les beaux esprits céiéhrt
rent à Tenvi ses louanges. Par ordre du conseil de»
Cent on imprima un recueil de celles de ces pièces
réputées les meilleures, et cette assemblée les dédieè
Louis XIV ^
* Voyei aux Preuvr», n* XfV.
l
CHAPITRE CINQUIEME. 405
CHAPITRE V.
La France ne respecte pa» les privilèges des Catalans. — Mé-
contentements. — Déclaration de Philippe. — Pierre de
M arca. — Défaveur des Français. — Prise de Barcelone. —
Le Roussillon cherche à secouer le joug. — Lassitude géné-
rale. — Paix des Pyrénées. -— Dâimitation des firontières.
Le premier mois de Tannée qui vit finir le (ils de ^^^^
Henri IV et commencer le règne trop long de Louis La«u xiv.
XJV avait vu expirer la désastreuse feveur du comte-
duc d'Olivarès. L'aveugle amitié de Philippe IV pour
ce favori, ou plutôt Thabitude d'être dominé par lui
était telle , que malgré toute Timpéritie dont , comme
ministre, Olivarès n avait que trop donné des preuves,
il fallut encore que la reine, indignée de la mauvaise
éducation que recevait Tinfant Balthasar, son fils, sous
rinfluence de ce ministre , qui n avait pas eu honte de
lui donner pour gouverneur son enfant naturel , et ré-
voltée de l'espèce d'esclavage dans lequel il prétendait
la tenir elle-même, eût recours à l'intrigue pour le
faire renvoyer. Avec le secours de l'empereur, de la
duchesse de Mantoue, ex- vice-reine de Portugal, et
de la noiu*rice de son époux, elle parvint à dessiller
complètement les yeux de ce prince, qui^ le 1 7 janvier
1 6 À 3, se décida enfin à signer les lettres d'exil. Cette
'106 LIVRE QLATKIËMb.
belle iiiuiuiirliic espa^llole, quOlivarcs avait reçue
en dépôt si ^raiidr, si prospère , si prépondérante dans
le système |)olitiqiie deTEiirope, si riche par ses im-
menses |iossessions océaniennes, il la rendit faible,
pauvre, délabrer, agonisante, entourée d*ennemis,
dont les moins redoutables nVtaienl pas les enfants
qui s'étaient arrachés de son propre sein.
La jalousie des Catalans pour leurs privilèges venait
de produire une ivvolution dont la France avait pro-
fité, par Tunique raison que eclle-ci, «^ cause de son
voisinage et de la guen*e qu elle faisait en ce moment
ik TËspagne, était la seule puissance en |H)sition de
soutenir finsurrection de ce {leuple. Le besoin d*étre
secouru avait donc étouifé momentanément les anti-
pathies, tant nationales que de l(K:alitc; fappui reçu
des Français avait lait naître, en faveur de la France,
une sorte d'enthousiasme qui dans les premiers i
tiuits avait étourdi la Catal(»giit* sur fambition de
protection; mais cet enthousiasme ou cet engouement
éphémère, qui n'était WnnU: que sur uiiecircuiistaiice
fortuite, une nécessité de moment, et que n alimentait
pas la conlonnité di* niirurs, d'habitudes, de vues ni
de sentiments, ne pouvait être (|ue passsiger, il devait
.Ve\an(»tiir aussitôt qu'une iKuivelh* circonstance met-
trait en opp<isilion les principes diUiM'ents des deiii
peuples : c'est ee qui ne manqua pas d'arriver.
Les (Catalans avai(*nt \f)ulu prouver aux souverains
lie la Péninsule qu'ils n'étaient pas un peuple serf.
CHAPITRE CINQUIÈME. 407
soumis à tous les changements qu il pouvait leur plaire
^introduire dans leurs constitutions ; le cabinet fran-
çais , en les aidant dans ce qu il regardait moins comme
Teifet d'un élan national en faveur de véritables droits
acquis, que comme une révolte dont la politique corn*
mandait de tirer parti dans sa propre cause, ne se con-
duisait guère que d'après ces vues, et mettait peu
d étude à dissimuler ses arrière -pensées. Aussi la
bonne intelligence entre les deux nations commençait-
elle déjà à se refroidir , à la mort de Louis XIII , et
quelques signes de mécontentement s étaient manifestés
en voyant que la France s occupait plus de Perpignan,
entièrement k sa convenance, que de la Catalogne,
menacée par les forces de la Castille. Des murmures
éclatèrent ensuite à Toccasion de la nomination d'un
Français au poste de gouverneur de cette ville , après
sa reddition. La députation se plaignit au roi de oe
que cette nomination s'était faite , non-seulement sans
son consentement, mais en opposition avec les cons-
titutions de la province; elle déclarait ne pas tenir k
ce que le Catalan qui serait élevé à ce poste, en exé-
cution des privil^es jurés, fut chargé du commande-
ment des troupes et de la direction des aSaires; elle
consentait k ce qu'un Français, au choix du roi, jouit
de ces prérogatives à raison des circonstanees ac-
tuelles, mais elle désirait, pour la conservation du
principe , qu'un iMitional portât le titre de gouverneur,
sauf k abandonner k l'homme de confiance du mo-
'i()8 LIVKË QUATRIÈME,
iiarquc toutes les attributions de la rliarge. Il ne pou-
vait y avoir de réclamation plus juste et de compo-
sition plus i*aisonnable : la France ny eut aucun
cgard , et ce fut un tort qui entraîna pour elle la désaf-
fection de la Catalogne. Les intrigues et la dé£iveur
<fui avaient entouré le lit de mort du cardinal de Ri-
chelieu lui avaient fait perdre de vue, à cet égard, les
intérêts de la monarchie, et les nouveaux conseillers
de la couronne s*étaient plus attachés à agir d'autorité
dans la principauté qu*à ménager des intérêts non
encore bien aileniiis , et qu'il eût été si important de
ne pas blesser. Les députés, n obtenant aucune satisikc-
tion , virent bien qiie les libertés du pays ne seraient
pas mieux garanties par le gouvernement de la France
quelles ne lavaient été par celui de Philippe IV\ et le
mécontentement alla toujours croissant : le mécon-
tentement des peuples est un de ces ouragans qui, ne
sannonçant d*abord que par une nébulosité imper-
ceptible, couvrent en |)(HI d'instants le ciel d'obscu-
rité, et fmissent par une eilroyable explosion de foudres
et de tempêtes.
Dans la nouvelle situation des esprits, les tentatives
que ne cessaient de faire les partisans de l'Espagne
pour ramener la Catalogne h sa première obéissance
ne (levaient plus rencontrer la même opposition : ces
partisans redoublèrent d'elVorts. Déj;^ l'oreille était
moins révoltée au nom du roi Philippe, que n'accom-
pagnait plus le nom odieux d'Olivarè.s; Avyh cette
CHAPITRE CINQUIÈME. 409
^masse de population qui se précipite si facilement vers
les extrêmes, qui, incapable de rien juger par ses pro-
pres lumières, est toujours aveuglément obéissante à
qui a rhabitude de la diiîger, n était presque plus
flottante entre les deux partis; le sang castillan qui
avait rougi son poignard était essuyé , et la pointe
fatale menaçait déjà le Français qu*elle caressait la
veille. Alors commença à circuler avec moins dediffi-
culte , à être recherchée avec curiosité, è être lue avec
certain intérêt la déclaration du a & janvier de Tannée
précédente. Cette déclaration, imprimée en catalan,
et qu'on avaitrepoussée d*abord avec une sorte d'hor-
reur, fut méditée et commentée , et donna matière à
de sérieuses réflexions. Le roi y tenait un langage tout
paternel. Il commençait par faire Téloge de la loyauté
de la nation catalane , de la fidélité avec laquelle elle
avait servi ses ancêtres pendant plus de neuf siècles,
avec laquelle elle l'aurait servi lui-même sans les er^
reurs dans lesquelles l'avaient précipitée quelques
malintentionnés; il exprimait sa ferme volonté que
les usages de Barcelone , les constitutions générales de
la principauté , ses libertés , ses immunités , ses privi-
lèges , ses franchises fussent observés à Tavenir comme
ils l'avaient été sous les rois qui l'avaient précédé, et
il manifestait le plus grand regret d'avoir voulu entre-
prendre contre ces mêmes libertés. Après avoir dit
qu'à peine il eut acquis la connaissance exacte des
griefs qui avaient forcé les Catalans à se séparer de lui,
410 LIVRE QUATRIÈME.
il avait donné des ordres pour leur procurer tofék k
soulagement possible, mais qu*il a la certitude
pièces ont été soustraites à leur connaissance » et
avoir déclaré que ce qui s*était passé k Camhriil et à
Perpignan s était fait contre sa volonté, ses ordraq^aift
toujours été , au contraire , de maintenir ses peilpki
dans Tobéissance par la douceur et la bonté i û
les Français comme ne cberchant qu*à les troi
quii obscurcir la ^oire d*une province si ùàiàB% 3
ac<!use notre nation d*ètre seule la cause de ioiia les
maux de leur pays; il ajoute que les Catalans doivtal,
k Texemple de leurs ancêtres, nous expulser de loons
terres, pour qu*étant débarrassés d'aussi dangc— i
voisins ils puissent jouir de tous les honneilia^ fk-
veurs et récompenses qu*il se propose de leur accofdv;
si potu* opérer cette expulsion ils ont besoin d*amèi
et d*aif[ent, Philippe leur en fournira, sur la dennanlr
des villes et des bourgs ; le roi proclame enfin Fonhii
et rentière absolution de tout ce qui aura pu être Ut
contre son intérêt, dans c^es temps de troubles» anéui-
tissant pareillement toute demande d'impôts arriéréi,
et s engageant k une foule d autres concessions let |ihla
capables de faire naître le désir de revenir au gpran
paternel.
Ln roi qui confesse les fautes de son gouvernement,
r'est un père qui avoue des torts au sein de sa iknuUe :
quel entant, revenu k lui-même, résisterait à un ai
cordial abandon ! Les Catalans n'étaient pas insnigéa
I
CHAPITRE CINQUIÈME. 411
pour le plabir de Têtre; quand ils purent lire sans pré-
ventions et sans passion le manifeste de leur roi, ma-
nileste intempestif quand il fut publié, mais plus tard
parfaitement à sa place , ils se sentirent émus des re-
grets que témoignait le monarque d avoir toléré des
infiractions à leurs libertés et à leurs privilèges; ils
n'examinèrent plus si c'était véritablement des malin-
tentionnés qui avaient fiait perdre à la province sa
fidélité ; si ce n'était pas , au contraire , la conduite sy a*
tématiquement oppressive et vexatoire du gouverne*
ment qui avait rompu les liens qui jusque-là avaient
uni les sujets ail monarque; ils ne recherchèrent plus
s'il était vrai que le prince fût resté complètement
étranger à ce qui avait occasionné les horribles excès
commis dans leur pays ; ils oublièrent tout, et ne s*at-
tachèrent qu'aux désaveux du souverain ; ils s'arrête^
rent à l'espoir de voir leurs constitutions et leurs li*
bertés respectées à l'avenir par leur ancien mntre ,
lorsque le nouveau, auquel ils s'étaient donnés dans
un moment de délire , se montrait si peu disposé k leur
en maintenir la possession. Le moment de la colère
était passé; la réflexion les ramenait naturellement
vers le pays auquel les associait une longue suite de
siècles , avec lequel les identifiaient la conformité de
goûts et de vieilles habitudes. Si des honunea trop
compromis pour ne pas empêcher de tous leur» efforts
le retour de la domination espagnole n'avaient cherché
à étouffer les généreux sentiments qui germaient alors
412 LIVRE QUATRIÈME.
dans les cœurs catalans, de ce moment ratraruMC
que la parole royale donnait k la principauté TninR
ramenée , par une nouvelle révolution , dans les btm
de son monarque.
Cependant, si cette déclaration ne produisit pas
eflet aussi immédiat , elle disposa sourdement les
prits au retour du régime primitif; elle contribua
tout à faire ouvrir les yeux sur les vues intércuéai
de la France. Le voile qui avait caché quelques i
tants les prétendus défauts nationaux , qui ne sont
réalité c|ue la dilTérence de mœurs et d'habitudes
les deux peuples , commença à se déchirer, et lea
eiennes préventions reprirent leur empire.
Pour donner aux Catalans une preuve de la sinoérilé
de ses promesses, Philippe avait dédaré que
d*entre eux qui seraient pris les armes à la main
considérés comme des enfants égarés, et non pina
comme des rebelles; en effet, dès cette année, quand
les premiers mécontentements éclatèrent contre la
France, tous ceux des Catalans qui tombèrent entn
les mains des Espagnols furent sur-le-champ rendus à
la liberté.
i644. Louis XIV était sur le trône, sous la régence de sa
more, quand la CaLilognc, de plus en plus mécontenle
des Français, commençait à invoquer TËspagne comme
lihénitrice. Ce changement complet dans les dispcm»
tions dos Catalans donnant lieu à la régente de craindre
la p(*iie d(» la plus Ix'lle conquête du n^nc préoé-
CHAPITRE CINQUIÈME. 413
dent, son gouvernement crut la prévenir en nommant
pour cette province un haut administrateur qui , sous
le titre de visiteur général, devait s occuper exclusive-
ment de la réformation des abus attentatoires aux pri-
vilèges des habitants. Les attributions de cette charge
sont ainsi définies dans les provisions de celui qui en
fut pourvu : (( Étant bien informés que dans les temps
«difficiles, et lorsqu'il y a eu des contraventions no-
« tables aux constitutions du pays, les rois, nos prédé-
a cesseurs , comtes de Barcelone , Roussillon et Cer-
c( dagne, ont envoyé et établi des visiteurs généraux en
« ladite province , qui sont des officiers ordinaires, pour
« procéder à la réformation de tous abus et au main-
a tien du repos et de l'union des peuples sous Tautorité
«royale et la conservation des lois et coutumes de la
«province, etc....» Ce visiteur général fiit Pierre de
Marca, conseiller du roi, ancien président de la coui*
de parlement de Navarre qui, après la mort de sa
femme , était entré dans les ordres sacrés et avait été
nommé h Tévcché de Conserans. Marca s'empressa de
passer en Catalogne; il s'y occupa beaucoup et longue-
ment de rechercher dans toutes les archives, tant de
la province que des villes, des églises et des monas-
tères , ce qui pouvait tenir aux droits du pays , à ses
privilèges et surtout aux immunités ecclésiastiques;
mais il négligea entièrement la seule chose qu'il im-
portait le plus de constater à l'instant même, celle qui
était la plus pressante , la seule urgente, dans l'état de
414 LIVRE QUATRIÈME.
la crise actuelle , c*est-à-dire de faire cesser les attciDlw
journellement portées à ces droits, à ces pririlége»;
de redresser en un mot ce qui causait les mmiume»,
les plaintes et le mécontentement. Si ayant de fouiHflf
avec un soin si minutieux dans tous les anciens titrai
pour connaitr bien pertinemment lorigine d& tdb
prétention et de savoir si elle s*appuyait sur des drails
bien avérés, le visiteur général avait, suivant la kUsi
de son institution , travaillé sincèrement à la réibr»
mation des abus qui s introduisaient si notoiremant
chaque jour; s'il avait £aiit quelques concessiona pae»
visoires et réparé les torts les plus patents; si, éclairé
par des rapports de cette nature, le gouvememapi
avait prouvé , par des £adts plus encore que par dea
promesses, qu'il voulait faire droit aux réclamatiOM
sur des objets dont les antécédents pouvaient au moana
démontrer la longue possession , sinon la l^timilé;
la France aurait pu retenir encore les Catalans sons aa
puissance ; mais le gouvernement, au lieu de f(^mnignnr
de la confiance à ses nouveaux sujets, de nommer diaa
nationaux aux postes vacants dans leur pays, et qai
leur revenaient de droit, suivant les constitutions dont
on avait juré le maintien , laissait percer en toute oc-
casion une défiance ofiensante pour la province, et qai
nécessairement devait tout perdre.
Une fois entamé, le crédit des Français ne fit ploa
que décliner de jour en jour; alors cette haine de
localité que Tintérèt du moment ne comprimait phia
CHAPITRE CINQUIÈMK. 'il5
reparut plus énergique qu'auparayani : c'est l'elTet or-
dinairede toute réaction.
Tant que les Catalans avaient secondé les Français,
ceuK-ci, avec très-peu de forces, purent obtenir de
grands avantages sur les Espagnols : partout une popu-
lation belliqueuse devenait son auxiliaire; mais quand
cette affection qui avait uni instantanément les deux
peuples eut cessé d'exister, les Français, réduits à
leurs propres moyens, commencèrent à être mal-
heureux.
Informé de ce changement, Philippe accourut à
Saragosse : il sentait que sa présence pouvait être un
aiguillon de plus aux bonnes dispositions que les Ca-
talans montraient pour lui. Cette fois ce prince, que
ne contrariait plus le mauvais génie de TElspagne, fit
ce voyage avec toute la célérité que ses intérêts lui
auraient commandé d*y mettre deux ans auparavant :
il arriva pour être témoin du triomphe de ses armes è
Lerida.
Isolés de la population , dont ils en étaient venus k
se faire un ennemi dangereux , les Français n éprou-
vèrent plus que des désastres pendant le reste de cette
campagne. Ils voulurent assiéger Tarragone et perdi-
rent Âgramont, Balaguer et Àger. Ces mauvaif succès,
et des intrigues de cour, firent remplacer La Motte-
Houdancourt par le comte d*Âlincourt, qui Ait depuis
le maréchal de Villeroi, et dont les débuts fiirent
d'abord brillants, parce qu'on lui avait donné quelques
^s..,^
t(*Mt
tilG LIVRE QUATRIÈME,
forces de plus. Ce général s'empara de Roses en mû
i6!ib, battit les Espagnols dans la plaine de Lloren»
en juin suivant , et reprit Balaguer en octobre.
Toute Tannée suivante se passa sans événements
■r.^7. mémorables. En mai 16^7 lé prince de Condé. tup-
cesseur du comte d*Âlincourt , mit le si^ derant
Lerida , et fut contraint de le lever le mois suivant «
faute de moyens pour le continuer. L*année i64S fiii
signalée par la prise de Tortose et par les ravages de
la peste en Catalogne.
Le logement des gens de guerre, que rimpolitiipie
duc de Vendôme, successeur du prince de Condé.
voulut imposer aux Catalans, imposition si contraire
aux privilèges, qui avait tant contribué k soulever la
Catalogne contre FEspagne, et dont la suppreiaion
était lun des articles compris dans le serment prêté
par le roi de France en qualité de comte de Barcelone*
devint la cause de nouveaux troubles, et amena la
totale extinction du peu de crédit qui restait encore
aux Français de lautre côté des Pyrénées. Forcés alors,
par la désaifection unanime des peuples, den venir
aux moyens , toujours dangereux , des rigueurs, la sé-
vérité déployée contre quelques personnes suq>ectes
irrita la population , et, à partir de ce moment, il fallut
ajouter rbàtimcnts sur châtiments pour maintenir la
province dans une apparence de soumission.
ir.:.. Barcelone fut assiégée au commencement du mois
d*aoùt par don Juan d*Autriclie, (ils naturel de Philippe.
CHAPITRE CINQUIÈME. k\7
Le petit nombre de Français qui restaient encore dans
cette province, et leurs partisans, moins nombreux
encore, sV étaient renfermés.
Barcelone aurait eu besoin d*une très-forte garnison
pour résister à la fois aux attaques extérieures et au
mécontentement des citoyens, dont tous les vœux
étaient pour les assiégeants; mais les troubles de la
Fronde occupaient les soldats français contre leurs
concitoyens, et ceux qu*on pouvait distraire de cette
(îmcste destination ne formaient que des secours in-
signifiants : Barcelone dut succomber. Cette ville hit
replacée sous Tobéissance de son roi le k octobre 1 65 1 .
Après sa chute, les Français nayantplus aucun moyen
de se soutenir en Catalc^e , toute cette principauté
retourna insensiblement et sans efforts sous la puis-
sance de TEspagne. Le seul boui^ de Bianes, qui avait
refusé de recevoir la garnison royale de Castille , fut
saccagé.
Les Roussillonnais étaient catalans depuis trop de ,6i^
siècles, pour ne pas faire cause commune avec ces
peuples, pour ne pas partager leur antipathie contre
les Français. En voyant la principauté débarrassée de
ceux qu'on ne regardait plus que comme des oppres*
seurs , ils cherchèrent à s*en délivrer è leur tour, et
réclamèrent le secours de leurs compatriotes. Des
députés envoyés au marquis de Mortara , vice-roi de
Catalogne , fassurèrent que les Français étaient très-
faibles en Roussillon , et que le pays n attendait que
II. 37
'118 KIVKK QUATHIÈME.
s'd présence pour se soulever et arborer les rouleurs
espii<;iioles ; don (jaliriel de Lupia, incstre de camp
et «gouverneur (Ir (latalo^ne, ne demandait même que
quelque (*a\aleric pour aider les paysans ii rétablir la
domination de Philippe sur toute la frontière. Mor-
tara envoya en ell'et dos troupes du côté des Pyrénées,
et il s'en l'allul de bien peu que le Roussiilon auAsi
n'érhappàt à la Franc-e.
Les Espagnols, campés à Figuières, avaient envoyé
des dél;K:liem(>nts faire le sié^^e de lielle^anle, qui
manquait de vivres, et un vaste complot ourdi pardon
l'homas de l^myuls, «gouverneur de Uoussiilon pour
le roi de Franche, et par Joseph du Vivier, nommée
révêché de Perpignan', était sur le point d*éclater.
I^ nohlt^sse avait déjà repris l'écharpe rou<;e, et partout
le peuple se mettait en mouvement. Dans Perpi^an
on devait profiter, dit-on, de la circonstance de la
rcrnicturcdes portes pendant la proc(*ssion de la Fête-
Dieu, pour éfçorf^er lt»s Français ri se rendre maître de
la ville. Suivant la tr.i(h'tion. ce fut une fdle du quar-
tier de Saint-Jarcpies <|ui découvrit le complot k son
amant. Le duc de Noailles. ^{oiivenieur général de
Roussiilon et de Ccrda<;nc, avec c|uel({ues compa^^ies
de ^cns du pays quon nommait em*olés volontaires.
et (pli à ce tilre jouissaient de divers privilèges qui
les attachaient au parti français, imposa au peuple,
força la noblesse à la soumis>i(ni. délivra IWIleganie.
' Vfivfc ta noir VIII Au.
CHAPITRE CINQUIÈME. 419
qui n'avait plus de vivres que pour un jour ^ et, retenant
ainsi le Roussillon dans l'obéissance, sauva à la France
la honte d'avoir été aussitôt expulsée qu'appelée dans
le pays : c'est à cette circonstance seule que leRous*
sillon doit d'être resté uni à la couronne.
L'insurrection, comprimée en Roussillon, avait
éclaté en Cerdagnç , où la fomentait un cousin de
Thomas de Banyuls. Les insurgés s'emparèrent de la
Tour-Cerdane et de la Tour-de-Carol , et Ëivorisés par
la plus grande partie des liabitants de Puycerda, ils en-
trèrent dans cette ville, égorgeanttout ce qu'ils croyaient
partisan de la France. Noaillés courut dans la Cerdagne
avec ses compagnies et deux cents fantassins français,
sauva le château de Puycerda, qui tenait encore, et
força tout le comté à reconnaître l'autorité de Louis.
A la (in de juillet une armée de quatorze mille hommes
d'infanterie et quatre mille de cavalerie, sous les ordres
de don Joseph de Margarit, nommé vice-roi de Rous-
sillon et du maréchal d'Hocquincourt, entra en Cata-
logne , s'empara de Castellon et de Figuières , et mit
le siège devant Girone le a 3 septembre.* Obligée de le
lever à la fm de novembre, cette armée fut attaquée
dans sa retraite, le 3 décembre, mais Hocquincourt
battit les Espagnols et leur fit éprouver de grandes
pertes. Rentrée en Catalogne Tannée suivante, cette
même armée fit une trouée sur TÂragon, où elle
saccagea plusieurs villages.
' Patra , Ditcoun ptmr le due de So<nlle$, tom. I de set Œuvres.
^7-
i65l.
^20 LIVRE QUATRIÈME.
La fermentation existait toujours en Routaîllon, «l
de nouvelles tentatives patriotiques pour TexpolMMi
des Français se succédaient sans relâche. De toute put
on excitait le peuple à prendre les armes. Ces effiirlii
déjoués en divers endroits, réussirent un momoit A
Villcfrancbe : les couleurs espagnoles furent «rboiéei
dans cette place, dans le courant de juin, et Tannée
française monta en Gonflent |>our les faire abattre. Les
moines de Saint- Martin-du-Canigou augurant mdl'lk
cette levée de boucliers, et voulant soustraire au
profanations des Français , redevenus des bérétiqnct
aux yeux de la populatioti depuis qu'ils n'étaient pkm
pour elle des protecteurs , avaient envoyé à Barcdoae
les reliques de Saint-Gauderic , très-vénéréei - «n
Roussillon. Le a 3 juillet, après'vingt jours de siège el
quelques assauts, Villefranche fut emportée et« suÎTiBt
Tatroce droit de la guerre, une partie des habitants
périt de la main du vainqueur. La prise de cette Tflfe
n'éteignit pas la sédition. Le Roussillon était un priys
occupé par Tennemi , et pour ses habitants la patrie
était toujours' de l'autre côté des Pyrénées; c'était donr
pour eux un devoir de nationalité que de rhercber k
secouer le jou^. Des rassemblements avaient lieu dans
la Gerdagne, et ce pays devenait un foyer dangereux
contre les Français. Le prince de Goiidé , revenu an
commandement de farmée de Gatalogne, voulut se
rendre maitre de Puycerda , pour commander tonle
la vallée. Il remonte la Tet , et se dirige vers le coi de
CHAPITRE CINQUIÈME. 421
la Perche , en faisant pratiquer des chemins pour le
passage de Tartillerie. C*est au moment où il était par-
venu sur cette montagne , et que toutes les difficultés
étaient vaincues , qu il apprit que les Espagnols se dis-
posaient à faire le siège de Roses.
n ne restait plus à la France , dans toute la Cata-
logne , que ce seul port pour s y ménager un débar-
quement ; sa conservati(»i était trop importante pour
ne pas renoncer à tout pour le secourir : Gondé se
prépara donc à revenir sur ses pas. Mais le locsip avait
sonné dans toutes les montagnes. Les paysans, réunis
à la garnison de Puycerda, se portent sur la sommité
des monts , fondent sur les Français occupés à re*
charger les bagages , dont ils enlèvent une partie, tuent
quelqueshommesetfontcinq cents prisonniers. D*autre
part, le régiment français de la reine voulant pénétrer
dans le Capcir par les défdés de TÂriége , Thomas de
Banyuls , avec environ cinq cents paysans , se porte
vers ces goi^es, et, bientôt rejoint par la garnison de
Puycerda, il met le régiment français en déroute et
lui prend ses bagages presque en entier avec plus de
six cents soldats.
Condé surprit les Espagnols devant Roses, le s 4 de
juillet, passa de là à Saint-Celoni où il dispersa la ca-*
Valérie ennemie, courut le pays tout Tété, se présenta
devant Mataro et Barcelone, et rentra en RoussiUon
à la fm de septembre. Remonté en Cerdagne pour faire
le siège de Puycerda, il fut à peine deysMUt cette ville,
^22 LIVRE QUATRIÈME,
dont il attendait une longue résistance , qu'il teqvA li
demande d'une capitulation. Deux causes amenèrcal
cette reddition inopinée : une contestation qui s'étHt
élevée entre les chefs , pour le remplacement du go»-
vemeur tué par un boulet de canon , et de grands dé?
gâts produits par l'explosion d'une poudrière alteftite
par la foudre. De Puycerda l'armée firançaise
la Seu d'Urgel, qu'elle occupa sans diflficullé,
que Berga et Gampredon ; mais elle ne iîit pas
heureuse à Vie , dont elle fut obligée d'abandonner It
si^e peu de jours après l'avoir entrepris.
Les années i655 et suivantes n'offrent rien d'iâk?
portant. Des sièges commencés et abandonnés, tuoidl
par les Français , tantôt par les Espagnols ; quekpis
combats avantageux aux uns ou aux autres ; des
et des revers alternatifs , le tout circonscrit dans
étroit espace; des marches et contre-marches en Ce*
talogne et en Roussillon, et, en somme, rien de twmmÉ^
quable jusquau moment où se termina enfin cette
longue lutte. La lassitude était générale , et le betoiH
de repos commun aux deux partis ^
,6^«. Pendant qu*une sorte d'engourdissement retenail
dans l'inaction les deux armées , Loui&XIV, qui s'était
assuré que le Roussillon resterait désormais uni à se
' On iit àkuA les KsmU hitluriqii«s «t luiiilaires sur la provincs éM
Roussillon, ■ En i65S le gouverneur de Vîllelranche voulut iWivr
• ceite place aui Français; • mais h cette époque les Français en éuiem
iiiaitres itos eonlAstalîon.
CHAPITRE CINQUIEME. 425
couronne, s occupait de fonder son autorité dans cette
province par des lois et des règlements, et il cherchait
k lui donner une forme de gouvernement qui s*accor-
dftt avec celle des autres provinces du royaume. Le
do mai 1 656 ce prince rendit une déclaration mémo»
ràble, pour arrêter les usurpations sur Tautorité royale
et pour protéger les peuples contre Tavidité des
grands. Des ecclésiastiques , des barons, des chevaliers
allaient t au milieu des troubles de la province, jusqu'à
confisquer à leur profit les biens de ieura vassaux
tombant, ou prétendus tombés dana le orime de lèse-
majesté. Par une mesure aussi juste que politique, ee
prince réforma également Tabus criant des donations
de biens des particuliers faites arbitrairement par ses
généraux k ceux qu ils voulaient fafVoriser^ sous ie facile
prétexte de rébellion de la part des individus qu'ils
spoliaient.
Enfin la paix, tâtonnée pendant vingt ans, fut aignée
par les deux puissances.
Dès Tan i6/io Olivârès avait envoyé à Paris un
agent particulier, nommé Breth, pour fiaiii;^ secrète-
ment des ouvertures que le cardinal de Richelieu avait
rejetées. Plus tard la France avait à son tour fiiit
quelques propositions pour amener un raccommode*
ment; mais à cette époque la révolte de la Catalc^e
était venue compliquer la question, et la coiàBervatÛMi
du Roussillon , que la France donnait pour base de ses
négociations , avait été eonstamiacqfit repouâsée. Aux
V2/4 LIVHE QUATRIÈME.
contV'rericcs de Munster, en 16&7, cette condition de
garder le Roussillon, en rendant la Catalogne, avait
été posée par les plénipotentiaires français; en i656«
après la mort du pape Innocent \, ennemi juré de la
France, le cardinal Mazarin, devenu premier ministre
après la mort de Louis XIII , avait encore cherché à
donner la paix aux doux puissances par la médiation
du nouveau pontife Alexandre VIL Mais, à cette
époque, la possession du Roussillon, devenue de la
part de la Fniiicc ta condition sine (jua /ion, n'était
plus la borne de ses pnHentions; Mazarin voulait encore
obtenir, pour Louis \IV, la main de Tinfantc Marie-
Thérèse, fdle unique de Philippe IV, ce qui aurait
donné au roi de France des droits à la couronne
d'Espagne, à la mort de ce prince : cette raison fit re-
166S. jeter la demander. Kniin, en ]658, Philippe, qui crai-
gnait que la France, après les brillantes conquêtes
qu'elle avait faites dans les Pays- Ras, ne tournât toute
la force de ses armes du roté de rKspagne, et qui, se
vovant vieux et cassé , ne voulait pas laisser en état de
guerre ronlre un roi jeune et plein d'ardeur pour la
gloire les deiLx eniants qu'il venait d'avoir de son
nouveau mariage avec Marie-Anne d'Autriche, se dé-
cida à faire la paix aux conditions qu'on y mettiiit.
Mazarin, esprit souple et délié, et le négociateur le
plus habile de son épnque, après être parvenu aux
laveurs de la cdur par la protertiini du prince de
Condé, avait fini par en écarter son bienfaiteur lui-
CHAPITRE CINQUIEME. 425
nième , qui, pour se soustraire aux pièges dont 1 uigrat
Italien environnait ses pas, avait cherché un refuge
dans les états du roi d'Espagne. En i656 ce Mazarin
avait envoyé très-secrètement à Madrid Hugues de
Lionne, qui fut depuis secrétaire d'état, et qui toutes
lés nuits avait, avec don Louis de Haro, neveu d'Oli-
Tarés et son successeur au ministère, des entrevues
dans lesquelles étaient débattues les prétentions de la
France. Le ministre d'Espagne avait fait partir à son
tour, pour Paris, avec le même mystère, don Antoine
Pimentel, personnage mal disposé pour le prince de
Condé , et qui , le 8 mai i ôSg , convint avec Maxarin ^^h-
d une suspension d'armes entre les deux puissances ; le
8 jm'n suivant ce plénipotentiaire signa avec le mi-
nistre de France un traité dit Traité de Paris, par lequel,
contre le vœu du cabinet de Madrid, les intérêts du
prince de Condé étaient sacrifiés. Philippe, indigné
de la précipitation avec laquelle Pimentel avait ter-
miné des affaires aussi délicates, n'imagina pas d'autre
moyen pour revenir sur la signature de son agent que
d'attirer h la frontière le ministre de France « afin de
s'y aboucher avec son propre ministre. Le but osten-
sible de ces conférences était de r^er certains ar-
ticles qtie le traité de Paris n'avait pas prévus, et qui
auraient pu rallumer les guerres; mais le véritable
motif pour l'Espagne était de toutremettre en question
dans ces pourparlers. L'ile des Faisans, dans la rivière
deBidassoa, proposée pom* le lieu des conférences.
Vil) LIVRE QUATRIÈME.
ne fut pas acceptée d'abord par la France , parce ipie
l'Espagne s en prétendait seule souveraine; cependant*
comme ce point mitoyen entre les deux royaumes
était le plus convenable pour les négociations , il fut
décidé que cette ilc serait considérée comme com-
mune aux deux nations. Cet article réglé, vint celui du
cérémonial. Les deux ministres convenaient qu avant
d*ouvrir les conférences ils se devaient réciproque-
ment une visite : Tembarras était pour faire la pre-
mière. Mazarin , se retranchant derrière sa pourpre
romaine , pnHendait quil devait la recevoir; don Louis
de Haro déclarait que sa qualité de grand d'Espagne
ne lui permettait pas de la faire : il fut enfin arrêté
<|ur celte première visite aurait lieu «^ la salle mêm^
des confén*nces, où chacpie ministre entrerait en même
temps. Une salle fut donc construite en planches, avec
des appartements r^aux , h la même distance des deux
rives deTile, et avec un pont jeté siirTunet Vautfe
bras de la rivière : tout fut pareil de part et d*autie
dans la salle, tables . fauteuils et portes.
Le i3 août, jour de Touverturt* des conférences,
Mazarin se rendit à file des Faisans, en p;rande pompe,
ac(-()m|)a«{nédes maivcbaux de Graminont, de Villeroi
et (le (^ierambaut, du ^rand maître de l'artillerie, du
duc de Crequi, du bailli de Scnivn*, et pivcédé d'en-
viron cjuatre cents hommes, tant nious(|uetaires À pied
c|ue gardes k cheval. Six carrosses suivaient le sien,
remplis par vingt pn'>lats ayant k leur tête les arche-
• J
CHAPITRE CINQUIÈME. 427
éques de Toulouse et de Lyon , et derrière eut un
x>rtégede près de cinq cents personnes. Centcinquante
mousquetaires étaient déjà postés au bord de Ifii Bi*
dassoa , et vingt-cinq avaient déjÀ la garde du pont ,
pour ne laisser passer, suivant ce qui avait été conventi,
que soixante personnes de qualité avec le cardinal, et
soixante gardes. De lautre côté de la rivière, deux
compagnies de gardes k cheval » élite des troupes de
Catalogne , le pot en tête , Tépée nue à la tnain^ 6t por-
tant la casaque k la livrée du premier miniirtre, éfaient
hii^és en bataille et gardaient leur pont. Don Louis
arriva parle chemin de Fontar^bie, porté danê une
litière précédée de huit trompettes revêtus de casaques
de velours vert, et sonnant avec des instruments d*Al**
gent, et suivie de quinse can*osàes. Les portes des ap-
partements s'ouvrant en même temps,les deux ministres
entrèrent dans la salle , tendue par moitié de là tapis-
serie du cardinal et de celle de don Louis. Cehli'^ci
avait avec lui le secrétaire d*état Colomà ; Maxarin était
accompagné du secrétaire d'état de Lionne. La cour
de France se trouvait alors à Saint-Jean*de-Lux. Les
seigneurs de la suite du roi , qui ne votdaiéint pas le
céder aux Espagnols en magnificence , s'étaient parée
de leurs vêtements les plus somptueut, ce qui donne
occasion à de Brienne de remarqtier que les FVânçâift
remportaient par la richesse des dentelles d*or et d'ar-
gent, et les Espagnols par le nombre des pierreries ^
' Mimoifr$ île Bntnne.
V28 LIVIŒ QUATRIEME.
fiCs conférences durèrent jusqu*au mois de no-
vembre, gràre aux lenteurs aflectées de don Louis de
Haro , (|ui, pour obtenir des conditions meilleures de
rimpatience du cardinal, s étudiait à opposer un flegi
calculé à la pétulante vivacité de son adversaire ;
Mazarin en avait su prendre son parti. Don Louis
contesta longuement la possession de la viguerie de
Gonflent , de la partie de la Cerdagne que réclamait
]Vlazarin et du Capcir, par la raison que dans le traite
de Paris on n avait parlé nominativement que de la
cession du Roussilloii. Poussé sur ce point, rEs|)agnol
en venait «î consentir k se dessaisir de ces pays, eo
écbange des villes de Bétbune et de Saint- Venant;
mais Mazarin tint bon. Don Jjouis se rabattit ensuite
sur le Conllent, dont il voulait bien abandonner la
possession i^ la France , mais sans que le nom de ce
canton fiit mentionné dans le traité ; il consentait seu-
lement i^ ce qu'on dit que la France posséderait les
terres des montagnes (|ui étaient du côté de la France,
et, persuadé qu ainsi le ('.onflent resterait h TËspagne,
il espérait par cette échappatoire consen'er ce canton.
La ("trte de Catalogne était si mal lliite, et la position
des montagnes si embrouillée, que Mazarin, qui se
Tétait Tait présenter, avoue qu*il était impossible d*y
rien reronnaitre : ce fut une raison pour lui d'insister
sur l'insertion de ce nom de (lonllent au traité, et.
pour lobtenir. il en lit la condition de son approbation
à ce c|u'(»n proposait en faveur du prince de Condé.
CHAPITRE CINQUIÈME. 429
Fiiifiii, le 7 de novembre , ce célèbre traité, dit des
Pyrénées, fut signé à la satisiaction du cardinal, et,
quand tout fîit ainsi terminé , don Louis demanda en
grâce à Mazarin de lui obtenir, de la reine-régente de
France, son pardon pour le flegme avec lequel il s*était
conduit dans cette négociation, et dont il savait que
cette princesse s'était plainte plusieurs fois^
Ce traité des Pyrénées se composait de cent vingt-
quatre articles relatifs au rétablissement du commerce,
aux bénéfices donnés et reçus , aux dettes , aux places
à se rendre réciproquement, aux arrangements parti-
culiers avec les princes qui avaient pris part à la guerre,
au pardon du prince de Condé , et généralement à
toutes les espèces d'intérêts qui avaient été compromis
dans le cours de ces longues hostilités; il réglait pa-
iement le mariage du roi avec Tinfanted^Espagne, et
déterminait la manière dontdevait se faire la restitution
des places et pays que chacun s*abandonnait récipro-
quement, la délimitation des nouvelles frontières et la
rançon des prisonniers. Ce qui concernait la cession
du Roussillon et autres pays de la même province à
la France fut Tobjet des articles &a et 43. Diaprés ces
articles , les antiques limites des Gaules et de l*£spagne
devaient séparer de nouveau, àiavenir, les deux mo-
narchies, et, en conséquence de ce principe, la Cata-
logne restait à TElspagne et le Roussillon à la France.
' Ijettrrs du cardinal Ma:arin sur la néyociÊiion de la paix des Pyri-
I
ntes.
450 LIVRE QUATRIEME..
A la première de ces puissances devait appartenir mmI
la Cerdagne, sauf les villes et terres qui se trouTii ■ ■iffUl
dans les monts du côté du Languedoc, ainsi qu'il auajl
réglé par des commissaires délimitateurs. LeConflflMl
devait rester à la France , sauf, pareillement, les vfllBfe
et terres qui pourraient se trouver .du coté de 1*8»
pagne. Amnistie pleine et entière était accordée iltOM
les Catalans. Les Roussillonnab qui avaient soivi le
parti de TEspagne , et qui rentreraient dans la
sion de leurs biens , étaient tenus de résider au lien
leur serait assigné par le roi de France , si leur
dcnce en Roussillon ne lui était pas agréable, sans
cela cesser de jouir des libertés, privilèges et
cbises que leur assuraient les constitutions de
pays. Lesévâques, abbés et tous ecclésiastiqu
conques, pourvus de bénéfices avec Tapprohation dÉ
pape, demeurant dans les terres de Tune des pailiest
pourraient jouir sans trouble ni empêchement dès
fruits, rentes et revenus attachés à ces bénéfices,
quils se trouvassent sur les terres de la partie adr*
Toutes donations de biens confisqués sur des Cetaisals
ou desRoussillonnais devaient cesser d'avoir leur efliit
le jour de la publication du traité de paix; les
propriétaires en roixt^naient la possession , mais
pouvoir exiger de ceux à qui ces biens avaient été cédés
aucune restitution des fruits perçus en vertu de
donations ^
^ Ce traité sr trouve dam THittoire de France do p^ DuimI,
CHAPITRE CINQUIÈMK. «1
Aussitôt que la conclusion du traité de paix (ut
connue oiTiciellement en Roussillon, les consuls de
Perpignan envo\èrent à Toulouse, où était venue la
cour de France , une députation d'un certain nombre
d'habitants ayant à leur tête don François de Blanes,
pour demander au roi la confirmation de leurs privi-
lèges et constitutions , ce que Louis s empressa d'ac-
corder, en mettant de sa propare main son approbation
au bas du placet qui lui avait été présenté : ce. fut le
6 janvier l66o^
Suivant l'article 4^ du traité des Pyrénées, les nou- i<6o.
velles limites des deux royaumes» eu Catalogne,
devaient être déterminées par des commissaires des
deux puissances qui se réuniraient au plus tard un
mois après la signature du traité ; mais des difficultés
survenues dans l'exécution de cet article retardèrent
la nomination de ces commissaires jusqu'au mois de
février. La cour se trouvant toujours à Toulouse , le
roi chargea de cette nouvelle négociation le même
Pierre deMarca, archevêque de Toulouse depuis 1 659,
qui avait été nommé visiteur général de la Catalogne
en i6kli, et qui avait accompagné Masarin à la
Bidassoa , en lui donnant pour adjoint l'Italien Hya-
cinthe Serroni, évèque d'Orange. Les commissidres
espagnols furent Michel Salva de Valgomera , lieute*
I Reifuéte prèseniée au roi par tèvéque'dEUe ( pièce d^une con testa»
tion entre ce prélat et le conseil souverain, et dont il sen parlé plus
lard).
452 LIVRE QUATRIÈME.
liant du grand trt'*sorier de la couronne d'Aragon » et
Joseph Ronieu-Ferrer, membre du conseil des Cent
do Barcelone. Quelque mérite qu eussent ces person-
nages, ils notaient pas de force à lutter avec le prin-
cipal commissaire français, qui à un caractère extrê-
mement ambitieux unissait une érudition vaste et
profonde , et qui depuis quinze ans se nourrissait delà
lecture des histoires, titres, actes et écrits de toute
m
rspj>co concernant le pays sur lequel il était appelé k
prononcer un jugement.
Marca, parti de Toulouse le n) février, se rendit
à Perpignan , d'où , le 8 mars suivant, il envoya prier
le marquis de Mortara, vice-roi de Catalogne, de dé-
terminer le lieu où se tiendraient les conférences. Le
chanoine Pont, nouvellement élu abhé dWries, partit
pour Barcelone avec les instructions suivantes :
(( Premièrement il saluera monsieur le marquis de
Mortara et l'assurera des services de M. rarchevéque
de Toulouse et de M. févèque d'Orange. 11 conférera
avec lui touchant le lien où se doivent faire les confé-
rences pour les limites des deux royaunu?s, et du temps
auquel ledit seigneur archevêque de Toulouse et
M. fêvéque d'Orange, commissaires députés par
S. M. T. C, pourront s'assembler avec les commis-
saires Av S. M. C, pour régler les susdites limites.
« H lui fera tMit«*ndrt> que si l'on attt*nd de conférer
sur ce lieu-là avec les commissaires de S. M. C. après
(|u'ils seront arri\és h (lirone, il y aura de In longueur
CHAPITRE CINQUIÈME. M5
et des difficultés pour en convenir; de sorte que, pour
les éviter, MM. les commissaires du roi ont mieux
aimé envoyer ledit sieur abbé à Barcelone pour traiter
de ces choses avec ledit seigneur marquis. Il lui offrira
de leur part les lieux de Céret, de Canet et dlUe, en
Roussillon , et de Prades , en Gonflent, où lesdits com-
missaires feront loger commodément MM. les comnii5-
saires d*Espagne et leur rendront tous les honneurs
dus à leur qualité, leur baillant même la droite : si
ledit seigneur marquis n'aime mieux que rassemblée
se passe à Figuièrcs , d o ii Ton a fait sortir les troupes
pour cet effet, où il fera traiter de même façon
MM. les commissaires du roi , comme il est contenu
en la lettre que M. Tévêque d'Orange a écrite k M. le
marquis , de concert avec ledit seigneur archevêque.
0 II priera M. le marquis de Mortara , de la part de
M. l'archevêque de Toulouse, de faire en sorte de
recouvrer un gros livre in-folio manuscrit, où sont
comprises les lois de Charlemagne, sous le nom d'An-
segisus abbas\ lequel livre emprunté des religieux de
Ripoll ledit archevêque laissa au couvent de Saint-
Pierre de Barcelone , lors de sa retraite de cette ville ,
et il Teût pu emporter en France si son honneur ne
Teût convié de le laisser à ceux à qui il appartient. Et
au ras qu'on le trouve , il priera M. le marquis de
' Ce sont les sept livres que Baluze fit entrer par la suite dans le
premier volume de sa collection des Capitulaires des rois de France,
sous le titre de Capitalarium KaroU magni et Ladovici /ni.
II. . a8
«4 LIVHK giATIUÈME.
Mortura de Ir pivtcr audit seigneur archevesquc, qui
le restituera fidèleinciil à M. le marquis avant son
dé])art de Houssilion ; son désir nV*tant autre que de le
eonfércr aver les livres de ces lois qui sont imprimés,
comme il avait dessein de le faire si la peste ne Teût
obligé de sortir de Itarcelone.
u EnPm, il priera M. le marquis de Mortara de faire
copier tout entière la concorde de la reine Eléonor et
du cardinal de Comniinge, qui est dans Tarchir royal
de Barcelone, parce que c*est une belle pièce qui regarde
les droits de IVglise et du roi. La plus gnmde partie
des articles de cette concorde ont été imprimés, mais
non pas les préfaces, qui contiennent les bulles des
papes et les comnu'ssions de la reine , qui sont curieuses
pour riiistoirc (ecclésiastique.
• Fait à Porpigiian, le 8 du mois de mars 1^60.
« MatiCa, arcIieY(!f|uc de Toulouse'.!
Le vice-roi de Catalogne, jugeant la ville de Fi-
guières peu commode pour les conférences, choisit
celle de Cérct. Marca et Serroni s y rendirent le 1 5 d'a-
vril, et les connnissaires espagnols y amvèrent le 1 9 :
la première réunion eut lieu le a 1 .
Aux termes convenus par les traités de Paris et des
Pyrénées, les nouvelles frontières de la France et de
TKspagne devaient être les mêmes cpie cellesqui avaient
' (irUf pirrr, (|iii %r rmi^rrvt* ilansla rjiuilir «Ir tPl :ilil<t* Puiil. nnii»
j (■!<■ roiiiiiiiinii|(ii-i> |ijr M lii* Sjinl-M.iln. .iii« im Mui^iirrlt t tii* (icrri.
CHAPITRE CINQUIÈME. «5
jadis séparé les Gaules de la Tarragonaise : le premier
point sur lequel les commissaires avaient à s'accorder,
c'était de déterminer quels étaient, d'entre les Pyrénées,
les monts qui avaient formé cette séparation. Ici les
auteurs anciens devenaient le livre de la loi : ils furent
commentésde part et d'autre. U résultait de leur accord
que les anciennes limites partaient du voisinagtf^il^
temple de Vénus. Ce temple, les Catalans le plaçaient
à Port-Vendre; Marca le portait sur le cap de Creus ;
mais comme il était bien avéré que les limites antiques
étaient au point de Cervaria , d'après le témoignage
très-précis de Mêla, le point de départ de la ligne di-
visoire des deux royaumes fut fixé au nord de l'anse
deCervera.
Le Vallespir fut ensuite mis en question. Les Cata*
lans avançaient, non sans raison peut-être, pour la
partie haute de ce canton, qu'il appartenait à la Tar*
ragooaise \ mais Marca soutint qu'il était des Gaules :
il fut adjugé à la France , non par la conviction qu'il
eût réellement fait partie des Gaules, mais parce qu'il
était une dépendance actuelle du Roussillon , qui aux
termes précis du traité devait revenir en totalité i cette
puissance. La possession du Confient, déjà Vivement
débattue aux conférences de là Bidassoa , le fut encore
à celles de Céret. Les Espagnols demandaient cette
viguerie en entier, comme se trouvant dans les mon*-
tagnes de Catalogne ; Marca détnontra qu'elle devait;
' Voyei la noie IX.
a8.
W6 LIVHK QUATRIÈME.
an contraire, rester en entier h la France puisque toutes
ses appartenances étaient c^ la partie des monts qui re-
garde 1(* Languedoc, ainsi que le docteur Raymond de
Trohat Tavait dcdaré à Mazarin, aux conférences de
Tile des F'aisans ^. N*ay ant pu s'accorder ensuite au sujet
de la Cerdagne, dont Marca réclamait la plus grande
partie, lesconmiissaires terminèrent leurs conférences
en remettant h la décision des plénipotentiaires le ju-
gement de cette difTiculté.
Ce (|ui avait été arrêté changeait complètement la
lettre de l'article ^ii du traité, et la future division de
la Cerdagne ne devait pas moins Taltérer encore : il
fallut revenir sur le texte de cet article, et le rédiger
dans un sens nouveau qui s accordât ave(^ le résultat
des conférences de Céret. Les deux ministres, revenus
dansf lie des Faisans pour arrêter les articles du mariage
de Louis \IV avec finlante d'Espagne, convinrent,
le 8 de mai , d'un nouvel accord qui fut signé le 1 3 du
même mois, sous le titre den FAplication de farticle &a
« du traité des Pyrénées. >» Par cette nouvelle n*daction
tout le Roussillon et tout le Confient étaient reconnus
pour appartenir à la France, (|uelque part qu en fussent
situées les dépendances, et toute la Catalogne et la
Cerdagne restèrent h rEs|)agne , sauf, pour ce dernier
comté, la vallée de Carol et une portion du territoire
Cerdan, pour communiquer avec cette vallée. Pour
prévenir toute dilliculté ultérieure, il fut réglé que cette
i l.tUrrs i/u lanlinal .Vd.ann. loin. II.
CHAPITRE CINQUIÈME. 457
portion de la Cerdagne cédée à la France formerait,
avec la vallée de Carol, un total de trente-trois villages
et qii*on compterait comme tel tout village détruit ,
pourvu qu'il y restât encore quelques maisons. Pour
l'exécution de cette disposition, Tévêque Serroni et don
Salva de Valgomera se réunirent à Livia , et le i a de
novembre ils arrêtèrent le partage de cet ancien c<MB||é
de Cerdagne, tel qu'il existe aujourd'hui*.
Louis XrV, accompagné de la reine-mère, régente,
et de toute la cour, avait fait son entrée dans Perpi-
gnan le a avril de cette année 1 660, et il était reparti 1660.
de cette ville après y avoir séjourné douze jours*.
' Preuves , n' XV.
* Registre des statuts de Tuniv.
-'t3K LIVHK QUATRIÈME.
CHAPITHE VI.
Gouvernement du Houssîllon sou» la monarchie d*Espagfie. —
Conseil aouverain. — G)n8litulion militaire. — Sagam. — -
Conspiration en Gonflent. — Miquelets.
Le Roussilloii en eiilier et une partie de la Cerd^ne
sont irrévocablement acquis à la France; un acte
solennel lui en consacre la proprirté. La prescription
des temps anciens Tcmportc surFusurpation des temps
modernes. Reconnus comme des portions intégrantes
du sol français , héritier du sol des Gaules , ces terri-
toires reviennent k leur domaine naturel. Le traité
des Pyrénées apparaît donc, dansThistoire, non comme
une de ces transactions, rniitsde rimpérieuse nécessité,
sanctionnant la séparation d*une province à la suite
d'une victoire , et par la seule autorité de la loi bru-
tale du plus fort, mais connue un acte éclatant de
justice, qui, après plusieurs siècles de démembrement.
réiiitcf^re h son tout liomo«;ène une partie de ce tout
dont la distraction était contre nature.
Tant que le Roussillon et la portion de Cerdagne
cédée c^ la France étaient restés sous la domination
espagnole, ces deux comtés se trouvaient compris dans
toutes les nu\sunHft qui concernaient la Catalogne.
CHAPITRE SIXIÈME. U9
sans pour cela Ikire partie intégrante de la principauté;
ils étaient en commun avec la Catalogne pour ce qui
concernait l'autorité royale ou qui émanait de Tomni-
potence des corts, touchant les intérêts généraux de
la population; ils en étaient séparés dans tout ce qui
tenait au régime local.
Lorsque Ferdinand, par son mariage avec Théoir
tière du trône de Castille, dut quitter SaragosseW
Barcelone pour habiter Madrid, il créa, pour le rem»
placer en Aragon et en Catalogne, des vice-rois dont
lautorité s'étendait sur tous les domaines de sa cou-
ronne patrimoniale. Le vice-roi de Catalogne était tenu
de jurer de ne rien innover dans le gouvernement
des trois comtes de Barcelone, de Cerdagne et de
Roussillon , et ce serment devait être prêté, d abord à
la frontière de la province au moment où ce dignitaire
la franchissait pour prendre possession de sa chaige^
ensuite à Barcelone. Le droit de rendre la justice
étant inhérent à la souveraineté , les rois la rendaient
par eux-mêmes ou par leurs chanceliers. £n Elspagne,
cette cour de justice suprême, sous le roi ou son
chancelier, portait le nom d*audience royale. Devenu
administrateur du royaume de Castille, le même Fer-
dinand, dans l'impossibilité de gérer par lui-même «
comme avaient fait ses prédécesseurs, cette branche
si importante de la souveraineté, institua, pendant la
session des cortsde Barcelone de 1 493, sous ce même
nom d'audience royale, un tribunal permanent qui ,
V'iO LIVHE QUATRIÈME.
outre l'attribution de rendre la justice supérieure,
avait encore une part dans le gouvernement civil de
la Catalogne et des deux comtés. Cette nouvelle cour
de justice, composée d'abord de huit, et ensuite de
douze conseillers avant à leur tète le cliancelier ou le
vice-chancelier, ou à leur défaut le régent de la chan-
cellerie qui était leur substitut , jugeait seule toutes les
aibires civiles; dans les causes criminelles elle s'ad-
joignait deux autres officiers nommés juges de cour,
qui recevaient les informations, dirigeaient la pro-
cédure , taisaient les rapports et avaient voix délibé-
rdtive.
Chargée de maintenir Tordre dans les cours infé-
rieures , laudicncc royale avait sous sa dépendance
les hôtels de ville des trois comtés , à la réserve de
ceux de Barcelone et de Perpignan; elle réglait leur
économie intérieure, leurs opérations municipales»
la perception de leurs octrois et l'emploi de leurs re-
venus. Le vice-roi, hors les affaires purement mili-
taires, ne pouvait rien prescrire sans consulter
l'audience royale, et, forcé de suivre son avis, il devait
le motiver expressément dans ses ordonnances ^
Le Iloussiilon et la Cerdagne, envoyant leurs
députés aux corts de la province, concoui*aicnt ainsi
pour l(*ur part ii la législation locale, et se trouvaient
placées, dans l'intervalle des sessions-, sous la protection
' Xaiipi , lifchrrchfi hisinriijuft jor la nohîrttr df Caîido^nr.
* hn sMsioDt cl» corU furent d'abonl annuvllra, puis trieiinalr«.
CHAPITRE SIXIÈME. Udl
des procureurs généraux de ces corts ou députés.
Les deux comtés dépendaient encore de la Catalogne
en ce qui concernait Tofiice du maître rationnel ou
grand trésorier. Quant à ce qui tenait au régime local,
le Roussillon et la Cerdagne étaient placés sous
Tautorité d*un gouverneur général dont le tribunal ,
sous le nom de gubernacio ( gouvernement ) , siégeait
à Perpignan. La haute police des deux comtés et les
grandes aflaires du commerce appartenaient à cette
juridiction, qui recevait en outre le serment de tous
les officiers royaux, connaissait de toutes leurs causes,
accordait les lettres de révision et de restitution en
entier, donnait des sauvegardes et des lettres de ma-
nutention , réprimait les entreprises des. supérieurs
ecclésiastiques , et pouvait évoquer à elle les causes
des seigneurs titrés. Par le ministère d*un assesseur et
de sept gradués, la gahemacio exerçait, jusqu'à ime
certaine somme, une juridiction souveraine sur les
matières soumises à sa décision.
Perpignan avait une chambre, dite du re<d fatri-
moni ou domaine royal : c'était la cour du procureur
royal. Cet officier réunissait dans sa chaîne les attri-
butions de procureur féodal , de capitaine des ports
et elles se tinrent ensuite plus rarement. Les décisions qoe prenait le
roi, de concert avec les corts étaient des Ion. Si dans llmervalle
des sessions le besoin exigeait que le roi rendit quelque ordomiaace
d'administration générale, cette ordonnance portait le nom dtprag-
maikiwe et n'avait de valeur que jntqn'à la prodiaine réunion des
corts. 'i > ■
Vvl LIVKK: QUATRIEME.
tant de terre que de iner^ de maître des eaux et
forets , et de commissaire des amortissements. Le pn>-
(*ureur roval administrait tous les biens domaniaux,
en recevait les revenus, citait cliargé de Tentretien des
bâtiments royaux , de la solde des officiers du prince,
et exerçait une juridiction civile et criminelle sur
toutes ces matières : Tappel de ses jugements était
]M>rté à l'audience royale. Le tribunal du procureur
royal se composait d'un assesseur, d un avocat du rot,
d'un procureur du roi et de quatre consultants.
Lors de la révolution de Catalogne, Louis XIII
venant en personne au siège de Perpignan, laudience
royale et la députation , qui ne devaient pas se séparer
du roi tout le temps qu'il était dans la province,
s'étaient rendus, ainsi que nous l'avons dit, auprès de
sa ])ersonne en Koussillon. Après le départ de ce
prince, elles retournèrent à Barcelone. Mais bientôt
la Catalogne reprit l'obéissance de son souverain, et
les deux comtés restèrent seuls sous la main des
Français. Alors cbacun des deux rois , qui s'intitulait
également comte de Barcelone, de Koussillon et de
Cerda<^e, nommant ses officiers militaires et de
justice, il y eut un vice-roi espagnol et un vice-roi
fraiirais , une audience royale «^ Ban*elone et une à
Perpignan , (|ui prit le nom de conseil royal. Celle-ci
fut composée de ceux des conseillers de l'audience de
* On doiiiif le mmi fl«' |>orta ëux fh'lili's t{r% iiiuntagneft qui donami
sLi{è% k fiiflVmite» valloi'S ; les anriri» les a|t|H*laietit fiori*
CHAPITRE SIXIÈME. ^M
Barcelone qui , trop compromis , n avaient pas voulu
rentrer sous la domination de Philippe. Il y eut aussi
un maître rationnel dans les deux capitales. Cet état
de choses subsista jusqu à la paix. A celte époque ,
Louis XIV donnant une organisation définitive à la
province qui restait unie à sa couronne , il chercha à
combiner pour elle un gouvernement qui , sans trop
s*écarter de celui que lui assuraient ses constitutions ,
se rapprochât cependant aussi de celui des autres
provinces du royaume. La charge de vice-roi, qui
n avait pu être que temporaire, fut remplacée par
celle de gouverneur générai des deux comtés, comme
il en était sous le régime espagnol, et le comte d*Ây en,
qui en fut investi , eut sous lui un lieutenant général,
qui retint d'abord , de Tusage espagnol , le titre de
capitaine général , abandonné ensuite et remjdacé par
celui de commandant de la province.
Les quatre juridictions de la gubemadon , de la
députation , du procureur royal et du maître rationnel
ou grand trésorier, Auvent supprimées en même temps
que celle de Taudience royale ou conseil royal, à
laquelle elles se trouvaient subordonnées, et de la
fusion de ces cinq cours on en créa une nouvelle qui,
sous le nom de conseil souveraia, remplit pour ije
Roussillonrof&ce des cours de parlement. Le i o juillet
1660 révêque d'Orange, Sferroni, ayant été député
par le cardinal Mazarin pour installer ce nouveau
f'onscil, il réunit, d'une part, don François Sagaira ,
VïU LIVRK QUATRIEME,
gouverneur spécial du Roussillon ^ et avec lui les trois
Tneuihrcs du tribunal de la gubernacion , le procureur
royal , avec les autres membres de la cour du domaine
et le grand trésorier; d'autre part, don Joseph Fon-
tanella^, régent delà chancellerie, avec les sixmembres
de Taudicnre royale de Barcelone , qui étaient restés
en Franco^, et il leur communiqua Tédit donné à
Saint-Jean-de-Luz , le 1 8 du mois de juin précédent,
portant dissolution de leurs tribunaux et juridictions.
Immédiatement après que le notaire Albafulla eut
dressé acte de Tadhésion donnée k cet édit par les
personnes ainsi réunies, Serroni donna communication
dun second édit du même jour, portant création d*un
conseil souverain, qui fut organisé immédiatement,
tt pour connaître de toutes les aflain*s de la connais-
usanrc qui appartenait au conseil royal et tout juger
« souverainement et en dernier ressort , suivant les
«lois et ordonnances du pays, et y procéder autant
« (pnl se pourra en la forme et manière qui se pra-
' (> titre de gouverneur lui est (lonn6 [>ar le roi «Idiis une lettre du
ih juin i65^.
^ Foiitanella ^tait filsi d^in célèbre jurisconsulte de ISarcHone , n-
gardé coniinr le llanibeau du barreau de (Catalogne. Il ctait, en i64i ,
l'un des tn>is anM'Sseur^ de la «Imputation , et relui i]ui par son inérite
et si's talent!« avait If plus contribut- A faire n'Mer le Rtiussillon siius U
domination rranrtii!ie. l/)uis Pavait envoyé rommi* négociateur au ooii-
UnVsde Munster; il le rn'*a vicouite eu avril it>.^9.
' Ccii s\\ nieinbn-s fiaient : Pliilip|>e dr <!u|)(ins, JiiM'pli (Jucrall,
FranroisMnrti v Viiladuinar, Nii-ola^ Manalt, f.sidon' Prat. et KavnionJ
'rn»b.-il
CHAPITRE SIXIÈME. 445
« tique dans les autres cours souveraines du royaume;
« se réservant néanmoins S. M. de changer, réfonner,
c( amplifier lesditeslois et ordonnances, ou dy déroger
M ou les abolii' ou d'en faire de nouvelles et tels r^le-
M ments , statuts et constitutions qu elle verra être plus
a utiles et avantageuses à son service ou au bien de ses
a sujets. »
Pour donner au gouverneui* général de la province
la faculté d'avoir entrée au conseil souverain , à l'imi-
tation du droit dont jouissaient les vice-rois de
Catalogne de siéger à Taudience royale, le roi ordomia
que ce gouverneur, quand il lui plairait de s y rendre,
aurait place avec le premier président, prenant celle
que le roi occuperait lui-même, s'il était présent, et
opinant le dernier, sans pouvoir recueillir les voix,
signer les arrêts ni faire aucune fonction de la charge
de président. Le docteur François Sagarra, gouverneur
du Roussillon , fut créé premier président à mortier
de cette nouvelle cour, dont Joseph Fontanella fut
premier président. Quant aux fonctions de procureur
général, elles furent confiées à trois Français successi-
vement ; le premier fut le sieur de Maqueron, nommé,
comme les autres membres de la nouvelle cour, par
provisions du i o juin 1 660, et qui remplit en même
temps la charge d'intendant de la province. Ses deux
successeurs, le sieur Carlier et le sieiu* Camus de Beau-
lieu , réunii^cnt aussi à leur charge celle d'intendant :
enfm h la mort de ce dernier, en 1704, les fonctions
tifif} LIVRE <^LjATIUKME.
de procureur général turent confiées au sieur Desprét,
Roussillonnais d origine française, qui obtint des dis-
penses parce que son oncle, le chanoine Després,
siégeait h la même cour en qualité de conseillera Don
Marti de Villadomar, nommé avocat général le lo de
juin, fut secondé deux mois après, dans ces fonctions,
par Raymond de Trobat, qui en 1680 fut nommé
président de cette cour et intendant de la province*.
Lne des premières opérations dont eut à s*occuper
le conseil souverain, ce fut de procéder, par l'ordre du
roi , à renregistrement du code des constitutions de
Catalogne , ce que Tédit de création désignait par lois
et ordonnances du pays, qui continuaient à former le
code nmnicipal du Roussillon.
Le conseil souverain eut aussi, plus tard, dans ses
attributions la connaissance des refus de la cour de
Rome, ainsi que les bulles et provisions de bénéfices
ecclésiastiques de nomination royale, connaissance
qui dans le reste du royaume était réservée au grand
conseil : cette e\ce|)tion fut fondée sur ce principe que
' Arch. durontfiî souvmtin . an [jrrffr f/ii tribunal tie Pfrpiynan. CTesl
:i tort qu'on a impriiiit' flans la iStatiMîquede» rlr|iartenifntB pyrénétiift,
qu'a la iTc*uti(in dv. celte cour souveraine les fonctions import«nlei dt
i)rr»run'ur gcncral furent ronfif-fii à un notaire «le \illage, par la Mnlc
raiv)n qu*il comprenait et parlait la langue fram aise.
' O Raymond de Trobat, dont les provinion^ d'a\cKat généni loal
du G d'août 1 8G0, avait i'iv ap|»^lë par Matarin pour raasiïitvr aux coa-
ftTenre^dr l'ilf des Faisant, n raiM>n de la connaissance |Mirfaite qu'il
avait de la tnp(>;;riphie des deux comtés de Roussillon et de Cerdagnr.
Vovei les Ijettres de ce cardinal -ministre, loni. II.
CHAPITRE SIXIÈME. kkl
ules évocations n*ayant pas lieu en Roussiilou, le
tt grand conseil ne pouvait y avoir de juridiction ^ »
Comme cette même cour connaissait souverainement
des appels de toutes les justices, tant royales que sei-
gneuriales , dans toute l'étendue de la province , on lui
portait aussi ceux du consulat de mer de Pei^ignan.
Par dérogation aux privilèges, un édit du mois de mai
1711^ avait transporté au parlement de Toulouse la
connaissance des appels de Tamirauté de Collioure*
Cet abus fut réparé par une déclaration du 10 dé-
cembre 1718, portant que « suivant les constitutions,
u lois et pragmatiques du RoussiUon , les habitants ne
a peuvent être traduits hors de leur ressort. »
L* ancienne cour du domaine royal de RoussiUon ,
fondue dans celle du conseil souverain par Tédit de
1 660, en fut séparée de nouveau en vertu de lettres
patentes du 20 novembre 166a. Elle fut érigée alors
en consistoire du domaine» qui eut pour directeur
général, avec attribution souveraine, ce François
Sagarra qui était premier président k mortier du con-
seil souverain et gouverneur du RoussiUon. Par lettres
de cachet du q 6 février suivant le roi adjoignit à ce
directeur général deux avocats généraux et un pro-
cureur général. A la mort de. Sagarra, sur la tête de
qui on avait accumulé beaucoup de titres et d'honneurs,
le roi rendit un nouvel édit ( 1688), portant que «la
^ Déclaration <lu 1 5 juin 1713.
* Arch. Dom.
ViM LINHK QLATIUKMK.
M .srparatioii dr juridiction du consistoire du domaine
«roviii (le Koussilloii de la ruur du conseil sonveraih
« delà provin(*e. excitant des divisions et de la jalousie
(t |)anni les ju^cs de ce conseil, » il en o|)/>rait de nou-
veau la réunion h cette cour ^ Ija chambre du domaine
du conseil souverain connaissait de toutes les affaires
des eaux et forets, dont il n'y avait pas de maîtrise en
lloussillon. Ses archives sont encore les plus impor-
tantes de la province, bien qu'elles aient été mutilées
à diverses époques.
La vénalité n'avait |)as lieu pour les charges du
conseil souverain, ni pour les autres ofTices de juri-
diction ordinaire: les seules places de ^rellier pouvaient
être achetées'-.
En accordant le droit de coninniiie à Perpignan,
Podre ilF lui avait pareillement concédé celui, inhérent
à cet aflranchisseiuent, de pouvoir venger par les
armes ses propres querelles, l'ne conséquence de re
droit était, pour ses habitants, le privilège d'être
' (If ttr chambre du iloiiiainc rn>ai «'prouva viicurv d autres modîG-
lalinnH, Kin^ ccr^srr toulrfnin i\v lAÎrr piirli»' du ntiisoil snuvrrain. En
1737, pour fairr irirrricr i^^noral du n»i, il fui rtablî un comtiritMÎiv
du doinaniL* à vir. Le 17 juin 17.XJ cvUe juridiiiiou lui compoaécil'ttii
pn'Nidc'iit , de drii\ conseillent rt d un ppM-nrrnr du nû. (le Mint les ar
(lii\rs do crtti'jui'itlii'tiriii tpu' n«>us dt->i;^iiiin> jtai Anh. Dom.
' En iti^â et m 1700 le nii rejeta ie^ pni|wiMtion5 qui lui ftaienl
l.iiteH |N»iir ériger en rlKir^ea \êiiali'9 I<*h uHifen du ctiniieîl «niiverain.
I..1 c«>nl|»,l^nie di-» trailrfiilo iniiil Dllert. puni • i-l idijri . uni* ><imnir di-
<rni% rent mille ixu*' sur \*-> jnriditiiiiii*> M'i-tiuiliUre^ ilu Roussillun
V iivr; la iW'li* \
CHAPITRE SIXIÈME. ^^i9
toujours annés, celui de se défendre eux-mêmes contre
Tennemi extérieur et de ne recevoir dans leur pays de
force étrangère que sur leur demande , quand ils ne se
regardaient pas comme assez forts pour repousser un
ennemi trop supérieur. Le premier consul de la ville
était de droit colonel de la population armée. Par édit
du 7 mai i liUS Alphonse IV avait attribué à ce ma-
gistrat la garde des clefs de la place , tant en temps de
paix qu'en temps de guerre S et Ferdinand II Tavait
institué capitaine général de la ville et de son ter-
roir, disposition qui fut confirmée par Gharies-Quint ,
le 19 novembre iSSy; enfin, le 1 3 juillet iSgg,
Philippe III avait prescrit à ses généraux en Roussillon
de ne rien entreprendre sans la participation du premier
consul de Perpignan^. Ces distinctions si honorables
et si flatteuses, accordées au premier citoyen de la ville,
étaient , en quelque sorte , une conséquence du droit
qu avait la population de se garder elle-même , et ce
droit était précieux pour la couronne. Ce n* était pas,
en eflet, un petit avantage pour le souverain, que
d avoir les frontières de ses états couvertes par une
population qui se chargeait de veiller elle-même à sa
propre sûreté, qui mettait tout son amour-propre dans
ce glorieux devoir, et qui se montrait toujours prête à
tous les sacrifices, pour prouver qu'elle méritait, sous
ce rapport, la confiance entière du monarque.
' Livre vert mij.
^ Livre vert maj., livre vert min.
11. 39
/ir>0 LIVRE QUATIUÈMK.
l/amieiiipiit âv la population de Perpignan néuit
donc pas seulement un droit , rVtait pour elle une
obligation résultant de ce droit même. Les consnls
étaient chargés de veiller k ce que les armes dont les
habitants étaient tenus d être toujours pourvus fussent
constamment en bon état, et nous avons parlé, au
chapitre m du livre troisième de cette histoire, de
l'espèce d^annes que tout (*hel'dc maison devait aYoir
h sa disposition. Les ecclésiastiques n*étaieiit [Ms eui-
mêmes exempts du service militaire civil : on voit au
code des constitutions de Gitalognc , qu*au.\ corts de
Itiircelone de i3G9 Pèdrc iV ordonna aux clercs de
Perpignan de faire des approvisionnements d armes et
d'attirail militaire; nous avons vu les prêtres de Saini
Jean chargés de la défense d'un poste, lors de la ten-
tative de surprise de Perpignan par Ornano, et plus
lanl on voit encore ceux de Puycerda défendre vaii-
lamment la brèche.
Les populations armées de la Catalogne et du Ilous
sillon devaient voler an secours du prince h son pre
mier appel. In article des usages de Itarcelone, qui
faisait loi pour toute la province, leur imposait le de
voir de coin-ir h sa délense pei*soniielle ou h celle de
ses états, dès qu'elles a|)prenaient (|ne quelque danger
les menaçait. (( Si le prince, dit cet article, par quelque
M cas que ce soit , se trouve assiégé , ou s'il tient nu^me
uses cnnenus assicgi's. (|iii(M)M<|ni* entendra dire que
*' (luelque |)rince marche contn* lui pour lui faire la
CHAPITRE SIXIÈME. 451
«guerre ou pour attaquer ses états, drs qu*il en sera
« averti par des lettres ou des messages ou par des feux
u allumés , suivant Tusage du pays^; soit clievalier, soit
«fantassin, ayant lage requis pour combattre, qu'il
« marche à Tinstant; et s'il y manque le pouvant faire,
u qu'il perde à jamais tout ce qu'il tient du prince ; et
« pour réparer ce manquement à ses devoirs , qu'il
« prête foi et hommage siu* les évangiles , car nul ne
« doit faillir au prince en si grand péril et nécessité^, n
Cet article était désigné sous le titre de Princepsnanufne,
mots par lesquels commence le texte latin.
Jusqu'au xv* siècle cet article du Princeps namque
avait suffi seul pour couvrir de bandes de paysans
armés les terres de la Catalogne, à l'approche de
l'ennemi ; plus tard l'organisation militaire de l'Europe
éprouvant de grands changements , des modifications
durent être apportées dans le système d'appel aux
armes de la population. A cette époque , au lieu de ces
secours temporaires d'hommes et d'argent que les
souverains avaient jusque-là demandés à leurs peuples
au moment même de faire la guerre, ils commencèrent
à avoir des troupes régulières et des subsides perpé-
tuels. Auparavant les levées ne restaient sur pied que
pendant la durée de la guerre; à la paix chacun rentrait
dans ses foyers; vers le xv* siècle on forma des com-
^ Ces feux étaient allumés sur les tours de gard« ou tUaUtyos des
montagnes.
* Constitut de Catal.
/j:)2 LIVKK Ql atuikmk.
pa^nios llxivs , rt*staiit sous les drapeaux eu temps de
paix roinuK* vu ttMiips do guerre, et on put, par re
uioycii, laisser des «^(irnisous pennanentes dans les
plares l'enuées. A la suite de ehangement de système
dans la eoni position des eorps armés des nations.
Alplionse IV or*îanisa d'une nouvelle manière l'arme
ment spontané de la population militante de ses états.
Aux eorts de Bareelone de i ^'i2 il établit ee qu*on
appela somet(*n général , par op|iosition au someten
saeramental, institué en ï*i()i par Jayme II, pour
rrxteiinînation des hrigîuids qui iiilestaient alors toute
ladatalo^iie ^ Kn vertu de retle organisation nouvelle,
dés rpie reiuieini paraissait, tous les habitants des trois
eointés devaient prendre les armes ati eri public fait
par ordre du roi, et marrlier sous la eonduitc de leurs
oflfieiers nnuiicMpaux et sous les ordres de leur viguier.
Ainsi réunis, ils ne |)ouvai(*nt plus se séparer que quand
le roi le leur permettait. Outre ees levé«?s en masse de
la population, le menu* roi or};anisa les levées parti-
euliéres que, sous le nom d'Iiost et eavaleade, les
sei^^ururs avaient Ir droit d'exij^er de leurs vassaux
pour leur garde persoimelle aussi bien que pour celle
' 1^1' mot soin* Un» corriipltoii tir snnum rnùUens, i-\|iriiiiv la mrmc
cliosi' que iiiilrr iii<it inmui. qui \iriit du wrhr Itufwr lrdp|M*r, rt lic SM
I M'/Miini , nom qu'on dunii.iil .iririfiiiirinriil .iiiK l)<*ITnHS ; 1^ juriscnn
siiltf .l:irf|iii:H dr (.iili» .1 ctTit 1111 TriUti- sur l'ori<;iiu*. ic^ inotiU et Vur
gaiiivilidii du Ktumti'n . \t\\ri il»ii9 x-n (4''.u\r4*N ii* bivùlartum joni rmisn
L).-iiis l'>i|>|> iiatioii . tôt .un v\\ l\i|qii') . rt %"nultn \v rroulljt de l'.ippi'l ,
qui M- l.ii-«.iil piir tiii'i'
CHAPITRE SIXIÈME. 455
du prince même. C'est au moyen de cette constitution
guerrière que nous avons vu les Roussillonnais et les
Catalans résister, avec leurs simples ressources, aux
efforts des armées régulières que la France envoyait
contre eux.
Dans le traité de Péronne , par lequel Louis XIU
acceptait le titre de comte de Barcelone, il avait été
dit que la Catalogne lèverait, pour tenir lieu du
someten général et du droit d*host et de cavalcade ,
un corps de cinq mille hommes d*infanterie et de cinq
cents chevaux qu'elle entretiendrait jusqu'à la fin delà
guerre. Le Roussillon restant français par la paix des
Pyrénées, le contingent qu'il devait fournir à ce corps
de troupes catalanes fut organisé en mi régiment qui
porta d'abord le nom de royal-Mazarin , et qui prit
ensuite celui, plus convenable, de royal-Roussillon.
En 1696 la portion de milice fournie par la ville de
Perpignan fut organisée en un régiment de deux
bataillons, ou vingt compagnies de cinquante hommes,
dont les capitaines étaient choisis par les consuls
parmi les chevaliers et les citoyens nobles : le premier
consul, qui avait toujours été le chef de la population
armée de la ville, continua à être colonel de ce régi-
ment uri)ain. Cette organisation fut confirmée par des
ordonnances rendues le 1 o novembre 1 ^33 , le 1 3 de
janvier 1 y/jS et le i*' mai lySG. La première de ces
ordoniiaii(M\s rendit à cette milice le nom de someten
de Perpignan , et lui donna pour lieutenantKïolonel un
kbk LIVRE QUATRIÈME.
citoyen delà première classe. Son drapeau portait pour
devise : régi suo semper JHelissiina. On organisa de la
même manière un someten des autres miiicea de h
province , qui furent réparties en trente-quatre com-
pagnies, pour la garde des huit places fortes du Roiw-
sillon ^ Ce someten était tenu de marcher ma cri
public fait par Tordre du capitaine générai de la pro-
vince. Quand ces milices remplaçaient dans les forti
les garnisons de troupes réglées appelées à farmée,
elles leur étaient assimilées et recevaient la même
paye qu'elles.
Anne de Noailles, fds de François de Noailles, comte
d*Ayen, qui avait été gouverneur général deRousnlloB
et pays conquis, depuis la révolution de Catalognet
fîit nommé gouverneur général de la nouvelle provinea
de Roussillon, le i* février 1 660, et créé duc et pair
en décembre 1 663. Ayant donné sa démission de tas
charges et dignités en faveur de son fils , AnneJulef ,
ce gouvernement passa sur la tète de celui-ci, qui, en
1 697, le transmit de la même manière à Adrien-Mail-
rice, son fils. Le gouvernement de Roussillon se per-
pétuant ainsi dans cette famille, le duc d*Ayen, depuis
duc de Noailles et maréchal de France , fils d* Adrien-
Maurice , en obtint à son tour la survivance le 9 fe-
vrier 1718, à Tàge de cinq ans, et le conserva juaqu*à
la révolution.
^ Cv M»nt : G»llioun*. Ir fort Sainl-FJnif, Belirgarde, le fort de»
Bains, PraUnle-Mollo, Hal»«a, Villefranch«et MontloQ».
CHAPITHË SIXIEME. 455
Sous le gouverneur général , il y avait un capitaine
général ou commandant de la province, qui fut d'abord
un sieur de Chouppès, remplacé en 1 66 1 par le sieur
deChâtillon^
Trois ans s étaient écoulés depuis que le Roussillon i663.
était devenu français, et toutes les branches de Tad-
rainistration publique étaient oi^nisées. Des grandes
familles du pays, les unes, voulant se maintenir sous la
domination de TEspagne , avaient transféré leur do-
micile de Tautre côté des Pyrénées , les autres s'étaient
soumises à vivre sous le régime firançais. Celles-ci
devaient jurer d observer les lois de leur nouvelle
patrie : la première de ces lois était la fidélité.
Louis XIV exigea ce serment , qui fut reçu le 3 du mois
de décembre 1 663 , parle viguier de Roussillon, pour
les familles nobles de Perpignan^. A cette époque,
Louis , débarrassé par la mort de Mazarin de la tuteUe
des premiers ministres'^, ne gouvernait plus que par
lui-même.
* Les autres commandants de la province furent, les sieurs de Chas-
seron, en i68i ; de Quinson, en 1698; de Fimar^'on, en 1713*, de
Caylas, en 1 780 ; de Rocosel , ea 1 ^36 ; de ChasieUm , en 1 739; d'An-
gier, en 1743 , et de Mailly en 1749.
* Voici ta formule de ce serment: <N. ha promesdeserbon y fael
• vassal del rey nostre senyor christianissim|^que Deu guarde, y de no
• prendre diners ni acceptar dadivas ni gratificacîons de nîngns princeps
• forasters, sens expressa licencia de dita S. M. y que donin toit los
« avisos que sabra que saran contra sa corona , als officiais de dita S. M. •
{Arch. Dom.)
' Mazarîn était mort le 9 mars 1661 .
i-iG LIMiK QIATKIEME.
Cettr iiiênie aiiiire 1 663 , prrit à Perpignan , de la
main du bourreau , la romme de François de Foî\ et
de lk*arn , Tune des branches de la maison de Foix et
de Caudale, établie en Roussillon depuis Louis XP.
Cette dame , accusée d'avoir fait assassiner son amant,
de qui elle avait éprouvé un sanglant outrage , fut dé-
capitée sur la place de la l^oge. Elle avait supporté la
question sans rien avouer, et ne Tutcondamnée, dit-on,
que sur des indices assez vagues et qui n'étaient point
assez probants*'.
i665. Le mariage de Louis XTV avec Tinlante Marie-
Thérèse était une des conditions du traité des Pyré-
nées : cette alliance , recben*hée dans des vues inté-
ressées , ne pouvait pas présager aux peuples un long
repos. Bien qu avant de consentir à cette union.
TEiSpagne nVùt ri(*n négligé pour i'aire renoncerlajeune
princesse à toutes espérances sur riiéritage paternel;
comme au moment où on lui avait lait signer ces re-
nonciations Tinfante éLiif mineure, et cpie les engage-
ments pris de cette manière étaient nuls devant la loi,
le roi de France n^ivait pas manqué, dès qu'il fut son
époux, de protester contn* la violence de l'autorité
paternelle .sous Tempire dt* laquelle les renonciations
avaient été si«;nées. Pliilippr IV moui ut le i y septem-
bre I 665 , laissant son .sceptre i^ (iharlesll, son fds,
qui avait à peine complété sa quatrième ainu'^e. A la
lloscli, TUuli tir h'tnni. n i i .t.
' \iiM-liiir, Ui>t. fjrnrttininqui , tnni \\\.
: t-
i6fi;.
CHAPITRE SIXIÈME. ^57
nouvelle de cette mort, Louis s*empressa de réclamer
la reconnaissance des droits de sa femme à la souve-
raineté du Brabant, qui d après les lois particulières du
pays devait revenir au premier des enfants de Philippe
à Texclusion de ceux du second lit. La royale veuve ,
Marie-Anne d'Autriche, régentedu royaume d'Espagne,
refusa de reconnaître ces droits, et Louis se prépara
à les soutenir par les armes.
La guerre qui commença en 1667 se fit principa-
lement dans les pays contestés; ce ne fut qu'accessoi-
rement qu'elle s'étendit aux frontières des Pyrénées.
Le jeune roi de France , à la tête de son année, et sous
la direction du vicomte de Turenne, débuta par la
prise de Charleroi , et fit de rapides progrès dans les
Pays-Bas. Du côté du Roussillon, Tattaque vint des
Elspagnols. Au mois d'août le duc d*Ossuna, vice-roi
deCatalogne, sortit de Puycerda avec quelques troupes,
traversa le Conflentet le Roussillon dégarnis desoldats,
soumit les bourgs et villages ouverts, et se porta devant
Bellegarde. En novembre i668 il y eut entre les «6««-
paysans du Vallespir et les Français une affaire assez
vive, mais qui n'était que la suite de mouvements sé-
ditieux qui avaient éclaté au mois de mai de Tannée
précédente , et auxquels avait donné prétexte l'impôt
sur le sel , qui , par les constitution^ de Pèdre II et de
Jayme II, ne pouvait pas avoii' lieu dans la Catalogne
et les deux ronités.
r>ans cette première émeute du mois de mai, les
^
'1Ô8 LIVRE QUATRIÈME,
paysans 8*étaient bornés k tuer quelques employés
gabelles, du coté de Banyuls; mais quand le YÂcenroiiit
Catalogne eut pénétré dans le Roussillon, et que
paysans se sentirent appuyés par leurs anciens
patriotes , à qui ils n*avaient pas encore eu le temps lit
devenir étrangers et avec qui ils ne cessaient
mêmes de faire cause commune, ils se réimirent
grand nombre dans le haut Vallespir, que le gouver-
neur de Roussillon dut marcher contre eux avec les
troupes de la province.
Ce gouverneur était François de Sagarra , piemisr
président k mortier du conseil soi^verain de Rouaailkn
personnage qui jouissait auprès du roi de France de ii
confiance la plus illimitée , et dont le nom , objet 4e
terreur a cette époque, est encore aujourd'hui ane
sorte d*épouvantaii dans les montagnes. Ce SsgttWb
était lun des Catalans qui avaient embrassé avec le jkm
d ardeur le parti français , k la révolution de la priaei»
pauté. Son audace, sa bravoure, son activité luiavsieat
acquis, dans la guerre de localité qui suivit finsur*
rection de la Catalogne contre la France , une repu*
tation que Louis XIV signalait hii-mèroe dans ee
préambule d'une de ses commissions : «Notre sné
« conseiller François de Sagarra , écuyer, dont la pru-
« dcnce et f habileté, Tadresse et force d*àme, la fidélité
0 et la probité nous ont été assez démontrées par les
« services utiles et constants rendus k nous et à Is
u patrie, toutes les fois que Tocrasion s en est of-
CHAPITRE SIXIÈME. W9
« ierte, etc. ^ » C'est à ces qualités éprouvées que Sagarra
avait dû d*être choisi pour remplir le poste délicat de
gouverneur, au moment où, la Catalogne se trouvant
replacée sous Tobéissance du roi d*Espagne, le Rous-
sillon s efforçait d*y retourner lui-même, et où Thomas
de Banyuls , son prédécesseur, venait de trahir la con-
fiance du monarque français, en usant de l'autorité
dont il lavait revêtu pour soulever le Roussillon contre
la France. Des rigueurs ayant dû être déployées pour
retenir dansla soumission les peuples des deux comtés,
Sagarra avait été placé à la tête du conseil royal pour
la poursuite des rebelles , charge qu il cumulait avec
celle de gouverneur^. C'est en cette dernière qualité
qu'en 1 668 il marcha, à la tête d'un millier de fantas-
sins et de quelque cavalerie, contre les paysans
insurgés du Vallespir. Ces paysans étaient à Prats-de-
MoUo , dont ils gardaient les avenues. Au défilé du
Pas-du-Loup ils fondirent sur la troupe de Sagarra,
dont ils tuèrent une partie et forcèrent l'autre k se re-
plier, d'abord sur Corsavi , ensuite sur Arles , où ils la
tinrent enfermée pendant neuf jours. Au bout de ce
temps, Sagarra, obligé de capituler, convint avec les
paysans que la gabelle ne ferait, à l'avenir, aucune
recherche dans le Vallespir, k partir du pont de Céret,
^ Arch. Dom.
* Le gouverneur particulier du RousûUoo était en même temp
vîce-géraot du gouverneur général des deux comtés, et on le trouve
également désigné sous Tun ou Tautre de ces titres. Voyea aui Preuves,
n'XVI.
-^
W) LIVRE QUATRIÈME.
et que les communes se chargeraient elles-ménies de
lâchât du sel k un prix modéré, pour le distribuer
ensuite au\ habitants ^ Le traité d*Ai\-la-Chapette rint
mettre un teiTnc h cette guerre des deux nations, dont
les résultats pour la France furent la conservation des
conquêtes faites dans les Pays-Bas.
1670. De nouveaux troubles éclatèrent encore dans le
Vailespir en 1 670, toujours à Toccasion desgabdiee.
Un certain Just, de Prats-de-Mollo, avait été arrêté;
aussitôt les paysans coururent aux armes, et m
nombre de cinq cents ils entrèrent dans cette ville,
sous la conduite d un nommé Joseph Trinxeria. Le
gouverneur de Prats-de-Mollo, menacé par ces furieUv
s*était retiré dans Téglise avec la garnison , bien résida
de s*y défendre, lorsqu*un incident imprévu rmA
tenniner brusquement cette échaufiburée. La femme
et les enfants de ce gouverneur tombèrent au pooTOV
de Trînxeria, qui proposa de les échanger contre
Just. Cet échange fait , les paysans quittèrent la ville
et rentrèrent chez eux ; quant à leur chef, ne voulant
pas s*en tenir à (*ette courte expédition, il réunit
environ quinze cents mécontents avec lesquds fl
descendit à Céret et fit prisonnière une compe-
gnie de cavalerie qui s*y trouvait. Une première
tentative pour délivrer ces prisonniers ayant échoué,
le commandant de Iloussillon envoya contre Trin-
\(*ri(i le marquis de Chamilh avec quatre mille
' Kriiii ilr la l'rnA.
CHAPITRE SIXIÈME. 401
hoinines^ qui forcèrent cette bande à se disperser.
Trinxeria passa en Catalogne , où il se fit bientôt un
nom formidable.
Les Hollandais, dont la prospérité commerciale et
les grandes conquêtes dans Tlnde avaient singulière-
ment enflé la vanité, étaient devenus d'une fierté
insupportable à toutes les autres puissances. Les
évéques de Liège et de Munster, ayant eu avec eux
quelques démêlés, s*étaient alliés avec le roi de France,
qui, de son côté, avait à venger son amour-propre
cruellement blessé par Torgueilleuse allégorie d*une
médaille frappée pour Tinsulter. Non moins choqués
du ton d'arrogance de cette république, l'empereur et
le roi d'AngleteiTe promettaient au roi de France de
rester neutres, et sur ces assurances Louis avait com-
mencé les hostilités en 1673. Mais la grandeur de la ,67».
France inquiétait encore plus les autres puissances
européennes que la fatuité de la Hollande. L'Elspagne ,
ix)mpant la première la neutralité , s'était aUiée avec
cette république, et avait ainsi jeté les fondements
d'une nouvelle coalition que l'empereur s'empressa de
nouer. Une ligue formidable fut donc signée entre
l'empire, l'Espagne, la Hollande et le Brandebourg.
La guerre de la France avec ces puissances commença
en octobre, et s'étendit sur les frontières du Roussillon,
que l'Espagne cherchait à recouvrer.
Quelques villes avaient été brûlées parles Espagnols
' Feliii dp In Pena. O nombre de quatre mille nous semble exagéra.
\r. \
I
462 LIVRK QUATRIEME.
dans la Flandre française ; ou voulut user de repré-
sailles en Catalogne , et, le 6 de novembre , un corps
de trois mille fantassins et de sept cents chevaux, sous
les ordres du lieutenant général Le Bret, entrfl en
Ampourdan. Le dur de San (.ierman, vice-roi de Ca-
talogne, se porta sur Figuières avec huit cents chevaux
et (pielques compagnies de paysans de la viguerie de
Girone. Après quelques escarmouches assez meur-
trières, les Français rentrèrent en Roussillon, bornant
toute leur expédition à Tincendie de la Jonquière et
de la Venta-Nova, hôtellerie voisine.
Depuis que les Catalans avaient secoué cette domi-
nation française qu*ils avaient sollicitée à si grands cris,
leur haine contre leurs voisins semblait s*étre acrme
de tout le d('>pit cpi'ils ressentaient de les avoir appelés
connue libérateurs. La campagne si insignifiante de
Le llret en Ampourdan eut les conséquences les plus
funestes. L*incendie de deux hicoques n*était rien en
comparaison des dévastations que commettaient les
Catalans sur le territoire français, dans toutes leurs
incursions ; cependant ces peuples furent si outres du
désastre de la Jcmquière, que les pay.sans jurèrent de
se venger sur tous les Français qui tomberaient entre
leurs mains.
r./. Ia) mois de mars de xli'jfi vit échouer une con.spî»
ration dont robjet était de rendre \v Koussillon ik
rKsp:i;{iie. Sur le prét(*\te i\iw Philippe n'avait pas le
droit d'aliéner lt*s deux comtes, et* «pii était vrai, et
CIIAPITUE SIXIÈME. ^65
que le roi de France ne maintenait pas les privilèges
de la province, un grand nombre de personnes, tant
du Roussillon que du Gonflent, avaient ourdi un vaste
complot pour livrer ces pays aux troupes espagnoles.
La même cause qui avait fait découvrir la conspiration
de Thomas de Banyuls , lamour, fit encore avorter
celle-ci. Un capitaine d'infiinterie, nommé Courte, en
garnison à Villefranche, faisait sa cour aune demoiselle
du pays. Celle-ci lui ayant parlé de quelques liaisons
de son frère avec des Elspagnols suspects. Courte l'en-
gagea à les surveiller, dans Imtérét de leurs amours.
La jeune fdle découvrit que ie jour du vendredi saint
Perpignan et Villefranche devaient être surpris par
des soldats espagnols, qu*on devait faire entrer insen-
siblement dans ces places déguisés en paysans , et que
les conjurés devaient tenir cachés dans leurs maisons.
Courte en donna avis à Perlan, commandant de Ville-
franche, qui en informa Le Brct. Le renfort de troupes
françaises qu*on fit entrer dans les places menacées
donnant Téveil aux conjurés, plusieurs s échappèrent;
les autres furent arrêtés et décapités à Perpignan , et
tous leurs biens furent confisqués. Perlan , qui n'avait
eu que la peine de transmettre au lieutenant général
les renseignements qu'il avait reçus de Courte, fut
récompensé parla donation des biens de Tundes prin-
cipaux conjurés ; quant aux deux auteurs de la décou-
verte du complot, ils furent jetés l'un et l'autre en
prison , Courte , pour n'avoir pas voulu montrer des
Irttivs (ir sii iiiailivsso, aiiii deinrnagcrsa n*|}utation,
et crlli'-ri pour 1rs avoir rentes : r rst toute la ré-
coinptMiso (|ii*iis reriireiit. Remis en liberté quinie
jours après, Courte rejoignit son régiment; quant à la
malheureuse* jeune fille, flétrie dans Topinion, dés-
honorée publiquement, et déchirée par la pensée
qu*elle avait donné au bourreau la tétc de son firère.
elle alla ensevelir dans un rouvent sa honte et ses
remords ^
Le village espagnol de Massanet, situé au revers des
Pyrénées, h trois lieues de Céret, était devenu la place
d armes des iniquelets'-' catalans, dont le nombre était
très-considérable, et qui étaient la terreur de toute la
frontière. Lue première tentative contre ce village,
faite au mois de décembre précédent par Le Bret. et
d'autres tentatives renouvelées en janvier et février,
n avaient «u pour résultat que* la perte d'un grand
nombre de Français tués dans les diflerentes ren-
contn\s, ou froidement égorgés par les paysans. Les
' (> f(ui se r;i|ip«>rli* •! crUr coiiN|iiriitinii rst miitrnu très en détail
flans iiii |>etit oii\ra^f* iiititiili*. lirlation i/r «r ^ui s'rsl posté m Cola-
lotjnr , par un oHit-irr tl«> ramuM*, qui mid compte îles campagnes de
167.') cl itiyti- Nous on a\oii^ ntrail ce que iifiui rap|)orton».
- \aV iKim fie init^uiUU, iulnttluit daiiA le \\i' .siôclc. paraît venir
(1*1111 miiiîii Mirlirl Miquclut de Prat», conipa^iion de Ccsar Borgia.
dur d«* \ aleiitinois, qui s «'tait rendu fainfux a Nnpieadansce genre de
i;urrn* de |Kirlisaii», di'Miîiif* aujourd'liui kius Ii* nom de umrriiUu, \jB
mmi df mitfutliti l'ut d'almrd doniif aux pa\s.inA qui sVtairnt %olon-
t.iirf-nirnl jfiints à Miquelnt. et on Tétf-ndit rnsuiti* aui compagnies nr-
i;.ini!M'i'A ru tirnillpurs dr mnnta«jnr».
CHAPITRE SIXIÈME. llàb
ravages de ces paysans , à qui le someten avait fait
prendre les armes, et qui ne se séparaient pas des
miquelets , devenant un fléau pour la contrée, le mar-
quis de RivaroUes, gouverneur de Perpignan, et le
gouverneur du fort des Bains s'étaient concertés pour
faire en Âmpourdan une expédition qui pût y mettre
un terme. Ces officiers passèrent en effet la frontière,
au commencement du mois d'avril; mais leurs moyens
étaient trop faibles contre toute une population en
armes : ils furent mis en déroute et éprouv*èrcnt de
grandes perles. RivaroUes , entouré lui-même par les
paysans , et sur le point d'être égorgé , essaya de tenter
leur avarice en offrant de racheter sa vie pour une
forte somme d'argent, et il fut assez heureux pour
être écouté. Ce salut vénal fut le commencement du
retour des paysans à des sentiments plus humains : ils
cessèrent les massacres, et reçurent à composition les
prisonniers. Le gouverneur du fort des Bains, qui
s'était caché pour échapper à une mort trop certaine,
se montra alors , et traita aussi de sa rançon : ce furent
là les premiers prisonniers faits par les paysans dans
cette guerre'.
^ Feliu de la Pena , XXI , 3.
11 3o
466 LIVRE QUATRIEME.
CHAPITRE VII.
Les GiUlanft en Roussillon. — Bellegirde et le feli àeê BÉint.
— Défaite de Schomberg devant Maurellas. — Raragotf dhf
miquelets. — Schomberg en Ampourdan. — Repriie <k
Beilegarde. — Le maréchal de Noailles. — Défaite des Eap»»
gnols. — Prise de Puycenla. — Eyéneraents divers.— Qms»
tructîon de Montlouis. — Le maréclial de Bellefonds. — Tréftt
de vingt ans. — Hôpitaux de Perpignan.
i-owiXiv. La guerre entre la France et TEspagne a trop
*•'** souvent pris , de Vautre côté des Py rentres, ce caractère
atroce que lui avaient rendu en 1673 les sometèils
des montagnes de Calalogne, et que de nos jours nos
armées ont vu se renouveler avec tant de férodtë.
Après le sacrifice de bien des victimes, la barbarie
avait enfin cédé h la cupidité, et devant Tappât de Tor
le sang avait cessé d'être froidement répandu. Les
grandes opérations militaires qui avaient lieu au nord
de la France laissaient le midi dégarni de troupes, et
les frontières du Roussillon continuaient à être A la
merci de ces paysans catalans, qui ne cessèrent d*y
exercer leurs brigandages. Le duc de San Genoan ,
vice-roi de Barcelone, travaiUait à organiser une armée
pour entrer en campagne. Par>*enu à réunir, au moyen
de Napolitains, d'Allemands, d'Kspagnols un corps de
^
CIÎAPÎTRE SEPTIÈME 467
huit mille lioiuinos d'iiifaiiterie et de deux mille cinq
cents chevaux, il traversa les Pyrénées par le coi de
Portel, et le i 7 mai il vint camper devant Maurellas,
qui se rendit ii l'instant. La garnison était de quatre
cents hommes, tant soldats que miliciens. San Ger-
man retint prisonniers les premiers , les autres furent
renvoyés dans leurs foyers. Le lendemain ce vice-roi
passa le Tech et battit nos troupes , qui malgré leur
petit nombre s^étaient portées en avant. Le lieutenant
général Le Bret tomba dans une embuscade où il perdit
beaucoup de monde et où il fut blessé lui-même d'un
coup de sabre. Le Boulon fut occupé le a o du même
mois, et ce jour-l«^ San German envoya une partie
de ses troupes bloquer le fort de Bellegarde.
Pendant que le gouverneur de Campredon, qui avec
les paysans de sa viguerie et quatre pièces de canon
s'était présenté devant Prats-de-Mollo , était forcé à la
retraite, les paysans et les miquelets de l'armée du
vice-roi s'étendaient sur toutes les montagnes du
Vallespir, depuis les bains d'Arles et le Pertus jusqu'à
CoUioure , clans le double objet d'empêcher l'arrivée
de tout secours aux places de cette ligne, et de pro-
téger le passage de leurs propres convois : ce mouve-
ment eut lieu le a a .
Une batterie de neuf pièces de canon avait été
dirigée contre Céret. Trois brèches étant bientôt
ouvertes dans ses faibles murailles, et ces brèches
étant assaillies à la fois par les Elspagnols, les Napolitains
3o.
Um LIVRE QUATRIÈME,
ci les Âilemands, cette ville dut se rendre. Les troii
cen t soixante hommes qui la défendaient furent envoyé»
prisonniers k Barcelone.
San German tenait à occuper Arles , afin de pmer
le fort des Bains des secours qu*il en retirait! Arfei
étant une ville ouverte , la conquête en (ut fiicfle ?
quatre cents Catalans, sous les ordres de Manuel de
Lupia , y restèrent pour garnison ; quant au fort des
Bains, où commandait un officier nommé de Brue&l«
bloqué dès le 7 de mai , il n*avait été complètement
investi que le 2 3 , et depuis ce moment il ne 8*était pts
passé de jour sans que les Français, en cherchant à y
introduire des secours, n eussent donné lieu k qnd*
que escarmouche. Le transfuge Joseph Trinxeria défit
d*abord, à la tête des paysans, un détachement de
cinq cents hommes qui cherchaient à s'y jeter, et
s empara quelque temps après d*un convoi de cent
quarante mulets chargés do munitions pour cette
place.
Le Roussillon était simul tanément attaqué sur deoi
points différents. Pendant que le vice-roi s*établitttit
dans le Vallespir, le gouverneur de Puycerda, à la tète
de sa garnison , de quelques milices et d'un certain
nombre de paysans du someten, traversait la Cerdagne
française qu'aucune place ne défendait encore, et des-
cendait sur Villefranche ; mais avant d'arriver sous les
murs de cette ville , >son avant-garde fut écrasée dans
une double embuscade que lui avait dressée le gourer-
CHAPITRE SEPTIÈME. (i69
neur français. Le gros de la troupe arrivant bientôt ,
ils*engagea un combat très-vif, qui dura depuis le grand
matin jusqu'à midi, moment auquel chacun se retira ,
laissant, avec la victoire indécise, un bon nombre de
morts sur le champ de bataille.
La prise du fort de Bellegarde , clef du Roussillon
et porte de la France de ce côté , était ce qui tenait le
plus à cœur au duc de San German. Trois détache-
ments de son armée furent chaînés d*en faire le siège.
Le premier, composé du régiment de la reine et de
deux cents Catalans , fut posté au pied de la colline,
du côlé du Roussillon; le deuxième, formé des Alle-
mands, s'éUiblit sur la pente de cette même colline,
et le troisième, où étaient des Napolitains, resta de
l'autre côté, sur les terres d*Ëspagne; le reste de l'armée
conserva ses positions entre Maurellas et le Tech.
Le général de Fartillerie espagnole, don François
de Velasco , fit commencer le feu de ses batteries le
3i mai; ce même jour le commandant du fort,
jugeant le point occupé par le régiment de la reine le
plus accessible à une sortie , s'y porta avec une partie
de sa garnison, et rentra presque aussitôt dans la place.
Le résultat de cette entreprise, que n'avait suivie ni
succès ni revers, et que la suite prouva n'être qu'unç
démonstration pour sauver l'honneur du drapeau , fut
de faire renforcer ce côté par quelques détachements de
plus. Celle augmentation de moyens de résistance sur
ce point uVinpirait en aucune manière le sort de la
470 LIVRE QUATRIÈME.
place; cependant elle jeta ralannedansrflme peuâevie
de son gouverneur, qui ne prolongea paa plus long^
temps sadéfense : le Ajuinil se rendit, sous la condilioB
de retourner à Perpignan avec sa garnison. Cette
conduite déshonorante fit mettre en jugemyt oel
officier, qui en fut quitte pour un an de priMD; ton
lieutenant se sauva en Espagne.
Maître d une Forteresse qui lui donnait les moyeM
de garder les passages des Pyrénées sans être obligé
d'en couvrir de monde toute la crête , le vice-roi con-
gédia les sometens et envoya au siège du fort des Beû»
le régiment de la Chamberga\ avec le corps de Napo-
litains que commandait Jean Pignatelli. La tranchée
(ut ouverte devant cette place dans la nuit du 5 au 6
juin. Pignatelli, blessé dès le premier jour, moimit à
Ccret, où on Favait traiispoilé.
Le comte Frédéric de Schomberg, ditt'érent de»
maréchaux de Schomberg ducs d'Hallwin père et (ib*,
nommé au commandement de Tannée qu*on
' Le maréchal de Schoml>er^ a\ait introduit Tiisage d*oiie
qui couvrait le Holdat ju!<qu*aux genoux, et que les Espagnolt avaMt
adoptée |iour essai, sur un de leurs régîinent«; c*ett de celle canifiM
qu'il portait le nom de nyinicHt dr ta Cham^iya. Le roi ChafJat II
donna cette même cavique à quelques-un» de ses gardes. Feltn de U
Pena.
' Ce. (*omte de Schomberg ( Krédéric- Armand ) n*Hait pat lie la
uiemc l'auiillc que les autres Schoui)ierg-<l llallwin. ( eiu-ci élaîtnC
originaires de la Misnie et r.ilholiques, l'autre était de Tn^vrt et pfo-
te>tant. t^e ronitr de Vlionihert; fut aussi fait maréchal de KrancT,
iiiai!« il dut sortir du rttvaunie quand sa n*lipon y fut persttitlér.
CHAPITRE SEPTIÈME. 471
blait en Roussilioii, avait établi un camp de lautre
côté de la Tet , en face de Perpignan , pour y organiser
ses levées. Au milieu du mois de mai la force de ce
camp n'était encore que de neuf mille hommes ; ce
nombre étant parvenu à celui de douze mille fantassins
et trois mille cavaliers, par la réunion de trois régi-
ments qui formaient les garnisons de Perpignan et du
fort de Salses, et par l'arrivée de quelques nouvelles
levées de Languedoc et de Roussillon, Schombei^,
dans la vue de faciliter l'arrivée de quelques secours
au fort des Bains, qu'il savait aux abois, se décida à
risquer luie attaque contre les Espagnols. San German
s'empressa de raj)peler les sometens aux armes.
Les Français se présentèrent le i o juin devant les
espagnols, près du village de Saint-Jean-Pla-de-Corts ^
Accueillis par le feu de deux pièces de canon chaînées
k balles de mousquets, qui commencèrent à jeter le
désordre dans leurs rangs, ils furent dispersés parla
cavalerie , et forcés de se retirer derrière le Tech , où
San German n'osa les poursuivre. Le lendemain le
vice-roi jugeant nécessaire de renforcer des détache-
ments et de l'artillerie qui se trouvaient devant le fort
des Bains et h Céret, ses lignes de Maurellas, que rien
cependant ne menaçait, les rappela, et par cette ma-
* Le château de Saint-Jean-Pla-<le-Cort9 fut bâti |>ar BérengerCas-
telan , Svbile, sa femme et Hubert dWries, en vertu de la permission
donnée par Aiplionse 11, le 1 1 juin 1 188. Ce village sappelle aussi
^aint Jean de-Pag^s, du nom d'un de ses anciens seigneurs.
1
'i72 MVHK QUATRIEME.
iiœuvrc dégagea ce Ibrt, qui en était aux dernières
extrémités : c est ainsi que l'action de Schombeq; im-
posant aux Espagnols , l'objet (ju*ii s était propose se
trouva rempli et le fort des liains fut sauvé. Cette place
n'était pas mieux approvisionnée que celle de Belie-
garde, mais elle avait ce qui manquait à l'autre, un
lionune de cœur pour commandant.
Le a 3 juin l'armée française investit Saint-Jean-
Pla-de-Corts, qui se rendit au bout de vingt-quatre
heures : cent cinquante soldats qui en formaient la
garnison furent conduits nus et garrottés à Perpignan,
sans qu'on sache ce qui leur attira un traitement si
ignonn'nieux^ Ici lannaliste Feliu de la Pena, dont
l'aveugle haine contre les Français ne peut être égalée
que par son excessive superstition, se récrie avei.
raison contre cette conduite de Schombei^; mais cet
écrivain n'a pu trouver, quelques pages plus haut, un
seul mouvement de pitié en faveur des Français dont
il nous apprend lui-même le massacre par les paysans
catalans : déplorable ciTct de cette passion dans laquelle
une sotte vanité nationale entraine fliistorien, qui ne
veut voir (le Thonneur, du courage ou de la probité que
chez ses compatriotes. Le duc de San (lerman envoya
au général français un trompette, poiu' se plaindre de
cette sévérité réprouvée par les lois de la guerre. Dans
' l,c M'iil Kcliii (le iii Vi'ùix l'tarir de cvWv rirronstaiirr , CDiiiinr srul
aussi il iitiiis a appris l«' iiiu5»acn' di'i priMMinicrs Irjni.aiN |kiir 1rs
|ia\>ans iat«iian>
CHAPITRE SEPTIÈME. 475
rignoraiice où nous sommes des raisons qui firent in-
lliger i^ des ennemis vaincus un traitement si humiliant,
nous ne pouvons savoir jusqu'à queV degré cette action
de Schomberg peut mériter le blâme. Schomberg était
homme dlionneur, et il ne se serait pas permis un
acte si contraire au droit des gens sans de graves
motifs. Nous soupçonnons que ces prisonniers étaient
des Roussillonnais transfuges, contre qui le général
était en droit de sévir : la conjuration, déjouée trois
mois auparavant, la présence de Trinxeria et des
paysans du Vallespir dans le camp ennemi, autorisent
puissamment cette conjecture.
Schomberg tomba quelques jours après dans un
piège que lui tendit San German. Le bailli de Géret
était venu lui dire qu'il lui apportait les clefs de sa ville,
que les Espagnols venaient d'évacuer parce qu'ils ren-
traient en Gatalogne. Dans la nuit du a 7 juin ce
général fit prendre les armes k son armée, et à la pointe
du jour on aperçut en effet des mulets défilant vers
le col duPertus. Le Bret, chargé d'aller occuper Géret
et d'inquiéter l'arrière-garde espagnole, traverse le
Tech et s'engage dans les ravins , où l'attendaitl'in&n-
terie espagnole , couchée à plat ventre pour n'être pas
aperçue. A l'exception des trois régiments tirés des
garnisons de Perpignan et de Salses , qui étaient de
vieilles troupes, tout le reste de l'armée française ne se
rom|)osait que de recrues c[ui n avaient aucime idée
de la Ruene. Surpris de cette attaque inopinée, ces
474 LIVRE QUATRIÈME.
jeunes soldats ne surent pas tenir tête, et le défOiAc
se mit dans tous les rangs. Schomberg marche n
secours de Le Bret avec toute son armée, et une acdOB
générale s'engage . L'aile gauche des Elspagnols com-
mençait à lléchir; San German la renforce de qudqim
escadrons, et, par ce secours donné à propos, décide
l'avantage de ce côté. A l'aile droite la victoire Ji*éldl
déjà prononcée en faveur des Elspagnols, qui forcèveat
les Français de reculer jusqu'à leur place d*armes. A
la vue du désordre de son armée, Schomberg fit sonner
la retraite, et, réunissant autour de lui tout ce cpi'il j
avait de plus brave et de plus résolu dans $eB troupeiL
il fit bonne contenance pour donner le temps aux
soldats débandés de rentrer dans le camp, et pour 4^
arrêter San German, qui en eflet n'osa pas passer outre.
L< s Français, dans cette malheureuse affiiire, eareiil
beaucoup de morts et de blessés, et parmi les pii»
sonniers se trouva Charles de Schomberg, fib dn
générai ; six cents chevaux , un grand nombre de
mulets et une bonne partie de l'artillerie française
tombèrent au pouvoir des Espagnols'. Un officier de
l'armée française témoin de cette bataille, et qui a écrit
la relation d'une partie des événements de cette guerre,
nous apprend que la panique fut telle parmi les non-
vclles levées, qu'elle donna naissance à des maladies
(|ui fu'cnl périr plus de neuf mille de cesjeunes soldats
>ur onze mille '^. Tel fut le résultat de la trahison 'du
'' I>r (laisse! . Hrlaiion r/r rr qui irst passé ru Calaloynt. — ■ IH^m.
^
CHAPITRE SEPTIÈME. 475
bailli de Céix^t. Plus tard, quand les Français rentrè-
rent dans cette ville, les habitants, qui craignaient que
pour les punir de cette perfidie le général ne fît in-
cendier leurs maisons, se rachetèrent de tout châti-
ment au prix d'une somme d aident. Le duc de San
German profita de sa victoire pour pousser jusqu'au
Tech ses lignes de Maurellas, et ii construisit entre
Céret et ce fleuve un petit fort pour en défendre le
passage.
La fête du roi de France, célébrée dans le camp
français, le a 5 août, par des décharges de mousque-
terie et d'artillerie k poudre , attira pour réponse , du
camp ennemi, des décharges k boulet qui firent beau-
coup de mal. Ce camp français, établi à Saint-Jean-de-
Pages depuis le 1 6 jidn, était placé d'une manière si
défavorable, que les annes espagnoles, qui portaient
alors plus loin que les nôtres, tuaient du monde à
chaque coup , sans réciprocité de notre part^
Louis \1V , pour opérer une diversion favorable à
Schomberg, avait résolu de faire attaquer Barcelone
par une armée navale. Vingt-deux galères parurent, h
la mi-août, devant Roses, où elles devaient attendre
le reste de la flotte. Un chef d* escadre andalousien
voulut, dit-on, livrer à cette escadre le fort du Bouton,
qu'il ronmiandait. Dans cet infâme dessein, cet officier
»*était embarqué un soir dans un bateau pour joindre
les «:;alcrcs; mais, ne pouvant j parvenir, il se réfugia
t IV ('.aii>2k>l, lUUUwn de rr tfut t'est pauè en Cmlah^He.
476 LIVRE QUATRIÈME.
au monastère de Saiut-Plerre-de-Rodei, ob fl M
arrêté : reconduite Roses « il y fiit fusillée
L*armée navale de France , après avoir opéré M
jonction , se trouvait forte de vingt vaisseaux et vingt*
cinq galères. Assaillie par une violente tempête devant
lembouchure du Ldobregat , ie 3 septembre » elle hà
forcée de s'éloigner des côtes de Catalogne; et
jour, fatal aux Français « Schomberg échoua dans
nouvelle tentative contre les lignes de Maurellaa. Ce
général avait fait attaquer en même temps le fort qui
défendait le Tech et le retranchement qui couvrait la
pont de Céret, pendant que de forts détachements
marchaient vers le col de Banyuls pour attirer de oa
côté une partie des forces de Tennemi : aucune de
opérations ne réussit^. Quatre jours après, sur la
vellc d*un débarquement de cinq mille hommes de
renfort pour Tarmée de San German, conduits à Barce-
lone par Tamiral hollandais Tromp , Schomhei^ aban-
donna ses positions et cantonna ses troupes k Perpi-
gnan, Elno et Villefranche ^. San German ne quitta
M aurellas que le 1 7 octobre ; il retourna à Barcelone
après avoir établi de fortes garnisons à Bellegarde. A
Agullana et à la Jonquière.
Le temps que les deux armées avaient passé à
^ Fcliu de la Pena.
* Ihidrm.
^ Dr r^i8»ci «Ion ne |>nur ruison <lu départ de Schomberg le bmil
qui cfturut ilaii» le camp, que les Ë»|)agnol> allaient atsi^ger l^lîoorr.
#
i
CHAPITRE SEPTIÈME. kll
s'observer sur les bords du Tech avait ét^ employé
par les paysans et les miquelets à dévaster toute la
partie française de la Cerdagne. Schomberg désirait
de mettre un terme à des déprédations qui rendaient
inhabitables toutes ces montagnes. Convaincu que la
force ouverte ne pouvait rien contre des bandes qui se
trouvent partout et qu'on ne rencontre nulle part quand
on les poursuit, qui disparaissent à mesure qu'on se
présente pour les combattre, et se portent rapidement
sur un autre point qu'elles dévastent, pendant qu'on
cherche à les surpendre à l'endroit où on les supposait,
il avait voulu leur faire tendre des pièges par don Juan
de Ardena, général de sa cavalerie; mais cet officier
donna lui-même dans une embuscade, à son arrivée en
Cerdagne , et fut tué de la main même du chef de ces
guérillas , le nommé Lambert Manera , bailli de Mas-
sagoda ' .
Les fortes armées que la France était dans la néces- 1675.
site d'entretenir dans les Pays-Bas ne lui laissaient pas
les moyens de renforcer celle de Roussillon; les Espa-
gnols, au contraire, alliés des Hollandais et des impé-
riaux, alors les nations les plus belliqueuses de l'Europe,
pouvaientmettre sur tous les points de leurs frontières
des forces imposantes , et s'assurer de cette manière
une supériorité décisive en nombre, en expérience et
* De Caissel dit que plusieurs villages de la Cerdagne, qui n*avaieni
pas fait leur soumission , furent rois au pillage par Tordre de Schom-
berg, resté à Olette.
478 LIVRE QUATRIEME,
en habileté. Cet étal de choses, qui avait duré jusqsll
Tautoinne de 1 67/1 , cessa lorsque Messine, se rérol*
tant contre TËspagne et réclamant le secours de fai
France , Charles II dut à son tour affaiblir son année
de Catalogne pour renforcer ses troupes de Sicile. Le
terme des prospérités des Espagnols était donc arrivé
avec Tannée 1675. Â cette époque leur firontièra
dégarnie fit passer de notre côté le même genre d'aran-
tage qui avait existé jusque^À contre nous* Avant de
rien entreprendre, dans cette nouvelle situation des
armées, Schomberg organisa quelques compagnies de
miquelets, pour les opposer, dans la Cerdagne et dana
le Valiespir, à ceux de Catalogne que commandaient
Trinxeria et le bailli de Massagoda , terreur et fléaa
des contrées limitrophes , et dont le premier aunft
même une fois poussé ses incursions jusqu'aux portai
de Perpignan , s*il fallait s*en rapporter k i'annalîtte
catalane
L opération la plus importante de la campi^e,
d après le nouveau plan que traçait la force respectÎTe
des deux frontières, devait être la reprise du fort de
Ik'Uegarde, dont la possession, en assurant aux Espa-
gnols la libre traversée des I^rénées , leur donnait on
avantage immense. Cette place, déjà très-forte par socf
assiette sur le sommet d une colline isolée et conique,
était encore défendue \mr une nombreuse garnison»
et pouvait être sorourue facilement du côté de la Jon-
' Feliu de la Ppna.
<r
CHAPITRE SEPTIÈME. /i79
quière. Pour s*en rendre maître, il fallait d^abord
Tisoler de rarmée espagnole : Schomberg commença
pars^établir dans TAmpourdan. Les passages du Pertus
et de Panissas lui étaht interdits , et trouvant le col de
Portel couvert de paysans armés , il se décida à passer
par le col de Banyuls, et prit ainsi à revers toute la
chaîne des Albères. Ce passage s'effectua le 9 mai. Les
Albères furent remontées du côté de TAmpourdan, et
larmée française assit son camp entre AguUana et la
Jonquière.
A la première nouvelle du mouvement des Français,
le duc de San Gcrman s*était porté sur Hostalric; mais
quand il vit Scliomberg établi dans TAmpourdan, il
passa à Gironc avec son armée, ne laissant en obser-
vation h Pont-dc-Molins, que deux mille fantassins et
sept cents cavaliers, sous les ordres de Guillem Cascar.
Le 1 a mai Schomberg marcha sur ce corps d'obser-
vation , dont la retraite le laissa maître de Figuières et
de toutTAmpourdan. Bascara,dont San German avait
fait sa place d armes, ne tarda pas elle-même à ouvrir
ses portes. I^ armée française se porta ensuite sur les
bords du Ter, dont San German occupait la rive
droite. Une première tentative pour traverser cette
rivière ne réussit pas; une seconde fut plus heureuse :
les retranchements des Espagnols furent forcés; leur
cavalerie se réfugia dans les montagnes , et leur infan-
terie alla s'enfermer dans Girone.
I/intention de Schomberg n'était pas de faire le siège
m) LIVRE QUATRIÈME.
de cette place ; cependant s*en voyant si près H s*y
arrêta, et le lendemain il s*empara de quelques ou-
vrages extérieurs. Un fort construit en planches et un
autre avec des fascines furent enlevés, et la demi-lune
de Saint-Lazare éprouva le même sort, après une vire
résistance dans laquelle les deux partis perdirent bien
du monde. Du côté des Espagnols périt le célèbre chef
de guérillas, Lambert Manera, bailli de Massagoda.
Après avoir obtenu ces succès , il semble que Schom-
bei)^ aurait dû persister dans ses attaques, qui auraient
amené infailliblem^t la prise de la ville ; il h*en fit
rien : il évacua les positions dont il s était emparé , et »
sans qu on sache par quel motif, il se retira à Veigès^
où il passa tout le mois (ie juin dans Tinaction. En
juillet il s occupa de Bellegarde.
n n était pas donné à ce château de faire, dans le
cours de cette guerre , une honorable réputation au
c^itaines des deux nations chargés de sa défense.
Quoiqu il ne fût pas très-bien approvisionné, il avait
neuf cents honunes de garnison et pouvait résister
jusqu'à ce que San Gcrman eût pu réunir asses de
forces pour venir le délivrer : ce vice-roi estimait qa*il
pouvait tenir un mois. L'n renfort qui devait arrivera
cette garnison ayant été surpris et repoussé, le a 5 dé
juillet, quatrième jour du siège, le gouverneur capitula.
C*est bien à tort que quelques écrivains ont cité cette
' De CaUsel , dans sa Keiation , dit que cette attaque n avait eu po«r
f>hjet que d'accoutumer les soldats au feu.
4
CHAPIThE SEPTIÈME. /|8I
rapide conqiicHe dos Français comme un fait glorieux :
il ne saurait y avoir gloire d un côté quand il y a eu
lâcheté de lautre. Vingt-cinq miquelets roussillonnais
transfuges étaient partis de ce fort deux jours aupa-
ravant à travers les rochers, et par un des articles de
la capitulation trois personnes masquées eurent la
faculté de sortir avec le gouverneur sans qu*on pût les
arrêter ni les voir au visage ^
La chute de Bellegarde rendait aux frontières du
Roussillon leur sécurité, et àTarmée française la liberté
( rentrer en Catalogne sans obstacle. Schombeig
ramena son armée en France pour l'y laisser reposer
pendant les grandes chaleurs, et, en passant, il fit
enlever par un détachementle vieux château d'Ultrera,
situé au haut d'un rocher, et dont les Espagnols s'étaient
emparés Tannée précédente^. Au commencement de
' Do Caissei, Relation de ce qui s est passé en QUtdogne.
* Nous trouvons dans un vieux manuscrit du temps Tanecdote sui-
vante, relative à U prise de ce château. Son gouverneur, don Diego
Rodor, avant été atteint et renversé sans connaissance , par le ricochet
(Pun projectile mort, son domestique, qui le crut tué, jeta Talarme
dans la garnison, qui se rendit aussitôt, et fut prisonnière avec son
gouverneur, très-surpris de cette lâcheté quand il eut repris ses sens.
A cette époque don François de Béam, seigneur de Sorède, était en
discussion de juridiction, au sujet du terri;oire de U Pava, où estsiloé
( c château , avec Tarchidiacre de Vallespir, â qui il appartenait, â nuson
de la chapelle de Notre-Dame del Castell, bâtie dans ce château. La dame
de Béaru , liée d*amitié avec Le Bret, qui commandait le détachement
franrais, profitant de la circonstance de la prise de ce château, obtint
de ce général de faire démolir la chapelle, dont la statue, les orne-
ments et les cloches furent emportés â Sorède. Cette dame donna un
II. 3i
40() LIVRE QLAÏRIEMK.
adopter an roi le plan de secourir Perpignan partcn'e,
re g<!^néral avait laissé prévaloir Tavis de la majorité
du conseil, la flotte toscane, beaucoup supérieure
au\ forces que la France pouvait lui opposer sur les
côtes de Catalogne, aurait eu le temps d*embarquer,
avec des munitions de bouche , les troupes destinées
pour le Roussillon , et de les transporter sur la plage
de ce comté. Nous ignorons quelles raisons empêchè-
rent ce même Torrecusa de prendre ce parti quand
parvint la nouvelle de la future capitulation de Perpi-
gnan. Florès d'Avila s*était réservé la faculté d'infor-
mer les généraux espagnols de cette capitulation qui,
réglée le a 9 d*août, ne devait être exécutoire que le
9 septembre, à deux heures de laprès-midi. L*oflicier
chargé de porter cette nouvelle avait ordre de faire la
diligence la plus extrême , et plus de huit jours res-
taient encore k s écouler avant le terme fatal , quand
le prince en reçut le premier l'avis. Dans ce laps de
huit jours il était de toute impossiliilité qu une armée
pût se rendre par terre en Roussillon, presque toujours
combattant sur sa route , tandis que par mer, soit par
un vent favorable, soit par la force des rames des
galères, on pouvait espérer d'arriver h temps. La voie
delà mer présentant donc, seule, quelques chances
diî succès, Torrecusa sembh» bien coupable de ne
l'avoir pas adoptée.
Ce général ce|)endant s'avançait toujours, impo-
sant à La .Motte par l'audace même de sa marche. Ce
CHAPITUK QLATUIEME. 401
marorhal ne pouvait concevoir la hardiesse d'une en-
treprise qui tendait à faire traverser cinquante lieues
(!(' pays insurgé à une annexe qui n'était pas supérieure
aux forces qu'on pouvait lui opposer, outre la diffi-
culté du passage des Pyrénées, parfaitement gardées,
ei farmée du blocus qui était toute fraîche pour se
mesurer avec des soldats harassés de fatigues et épui-
sés de combats. Le succès aurait-il couronné tant de
témérité ? c'est ce que l'issue seule aurait pu faire con-
naître. Quoi qu'il en soit, l'audacieux et brave Torrecusa
l'ut bientôt forcé de s'arrêter, par la certitude que sa
périlleuse expédition était désormais sans objet.
A la tm d'août la famine était parvenue à ce point,
dans Perpignan , que les boui^eois ne laissaient plus
sortir leurs enfants de leurs maisons , dans la crainte
(|u'ils ne fussent enlevés par les soldats pour être
mangés : c'est du moins ce que dit l'historiographe
italien de Louis XIIP. Dans les derniers temps le
gouverneur avait voulu expulser de la place les bouches
inutiles, mais les assiégeants les avaient forcées d'y
rentrer aiin de hâter la consommation du peu d'ali>
ments impurs qui restaient encore; enfui, le 29 du
même mois, le capitaine napolitain Fino et un autre
oflicier avaient été envoyés par Davila, pour traiter
de la eapitidation '^ : une suspension d'armes avait ou
lieu immédiatement après la signaturfv
' ViUorio Siri.
- OUe rapitulation se trouve rapportée fiant ie Mercure de Siri.
Il 56
402 LIVRE QUATRIÈME.
Le jour même que cette convention (ut signée, les
généraux français, émus de compassion pour!esPer-
pignanais , c^ qui il restait h peine un souffle de vie ,
leur avaient permis de venir s'approvisionner au camp
de tout ce dont ils avaient un si pressant besoin. Ce-
pendant , pour éviter que cette grâce , que la seule
commisération accordait au malheur, ne pût tourner
au préjudice des intérêts du roi de France, on ne lais-
sait emporter k chacun, chaque jour, que ce qui était
suffisant pour la consommation de la journée. Le 9 du
»•*»• mois de septembre aucune armée espagnole n'ayant
paru, les Français entrèrent dans Perpignan et ils
plantèrent sur le donjon de la citidelle de Louis \]
f étendard de France, qui ne devait plus en être abaissé.
Le marquis de Varennes fut chargé provisoirement du
commandement de la place , qu'il céda bientôt an
marquis de Vaubecourt , nommé définitivement â ces
fonctions.
L'importante conquête que venaient de faire les
arme» de France, et que s'empressèrent de célébrer
poètes et prosateurs', coïncidant avec le supplice de
Cinq-Mars et de de Thou , les deux nouvelles fiirent
annoncées au roi par Richelieu , dans une lettre com-
mençant par ces mots mémorables : « Sire, vos enne-
' I^ Hib1iothèqi|ecle la France, de Leiong et Fontèle, donna le tilrr
de douze ouvrage» qui furent publiés, tant en vers quVn proie, au su-
jet de la prÎM de Perpignan. Panni les |>reniiers le plus remarquable
eut le poème du p^n* Chanut, intitulé : Prrfùmiamum raptum
CHAPITRE QUATRIÈME. '405
'( mis sont morts, et vos armes s<3nt dans Perpignan. »
Ij'Espagne ne possédait plus, en deçà des Pyn^-
liées, que le château de Salses, et cette place ne pou-
vait pas être un obstacle à Taccomplissement des
destinées du Roussillon; les vivres y manquaient, et
la flotte du marquis de Brézé , revenue sur la plage
de Canet, empêchait Tarrivée de tout secours par
mer. Ce château était k peine investi, que don Hen-
rique de Quiroga , qui en était gouverneur, demanda
une capitulation honorable, qui lui fut accordée le
I 5 septembre, el^qui ne différa guère de celle de Per-
pignan. Comme dans cette ville la garnison sortit
tambours battants, enseignes déployées, mèche allumée
et balle en bouche^ avec un certain nombre de pièces
de canon et de coups k tirer, et emportant tous ses
bagages. Richelieu voulait faire démolir ce fort, et il
avait raison ; mais Schomberg insista pour sa conser-
vation, prétendant qu'elle était nécessaire à la défense
de Perpignan , et on le laissa subsister.
Richelieu ne jouit pas longtemps de son double
triomphe : il mourut le Ix décembre de cette année ,
trois mois après la prise de Perpignan. Louis XIII ne
survécut lui même que de cinq mois à son ministre :
il expira le i& mai i663.
' Avant Tinvention des cartoDches. la poudre pour charger les
mousquets était placée dans une suite de petits cornets suspendus à la
bandoulière, et les balles étaient dans une bourse doù on les tirait
pour les tenir avec les dents, pendant qn^on mettait la poudre pour
charger Tamic.
UOli LIVRE QUATRIÈME.
Ce prinro, à qiii'un caractère droit et franc, une
piét<^ douce et sans bigoterie faisaient pardonner Tex-
trénie faiblesse de son caractère, fut très-regretté en
Catalo(;ne , où les poètes et les beaux esprits célébrè-
rent h fenvi ses louanges. Par ordre du conseil des
Cent on imprima un recueil de celles de ces pièces
réputées les meilleures, et celte assemblée les dédiai
Louis XIV V
* VoYCI aux PiTUVM, II* XIV
CHAPITRE GINQUIEMB. 405
CHAPITRE V.
I^ France ne respecte pas les privilèges des Catalans. — Mé-
contentements. — Déclaration de Philippe. — Pierre de
Marca. — Défaveur des Français. — Prise de Barcelone. —
I^ Roussillon cherche à secouer le joug. — Lassitude géné-
rale. — Paix des Pyrénées. — Dâimitalion des fironlières.
Le premier mois de Tannée qui vit finir le fils de »«43.
Henri IV et commencer le r^ne trop long de Louis lo«u xiv.
XiV avait vu expirer la désastreuse faveur du comte-
duc* d'Oiivarès. L*aveugle amitié de Philippe IV pour
ce favori, ou plutôt Thabitude d*être dominé par lui
était telle , que malgré toute Timpéritie dont , comme
ministre, Olivarès n avait que trop domié des preuves,
il fallut encore que la reine, indignée de la mauvaise
éducation que recevait Tinfant Batthasar, son fds, sous
finfluence de ce ministre , qui n avait pas eu honte de
lui donner pour gouverneur son enfant naturel , et ré-
voltée de fespèce d'esclavage dans lequel il prétendait
la tenir elle-même, eût recours à Tintrigue pour le
faire renvoyer. Avec le secours de l'empereur, de la
duchesse de Mantoue, ex-vice-reine de Portugal, et
(le la noiu*rice de son époux, elle parvint à dessiller
complètement les yeux de ce prince, qui, le 1 7 janvier
I ()/ilV se décida enfin h signer les lettres d'exil. Cette
406 LlVllË QUATHIËML
belle inoiiarcliie espagnole, quOlivarès avait reçue
en dépôt si grande, si prospère , si prépondérante dans
le système politique de TEurope , si riche par ses im-
menses possessions océaniennes, il la rendit faible,
pauvre, délabrée, agonisante, entourée d^ennemis,
dont les moins redoutables n'étaient pas les enfants
qui s'étaient arrachés de son propre sein.
La jalousie des Catalans pour leurs privilèges venait
de produire une révolution dont la France avait pro-
fité , par Tunique raison que celle-ci , à cause de son
voisinage et de la guerre qu'elle faisait en ce moment
à l'Espagne, était la seule puissance en position de
soutenir l'insurrection de ce peuple. Le besoin d'être
secouru avait donc étouffé momentanément les anti-
pathies, tant nationales que de localité; fappui reçu
des Français avait fait naître, en faveur de la France,
une sorte d'enthousiasme qui dans tes premiers m-
tants avait étourdi la Catalogne sur l'ambition de sa
protection; mais cet enthousiasme ou cet engouement
éphémère, qui n'était fondé que sur une circonstance
fortuite, une nécessité de moment, et que n'alimentait
pas la confoniiité de mœurs, d'habitudes, de vues ni
cU^ sentiments, ne pouvait être que passager, il devait
s'évanouir aussitôt qu*une nouvelle circonstance met-
trait (*n opposition les principes diiférenti dos deii\
peuples : r est ce qui ne manqua pas d'airivcr.
Les Catalans avaient voulu prouver aux souverains
de la Péninsule qu'ils n'étaient pas un peuple seri*.
CHAPITRE CINQUIÈME 407
soumis à tous ies changements qu il pouvait leur plaire
d'introduire dans leurs constitutions; le cabinet fran-
rais , en ies aidant dans ce qu il regardait moins comme
letret d*un élan national en faveur de véritables droits
acquis, que comme une révolte dont la politique com*
mandait de tirer parti dans sa propre cause, ne se con-
duisait guère que d'après ces vues, et mettait peu
(Fétude à dissimuler ses arrière -pensées. Aussi la
bonne intelligence entre les deux nations commençait-
elle déjà à se refroidir, à la mort de Louis XIII, et
quelques signesde mécontentements étaient manifestés
en voyant que la France s occupait plus de Perpignan,
entièrement k sa convenance, que de la Catalogne,
menacée par les forces de la Castille. Des murmures
é(*latèrent ensuite à foccasion de la nomination d*un
Français au poste de gouverneur de cette ville, après
sa reddition. La députation se plaignit au roi de ce
que cette nomination s était faite , non-seulement sans
son consentement, mais en opposition avec les cons*
titutions de la province; elle déclarait ne pas tenir k
<e que le Catalan qui serait élevé à ce poste, en exé-
cution des privilèges jiurés, fût chargé du commande-
ment des troupes et de la direction des afiaires; elle
consentait à ce qu*mi Français, au choix du roi, jouit
de ces prérc^tives à raison des circonstances ac-
tuelles, mais elle désirait, pour la conservation du
principe , qu un national portât le titre de gouverneur,
<iau( k abandonner k Thomme de confiance du mo-
408 LIVRE QUATRIÈME.
Marque toutes les attributions de la charge. Il ne pou-
vait y avoir de réclamation plus juste et de compo-
sition plus raisonnable : la France n y eut aucun
égard , et ce fut un tort qui entraîna pour elle la désaf-
fection de la Catalogne. Les intrigues et la défaveur
qui avaient entouré le lit de mort du cardinal de Ri-
chelieu lui avaient fait perdre de vue, à cet égard , les
intérêts de la monarchie, et les nouveaux conseillers
de la couronne s'étaient plus attachés à agir d'autorité
dans la principauté qu à ménager des intérêts non
encore bien aifermis , et qu'il eût été si important de
ne pas blesser. Les députés, n'obtenant aucune satisfac-
tion , virent bien que les libertés du pays ne seraient
pas mieux garanties parle gouvernement de la France
qu'elles ne l'avaient été par celui de Philippe IV, et le
mécontentement alla toujours croissant : le mécon-
tentement des peuples est un de ces ouragans qui, ne
s'annonçant d'abord que par une nébulosité imper-
ceptible, couvrent en peu d'instants le ciel d'obscu-
rité, et finissent par une eiTroy able explosion de foudres
et de tempêtes.
Dans la nouvelle situation des esprits, les tentatives
que ne cessaient de faire les partisans de l'Elspagne
pour ramener la Catalogne h sa première obéissance
ne devaient plus rencontrer la même opposition : ces
partis^ms redoublèrent d'efforts. Déjà l'oreille était
moins révoltée au nom du roi Philippe, que n'accom-
pagnait plus le nom odieux d'Olivarès; déjà cette
CHAPITRE CINQUIÈME. 409
masse de population qui se précipite si facilement vers
les extrêmes, qui, incapable de rien juger par ses pro-
|)rcs lumières, est toujours aveuglément obéissante &
(|ui a l'habitude de la diriger, n était presque plus
flottante entre les deux partis; le sang castillan qui
avait rougi son poignard était essuyé , et la pointe
fatale menaçait déjà le Français qu'elle caressait la
veille. Alors commença à circuler avec moins dediffi-
culte , h être recherchée avec curiosité, à être lue avec
certain intérêt la déclaration du a 4 janvier de Tannée
précédente. Cette déclaration, imprimée en catalan,
et qu'on avait repoussée d'abord avec une sorte d'hor-
r(>ur, fut méditée et commentée , et donna matière k
(\v sérieuses réflexions. Le roi y tenait un langage tout
paternel. Il commençait par faire Télexe de la loyauté
de la nation catalane, de la fidélité avec laquelle elle
avait servi ses ancêtres pendant plus de neuf siècles,
avec laquelle elle l'aurait servi lui-même sans les er-
reurs dans lesquelles l'avaient précipitée quelques
malintentionnés; il exprimait sa ferme volonté que
les usages de Barcelone , les constitutions générales de
la principauté, ses libertés, ses immunités , ses privi-
lèges , ses franchises fussent observés à l'avenir conune
ils l'avaient été sous les rois qui l'avaient précédé, et
il manifestait le plus grand regret d'avoir voulu entre-
prendre contre ces mômes libertés. Après avoir dit
qu'/i peine il eut acquis la connaissance exacte des
«griefs qui avaient forcé les Catalans k se séparer de lui.
410 livre: quatrième.
il avait donné des ordre» pour leur procurer tout le
soulagement possible, mais quil a la certitude que ces
pièces ont été soustraites à leur connaissance , et après
avoir déclaré que ce qui s*était passé à Cambrill et à
Perpignan s était fait contre sa volonté, ses ordres ayant
toujours été, au contraire, de maintenir ses peuples
dans Tobéissance par la douceur et la bonté* il peint
les Français comme ne cherchant qu*à les tromper,
quà obscurcir la gloire dune province si fidèle; il
accuse notre nation d*ètre seule la cause de tous les
maux de leur pays; il ajoute que les Catalans doivent,
k Texcmple de leurs ancêtres , nous expulser de leurs
terres, pour qu*étant débarrassés d*aussi dangereux
voisins ils puissent jouir de tous les honneurs « fa-
veurs et récompenses qu*il se propose de leur accorder ;
si pour opérer cette expulsion ils ont besoin d*annes
etd*argent, Philippe leur en fournira, sur la demande
des villes et des bourgs ; le roi proclame enfin foubli
et rentière absolution de tout ce qui aura pu être (ait
contre son intérêt, dans c^s temps de troubles, anéan-
tissant pareillement toute demande d*impotê arriérés,
et s engageant à une foule d autres concessions les plus»
capables de faire naître le désir de revenir au giron
paternel.
In roi qui confesse les fautes de son gouvernement,
r*est un père qui avoue des torts au sein de sa famille :
quel enlant, revenu k lui-même, résisterait à un si
cordial abandon ! Les Catalans n étaient pas insui^gés
CHAPITRE CINQUIÈME. 411
poui* le plaisir de Fêtre; quand ils purent lire sans pré-
ventions et sans passion le manifeste de leur roi, ma-
nifeste intempestif quand il (ut publié, mais plus tard
parfaitement à sa place , ils se sentirent émus des re-
grets que témoignait le monarque d avoir toléré des
infractions à leurs libertés et à leurs privilèges; ib
n'examinèrent plus si c'était véritablement des malin-
tentionnés qui avaient fait perdre à la province sa
fidélité ; si ce n*était pas, au contraire , la conduite sys-
tématiquement oppressive et vexatoire du gouverne-
ment qui avait rompu les liens qui jusque-là avaient
uni les sujets aU monarque; ils ne recherchèrent plus
s'il était vrai que le prince fïkt resté complètement
étranger à ce qui avait occasionné les horribles excès
commis dans leur pays; ils oublièrent tout, et ne s'at-
tachèrent qu'aux désaveux du souverain ; ils s'arrêtè-
rent à fespoir de voir leurs constitutions et leurs li-
bertés respectées à l'avenir par leur ancien maître,
lorsque le nouveau, auquel ils s'étaient donnés dans
un moment de délire , se montrait si peu disposé k leur
en maintenir la possession. Le moment de la colère
était passé; la réflexion les ramenait naturellement
vers le pays auquel les associait une longue suite de
siècles, avec lequel les identifiaient la conformité de
goûts et de vieilles habitudes. Si des hommes trop
compromis pour ne pas empêcher de tous leur» efforts
le retour de la domination espagnole n'avaient cherché
;'i étouffer les généreux sentiments qui germaient alors
412 LIVRE QUATRIÈME.
dans les cœurs catalans, de ce moment Tassurance
que la parole royale donnait k la principauté Taurait
ramenée , par une nouvelle révolution , dans les bras
de son monarque.
Cependant , si cette déclaration ne produisit pas mi
eflet aussi immédiat , elle disposa sourdement les es-
prits au retour du régime primitif; elle contribua sur-
tout à faire ouvrir les yeux sur les vues intéressées
de la France. Le voile qui avait caché quelques ins-
tants les prétendus défauts nationaux , qui ne sont en
réalité (|ue la différence de mœurs et d*habitudes entre
les deux peuples , commença à se déchirer, et les an-
ciennes préventions reprirent leur empire.
Pour donner aux Catalans une preuve de la sincérité
de ses promesses, Philippe avait déclaré que ceui
d*entre eux qui seraient pris les armes à la main seraient
considérés comme des enfants égarés, et non plus
comme des rebelles; en effet, dès cette année, quand
les premiers mécontentements éclatèrent contre la
France, tous ceux des Catalans qui tombèrent entre
les mains dr's Espagnols furent sur-le-champ rendus h
la liberté.
i64i. Louis XIV était sur le trône, sous la régence de sa
mère, quand la Catalogne, de plus en plus mécontente
des Français, commençait à invoquer TFlspagne comme
libéralrire. Ce changement complet dans les disposi-
tions des Catiilans donnant lieu à la régente de craindre
la pciic (le la plus b(*lle conquêtes du règne préf*é-
CHAPITRE CINQUIÈME. 413
(Inil, son gouvernement crut la prévenir en nommant
pour rette province un haut administrateur qui , sous
le titre de visiteur générai , devait s'occuper exclusive-
ment de la réformation des abus attentatoires aux pri-
vilèges des habitants. Les attributions de cette chaîne
sont ainsi définies dans les provisions de celui qui en
fut pourvu : <( Etant bien informés que dans les temps
« difficiles , et lorsqu'il y a eu des contraventions no-
H tables aux constitutions du pays, les rois, nos prédé-
« resseurs , comtes de Barcelone , Roussiilon et Cer-
« dague, ont envoyé et établi des visiteurs généraux en
« ladite province , qui sont des officiers ordinaires, pour
« procéder à la réformation de tous abus et au main-
<( tien du repos et de Tunion des peuples sous lautorité
a royale et la conservation des lois et coutumes de la
<i province, etc....» Ce visiteur général fut Pierre de
iMarca, conseiller du roi, ancien président de la cour
de parlement de Navarre qui, après la mort de sa
femme, était entré dans les ordres sacrés et avait été
nommé k Tévêché de Conserans. Marca s'empressa de
passer en Catalogne ; il s'y occupa beaucoup et longue-
ment de rechercher dans toutes les archives, tant de
la province que des villes, des églises et des monas-
tères , ce qui pouvait tenir aux droits du pays , à ses
privilèges et surtout aux immunités ecclésiastiques;
mais il négligea entièrement la seule chose qu'il im-
portait le plus de constater à l'instant même, celle qui
était la plus pressante , la seule urgente, dans l'état de
414 LIVRE QUATRIÈME.
la crise actuelle , c'est-à-dire de faire cesser les atteintes
joumelienient portées à ces droits , à ces privilèges ;
de redresser en un mot ce qui causait les murmures,
les plaintes et le mécontentement. Si avant de fouiller
avec un soin si minutieux dans tous les anciens titres,
pour connaitr bien pertinemment Forigine de telle
prétention et de savoir si elle s*appuyait sur des droits
bien avérés, le visiteur général avait, suivant la lettre
de son institution , travaillé sincèrement à la réfor-
mation des abus qui s introduisaient si notoirement
chaque jour; s*il avait fait quelques concessions pro-
visoires et réparé les torts les plus patents; si, éclairé
par des rapports de cette nature, le gouvernement
avait prouvé , par des faits plus encore que par des
promesses, quil voulait faire droit aux réclamations
sur des objets dont les antécédents pouvaient au moins
démontrer la longue possession » sinon la légitimité ,
la France aurait pu retenir encore les Catalans sous sa
puissance ; mais le gouvernement, au lieu de témoigner
de la confiance h ses nouveaux sujets, de nommer des
nationaux aux postes vacants dans leur pays, et qui
leur revenaient de droit, suivant les constitutions dont
on avait juré le maintien, laissait percer en toute oc-
casion une défiance offensante pour la province, et qui
nécessairement devait tout perdre.
Lne fois entamé, le crédit des Français ne fit plus
que décliner de jour en jour; alors cette haine de
localité que Tintérét du moment ne comprimait plus
CHAPITRE CINQUIEMi:. 'il5
reparut plus i^nei^ique qu*auparayaiil : c est l'effet or-
dinaire de toute réaction.
Tant que les Catalans avaient secondé les Français,
ceux-ci, avec très-peu de forces, purent obtenir de
grands avantages sur les Espagnols : partout une popu-
lation belliqueuse devenait son auxiliaire ; mais quand
cette affection qui avait uni instantanément les deux
peuples eut cessé d'exister, les Français, réduits à
leurs propres moyens, commencèrent à être mal-
heureux.
Informé de ce changement, Philippe accourut à
Saragosse : il sentait que sa présence pouvait être un
aiguillon de plus aux bonnes dispositions que les Ca-
talans montraient pour lui. Cette fois ce prince, que
ne contrariait plus le mauvais génie de TEspagne , fit
ce voyage avec toute la célérité que ses intérêts lui
auraient commandé d y mettre deux ans auparavant :
il arriva pour être témoin du triomphe de ses armes h
Lerida.
Isolés de la population , dont ils en étaient venus k
se faire un ennemi dangereux, les Français néprou-
vèrent plus que des désastres pendant le reste de cette
campagne. Ils voulurent assiéger Tarragone et perdi-
rent Agramont, Balaguer et Ager. Ces mauvais succès,
et des intrigues de cour, firent remplacer La Motte-
Houdancourt par le comte d*Alincourt, qui fiit depuis
le maréchal de Villeroi, et dont les débuts fiirent
d'abord brillants, parce qu'on lui avait donné quelques
410 LIVUE QUATRIÈME.
forces de plus. Ce général s'empara de Roses eu avril
tf»M»- ]6^5, battit les Espagnols dans la plaine de Llorens
en juin suivant , et reprit Balaguer en octobre.
Toute Tannée suivante se passa sans événements
tfi\:- mémorables. En mai 16À7 ^^ prince de Condé, suc-
cesseur du comte d'Alincourt, mit le siège devant
Lerida , et fut contraint de le lever le mois suivant ,
faute de moyens pour le continuer. L année 16&8 fut
signalée par la prise de Torlose et par les ravages de
la peste en Catalogne.
Le logement des gens de guerre , que Timpolitique
dur de Vendôme, successeur du prince de Condé,
voulut imposer aux Catalans, imposition si contraire
aux privilèges, qui avait tant contribué à soulever la
Catalogne contre TEspagne, et dont la suppression
était Tun des articles compris dans le serment prêté
par le roi de France en qualité de comte de Barcelone,
devint la cause de nouveaux troubles, et amena la
totale extinction du peu de crédit qui restait encore
aux Français de lautre côté des Pyrénées. Forcés alors,
par la désalTection unanime des peuples, d'en venir
aux moyens , toujours dangereux , des rigueiurs, la sé-
vérité déployée contre quelques personnes suspectes
irrita la population , et, à partir de ce moment, il fallut
ajouter (*hàtiments sur châtiments pour maintenir la
province dans mie apparence de soumission.
iri.'.i Rar(M*lone fut assiégée au commencement du mois
d*aoùt |)ar don Juan d'Autriche, fils naturel de Philippe.
CHAPITRE CINQUIÈME. 'il7
Le petit nombre de Français qui restaient encore dans
cette province, et leurs partisans, moins nombreux
encore, s'y étaient renfermés.
Barcelone aurait eu besoin d'une très-forte garnison
pour résister à la fois aux attaques extérieures et au
mécontentement des citoyens, dont tous les vœux
étaient pour les assiégeants; mais les troubles de la
Fronde occupaient les soldats français contre leurs
concitoyens, et ceux qu'on pouvait distraire de cette
funeste destination ne formaient que des secours in-
signifiants : Barcelone dut succomber. Cette ville fut
replacée sous l'obéissance de sonroi le A octobre 1 65 1 .
Après sa chute, les Français n'ayant plus aucun moyen
de se soutenir en Catalogne, toute cette principauté
retourna insensiblement et sans efforts sous la puis-
sance de l'Espagne. Le seul bourg de Blanes, qui avait
refusé de recevoir la garnison royale de Castille , fîit
saccagé.
Les Roussillonnais étaient catalans depuis trop de ,6&3.
siècles, pour ne pas faire cause commune avec ces
peuples, pour ne pas partager leur antipathie contre
les Français. En voyant la principauté débarrassée de
ceux qu'on ne regardait plus que comme des oppres-
seiu-s , ils cherchèrent à s'en délivrer è leur tour, et
réclamèrent le secours de leurs compatriotes. Des
députés envoyés au marquis de Mortara, vice-roi de
Catalogne , l'assurèrent que les Français étaient très-
faihles en Roussillon, et que le pays n'attendait que
11. a^
418 LIVRK QUATRIÈME,
sa présence pour se soulever et arborer les raideurs
espagnoles ; don Gabriel de Lupia , mesire de camp
et gouverneur de Catalogne, ne demandait même que
quelque cavalerie pour aider les paysans à rétablir la
domination do Philippe sur toute la iVontière. Mor-
tara envoya en elFet des troupes du côté des Pyrénées,
et il s en fallul de bien peu que le Roussillon aussi
n échappât k la France.
Les Espagnols, campés à Figuières, avaient envoyé
des déUichemcnts faire le siège de Bellegarde, qui
manquait de vivres, et un vaste complot ourdi pardon
'I bornas de Banyuls, gouverneur de Roussillon pour
le roi de France , et par Joseph du Vivier, nommé à
révèché de Perpignan ^ , était sur le point d*éclater.
La noblesse avait déjà repris Técharpe rouge, et partout
le peuple se mettait en mouvement. Dans Perpignan
on devait profiter, dit-on , de la circonstance de la
fermeture des portes pendant la procession de la Fête-
Dieu, pour égorger les Français et se rendre maître de
la ville. Suivant la tradition, ce fut une fille du quar-
tier de Saint-Jac(|ues cpii découvrit le complot à son
amant. Le dur de Noailles, gouverneur général de
Roussillon et de Cerdagne, avec quelques compagnies
de gens du pays quon nommait enrôlés volontaires,
et qui à ce titre jouissaient de divers privilèges qui
les attachaient au parti fraii<;ais, imposa au peuple,
força la noblesse à la souiuissicm, délivra Bellegarde,
* \nyn b note VUl 6i«.
'j20 livre quatrième.
La fermentation existait toujours en Roussilion , et
de nouvelles tentatives patriotiques pour Tcxpulsion
des Français se sucr^^dîiient sans relâche. De toute part
on excitait le peuple à prendre les armes. Ces efforts,
déjoués en divers endroits, réussirent un moment Â
Villefranrhe : les couleurs espagnoles furent arborées
dans cette place, dans le courant de juin, et Tarmée
française monta en Gonflent |)Our les faire abattre. Les
moines de Saint-Martin-du-Canigou augurant mal de
cette levée de boucliers, et voulant soustraire aux
profaniitions des Français, redevenus des helvétiques
aux yeux de la population depuis qulls nVtaient plus
pour elle des protecteurs . avaient envoyé à l^reelone
les reliques de Saint-Gauderic , très-vénérées en
Roussilion. Le a H juillet, après'vingt jours de siège et
quelques assauts, \ îllefranche fut emportée et, suivant
l'atroce droit de la guerre , une partie des habitants
périt de la main du vainqueur. La prise de cette ville
nVïteignit pas la sédition. Le Roussilion était un pays
occupé par Tennemi. et pour ses habitants la patrie
était toujours de l'autre* côté des l^y rénées; c'était donc
pour eux un devoir de nationalité que de chercher h
secouer le joug. Des rassemblements avaient lieu dans
la Gerdagne, et ce pays devenait un foyer dangereux
contre les Français. Le prince de Gondé, revenu au
commandement de farmée de Gatiilogne, voulu! se
rendn* maître de Puyccrda , pour commander toute
la vallée. Il n*monte la Tet . et se dirige vers le col de
CHAPITRE CINQUIÈME. 421
la l^erche , en faisant pratiquer des chemins pour le
passage de rartillerie. C'est au moment où il était par-
venu sur cette montagne , et que toutes les difficultés
citaient vaincues , qu il apprit que les Espagnols se dis-
posaient k faire le siège de Roses.
n ne restait plus à la France , dans toute la Cata-
logne , que ce seul port pour s*y ménager un débar-
quement; sa conservation était trop importante pour
ne pas renoncer à tout pour le secourir : Condé se
prépara donc à revenir sur ses pas. Mais le tocsin avait
sonné dans toutes les montagnes. Les paysans, réunis
à la garnison de Puycerda, se portent sur la sommité
(les monts , fondent sur les Français occupés à re-
charger les bagages, dont ils enlèvent une partie, tuent
quelques hommes etfont cinq cents prisonniers. D*autre
part, le régiment français de la' reine voulant pénétrer
dans le Capcir par les défdés de TÂriége, Thomas de
Banyuls , avec environ cinq cents paysans , se porte
vers ces gorges, et, bientôt rejoint par la garnison de
Puycerda, il met le régiment français en déroute et
lui prend ses bagages presque en entier avec plus de
six cents soldats.
Condé surprit les Espagnols devant Roses, le a & de
Juillet, passa de là à Saint-Celoni oii il dispersa la ca^
Valérie ennemie, courut le pays tout Tété, se présenta
devant Mataro et Barcelone, et rentra en Roussillon
à la fm de septembre. Remonté en Cerdagne pour faire
le sié};e de Puycerda, il fut à peine devapt cette ville.
'ii2 LIVRE QUATRIÈME,
dont il attendait une longue résistance , qu il reçut la
demande d une capitulation. Deui causes amenèrent
cette reddition inopinée : une contestation qui s*était
élevée entre les chefs, pour le remplacement du gou-
verneur tué par un boulet de canon, et de grands dé-
gâts produits par Texplosion d*une poudrière atteinte
par la foudre. De Puycerda farmée firançaise passa à
la Seu d*lJrgel, quelle occupa sans difficulté, ainsi
que Berga et Gampredon ; mais elle ne fut pas aussi
heureuse à Vie , dont elle fut obligée d'abandonner le
siège peu de jours après Tavoir entrepris.
Les années i655 et suivantes nofirent rien d'im-
portant. Des sièges commencés et abandonnés , tantôt
par les Français , tantôt par les Espagnols ; quelques
combats avantagcia aux uns ou aux autres ; des succès
et des revers alternatifs , le tout circonscrit dans un
étroit espace; des marches et contre-marches en Ca-
talogne et en Roussillon, et, en somme, rien de remar-
quable jusquau moment où se termina enfin cette
longue lutte. La lassitude était générale , et le besoin
de repos commun au\ deux partis'.
ifiô6. Pendant qu'une sorte d'eiigourdi.ssement retenait
dans Iniaction les deux armées , Loui&XIV, qui s*étaît
assiu*é que le lloussillon resterait désonnais uni à sa
' Un lit dfeii.t le*i KiiMii» liisturic|tieN fi iiiilitairtîs iiir iii pru«iiR'« de
KuuMillon, f Kn i6SS ie gim\criiriir de \ illvlraiirhc voulut inrrr
• cette place au& Fraiiçaist; • mai» ù cfttc èpoqui* les Français m cUirnt
maîtres sau^ roiilestation.
CHAPITRE CINQUIÈME. 425
couronne, s occupait de fonder son autorité dans cette
|)roviiicc par des lois et des règlements, et il cherchait
à lui donner une forme de gouvernement qui s'accor-
dât avec celle des autres provinces du royaume. Le
Qo mai 1 656 ce prince rendit une déclaration mémo*
rable , pour arrêter les usurpations sur 1 autorité royale
rt pour protéger les peuples contre Tavidité des
farauds. Des ecclésiastiques , des barons* des chevaliers
allaient, au milieu des troubles de la province, jusqu'à
confisquer à leur profit les biens de leurs vassaux
tombant, ou prétendus tombés dans le crime de lèse-
majesté. Par une mesure aussi juste que politique, te
prince réforma également Tabus criant des donations
de biens des particuliers faites arbitrairement par ses
généraux k ceux qu ils voulaient favoriser, sous le facile
prétexte de rébellion de la part des individus qu'ils
spoliaient.
Kiifin la paix, tâtonnée pendant vingt ans, fut signée
|)ar les deux puissances.
Dés fan i6/io Olivarès avait envoyé à Paris un
a<;ent particulier, nommé Breth, pour fait^ secrète-
ment des ouvertures que le cardinal de Richelieu avait
rejetées. Plus tard la France avait k son tour &it
(pielques propositions pour amener un raccommode*
ment; mais à cette époque la révolte de la Catalc^e
était venue compliquer la question, et la conservation
(lu Koussillon, que la France donnait pour base de ses
négociations, avait été constamment repoussée. Aux
42/i LIVRE QUATRIÈME.
conférences de Munster, en i6&7,cette condition de
garder le Roussillon, en rendant la Catalogne, avait
été posée par les plénipotentiaires français; en i656,
après la mort du pape Innocent X, ennemi juré de la
France, le cardinal Mazarin, devenu premier ministre
après la mort de Louis XIII , avait encore cherché à
donner la paix aux deux puissances par la médiation
du nouveau pontife Alexandre VII. Mais, à cette
époque, la possession du Roussillon, devenue de la
part de la France la condition sine qaa non, nétaii
plus la borne de ses prétentions; Mazarin voulait encore
obtenir, pour Louis XIV, la main de Tinfantc Marie-
Thérèse, fdle unique de Philippe IV, ce qui aurait
donné au roi de France des droits à la couronne
d^Espagne, à la mort de ce prince : cette raison Ct re-
i66s. jeter la demande. Enfin, en ]658, Philippe, qui crai-
gnait que la France, après les brillantes conquêtes
qu*elle avait faites dans les Pays-Ikis, ne tournât toute
la force de ses armes du côté de f Espagne, et qui, se
voyant vieux et cassé , ne voulait pas laisser en état de
guerre contre un roi jeune et plein d'ardeur pour la
gloire les deux enfants qu*il venait d'avoir de son
nouveau mariage avec Mario-Anne d'Autriche , se dé-
cida à faire la paix aux conditions qu'on y mettait.
Mnzarin, esprit souple et délié, et le négociateur le
plus habile de son époque , après être |>arvenu aux
laveurs de la rciur par la protection du prince de
Condé, avait fini par en écarter son bienfaiteuj*lui-
CHAPITRE CINQUIEME. 425
iiiênie y qui, pour se soustraire aux pièges dont i uigrat
Italien environnait ses pas, avait cherché un refuge
dans les états du roi d*Espagne. Eln 1606 ce Masarin
avait envoyé très-seerctement à Madrid Hugues de
Lionne, qui fut depuis secrétaire d'état, et qui toutes
les nuits avait, avec don Louis de Haro, ueveu d*01i-
varès et son successeur au ministère, des entrevues
dans lesquelles étaient débattues les prétentions de la
France. Le ministre d*E^pagne avait fait partir à son
tour, pour Paris, avec le même mystère, don Antoine
Pimentel , personnage mal disposé pour le prince de
Condé , et qui , le 8 mai 1 GSg , convint avec Masarin ^^h-
d une suspension d armes entre les deux puissances ; le
8 juin suivant ce plénipotentiaire signa avec le mi-
nistre de France un traité dit Traité de Paris, par lequel,
contre le vœu du cabinet de Madrid, les intérêts du
prince de Condé étaient sacrifiés. Philippe, indigné
de la précipitation avec laquelle Pimentel avait ter-
miné des afTaires aussi délicates, nimagina pas d*autre
moyen pour revenir sur la signature de son agent que
d'attirer à la frontière le ministre de France, afin de
s'y aboucher avec son propre ministre. Le but osten-
sible de ces conférences était de r^er certains ar-
ticles que le traité de Paris n'avait pas prévus, et qui
auraient pu rallumer les guerres ; mais le véritable
motif pour l'Espagne était de tout remettre en question
dans ces |)Ourparlers. L'ile des Faisans, dans la rivière
deBidassoa, proposée pour le lieu des conférences.
V20 LIVRE QUATRIEME.
ne fut pas acceptée d'abord par la France • parce que
TEspagne s*cn prétendait seule souveraine; cependant,
comme ce point mitoyen entre les deux royaumes
était le plus convenable pour les négociations , il fîit
déridé que cette tic serait considérée comme com-
mune aux deux nations. Cet article réglé, vint celui du
cérémonial. Les deux ministres convenaient qu'avant
d^ouvrir les conférences ils se devaient réciproque-
ment une visite : fembarras était pour faire la pre-
mière. Mazarin, se retranchant derrière sa pourpre
romaine, prétendait qu il devait la recevoir; don LxMria
de Haro déclarait que sa qualité de grand d*E^pagne
ne lui permettait pas de la faire : il fut enfin arrêté
que cette première visite aurait lieu à la salle mêmt
des conférences, où chaque ministre entrerait en même
temps. Une salie fut donc construite en planches, avec
des appartements égaux, à la même distance des deux
rivrs de Tile, et avec un pont jeté sur fun et l'autre
bras de la rivière : tout fut pareil de part et d'autre
dans la salle, tables , fauteuils et piortes.
lie i3 août, jour do l'ouverture des conférences,
Maiarin se rendit à file des Faisans, en grande pompe,
acconi|}agné des marérliaux de (iramniont, de Villeroi
et de Clerambaut, du grand maître de f artillerie , du
dur de Crequi, du bailli de SouviV*, et pivrédé d'en-
viron quativrents hommes, tant mousquetaires à pied
que gardes k cheval. Six carrosses suivaient le sien,
remplis par vingt pn*lats ayant k leur tête les arche
CHAPITRE CINQUIÈME. 'i27
vêques de Toulouse et de Lyon , et defrière eux un
cortège de prèsdecînq cents personnes. Centcinquante
mousquetaires étaient déjà postés au bord de la Bi-
dassoa , et vingt-cinq avaient déjà la garde du pont ,
pour ne laisser passer, suivant ce qui avait été convenu,
que soixante personnes de qualité avec le cardinal, et
soixante gardes. De lautre côté de la rivière, deux
compagnies de gardes h cheval, âite des troupes de
Catalogne , le pot en tête , Tépée nue k la tnain, et por-
tant la casaque à la livrée du premier ministre, étaient
rangés en bataille et gardaient leur pont. Don Louis
arriva parle chemin de Fontarabie, porté dans une
litière précédée de huit trompettes revêtus de casaques
de velours vert, et sonnant avec des instruments dW*
gcnt, et suivie de quinze carrosses. Les portes des ap-
partements s*ouvrant en même tetiTps,les deux ministres
entrèrent dans la salle , tendue par moitié de la tapis-
serie du cardinal et de celle de don Louis. Celui«-ci
avait avec lui le secrétaire d*état Goloma ; Masârin était
accompagné du secrétaire d*état de Lionne. La cour
(le France se trouvait alors à Saint-Jean-de-LU2. Les
seigneurs de la suite du roi, qui ne voulaient pas le
céder aux Espagnols en magnificence, s*étaient parés
(te leurs vêtements les plus somptueux, ce qui donne
occasion h de Brienne de remarquer que les FVânçâis
reni|)ortaient par la richesse des dentelles d*or et d'ar-
gent, et les Espagnols par le nombre des pierreries ^
' Mémoires (le Brienne.
^128 LIVRE QUATRIEME.
Les conférences durèrent jusqu*au mois de no*
vembre , grâce aux lenteurs affectées de don Louis de
Haro , qui, pour obtenir des conditions meilleures de
Timpatience du cardinal, s étudiait à opposer un flegme
calculé à la pétulante vivacité de son adversaire ; mais
Mazarin en avait su prendre son parti. Don Louis
contesta longuement la possession de la viguerie de
Gonflent, de la partie de la Gerdagne que réclamait
Majiariii et du Gapcir, par la raison que dans le traité
de Paris on n avait parlé nominativement que de la
cession du Roussillon. Poussé sur ce point, TEspagnol
en venait à consentir à se dessaisir de ces pays, en
échange des villes de Béthune et de Saint -Venant;
mais Mazarin tint bon. Don Louis se rabattit ensuite
sur le Gonflent, dont il voulait bien abandonner la
possession à la France , mais sans que le nom de ce
canton fût mentionné dans le traité ; il consentait seu-
lement à ce qu on dit que la France posséderait les
terres des montagnes cpii étaient du côté de la France,
et, persuadé qu ainsi le Gonflent resterait à TEspagne,
il espérait par cette échappatoire conserver ce canton.
La carte de Catalogne était si mal faite, et la position
des montagnes si embrouillée , que Mazarin , qui se
Tétait fait présenter, avoue qu il était impossible d*y
rien reconnaître : ce fut une raison pour lui d'insister
sur finsortion de ce nom de Gonflent au traité, et,
pour Tobteuir, il en fit la (*ondition de son approbation
h vc (|u on proposait vn faveur du prince de Gondé.
CHAPITRE CINQUIÈME. 429
Kiifm, le 7 de novembre, ce célèbre traité, dit des
Pyrénées, fnt signé à la satisfaction du cardinal, et,
quand tout fut ainsi terminé , don Louis demanda en
grâce à Mazarin de lui obtenir, de la reine-régente de
France, son pardon pour le flegme avec lequel il s^était
conduit dans cette négociation, et dont il savait que
cette princesse s*était plainte plusieurs fois^
Ce traité des Pyrénées se composait de cent vingt*
quatre articles relatifs au rétablissement du commerce,
aux bénéfices donnés et reçus , aux dettes , aux places
h se rendre réciproquement , aux arrangements parti*
cuiiers avecles princes qui avaient pris partà la guerre,
au pardon du prince de Condé, et généralement à
toutes les espèces d'intérêts qui avaient été compromis
dans le cours de ces longues hostilités; il réglait ^-
lement le mariage du roi avec Tinfante d*Elspagne , et
déterminait la manière dontdevait se &ire la restitution
des places et pays que chacun s'abandonnait récipro«-
quement, la délimitation des nouvelles frontières et la
rançon des prisonniers. Ce qui concernait la cession
du Roussillon et autres pays de la même province &
la France fut Tobjet des articles &a et &3. Daprès ces
articles , les antiques limites des Gaules et de l*£spagii6
devaient séparer de nouveau, àTavenir, les deux mo-
narchies, et, en conséquence de ce principe, la Cata-
logne restait à TElspagne et le Roussillon à la France.
> Ijettns (la cardinal Mazarin sur la mé^ocititiom de la paix deg Pyri-
neci
450 LIVRE QUATRIÈME
A la première de ces puissances devait appartenir aussi
la Cerdagne, sauf les villes et terres qui se trouveraient
dans les monts du coté du Languedoc, ainsi qu'il serait
régf é par des commissaires délimitateurs. Le Gonflent
devait rester à la France , sauf, pareillement, les viiles
et terres qui pourraient se trouver ^du côté de l'Es-
pagne. Amnistie pleine et entière était accordée à tous
les Catabns. Les Roussillonnais qui avaient suivi le
parti de l'Espagne , et qui rentreraient dans la posses*
sion de leurs biens , étaient tenus de résider au lieu qui
leur serait assigné par le roi de France, si leur rési-
dence en Roussillon ne lui était pas agréable, sans pour
cela cesser de jouir des libertés , privilèges et firan-
chises que leur assuraient les constitutions de leur
p^ys. Lesévéques, abbés et tous ecclésiastiques quel-
conques, pourvus de bénéfices avec l'approbation du
pape , demeurant dans les terres de l'une des parties,
pourraient jouir sans trouble ni empêchement des
fruits, rentes et revenus attachés h ces bénéfices, quoi-
qu'ils se trouvassent sur les terres de la partie adverse.
Toutes donations de biens confisqués sur des Catalans
ou des Roussillonnais devaient cesser d'avoir leur eflet
le jour de la publication du traité de paix; les anciens
propriétaires en reprenaient la possession , mais sans
pouvoir exiger de ceux à qui ces biens avaient été cédés
aucune restitution des fiiiits perçus en vertu de ces
donations ^
' Ce traite se trouve dans riliitoire de France du p^re Daniel
CHAPITRE CINQUIEME. Ml
Aussitôt que la conclusion du traité de paix fut
connue officiellement en Rous^illon, les consuls de
Perpignan envoyèrent k Toulouse, où était venue la
cour de France, une députation d'un certain nombre
d*habitants ayant à leur tête don François de Blanes,
pour demander au roi la confirmation de leurs privi-
lèges et constitutions, ce que Louis s empressa d'ac-
corder, en mettant de sa propre main son approbation
au bas du placet qui lui avait été présenté : ce fut le
6 janvier 1660 ^
Suivant larticle U^ du traité des Pyrénées, les nou- 1660
velles limites des deux royaumes, en Catalogne,
devaient être déterminées par des commissaires de$
deux puissances qui se réuniraient au plus tard un
mois après la signature du traité ; mai$ des difficultés
survenues dans Texécution de cet article retardèn^nt
la nomination de ces commissaires jusqu'au mois de
février. La cour se trouvant toujours à Toudouse , le
roi chargea de cette nouvelle négociation le même
l^ierredeMarca, arcbevêque de Toulouse depuis 1 65a,
qui avait été nommé visiteur général de la Catalogne
en 16 4/1, et qui avait accompagné Maxarin à la
Bidassoa, en lui donnant pour adjoint lltalien Hya-
cinthe Serroni, évèque d'Orange. Les commissidre$
(\spagnols furent Michel Salva de Valgomera , lieute-
* Reiflute présentée au roi par ï évèque' dEine ( pi^ce d'une cooiesta-
tion entre ce prélat et le conseil souverain, et dont il sera parlé plu»
lard ] .
M2 LIVRE QUATRIÈME.
nant du grand trésorier de la couronne d* Aragon , et
Joseph Romeu-Ferrer , membre du conseil des Cent
de Barcelone. Quelque mérite qu'eussent ces person*
nages , ils n étaient pas de force k lutter avec le prin-
cipal commissaire français , qui à un caractère extrê-
mement ambitieux unissait une érudition vaste et
profonde , et qui depuis quinze ans se nourrissait de la
lecture des histoires, titres, actes €*t écrits de toute
espèce concernant le pays sur lequel il était appelé i
prononcer un jugement.
Marca, parti de Toulouse le 19 février, se rendit
à Perpignan , d*où , le 8 mars suivant, il envoya prier
le marquis de Mortara, vice-roi de Catalogne, de dé-
terminer le lieu où se tiendraient les conférences. Le
chanoine Pont , nouvellement élu abbé d' Aries , partit
pour Barcelone avec les instructions suivantes :
<i Premièrement il saluera monsieur le marquis de
Mortara et lassurera des services de M. f archevêque
de Toulouse et de M. féveque d'Orange. 11 conférera
avec lui touchant le lieu où se doivent faire les confé-
rences pour les limites des deux royaumes, et du temps
auquel ledit seigneur archevêque de Toulouse et
M. iVvéque d*Orange. commissaires députés par
S. M. T. C. , pourront s'assembler avec les commis-
saires de S. M. C, pour régler les susdites limites.
u II lui fera entendre que si Ion attend de conférer
sur ce lieu-là avec les commissaires de S. M. C. après
qu'ils seront arri\és h Girone, il y aura de la longueur
CHAPITIIK CINQUIEME. tl^5
et des difficultés pour en convenir; de sorte que, pour
les éviter, MM. les commissaires du roi ont mieux
aimé envoyer ledit sieur abbé à Barcelone pour traiter
de ces choses avec ledit seipneur marquis. 11 lui offrira
de leur part les lieux de Céret, de Canet et dliie, en
Roussilion , et de Prades , en Gonflent, où lesdits com-
missaires feront loger commodément MM. les commis-
saires crEspagnc et leur rendront tous les honneurs
dus h leur qualité, leur baillant même la droite : si
ledit seigneur marquis n'aime mieux que rassemblée
se passe à Figuièrcs, d'où Ton a lait sortir les troupes
pour cet efTet, où il fera traiter de même façon
MM. les commissaires du roi , comme il est contenu
en la lettre que M. Tévêque d'Orange a écrite h M. le
marquis , de concert avec ledit seigneur archevêque.
« Il priera M. le marquis de Mortara , de la part de
M. Tarchevêque de Toulouse, de faire en sorte de
HTOuvrcr un gros livre in-folio manuscrit, où sont
comprises les lois de Charlemcigne, sous le nom d'An-
scrjisus abbas\ lequel livre emprunté des religieux de
Hipoll ledit archevêque laissa au couvent de Saint-
Pierre de Barcelone , lors de sa retraite de cette ville ,
et il Teùt pu emporter en France si son honneur ne
Tcùt convié de le laisser à ceux à qui il appartient. Et
au (*;js qu'on le trouve , il priera M. le marquis de
* Ce Hont les sept livres que Ikiluze fit ciiirer par la suite dans \e
|)reinif*r volume de sa collection des Capitulaires des rois de Franco,
sous le titre de Capitulariam KaroU magni et Lndorici pii.
II. . a8
434 LIVRE QUATRIÈME.
Mortara de le prêter audit seigneur archevesquc, qui
le restituera fidèlement à M. le marquis avant son
départ de Roussillon ; son désir n*étant autre que de le
conférer avec les livres de ces lois qui sont imprimés,
comme il avait dessein de le faire si la peste ne l'eût
obligé de sortir de Barcelone.
«Enfin, il priera M. le marquis de Mortara de faire
copier tout entière la concorde de la reine Éléonor et
du cardinal de Comminge, qui est dans Tarchif royal
de Barcelone, parce que cest une belle pièce qui regarde
les droits de leglise et du roi. La plus grande partie
des articles de cette concorde ont été imprimés, mais
non pas les préfaces, qui contiennent les bulles de.n
papes et les commissions de la reine , qui sont curieuses
pour rhistoire ecclésiastique.
■ Fait à Peq>ignan , le 8 du mois de mars i GGo.
« Maiu:a, arclic\'ôquc de Toulouse ^ •
Le vice-roi de Catalogne, jugeant la ville de Fi-
guières peu commode pour les conférences, choisit
celle de Céret. Marca et Serroni s*y rendirent le 1 5 d'a-
vril, et les commissaires espagnols y arrivèrent le 1 9 :
la première réunion eut lieu le 3 1 .
Aux termes convenus par les traités de Paris et des
Pyrénées, les nouvelles frontières de la France et de
rKspagne devaient être les mêmes que celles qui avaient
' Celle pirce, qui se conserve clans la fainille île cet Mw IViil, nous
a ^1^ roniniunii|iiée |uir M île Sainl^Malo, an> ieii Miu4-pn't< I de (!«Tel.
CHAPITRE CINQUIÈME. M5
jadis séparé les Gaules de la Tarragonaise : le premier
point sur lequel les commissaires avaient à s'accorder,
c'était de déterminer quels étaient, d'entre les Pyrénées,
les monts qui avaient formé cette séparation. Ici les
auteurs anciens devenaient le livre de la loi : ils furent
commentésde part et d'autre. Il résultait de leur accord
que les anciennes limites partaient du voisinage Al
temple de Vénus. Ce temple, les Catalans le plaçaient
h Port-Vendre; Marca le portait sur le cap de Creus;
mais comme il était bien avéré que les limites antiques
étaient au point de Cervaria , d'après le témoignage
très-précis de Mêla, le point de départ de la ligne di*
visoire des deux royaumes fut fixé au nord de l'anse
de Cervera.
Le Vallespir fiit ensuite mis en question. Les Cata*
lans avançaient, non sans raison peut-être, pour la
partie haute de ce canton , qu'il appartenait à la Tar-
ragonaise \ mais Marca soutint qu'il était des Gaules :
il fut adjugé k la France , non par la conviction qu'il
eût réellement fait partie des Gaules, mais parce qu'il
était une dépendance actuelle du Roussillon, qui aux
termes précis du traité devait revenir en totdUté i cette
puissance. La possession du Gonflent, déjà Tivement
débattue aux conférences de la Bidassoa , le fut encore
à celles de Céret. Les Espagnols demandaient cette
vigucrie en entier, comme se trouvant dam les mon*-
tagnes de Catalogne ; Marca démontra qu'elle devait»
' Voyez ta noie IX.
a8.
456 LIVRE QUATRIÈME.
au contraire, rester en entier à la France puisque toutes
ses appartenances étaient à la partie des monts qui re-
garde le Languedoc, ainsi que le docteur Raymond de
Trobat Tarait déclaré à Mazarin , aux conférences de
nie des Faisans ^ N'ayant pu s'accorder ensuite au sujet
de la Cerdagne, dont Marca réclamait la plus grande
ptrtie, les commissaires terminèrent leurs conférences
en remettant à la décision des plénipotentiaires le ju-
gement de cette difficulté.
Ce qui avait été anvté changeait complètement la
lettre de Tarticle &3 du traité, et la future division de
la Cerdagne ne devait pas moins Taltérer encore : il
fallut revenir sur le texte de cet article, et le rédiger
dans un sens nouveau qui s accordât avec le résultat
des conférences de Céret. Les deux ministres, revenus
dansTile des Faisans pour arrêter les articles du mariage
de Louis XIV avec Tintante d'Espagne, convinrent,
le 8 de mai , d'un nouvel accord qui fut signé le 1 3 du
même mois, sous le titre dcn Explication de l'article &3
«du traité des Pyrénées. >iPar cette nouvelle rédaction
tout le Roussillon et tout le Confient étaient reconnus
pour appartenir à la France, quelque part qu'en fussent
situées les dépendances, et toute la Catalogne et la
Cerdagne restèrent à TEspagne , sauf, pour ce dernier
comté , la vallée de Carol et une portion du territoire
Cerdan, pour communiquer avec cette vallée. Pour
prévenir toute difficulté ultérieure, il fut réglé que cette
* Litirrt du cardinal Masarin. tom. II.
CHAPITRE CINQUIÈME. 457
portion de la Cerdagiie cédée à la France formerait,
avec la vallée de Carol, un total de trente-trois villages
et (juon compterait comme tel tout village détruit,
pourvu qu il y restât encore quelques maisons. Pour
l'exécution de cette disposition, Févêque Serroni et don
Salva de Valgomera se réunirent à Livia , et le 1 3 de
novembre ils arrêtèrent le partage de cet ancien coÊOfà
de Cerdagne, tel qu'il existe aujourd'hui ^
Louis XIV, accompagné de la reine-mère, régente,
et de toute la cour, avait fait son entrée dans Perpi-
gnan le 1 avril de cette année 1 66o, et il était repiarti i66o.
de cette ville après y avoir séjourné douze jours*.
* Preuves , n* XV.
* Registre des statuts de i'univ.
438 LIVRE QUATRIÈME.
CHAPITRE VI.
GouTamement du RoassUlon soas la monarchie d*Eapagiie. —
«llJCkMMdl flouverain. — G>nfllitution militaire. — SasaiTa. -—
• '■■*
G)D8piration en G>nflent — MiqueleU.
Le Roussillon en entier et une partie de la Gerdagne
sent irrévocablement acquis à la France; un acte
solennel lui en consacré la propriété. La prescription
des temps anciens Temporte surFusurpation des temps
modernes. Reconnus comme des portions intégrantes
du sol français , héritier du sol des Gaules , ces terri-
toires reviennent à leur domaine naturel. Le traité
des Pyrénéesapparait donc, dansrhistoirc, non comme
une de ces transactions, fruitsde Timpéricuse nécessité,
sanctionnant la séparation d*une province à la suite
d*une victoire , et par la seule autorité de la loi bru-
tale du plus fort, mais comme un acte éclatant de
justice, qui, après plusieurs siècles de démembrement,
réintègre à son tout homogène une partie de ce tout
dont la distraction était contre nature.
Tant que le Roussillon et la portion de Gerdagne
cédée h la France étaient restés sous la domination
espagnole, ces deux comtés se trouvaient compris dans
toutes les mesurea^ qui concernaient la Gatalognr .
GHAPITR£ ; 9IJUEMB. 499
saofi pourcela fidrepattic intégrante étih ^principauté;
ils étaient en oomamn atec là Catalogne poarce.qni
conceniait Tantcrité royale ou qui émanait de f onfiliî^
potence des cortti. toaicliantlbs intéréta généiMH^ db
la popuktran; .ils'én:étaient séparéa datif tout ee.iqtft
temdtaU'régpBKtlDCfliL. •; ^'^ -: n .•f-l-.. .'.- i -.ir*
Loirsqte Ferdinw^, jpiÉ}/-4lHi iDat^^
tière du trottej -.de :fiairiMi»,) dot ^lù^tm.'SUÊgmÊifÊL
Barcelone piHythahbctiiybdiiifc^iifiBiéai, |Mlr âftiQlIpfc
placer en Asagpn et.eB dOilaif^gM , >dbi vkMNMaidQi|t
Tautorité s'éttnlailiiDr^tMfcjbi ddoiaînM
renne patrimonide. Le vice-roi de Catalogne était Maoi
de jurer de ile.iriènMiÉiiateBi^daoftiie gborwiOmt
des trok comtéa:ide BÊndàm^i dc>fiitt4at^(n . çfci;^
RoussiUon ,^ et ce attnentdeRnibtoélprèil «HljabdMbl
la frontière de la:pwifp^aetoiMmeiaA»i<rfflf^aMip
la frapclnssait pour pvfodnifbiMiîiÀjdi aiidbnpii
ensuite à BÊÉq^koMlyhkiûnité^lwéné^
étantinbérentAkiMitaribbwlél }»wmihittuhàm^
parremL-mèmea on-par leups dbiandèiifln^^rEsp^gpf}
cette cour in jnstiih inprtiMiL nniiHo mi oiHubiH
chancelier^ parttAjteiio^tf flwdJHlBWigqyafaA Dbmbi|
adminiilrat)eur)dvrafiaBfliè dé OMliRaji WMrffagiBp»^
dinand, dflBrlSinpoaaibilit^ dé |firerfiBDlBi-iilèq|Éfb
tomme ttaieill finieeri piéddi JHf^li ■tsy jqelfttiMMain
si import»nie.d>làniÉnaaiàirt; iMlihÉI, pahAÉi i|
session des c«rt«AK teS»f«Pff Mteîk^ îïj.fBl?^
nom d'audieneeMfak«'iiMiJMna|il pBn<îwMlil iii
/i40 LIVRE QUATRIÈME.
outre Tattribution de rendre la justice supérieure,
avait encore une part dans le gouyemement civil de
la Catalogne et des deux comtés. Cette nouvelle cour
de justice, composée d*abord de huit, et ensuite de
douze conseillers ayant k leur tète le chancelier ou le
vice-chancelier, ou à leur défaut le régent de la chan-
lerie qui était leur substitut , jugeait seule toutes les
)s civiles; dans les causes criminelles elle s'ad-
joignait deux autres officiers nommés juges de cour,
qui recevaient les informations, dirigeaient la pro-
cédure , Oaiisaient les rapports et avaient voii délibé-
rative.
Chargée de maintenir Tordre dans les cours infé-
rieures , laudience royale avait sous sa dépendance
les hôtels de ville des trois comtés , à la réserve de
ceux de Barcelone et de Perpignan ; elle réglait leur
économie intérieure, leurs opérations municipales»
la perception de leurs octrois et Temploi de leurs re-
venus. Le vice-roi , hors les affaires purement mili-
taires, ne pouvait rien prescrire sans consulter
f audience royale, et, forcé de suivre son avis, il devait
le motiver expressément dans ses ordonnances ^
Le Roussillon et la Cerdagne, envoyant leurs
députés aux corts de la province, concoui*aicnt ainsi
pour leur part «^ la législalion locale, et se trouvaient
placés, dans Tinterv aile des sessions''^, sous la protection
' Xaupi , Recherches historiquei sur la nohUsêe dr CataloifHe,
* Les setMOM des corts forent d*abonl annuelles, puis triennales.
CHAfilTRfi I SIXIÈMB. Ul
des procureurs généniu fde Gdi coctS'^ûtt. députés»
Les deux oomtésdépendaienleueoneiie la OttalogBé
en ce qui coneemtit f office du mstiw MtMmnel-ioa
grand trésorier* Quant àcè qui tenait au fégimelocd*
le BoussiUon et k <2etdagnè étaient ^planéa*} sous
Fautorité d\u» gourlsnieuB 'général dont, le t^^
sous te nomt^e f tsimaris » ^ gèuvcgnesaflat >) ♦ »aiégc||||
à Perp%natt. La kmie poÙorfidasi dauBibantéa êia||p
grandes aflhiresi du nwnnaaarflii^PhrlMiaienfaà iciMa
juridiction , qui lecefait Jeà^ ortra. itl aamucaifcdf Aaiiis
les officiars royauafrOrtinrisaaiff dlé'taéttea^lauinianifeeB»
accordait les lettrta'deiréff^MOiii etiidk «tftilvtioi^^
entier, donnait )dMaÉufi^gafdwiCiid«S{ktMes4lÉ^^
nutention, réprirtiaitiiasiàaitBaBriaBs ^dcsmopÉrhaÉi
ecclésiastiques^ e»;itouwraïfciéwrn^prtr JfaAHflA^
des seigneur» tilréfti I^ feîrttoiarttft dSnnMacsaaaf aft
de sept plÊlàniB^iÊL piehmm-in^
certaine sonune». unerijuridieiioÉl saywiiaMalaMQlaÉ
matières sommÎMa àÉa^jdéoisaaki^^n ^ ^uuo-^ xfiob rjï
Perpignan . «vittf uoA 'diainhnMi'îteiib^ 1^
moni on donuotte roypltMMtaitflbcQnridii ptMoiapj»
royal. Cet dfcaer .jiémiisait Aafta> ihaig^ J^pfÉMÉD
butions dft piiotewnt'fièdali»ideiaapil«ine id^ifiiBli
et «y» te ^iMi'èmà ^'kMi^mà^ .
rt», lie SHMertiivartlIl tMlliëMlMMMi^ «{«««^PiaAI
d adminbtntioo féaénb, cett» oidoaanHS forlril b mk éê/ng'
W2 LIVHË QUATRIEME,
tant de terre que de mer^ de maître des eaux et
forêts , et de commissaire des amortissements. Le pro-
cureur roval administrait tous les biens domaniaux,
en recevait les revenus, était cliai^é de fentretien des
bitiments royaux, de la solde des officiers du prince,
et exerçait une juridiction civile et criminelle sur
toutes ces matières : fappel de ses jugements était
porté à Taudience royale. Le tribunal du procureur
royal se composait d'un assesseur, d un avocat du roi ,
d*un procureur du roi et de quatre consultants.
Lors de la révolution de Catalogne, Louis XIII
venant en personne au siège de Perpignan , Taudience
royale et la députation , qui ne devaient pas se séparer
du roi tout le temps qu*il était dans la province,
s'étaient rendus, ainsi que nous l'avons dit, auprès de
sa personne en Roussillon. Après le dépari de ce
prince, elles retournèrent à Barcelone. Mais bientôt
la Catalogne reprit l'obéissance de son souverain, et
les deux comtés restèrent seuls sous la main des
Français. Alors chacun des deux rois , qui s'intitulait
également comte de Barcelone, de Roussillon et de
Cerdagne, nommant ses officiers militaires et de
justice, il y eut un vice-roi espagnol et un vice-roi
français , une audience royale à Barcelone et une à
Perpignan , qui prit le nom de conseil royal. Celle-ci
fut composée de ceux des conseillers de l'audience de
^ On donne le nom de ports au^ délilrt des nionUgnet qui doni
acc^s à diflereutes vallées ; les anciens les appelaient fiorUr
h!iU LIVRE QUATRIÈME.
gouverneur spécial du Roussillon ^ et avec lui les trois
membres du tribunal de la gubernacion , le procurem*
royal , avec les autres membres de la cour du domaine
et le grand trésorier; d*autre part, don Joseph Fon-
tanella^ régent de la chancellerie, avec les six membres
de Taudience royale de Barcelone , qui étaient restés
en France^, et il leur communiqua Tédit donné à
Saint-Jean-de-Luz , le 1 8 du mois de juin précédent ,
portant dissolution de leurs tribunaux et juridictions.
Immédiatement après que le notaire Albafulla eut
dressé acte de l'adhésion donnée à cet édit par les
personnes ainsi réunies, Serroni donna communication
dun second édit du même jour, portant création d*un
conseil souverain , qui fut organisé immédiatement,
« pour connaître de toutes les affaires de la connais-
«sance qui appartenait au conseil royal et tout juger
«souverainement et en dernier ressort, suivant les
«lois et ordonnances du pays, et y procéder autant
« qu'il se pourra en la forme et manière qui se pra-
' Ce titre de gouverneur lui eft donné |>ar le roi dans une lettre du
9& juin i65^.
* FontanelU était fils d'un célèbre jurisconsulte de Barcelone, re-
gardé comme le flambeau du barreau de Catalogne. Il était, en i64i ,
Tun des trois assesseur» de la députation , et celui qui par son mérite
et ses talents avait le plus contribué à faire rester le Roussillon s«ius la
domination française. Louis Tavait envoyé romme négociateur an con-
grès de Munster; il le créa vicomte en avril 16^(9.
' Ces six membres étaient : lMiilip|)e de Copons, Joseph ^^hierall.
François Marti y Villadomar, Nicolas Manalt, Isidore Prat, el Kaymond
TiHibat.
CHAPITRE SIXIÈME. ^^5
<( ti(jur dans les autres cours souveraines du royaume;
(( se réservant néanmoins S. M. de changer, réformer,
« amplifier lesdites lois et ordonnances, ou d'y déroger
u ou les abolir ou d'en fiaire de nouvelles et tels r^le-
u nients, statuts et constitutions qu'elle verra être plus
« utiles et avantageuses à son service ou au bien de ses
(( sujets. »
Pour donner au gouverneur générai de la province
la faculté d'avoir entrée au conseil souverain , k l'imi-
tation du droit dont jouissaient les vice-rois de
Catalogne de siéger à l'audience royale, le roi ordomia
que ce gouverneur, quand il lui plairait de s'y rendre,
aurait place avec le premier préaident, prenant celle
que le roi occuperait lui-même, s'il était présent, et
opinant le dernier, sans pouvoir recueillir les voix,
signer les arrêts ni faire aucune fonction de la charge
de président. Le docteur François Sagarra, gouverneur
du Roussillon , fut créé premier président à mortier
de cette nouvelle cour, dont Joseph Fontanella fîit
premier président. Quant aux fonctions de procureur
général, elles furent confiées à trois Français successi-
vement ; le premier fut le sieur de Maqueron, nommé,
comme les autres membres de la nouvelle cour, par
provisions du i o juin 1 660, et qui remplit en même
temps la charge d'intendant de la province. Ses deux
successeurs, le sieur Carlier et ie sieur Camus de Beau-
lieu , réunirent aussi à leur charge celle d'intendant:
enfin h la mort de ce dernier, en 1706* les fonctions
446 LIVRE QUATRIEME.
de procureur général furent confiées au sieur Després,
Roussîllonnais d origine française , qui obtint des dis-
penses parce que son oncle, le chanoine Després,
siégeait À la même cour en qualité de conseiller ^ Don
Marti de Villadomar , nommé avocat général le i o de
juin , fut secondé deux mois après, dans ces fonctions,
par Raymond de Trobat , qui en 1 680 fut nommé
président de cette cour et intendant de la province^.
Une des premières opérations dont eut à s occuper
le conseil souverain, ce fut de procéder, par Tordre du
roi , à Icnregistrement du code des constitutions de
Catalogne , ce que Tédit de création désignait par lois
et ordonnances du pays, qui continuaient à former le
code municipal du Roussillon.
Le conseil souverain eut aussi, plus tard, dans ses
attributions la connaissance des refus de la cour de
Rome, ainsi que les bulles et provisions de bénéfices
ecclésiastiques de nomination royale, connaissance
qui dans le reste du royaume était réservée au grand
conseil : cette exception fut fondée sur ce principe que
' Arrk. Juionseil souverain, aa (fr^ff^ du tribunal de Perpignan. Cest
à tort qu'on a inipriuie dan» la Statislique des dê|iarteiDeiitft pyrénétDt,
qu'à la rrûaiioo de cette cour souveraine Ici fonctioni importanlct de
procureur général furent contî<'*ea à un notaire de village, par la seule
raîv>n qu'il comprenait et parlait la langue franraise.
* O Raymond de Trobat, dont les provisions d avocat géoénl sont
du G d'août 1 8G0 , avait éti- ap|)elé par Maurin pour lasaiiter aus con-
férenceiide Vi\v des Faisans, à raison de la connaissance parfaite qu*il
avait de la topo;;rapbie des deui comtés de Roussillon et de Cerdagne.
Vovct le» Ijetires de ce rardinal-minislfe, tom. II.
CHAPITRE SIXIÈME. k'xl
(des évocations n*ayaiit pas lieu en Roussiilon, le
((grand conseil ne pouvait y avoir de juridiction*.»
Comme cette même cour connaissait souverainement
des iippels de toutes les justices, tant royales que sei-
gneuriales , dans toute l'étendue de la province , on lui
portail aussi ceux du consulat de mer de Perpignan.
Par dérogation aux privilèges, un édit du mois de mai
1711*^ avait transporté au parlement de Toulouse la
connaissance des appels de lamirauté de Collioure.
Col abus fut réparé par une déclaration du ao dé-
cembre 1718, portant que « suivant les constitutions,
(( lois et pragmatiques du Roussillon , les habitants ne
(( peuvent être traduits hors de leur ressort. »
L'ancienne cour du domaine royal de Roussillon ,
fondue dans celle du conseil souverain par Tédit de
1 660, en fut séparée de nouveau en vertu de lettres
patentes du 20 novembre i66a. Elle fut érigée alors
en consistoire du domaine, qui eut pour directeur
général, avec attribution souveraine, ce François
Sagarra qui était premier président à mortier du con-
seil souverain et gouverneur du Roussillon. Par lettres
de cachet du 26 février suivant le roi adjoignit è ce
directeur général deux avocats généraux et un pro-
cureur général. A la mort de, Sagarra, sur la tête de
qui on avait accumulé beaucoup de titres et d'honneurs,
le roi rendit un nouvel édit ( 1688), portant que «la
' Déclaration <lu 1 5 juin 1710.
* \ri:}x. Dom
'l'iH LIVHK QUATHIKMK.
(I si'paratiou de juridiction du consistoire du domaine
«roval de Roussillon de la cour du conseil souverain
u de la province , excitant des divisions et de la jalousie
Cl pamn' les juges de ce conseil, )> il en opérait de nou-
veau la réunion h cette cour'. La chambre du domaine
du conseil souverain connaissait de foutes les affaires
des eaux et forêts, dont il n'y avait pas de maîtrise en
Roussillon. Ses archives sont encore les plus impor-
tantes de la province, bien qu'elles aient été mutilées
à diverses époques.
La vénalité n'avait pas lieu pour les chai^ges du
conseil souverain, ni pour les autres oflices de juri-
diction ordinaire: les seules places de grenier pouvaient
être achetées ■'*.
En accordant le droit de commune à Perpignan,
Pèdre III lui avait pareillement concédé celui, inhérent
à cet affranchissement, de pouvoir venger par les
armes ses propres querelles. l?ne conséquence de ce»
droit était, pour ses habitants, le privilège d'être
' Cette chambre ilu ilouiaiiic royal é|)rou\a encore d'autres modifi-
cations, Mnn cemcr toiitefoi.n de faire partie du conseil souverain. En
1737, pour faire te ferrier général du roi, il fut établi un conimitsaîn*
du domaine à vie. Le 17 juin i7.'>g ccUe juridiction fui conipoaéed'un
président , de deux conseillers et d'un pnicurcnr du roi. Ce sont les ar-
(iiives de cette juriilictinn que nous désignons |>ar Arth. Dom.
* En 1695 et en 1700 le roi rejeta len pn»po«itions qui lui MaienI
fiiites |iuur ériger en cbari(es \éiiales les ot]ic*es du conseil souverain
La coin|»agnie dr» lraitant^ avait olferl, |iour rrl iil>j«*l . une scimnie dt
iroit cent mille rcu« sur les )undicli"ns sfiftndaires dn linussilluii
Vo\ej. la n«iic \
CHAPITRE SIXIÈME. WJ
toujours amiés, celui de se défendre eux-mêmes contre
l'ennemi extérieur et de ne recevoir dans leur pays de
lorcc étrangère que sur leur demande , quand ils ne se
f'(»gardaient pas comme assez forts pour repousser un
ennemi trop supérieur. Le premier consul de la ville
<*tait de droit colonel de la population armée. Par édit
du 7 mai i448 Alphonse IV avait attribué à ce ma-
gistrat la garde des clefs de la place , tant en temps de
paix qu'en temps de guerre ^ et Ferdinand II Favait
institué capitaine général de la ville et de son ter>
roir, disposition qui fut confirmée par Chaiies-Quint ,
le 19 novembre iSSy; enfin, le 1 3 juillet 1599,
Philippe III avait prescrit à ses généraux en Roussillon
(le ne rien entreprendre sans la participation du premier
consul de Perpignan^. Ces distinctions si honorables
et si flatteuses, accordéesau premier citoyen de la ville,
étaient , en quelque sorte , une conséquence du droit
qu avait la population de se garder elle-même, et ce
droit était précieux pour la couronne. Ce n*était pas,
en eflét, un petit avantage pour le souverain, que
d'avoir les frontières de ses états couvertes par une
population qui se chargeait de veiller elle-même à sa
propre sûreté, qui mettait tout son amour-propre dans
ce glorieux devoir, et qui se montrait toujours prête à
tous les sacrifices, pour prouver qu*elle méritait, sous
ce rapport, la confiance entière du monarque.
' Livre vert maj.
^ Livre vert niaj., livre vert min.
11. ao
450 LIVRE QUATRIÈME.
L^armement de la population de Perpignan n était
donc pas seulement un droit, c'était pour elle une
obligation résultant de ce droit même. Les consuls
étaient chargés de veiller k ce que les armes dont les
habitants étaient tenus d être toujours pourvus Rissent
constamment en bon état, et nous avons parlé, au
chapitre m du livre troisième de cette histoire, de
Tespèce d*armes que tout chef de maison devait avoir
k sa disposition. Les ecclésiastiques n étaient pas eux-
mêmes exempts du service militaire civil : on voit au
code des constitutions de Catalogne , qu aux corts de
Barcelone de i3()9 Pèdre IV ordonna aux clercs de
Perpignan de faire des approvisionnements d'armes et
d'attirail militaire; nous avons vu les prêtres de SainI
Jean chargés de la défense d'un poste, lors de la ten-
tative de surprise de Perpignan par Ornano, et plus
tard on voit encore ceux de Puycerda défendre vail-
lamment la brèche.
Les populations armées de la Catalogne et du Rous
sillon devaient voler au secoui*s du prince k son pn>
mier appel. Un article des usages de Barcelone* qui
faisait loi pour toute la province, leur imposait le de
voir de courir k sa défense pei*soniielle ou k celle de
ses états , dès qu'elles apprenaient cpie quelque danger
les menaçait. « Si le prince, dit cet article, par quelque
u (*as que ce soit , se trouve assiégé , ou s il tient même
«ses ennemis assiégés, quiconque entendra dire que
" quelque prince marche contiv lui pour hu' faire l:i
CHAPITRE SIXIÈME. !i5l
«guerre ou pour attaquer ses états, d<^s qu'il en sera
(( averti par des lettres ou des messages ou par des feux
u allumés, suivant l'usage du pays*; soit chevalier, soit
«fantassin, ayant l'âge requis pour combattre, qu'il
M marche à l'instant; et s'il y manque le pouvant faire,
« qu il perde à jamais tout ce qu'il tient du prince ; et
«pour réparer ce manquement à ses devoirs, qu'il
«prête foi et hommage sur les évangiles, car nul ne
« doit faillir au prince en si grand péril et nécessité^. »
Cet article était désigné sous le titre de Princepsnamqne,
mots par lesquels commence le texte latin.
Jusqu'au xv* siècle cet article du Princeps namqae
avait sufTi seul pour couvrir de bandes de paysans
armés les terres de la Catalogne, à l'approche de
l*cnnemi ; plus tard l'organisation militaire de l'Europe
éprouvant de grands changements, des modifications
durent être apportées dans le système d'appel aux
armes de la population. Â cette époque , au L'eu de ces
secours temporaires d'hommes et d'argent que les
souverains avaient jusque-là demandés à leurs peuples
au moment même de faire la guerre, ils commencèrent
à avoir des troupes régulières et des subsides perpé-
tuels. Auparavant les levées ne restaient sur pied que
pendant la durée de la guerre; à la paix chacun rentrait
dans ses foyers; vers le xv* siècle on forma des corn-
' Ces feux étaient allumés sur les tours de garde ou tdaUgm» des
montagnes.
* Constitut de Caial.
452 LIVHK QUATRIÈME,
pagnies fixes , restant sous les drapeaux en temps de
paix comme en temps de guerre, et on put, parce
moyen, laisser des garnisons permanentes dans les
places tennées. A la suite de changement de système
dans la composition des corps armés des nations.
Alphonse IV organisa d'une nouvelle manière l'arme-
ment spontané de la population militante de ses états.
Aux corts de Barcelone de i 63a il établit ce qu'on
appela someten général , par opposition au someten
sacramentid, institué en 1291 par Jayme II, pour
Textermination des brigands qui infestaient alors toute
la Catalogne ^ En vertu de cette organisation nouvelle,
dés que rennenii paraissait, tous les habitants des trois
comtés devaient prendre les armes au cri public fait
par ordre du roi, et marcher sous la conduite de leurs
officiers municipaux et sous les ordres de leur viguier.
Ainsi réunis, ils ne pouvaient plus se séparer que quand
le roi le leur permettait. Outre ces levées en masse de
la population , le même roi organisa les levées parti-
culières que, sous le nom d*host et cavalcade, les
seigneurs avaient le droit d'exiger de leurs vassaux
pour leur garde pei'sonnelie aussi bien que pour celle
* Lp mot sonu'ten, corruption de jonum emiUcns^ riprime la mènitr
chose que notre mot tocsin, qui \ient du \crbe toifwr Irapiter, et de Jiii
( signum. nom qu\in donnait anciennement aux bcflnûs i. I<e juriscon-
lultc Jac(|ue9 de Calis a écrit un Truite sur l'origine, le» uif>tir9 et l'«ir
ganisation du wmrtrn : voyer. dans m'h (Kusres le \uc\danum toni emism
Dans rîqi|)li(-ation , Uusin eM ra|>p«-l, et someten le n*i(ultat île I appel ,
qui %*' tiii*>ait par triée
CHAPITRE SIXIEME. 455
du prince même. Cest au moyen de cette constitution
jj^uerrière que nous avons vu les Roussillonnais et les
Catalans résister, avec leurs simples ressources, aux
efforts des armées régulières que la France envoyait
contre eux.
Dans le traité de Péronne , par lequel Louis XIII
acceptait le titre de comte de Barcelone, il avait été
(lit que la Catalogne lèverait, pour tenir lieu du
someten général et du droit d^host et de cavalcade ,
un corps de cinq mille hommes d'infanterie et de cinq
cents chevaux qu'elle entretiendrait jusqu'à la fin delà
guerre. Le Roussi lion restant français par la paix des
Pyrénées, le contingent qu'il devait fournir à ce corps
de troupes catalanes fut oi^anisé en lui régiment qui
porta d ahord le nom de royal-Mazarin , et qui prit
ensuite celui, plus convenable, de royal-Roussillon.
Kn 1695 la portion de milice fournie par la ville de
Perpignan fut organisée en un régiment de deux
hataillons, ou vingt compagnies de cinquante hommes,
dont les capitaines étaient choisis par les consuls
|)armi les chevaliers et les citoyens nobles : le premier
(!onsul, qui avait toujours été le chef de la population
armée de la ville, continua à être colonel de ce régi-
ment urbain. Cette organisation fut confirmée par des
ordonnances rendues le 10 novembre 1733, le i3de
janvier 1 ql\Z et le i*' mai 1766. La première de ces
ordonnances rendit à celte milice le nom de someten
de Perpignan, et lui donna pour lieutenant-colonel un
kbU LIVKË QLATRIËME.
citoyen de la première classe. Son drapeau portait pour
devise : régi suo semper Jidelissima. On organisa de la
même manière un somcten des autres milices de la
province , qui furent réparties en trente-quatre com-
pagnies , pour la garde des huit places fortes du Rous-
siilon^ Ce someten était tenu de marcher au cri
public fait par Tordre du capitaine générai de la pro-
vince. Quand ces milices remplaçaient dans les forts
les garnisons de troupes réglées appelées à Tarmée,
elles leur étaient assimilées et recevaient la même
paye qu'elles.
Anne de Noailles, fds de François de Noailles, comte
d*Ayen, qui avait été gouverneur général de Roussilion
et pays conquis, depuis la révolution de Catalogne,
fut nommé gouverneur général de la nouvelle province
de Roussilion, le i* février 1 660, et créé duc et pair
en décembre 1 663. Avant donné sa démission de ses
charges et dignités en faveur de son fils , Anne-Jules,
ce gouvemenient passa sur la tête de celui-ci, qui, en
1 697, le transmit de la même manière k Adrien-Mau-
rice, son fils. Le gouvernement de Roussilion se per-
pétuant ainsi dans cette famille, le duc d*Ayen, depuis
duc de Noailles et maréchal de France , fils d' Adrien-
Maurice, en obtint à son tour la survivance le a fé-
vrier 1718, <^ Tàge de cinq ans, et le conserva jusqu*^
la révolution.
* f> M»nt : Otlliourc. \v fort Saint-KInio, Bellogarde, le fort Avs
Hain». Prat»-df-Mollo. Saltot. Villefrancbeel Monllouîs.
CHAPiTAË SIXIEME. 455
Sous le gouverneur général , il y avait un capitaine
^cnéral ou commandant de la province, qui fut d'abord
un sieur de Chouppès, remplacé en 1 66 1 par le sieor
(leChàtillon^
Trois ans s'étaient écoulés depuis que le Roussillon «ee^.
était devenu finançais, et toutes les branches de lad-
niinistration publique étaient organisées. Des grandes
familles du pays, les unes, voulant se maintenir sous la
domination de TE^pagne , avaient transféré leur do-
miriie de Tautre coté des Pyrénées , les autres s'étaient
soumises à vivre sous le régime français. Celles-ci
devaient jurer d'observer les lois de leur nouveHe
patrie : la première de ces lois était la fidélité.
Louis XIV exigea ce serment , qui fut reçu le 3 du mois
de décembre 1 663 , par le viguier de Roussillon, pour
les familles nobles de Perpignan^. A cette époque,
Louis , débarrassé par la mort de Masarin de la tutelle
des premiers ministres^, ne gouvernait plus que par
lui-même.
* Les autres commandants de la province furent, les sieurs de Chas-
5CT011 , en 1 68 1 ; de Quinson , en 1 698 *, de Fimarçon , en 1 7 1 3 ; de
(^ylas,en i73o;de Rocosel, ea 1 ^36 ; de CJmsIfiim , en 1739; d'Ao-
•^icr, en 1742 , et de MaiUy en 1749.
' Voici la formule de ce serment : t N. ha promes de ser bon y fael
« vassal del rey nostre senyor chrutiani$sîm,^que Deo guarde, y de no
* prendre diners ni aoceptar dadÎYas ni gratificecions de ningns princeps
• t'orasters, sens expressa licencia de dite S. M. y que donin toit tôt
« avisos que sabra que saran contra sa corona, ab officiais de dita S. M. »
( irch. Dom.)
^ Mazarin était mort le 9 mars 1661 .
'jfîO LI\UK QUATRIEME.
Cette même année 1 663 , périt à Perpignan , de la
main du bourreau , la femme de François de Foix et
de Béarn , lune des branches de la maison de Foix et
de Caudale, établie en Roussillon depuis Louis XP.
Cette dame , accusée d*avoir fait assassiner son amant,
de qui elle avait éprouvé un sanglant outrage, fut dé-
capitée sur la place de la Loge. Elle avait supporté la
question sans rien avouer, et ne lutcondamnée, dit-on,
que sur des indices assez vagues et qui n étaient point
assez probants-.
i6ft&. Le mariage de Louis XIV avec Tintante Marie-
Thérèse était une des conditions du traité des Pyré-
nées : cette alliance , recherchée dans des vues inté-
ressées , ne pouvait pas présager aux peuples un long
repos. Bien qu avant de consentir à cette union,
TEspagne n*eût rien négligé pour faire renoncerlajeune
princesse à toutes espérances sur Théritage paternel;
comme au moment où on lui avait fait signer ces re-
nonciations Tiiifante était mineure, et que les engage^
ments pris de cette manière étaient nuls devant la loi,
le roi de France n avait pas manqué, dèsqu^il fut son
époux , de protester contre la violence de lautorité
paternelle sous Tenipire de laquelle les renonciations
avaient ctr signées. Philippe IV mourut le i 7 septem-
bre 1 ()65 , laissant son M*eptrè i^ Charles II, son fils,
qui avait à peine complété sa quatrième année. A la
' liiisf-h, TUoU dr hnnnt . |i j i .~>.
' \ii>tliiit'. Il nt. ijrnraitHnquf, ti»n\ III.
lur.
CHAPITRE SIXIÈME. ^57
nouvelle de cette mort, Louis s'empressa de réclamer
la reconnaissance des droits de sa femme à la souve-
r;uneté du Brabant, qui d après les lois particulières du
pays devait revenir au premier des enfants de Philippe
«^ l'exclusion de ceux du second lit. La royale veuve ,
Marie- Anne d'Autriche, régente du royaume d'Espagne,
refusa de reconnaître ces droits, et Louis se prépara
h les soutenir par les armes.
La guerre qui commença en 1667 se fit principa-
lement dans les pays contestés; ce ne lut qu'accessoi-
rement qu'elle s'étendit aux firontières des Pyrénées.
Le jeune roi de France , à la tète de son année, et sous
la direction du vicomte de Turenne, débuta par la
prise de Charleroi , et fit de rapides progrès dans le»
Pays-Bas. Du côté du Roussillon, l'attaque vint des
Espagnols. Au mois d'août le duc d'Ossuna, vice-roi
de Catalogne, sortit dePuycerda avec quelques troupes,
traversa le Gonflent et le Roiissillon dégarnis de soldats,
soumit les bourgset villages ouverts, et se porta devant
Bellegarde. En novembre 1668 il y eut entre les ««««
paysans du Vallespir et les Français une affaire assez
vive , mais qui n'était que la suite de mouvements sé-
ditieux qui avaient éclaté au mois de mai de l'année
précédente, et auxquels avait donné prétexte l'impôt
sur le sel , qui , par les constitutionf de Pèdre II et de
Jayme II, ne pouvait pas avoir lieu dans la Catalogne
(»t les doux comtés.
Daii.s relte première émeute du mois de mai, les
'158 LIVRK QUATRIÈMl*:.
paysans s*étaient bornés à tuer quelques employés des
gabelles, du coté de Ranyuls; mais quand le vice-roi de
Catalogne eut pénétré dans le Roussillon, et que ces
paysans se sentirent appuyés par leurs anciens com-
patriotes , à qui ils n*avaient pas encore eu le temps de
devenir étranger et avec qui ils ne cessaient eui-
mêmes dt* faire cause commune, ils se réunirent en si
grand nombre dans le haut Vallespir , que le gouver-
neur de Roussillon dut marcher contre eux avec les
troupes delà province.
Ce gouverneur était François de Sagarra , premier
président à mortier du conseil souverain de Roussillon,
personnage qui jouissait auprès du roi de France de la
confiance la plus illimitée, et dont le nom, objet de
terreur à cette époque, est encore aujourd'hui une
sorte d*épouvantail dans les montagnes. Ce Sagarra,
était lun des Catalans qui avaient embrassé avec le plus
d ardeur le parti iran<;ais , â la révolution de la princi-
|)auté. Son audace, sa bravoure, son activité lui avaient
acc[uis, dans la guerre de localité qui suivit Tinsur*
rection de la Catalogne contre la France, une répu-
tation que Louis XIV signalait lui-même dans ce
préambule d'une de ses commissions : «Notre amé
« conseiller François de Sagan*a , écuyer, dont la pru-
« d(^nce et Thabileté, ladresse et force dame, la fidélité
(I et la probité nous ont été assez démontrées par les
« snvicrs utiles et (*onslaiits rendus à nous et À la
«•patrie, toutes les lois que f occasion s en est of
CHAPITRE SIXIEME. 459
« l'tTte, etx: . ^ w Cest à ces qualités éprouvées que Sagarra
avait dû d être choisi pour remplir le poste délicat de
gouverneur, au moment où, la Catalogne se trouvant
replacée sous Tobéissance du roi d'Espagne, le Rous-
sillon s efforçait d'y retourner lui-même, et où Thomas
(le Banyuls , son prédécesseur, venait de trahir la con-
fiance du monarque français, en usant de Tautorité
dont il lavait revêtu pour soulever le Roussillon contre
la France. Des rigueurs ayant dû être déployées pour
retenir danslasoumission les peuples des deux comtés,
Sagarra avait été placé à la tête du conseil royal pour
la poursuite des rebelles, charge quil cumulait avec
celle de gouverneur^. Cest en cette dernière qualité
qu*en 1 668 il marcha, h la tête d*un millier de fantas-
sins et de quelque cavalerie, contre les paysans
insurgés du Vallespir. Ces paysans étaient à Prats-de-
MoUo , dont ils gardaient les avenues. Au défilé du
Pas-du-Loup ils fondirent sur la troupe de Sagarra ,
dont ils tuèrent une partie et forcèrent Tautre à se re-
plier, d abord sur Gorsavi , ensuite sur Arles , où ib la
tinrent enfermée pendant neuf jours. Au bout de ce
temps, Sagarra, obligé de capituler, convint avec les
pay sans que la gabelle ne ferait , à lavenir, aucune
recherche dans le Vallespir, à partir du pont de Céret,
' Arch. Dom.
* Le gouverneur particulier du RoQstiUon était en même lempa
vicc-g^raot du gouverneur général des deux comtés, et on le trouve
également désigné sous Tun ou Tautre de ces titres. Voyex aux Preuves,
n^\VI.
'jGO livre QUATKIÈME.
et que les communes se chaîneraient eiles-mêines de
larhat du sei à un prix modéré, pour le distribuer
ensuite aux habitants^ Le traité d*Aix-ia-Chapelle vint
mettre un teiine c^ rcttc guerre des deux nations, dont
les résultats pour la France furent la conservation des
conquêtes faites dans les Pays-Bas.
•670- De nouveaux troubles éclatèrent encore dans le
Vallespir en 1 670, toujours k Toccasion des gabelles.
Un certain Just, de Prats-de-Mollo, avait été arrêté;
aussitôt les paysans coururent aux armes, et au
nombre de cinq cents ils entrèrent dans cette ville,
sous la conduite d*un nommé Joseph Trinxeria. Le
gouverneur de Prats-de-Mollo, menacé par ces furieux,
s*était retiré dans Tég^ise avec la garnison , bien résolu
de s*y défendre, lorsqu'un incident imprévu vint
tennincr brusquement cette échaulfourée. La femme
el les enfants de ce gouverneur tombèrent au |>ouvoir
de Trinxeria, qui proposa de les échanger contre
Just. Cet échange fait , les paysans quittèrent la ville
et rentrèrent cliez eux ; quant h leur chef, ne voulant
pas s'en tenir h cette courte expédition, il réunit
environ quinze cents mécontents avec lesquels il
descendit k Céret et fit prisonnière une compa-
gnie de cavalerie qui s'y trouvait. IJne première
tentative pour délivrer ces prisonniers ayant échoué,
le commandant de Koussillon (*nvovu contre Trin
xcria le marquis de Chanu'lh avec quatre mille
' hVIiii (le la iVn.i.
CHAPITHK 8IXIÈMK. /|f)l
lioinincs^ qui forcèrent cette bande à se disperser.
IVinxcria passa en Catalogne, où il se fit bientôt un
nom fonnidable.
Les Hollandais , dont la prospérité commerciale et
les grandes conquêtes dans Tlnde avaient singulière-
ment enflé la vanité, étaient devenus d^une fierté
insupportable à toutes les autres puissances. Les
évoques de Liège et de Munster, ayant eu avec eux
quelques démêlés, s*étaient alliés avec le roi de France,
qui, de son côté, avAit à venger son amour-propre
(Tu(»llcment blessé par lorgueilleuse allégorie d une
médaille frappée pour Tinsulter. Non moins choqués
du ton d'arrogance de cette république, Tempereiur et
le roi d'AngleteiTe promettaient au roi de France de
rester neutres, et siu* ces assurances Louis avait com-
mencé les hostilités en 1 67a. Mais la grandeur de la ,67,.
France inquiétait encore plus les autres puissances
européennes que la fatuité de la Hollande. L*Elspagne ,
rompant la première la neutrahté , s*était alliée avec
cette république, et avait ainsi jeté les fondements
d'une nouvelle coalition que lempereur s*empressa de
nouer. Une ligue formidable fut donc signée entre
IVmpire, TEspagne, la Hollande et le Brandebourg.
I^a guerre de la France avec ces puissances commença
en octobre, et s étendit sur les frontières du Roussillon,
que TEspagne cherchait à recouvrer.
Quelques villes avaient été brûlées parles Espagnols
■ Folin dp In Pena. O nombre de quatre mille nous semble exagéré.
«o ..
462 LiVRK QUATRIEMK.
dans la Flandre française; on voulut user de repré-
sailles en Catalogne , et, le 6 de novembre , un corps
de trois mille fantassins et de sept cents chevaux, sous
les ordres du lieutenant général Le Bret, entra en
Ampourdan. Le dur de San German, vice-roi de Ca-
talogne, se porta sur Figuières avec huit cents chevaux
et quelques compagnies de paysans de la viguerie de
Gironc. Après quelques escarmouches assez meur-
trières, les Français rentrèrent en RoussUlon, bornant
toute leur expédition à Tincendie de la Jonquière et
de la Venta-Nova , hôtellerie voisine.
Depuis que les Catalans avaient secoué cette domi-
nation française qu*ils avaient sollicitée à si grands cris,
leur haine contre leurs voisins semblait s être accrue
de tout le dépit qu*ils ressentaient de les avoir appelés
comme libérateurs. La campagne si insignifiante de
Le Bret en Ampourdan eut les conséquences les plus
funestes. L*incendie de deux bicoques n*était rien en
comparaison des dévastations cpie conunettaient les
Catalans sur le territoire (rançais, dans toutes lem*s
incursions ; cependant ces peuples furent si outrés du
désastre de la Jon(|uière , que les paysans jurèrent de
se venger sur tous les Français c|ui tomberaient entre
leurs mains.
.(i;-. Le mois de mars de 1 67I vit échouer une conspi>
ration dont Tobjet était de rendn* le Roussillon h
TKspafçne. Sur le prétexte que Philippe n'avait pas K»
droit d'aliéner les deux rointft*s, ce qui était vrai, et
461 LIVRK yiîATlUEMK.
Icttirs (ie sa maîtresse, aiin de ménager sa réputation,
et celle -ci pour les avoir écrites : c'est toute la ré-
compense qu'ils recurent. Remis en liberté quinze
jours après, Courte rejoignit son régiment; quant h la
malheureuse jeune fille, flétrie dans Topinion, dés-
honorée publiquement, et déchirée par la pensée
qu'elle avait donné au bourreau la tête de son frère,
elle alla ensevelir dans un couvent sa honte et ses
remords'.
Le village espagnol de Massanet, situé au revers des
Pyrénées, à trois lieues de Cérct, était devenu la place
d*armes des miquelets''' catalans, dont le nombre était
très-considérable, et qui étaient la terreur de toute la
frontière. Lue première tentative contre ce village,
faite au mois de décembre précédent par Le Bret, et
d'autres tentatives renouvelées en janvier et février,
n'avaient «u pour résultat que la perte d'un grand
nombre de Français tués dans les diflerentes ren-
contres, ou froidement égorgés par les paysans. Les
' Ce qui se rapporte î\ cette con>piratioii est contenu très en détail
dans un petit ouvrage intitulé, lirlalion dr ce qui irst passé en Cata-
logne» |)ar un officier de rarmée, qui rend compte des campagnes de
167S et 1676. NouH en avon!« extrait ce que nous rapportons.
' 1^ nom de miqurirts, iDtro<luit dans le xvi' M^cie, parait venir
fl'un certain Michel Miquelot de Prats, compagnon de César Rorgia.
duc de Valentinoi^, qui s'était rendu f'amcui à Naplesdansce geiirr de
guerre de partisans, deu^ne aujourd'hui sous le nom de garrilUu. Le
nom de miquritts fut d'abord donne aux |>aysans qui s'étaient \olon-
tain'ment joints à Miquelot, et on l'étenilit ennuite aux compagnies or -
^.lniï4'l•s en tirailleurs dr montagnes.
CHAPITRE SIXIÈME. ^65
ravages de ces paysans, k qui le soineten avait fait
prendre les armes, et qui ne se séparaient pas des
niiquelets, devenant un fléau pour la conlrée, le mar-
(juis de Rivarolles, gouverneur de Perpignan, et le
gouverneur du fort des Bains s'étaient concertés pour
faire en Ainpourdan une expédition qui pût y mettre
un tenue. Ces officiers passèrent en effet la frontière,
au commencement du mois d'avril; mais leurs moyens
étaient trop faibles contre toute une population en
armes : ils furent mis en déroute et éprouvèrent de
grandes perles. Rivarolles, entouré lui-même par les
paysans , et sur le point d'être égorgé , essaya de tenter
leur avarice en offrant de racheter sa vie pour une
forte somme d'argent, et il fut assez heureux pour
être écouté. Ce salut vénal fut le commencement du
rotom^ des paysans à des sentiments plus humains : ils
cessèrent les massacres, et reçurent à composition les
prisonniers. Le gouverneur du fort des Bains, qui
s'était caché pour échapper à une mort trop certaine,
se montra alors , et traita aussi de sa rançon : ce furent
là les premiers prisonniers faits par les paysans dans
cette guerre ^
' Feliii delà Pena,XXf, 3.
11 3o
466 LIVRE QUATRIEME
CHAPITRE VII.
Les Catalans en Roussîllon. — Bcllegarde et le fort des Buins.
— Défaite de Schombcrg devant Maurdlas. — Ravages des
miquelets. — Schomberg en Ampoiirdan. — Reprise de
Bellegarde. — Le maréchal de Noaîlles. — Défaite des Espa-
gnols. — Prise de Puycerda. — Éyéncracnts divers. — G>ns-
truction de Montlouis. — Le maréchal de Bellcfonds. — Trêve
de vingt ans. — Hôpitaux de Peq>îgnan.
Lo«ifXiv. La guerre entre la France et TEspagne a trop
**'*• souvent pris , de l'autre roté des Pyrénées, ce caractère
atroce que lui avaient rendu en 1678 les sometens
des montagnes de Calalogne, et que de nos jours nos
années ont vu se renouveler avec tant de férocité.
Après le sacrifice de bien des victimes, la barbarie
avait enfin cédé à la cupidité, et devant Tappât de Tor
le sang avait cessé d'élre froidement ré[)anriu. Les
grandes opérations militaires qui avaient lieu au nord
de la France laissaient le midi dégarni de troupes, et
les frontières du Roussillon continuaient h être à la
merci de ces paysans catalans, qui ne cessèrent dy
exercer leurs brigandages. Le duc de San Gem)an .
vice-roi de IJarcelone, travaillait à organiser une armée
pour entrer en campagne. Pan'enu à réunir, au moyen
de Napolitains, d'Allemands, d'Kspagnols un corps de
CHAPITRE SEPTIÈME ^67
liuil niilh» lioiiiinos d'iiifanterie et de deux mille rinq
cents chevaux, il traversa les Pyrénées par le coi de
Portel , et le i 7 mai il vint camper devant Maurellas ,
(|ui se rendit à l'instant. La garnison était de quatre
f-ents hommes, tant soldats que miliciens. San Ger-
nian retint prisonniers les premiers, les autres furent
renvoyés dans leurs foyers. Le lendemain ce vice-roi
passa le Tech et battit nos troupes , qui malgré leur
petit nombre s'étaient portées en avant. Le lieutenant
«général Le Bret tomba dans une embuscade oiiil pei*dit
beaucoup de monde et où il fut blessé lui-même d'un
coup de sabre. Le Boulon fut occupé le ao du même
mois, et ce jour-là San German envoya une partie
(le ses troupes bloquer le fort de Bellegarde.
Pendant que le gouverneur de Campredon, qui avec
les paysans de sa viguerie et quatre pièces de canon
s'étiu't présenté devant Prats-de-Mollo , était forcé à la
retraite, les paysans et les miquelets de Tannée du
vice-roi s'étendaient sur toutes les montagnes du
Vallespir, depuis les bains d'Arles et le Pertus jusqu'à
CoUioure , dans le double objet d'empêcher l'arrivée
de tout secours aux places de cette ligne, et de pro-
téger le passage de leurs propres convois : ce mouve-
ment eut lieu le 22.
Une batterie de neuf pièces de canon avait été
dirigée contre Céret. Trois brèches étant bientôt
ouvertes dans ses faibles murailles, et ces brèches
('tant assaillies à la fois par les Elspagnols, les Napolitains
3o.
468 LIVRE QUATRIÈME,
et les Allemands, cette ville dut se rendre. Les trois
cent soixante hommes qui la défendaient furent envoyés
prisonniers à Barcelone.
San German tenait à occuper Arles , afin de priver
le fort des Bains des secours qu*il en retirait. Aries
étant une ville ouverte , la conquête en fut facile :
quatre cents Catalans , sous les ordres de Manuel de
Lupia, y restèrent pour garnison; quant au fort des
Bains, où commandait un officier nommé de Brueili ,
bloque des le 7 de mai, il n'avait été complètement
investi que le a 3 , et depuis ce moment il ne s'était pas
passé de jour sans que les Français, en cherchant à y
introduire des secours, n eussent donné lieu à quel-
que escarmouche. Le transfuge Joseph Trinxeria défit
d'abord, h la tête des paysans, un détachement de
cinq cents hommes qui cherchaient h s'y jeter, et
s'empara quelque temps après d'un convoi de cent
quarante mulets chargés de munitions pour cette
place.
Le Roussillon était sinmltanément attaqué sur deux
points différents. Pendant que le vice-roi s'étahlissaif
dans le Vallespir, le gouverneur de Puycerda, à la tête
de sa garnison , de quelques milices et d'un certain
nombre de paysans du somet<»n, traversait la Cerdagne
française c(u'aucune place ne défendait encore , et des
cendait sur Villefranche ; mais avant d'arriver sous les
murs de cette ville , ^on avant-garde fut écrasée dans
une double embuscade que lui avait dressée le gouver
•I
CHAPITRE SEPTIÈME. ^69
lUHir français. Le gros de la troupe arrivant bientôt ,
il s'engagea un combat très- vif, qui dura depuis le grand
matin jusqifà midi, moment auquel ebacun se retira ,
laissant, avec la victoire indécise, un bon nombre de
morts sur le champ de bataille.
La prise du fort de Bellegarde , clef du Roussillon
et porte de la France de ce côté , était ce qui tenait le
plus à cœur au duc de San German. Trois détache-
ments de son armée furent chaînés d'en faire le siège.
Le premier, composé du régiment de la reine et de
d(Hix cents Catalans, fut posté au pied de la colline,
du rote du Roussillon; le deuxième, formé des Alle-
mands, s'établit sur la pente de cette même colline,
et le troisième , où étaient des Napolitains , resta de
fautre côté, sur les terres d'Espagne; le reste de l'armée
«onserva ses positions entre Maurellas et le Tech.
Le général de l'artillerie espagnole, don François
de Velasco, fit commencer le feu de ses batteries te
S\ mai; ce même jour le commandant du fort»
juj^eant le point occu|)é par le régiment de la reine le
plus ac(*essible à une sortie , s'y porta avec une partie
(le sa garnison, et rentra presque aussitôt dans la place.
Le résultat de cette entreprise, que n'avait suivie ni
succès ni revers, et que la suite prouva n'être qu'unç
démonstration pour sauver l'honneur du drapeau , fut
de faire renforcer ce côté par quelques détachements de
plus. Celle augmentation de moyens de résistance sur
ce |)oint n'empirait en aucune manière le sort de la
<|70 LIVRE QUATRIÈME.
place; cependant elle jeta ralarmedansrânie peu élevée
de son gouverneur, qui ne prolongea pas plus long-
temps sa défense : le 6juin il se rendit, sous la condition
de retourner à Perpignan avec sa garnison. Cette
conduite déshonorante fit mettre en jugement cet
ofiicier, qui en fut quitte pour un an de prison; son
lieutenant se sauva en Espagne.
Maître d*une forteresse qui lui donnait les moyens
de garder les passages des Pyrénées sans être obligé
d'en rouvrir de monde toute la crête , le vice-roi con-
gédia les somctens et envoya au siège du fort des Ikiins
le régiment de la Chan1berga^ avec le corps de Napo-
litains que commandait Jean Pignatelli. La tranchée
fut ouverte devant cette place dans la nuit du 5 au <>
juin. Pignatelli, blessé dès le premier jour, mourut h
Cércl, où on favait transporté.
IjC comte Frédéric de Sciioinhci^, diiVérent des
maréchaux de Schomber;^ ducs dlialUin père et (ils-,
nommé au commandement de larmée cpron rasseni-
' Lt> intin'<-lial de S<-|iuinlior^ ji\ait inlnMluit rii>ug(' tl'tiiii* cauc^iic
qui ('f»u\niit l«r soldat jiis(|ira ut j^ftioiix, vi qiur 1rs Kn|»«igiiol!( avaîrnl
adopU'C |M)iir i'<is«ii,sur un di* Iriiis rririnioiitii; c*c»t de ct'ttr caMqiir
qu'il p<irtdit le luiiii di- nyinuitt Jt la (Ihamhinjti. ht' rui C'JiarIrs 11
donna ri'tir lui'niir custiqur à qiiil(|ucs-iiiis de ses ganle» Keliu «le hi
PefiJi.
' (W f-iiuite di> .SclioinbiT:; ' Kn*flf rir-Nrniaiid ) ir«'tait |itis dr la
nifino taniiilr qu« !<■» au tirs Silioiidtrr|^-d llallwin. < «Mu-d •'laieiit
«•ri^inaiM's di- la \li^nil- t'I i-.itliiilii|ii( s, l'aiitri' <'|jii dr Tn'\fs vt |>rii-
tt'shiiil. l.f- i-nuur t\v N litiiiilicii' hil iiiissi l'.iil iiiari-i liai dr Kiann-,
iiiai^ d dut s'>iiir «lu ro^iiniiM quand «.i irli'^inn y lui |HT»iriilc('
CHAPITRE SEPTIÈME. 471
bluit en Roussillon, avait établi un camp de i autre
coté de la Tet , en face de Perpignan , pour y organiser
ses levées. Au milieu du mois de mai la force de ce
camp n'était encore que de neuf mille hommes; ce
nombre étant parvenu à celui de douze mille fantassins
et trois mille cavaliers, par la réunion de trois régi-
ments qui formaient les garnisons de Perpignan et du
fort de Salscs , et par l'arrivée de quelques nouvelles
levées de Languedoc et àe Roussillon, Schombeig,
dans la vue de faciliter l'arrivée de quelques secours
au fort des Ikins, qu'il savait aux abois, se décida à
risquer une attaque contre les Espagnols. San German
s empressa de rappeler les sometens aux armes.
Les Français se présentèrent le i o juin devant les
espagnols, près du village de Saint-Jean-Pla-de-Cort» ^
\( cueillis parle feu de deux pièces de canon chaînées
("i halles de mousquets, qui commencèrent à jeter le
désordre dans leurs rangs, ils hirent dispersés parla
cavalerie, et forcés de se retirer derrière le Tech, où
San (jerman n'osa les poursuivre. Le lendemain le
vice-roi jugeant nécessaire de renforcer des détache-
ments et de l'artillerie qui se trouvaient devant le fdrt
des Bains et à Céret, ses lignes de Maurellas, que rien
<*ependant ne menaçait, les rappela, et par cette ma-
^ L<.' château de Saint-Jean-Pla-de-Corts fut bâti par BérengerCas-
telai) , Sybile, sa femme et Hubert d* Arles, en vertu de la perroission
f|oimé<> par Alphonse II, le it juin 1188. Ce village s^appelle aussi
Siint Jean-de-Pag^s, du nom d'un de ses anciens seigneurs.
■1
'i72 LIVKE QUATRIÈME.
iiœuvre dégagea ce fort, qui en était aux dernières
extrémités : r est ainsi que Taction de Schomberg im-
posant aux Espagnols , Tobjet qu*il s'était proposé se
trouva rempli et le fort des Bains fut sauvé. Cette place
n'était pas mieux approvisionnée que celle de Belle-
garde, mais elle avait ce qui manquait àlautre, un
homme de cœur pour commandant.
Le 3 3 juin Tarmée française investit Saint-Jean*
Pla-dc-Corts, qui se rendit au bout de vingt-quatre
heures : cent cinquante soldats qui en formaient la
garnison furent conduits nus et garrottés à Perpignan,
sans qu'on sache ce qui leur attira un traitement si
ignominieux'. Ici fannaliste Feliu de la Pena, dont
l'aveugle haine contre les Français ne peut être égalée
que par son excessive superstition, se récrie aver
raison contre cette conduite de Schomberg; mais cet
écrivain n'a pu trouver, quelques pages plus haut, un
seul mouvement de pitié en faveur des Français dont
il nous apprend lui-même le massacre par les paysans
catalans : déploi*able t'iTet de cette passion dans laquelle
une sotte vanité nationale entmine l'historien, qui ne
veut voir de Thonneur, du courage ou de la probité que
chez ses compatriotes. Le duc de San German envoya
au générai français un trompette, pour se plaindre de
cette sévérité réprouvée par les lois de la guerre. Dans
I I«(>MMil Feliu (lf> la l'cna parti' ilr rettr circonMaiicr. nmiiiio !u*ui
auui il iiiiii» a appris l*> iiiasMcn* t\v% priMiuiiirrs Iran vais |»ar lc>»
i>avsans cdUlaii»
CHAPITRE SEPTIÈME. 'i7.>
rignorance où nous sommes des raisons qui firent in-
I1iger<^ des ennemis vaincus un traitemcntsi humiliant,
nous ne pouvons savoirjusqu à quel degré cette action
(le Srhomberg peut mériter le blâme. Schomberg était
homme dlionneur, et il ne se serait pas permis un
acte si contraire au droit des gens sans de graves
motifs. Nous soupçonnons que ces prisonniers étaient
des Roussillonnais transfuges, contre qui le général
était en droit de sévir : la conjuration, déjouée trois
mois auparavant, la présence de Trinxeria et des
paysans du Vallespir dans le camp ennemi, autorisent
puissamment cette conjecture.
Schoml)erg tomba quelques jours après dans un
piège que lui tendit San German. Le bailli de Céret
était venu lui dire qu'il lui apportait les clefs de sa ville,
(fuo les Espagnols venaient d*évacuer parce qu'ils ren-
traient en Catalogne. Dans la nuit du 27 juin ce
générai fit prendre les armes k son armée, et à la pointe
du jour on aperçut en effet des mulets défilant vers
le col du Pertus. Le Bret, chargé d aller occuper Céret
et d'inquiéter farrière-garde espagnole, traverse le
1Vch (*t s'engage dans les ravins , où Tattendaitrinfan-
lerie espagnole , couchée à plat ventre pour n'être pas
aperçue. A Texception des trois régiments tirés des
garnisons de Perpignan et de Salses, qui étaient de
vieill(\s troupes, tout le reste de l'armée française ne se
roin posait (|ue de recrues qui n'avaient auciuie idée
dr la guerre. Surpris de cette altiique inopinée, res
/i74 LIVRE QUATRIÈME.
jeunes soldats ne surent pas tenir tête, et le désordre
se mit dans tous les rangs. Schomberg marche au
secours de Le Bret avec toute son armée, et une action
générale s'eng-age. Laile gauche des Espagnols com-
mençait à (léchir ; San German la renforce de quelques
escadrons, et, par ce secours donné à propos, décide
l'avantage de ce côté. A laile droite la victoire s'était
diijà prononcée en faveur des Espagnols, qui forcèrent
les Français de reculer jusqu'à leur place d'armes. Â
la vue du désordre de son année, Schomberg fit sonner
la retraite, et, réunissant autour de lui tout ce quil y
avait de phis brave et de plus résolu dans ses troupes,
il fit boinie contenance pour donner le temps aux
soldats débandés de rentrer dans le camp, et pour
arrêter San Cennan, qui en eil'et n'osa pas passer outre.
Les Français, dans cette malheureuse aflaire, eurent
beaucoup de morts et de blessés , et [)armi les pri-
sonniers se trouva Charles de Schomberg, fds du
général ; six cents chevaux , un grand nombre de
mulets et une bonne partie de fartillerie française
tombèrent nu pouvoir des Espagnols', lin officier de
l'armée française témoin de cette baUiiile, et qui a écrit
la n^lation «l'une partie des événements de celte guerre,
nous apprend <pie la panicpie fut telle parmi les nou-
\ elles l(*\res, (ju'elle donna naissance à des maLidies
<|ui (irenl périr plus de neuf mille de ces jeunes soldats
>ur onze mille '-. Tel fut It* résultat de la trahison du
CHAPITRE SEPTIÈME. ^75
hailli de Céi^et. Plu& tard, quand les Français rentrè-
rent dans cette ville, les habitants, qui craignaient que
pour les punir de cette perfidie le général ne fit in-
cendier leurs maisons, se rachetèrent de tout chàti-
nient au prix d'une somme d aident. Le duc de San
German profita de sa victoire pour pousser jusqu'au
Tech ses lignes de Maurellas, et il construisit entre
Céret et ce fleuve un petit fort pour en défendre le
passage.
I^a fcte du roi de France, célébrée dans le camp
français, le a 5 août, par des décharges de mousque-
terie et d'artillerie à poudre, attira pour réponse, du
(*anip ennemi, des décharges k boulet qui firent beau-
coup (le mal. Ce camp français, établi à Saint-Jean-de-
Paf^cs depuis le 1 6 juin, était placé d'une manière si
délavorahle, que les armes espagnoles, qui portaient
alors plus loin que les nôtres, tuaient du monde à
<'haque coup, sans réciprocité de notre part^
Louis \IV, pour opérer une diversion favorable k
Schomberg, avait résolu de faire attaquer Barcelone
par une armée navale. Vingt-deux galères parurent, k
la mi-aoùt, devant Roses, où elles devaient attendre
le reste de la flotte. Un chef d* escadre andalousien
voulut, dit-on, livrer à cette escacire le fort du Bouton,
(juil ( oumiandait. Dans cet infâme dessein, cet officier
s'était embarqué mi soir dans un bateau pour joindre
lesi ^'alères; mais, ne pouvant > parvenir, il se réfugia
' IV Câisscl, lielaiiaii Hf ce qui s'est passé en CsdalogM.
/i76 LIVRE QUATRIÈME.
au monastère de Saiiit-Pierre-de-Rodes , où il fiit
arrêté : reconduit à Roses, il y fut fusillée
L*année navale de France, après avoir opéré sa
jonction , se trouvait forte de vingt vaisseaux et vingt-
cinq galères. Assaillie par une violente tempête devant
Tenibouchure du Llobregat, le 3 septembre, elle fîit
forcée de s*éloigncr des côtes de Catalogne; et ce même
jour, fatal aux Français , Schombei^ échoua dans une
nouvelle tentative contre les lignes de Maurellas. Ce
général avait fait attaquer en même temps le fort qui
défendait le Tech et le retranchement qui couvrait le
pont de Cérct, pendant que de forts détachements
marchaient vers le col de Banyuis pour attirer de ce
côté une partie des forces de Tennemi : aucune de ces
opérations ne réussit'-^. Quatre jours après, surla nou-
velle d*un débarqu<'nicnt de cinq mille hommes de
renfort pour l*armée de San Gemian, conduits à Barce-
lone parTaniiral hollandais Tromp , Schomberg aban-
donna SCS positions et cantonna ses troupes h Perpi-
gnan, Elne et Viilcfranrhe^. San German ne quitta
Maurellas i\uv le i 7 octobre ; il retourna h Barcelone
après avoir établi de fortes garnisons h Bellegardc, A
Agullana et h la Jonquière.
Le temps que les deux années avaient passé k
' tVliu (le la Pena.
' IhiJfm.
^ IV raiskNcI iloiHie |N>ur ruiMm du ilt'*|>art do Schdiiiber}* le hruil
qni cituriil dans \v ranip. que les lvi|ia^iiitU ullaient a5»k*gor (k>llioiin'.
^ï
CHAPITRE SEPTIÈME. t\ll
s'obsei'ver sur les bords du Tech avait été employé
par les paysans et les miquelets k dévaster toute la
partie française de la Cerdagne. Schomberg désirait
de mettre un terme à des déprédations qui rendaient
inhabitables toutes ees montagnes. Convaincu que la
force ouverte ne pouvait rien contre des bandes qui se
trouvent partout et qu'on ne rencontre nulle part quand
on les poursuit, qui disparaissent à mesure qu*onse
pn'sente pour les combattre, et se portent rapidement
sur un autre point qu'elles dévastent, pendant qu'on
cherche à les surpendre à Tendroit où on les supposait,
il avait voulu leur faire tendre des pièges par don Juan
de Ardena , général de sa cavalerie ; mais cet officier
donna lui-même dans une embuscade, à son arrivée en
Cerdagne , et fut tué de la main même du chef de ces
guérillas , le nommé Lambert Mènera , bailli de Mas-
sagoda ' .
Les fortes armées que la France était dans la néces- 1675.
site d'entretenir dans les Pays-Bas ne lui laissaient pas
les moyens de renforcer celle de Roussillon; les Elspa-
gnols, au contraire, alliés des Hollandais et des impé-
riamc, alors les nations les plus belliqueuses de l'Europe,
pouvaient mettre sur tons les points de leurs frontières
des forces imposantes, et s'assurer de cette manière
une supériorité décisive en nombre « en expérience et
' De Caissel dit qae plusieurs villages de la Cerdagne, qui n avaient
pas fait leur soumission, furent rois au pillage par Tordre de Schom-
berg, resté à Oletle.
478 LIVKK Ql'AThlKMK.
en habileté. Cet état de choses, qui avait duré jiisqu*à
rautoinne de 167/1, cessa lorsque Messiiie, se révol-
tant contre TËspagiie et réclamant le secours de la
France , Charles II dut à son tour affaiblir son armée
de Catalogne pour renforcer ses troupes de Sicile. Le
ternie des prospérités des Espagnols était donc arrivé
avec Tannée 1675. A cette époque leur frontière
dégarnie fit passer de notre coté le même genre d'avan-
tage qui avait existé jusque-lji contre nous. Avant de
rien entreprendre, dans cette nouvelle situation des
années, Schomberg organisa quelques compagnies de
miquelets, pour les opposer, dans la Cerdagne et dans
le Vallespir, h ceux de Catalogne que commandaient
Trinxeria et le bailli de Massagoda, terreur et fléau
des contrées limitrophes, et dont le premier aurait
même une fois poussé ses incursions jusqu'aux portes
de Perpignan, s'il fallait s'en rapportera l'annaliste
catalan ^
L'opération la plus importante de la cumpagne,
d'après le nouveau plan que traçait la force respective
des deux frontières, devait être la reprise du fort de
ik'llegarde, dont la possession, en assurant aux Espa-
gnols la libre traversée? des Pyrénées, leur donnait un
avantage immense. Cette place, déjà tivs-forte jïar son ^ >^
assiette sur le sommet d'une colline isolée et conique,
était encore défendue par une nombreuse garnison,
et pouvait être secourue facilement du coté de la Jon
' Félin ilr la Prna.
CHAPITRE SEPTIÈME. 'i79
qiiière. Pour s*en rendre maître, il fallait d abord
l'isoler de l'armée espagnole : Schomberg commença
par s'établir dansTAmpourdan. Les passages du Pertus
et de Panissas lui étant interdits, et trouvant le col de
Porte! couvert de paysans armés , il se décida à passer
par le col de Banyuls, el prit ainsi à revers toute la
cliaîne des Albères. Ce passage s'efTertua le 9 mai. Les
Albères furent remontées du côté de TAmpourdan, et
l'armée française assit son camp entre AguUana et la
Jonquière.
A la |)remière nouvelle du mouvement des Français,
le duc de San Grmian s*était porté sur Hostalric; mais
(|uand il vit Scliomberg établi dans TAmpourdan, il
passa à Cirone avec son armée, ne laissant en obser-
vation à Pont-de-Molins, que deux mille fantassins et
sept cents cavaliers, sous les ordres de GuiUem Cascar.
Le 1 2 mai Schomberg marcha sur ce corps d'obser-
vation , dont la retraite le laissa maître de Figuières et
de toutTAmpourdan. Bascara^dont San German avait
fait sa place d'armes, ne tarda pas elle-même à ouvrir
ses portes. L armée française se porta ensuite sur les
bords du Ter, dont San (îerman occupait la rive
droite. Une première tentative pour traverser cette
rivière ne réussit pas; une seconde fut plus heureuse :
les retranchements des Elspagnols furent forcés; leur
cavalerie se réfugia dans les montagnes , et leur infan-
terie alla s enfermer dans Girone.
I/intention deSchombergn étaitpas de faire le siège
m) LIVRE QUATRIÈME.
de cette place ; cependant s'en voyant si près il s'y
arrêta, et le lendemain il s'empara de quelques ou-
vrages extérieurs. Un fort construit en pbnches et un
autre avec des fascines furent enlevés, et la demi-lune
de Saint-Lazare éprouva le même sort, après une vive
résistance dans laquelle les deux partis perdirent bien
du monde. Du côté des Espagnols périt le célèbre chef
de guérillas, Lambert Manera, bailli de Massagoda.
Après avoir obtenu ces succès, il semble que Schom-
berg aurait dû persister dans ses attaques, qui auraient
amené infailliblement la prise de la ville; il nen fit
rien : il évacua les positions dont il s*était emparé , et •
sans qu on sache par quel motif, il se retira à Ve^gès^
où il passa tout le mois de juin dans Tinaction. En
juillet il s'occupa de Bellegarde.
Il n'était pas donné h ce château de faire, dans le
cours de cette guerre , une honorable réputation aux
capitaines des deux nations chaînés de sa défense.
Quoiqu'il ne fût pas très-bien approvisionné, il avait
neuf cents hommes de garnison et pouvait résister
jusqu'à ce que San German eût pu réunir assez de
forces pour venir le délivrer : ce vice-roi estimait qu'il
pouvait tenir un mois. Vn renfort qui devait arrivera
cette garnison ayant été surpris et repoussé, le a 5 de i^
juillet, quatrième jour du siège, le gouverneur capitula. -, ^
C'est bien à tort que quelques écrivains ont cité cette
' Dr Caiftsf.l, dans m Relation , dit que rctte attaque n*avait eu pour
objet que d accoutumer les loldata au feu.
CIIAPITUE SEPTIÈME. /|8I
rapide c!oiujueto des Français ronmie un fait glorieux :
il lie saurait y avoir gloire d un côté quand il y a eu
lâcheté de l'autre. Vingt-cinq miquelets roussillonnais
transfuges étaient partis de ce fort deux jours aupa-
ravant à travers les rochers, et par un des articles de
la capitulation trois personnes masquées eurent la
Ihculté de sortir avec le gouverneur sans qu*on pût le»
arrêter ni les voir au visage ^
La chute de Bellegarde rendait aux frontières du
Roussillon leur sécurité, et à Tannée française la liberté
( rentrer en Catalogne sans obstacle. Schombeig
ramena son armée en France pour l'y laisser reposer
pendant les grandes chaleurs, et, en passant, il fit
enlever par un détachement le vieux château d'Ultrera,
situé au haut d*un rocher, et dont les Espagnols s'étaient
emparés Tannée précédente*. Au commencement de
^ De Caisse 1 , Relation de ce qui s'est passé en Catalogne.
' Nous trouvons dans un vieux manuscrit du temps Tanecdote sui-
vante, relative à la prise de ce château. Son gouverneur, don Diego
Rudor, a\ant été atteint et renversé sans connaissance, par le ricochet
«Tun projectile mort, son domestique, qui le crut tué, jeta Talanne
(tans la garnison, qui se rendit aussitôt, et fut prisonnière avec ion
gouverneur, très-surpris de cette lâcheté quand il eut repris ses sena.
A cette époque don François de Béam, seigneur de Sorède, était en
discussion de juridiction, au sujet du terri loire de U Pava, où est situé
( c château , avec Tarchidiacre de Vallespir, à qoi il appartenait, à ruioii
(le la chapelle de Notre-Dame del Castell, hâtie dans ce châtean. La dune
(le Ikaru , liée d*amitié avec Lt Bret, qui commandait le détachement
fran(;ais, profitant de la circonstance de la prise de ce château, obtint
(l(> ce général de faire démolir la chapelle, dont la statue, les orne-
ments et les cloches furent emportés à Sorède. Celte dame donna un
II. 3i
k»2 LIVBE QUATRIÈME,
septembre Tannée monta en Cerdagne et campa sous
Puycerda, où la campagne se termina par une petite
affaire.
Les chances de la guerre étaient en faveur des Fran-
çais du côté des Pyrénées; mais il fallait a la tête de
Tarmée un général qui par son activité sût en tirer
parti. Le comte de Schomberg, dont la bravoure et les
talents n'étaient pas contestés, mais qui n*avait pas
toujours su profiter des circonstances, ayant reçu,
avec le bâton de maréchal de Finance , un commande-
ment dans Tannée des Pays-Bas, il eut pour rempla-
çant en Roussillon Philippe de Montant, créé maré-
chal de France le même jour que lui, et qui fut connu
sous le nom de maréchal de Navailles.
Plein du désir de rétablir la réputation un peu
obscurcie de Tarmée de Roussillon, et jaloux de
débuter dans son commandement par quelque action
brillante, Navailles avait résolu d'emporter Figuières
par surprise. Dans ce dessein, les premiers jours de
1676. mai un camp volant s'achemine sans bniit vers cciie
ville, et s'en empare sans coup férir'. La garnison,
poor-boire de dii-hait doublons au régiment soiate qoi fiii employé h
cette démolition. Le seigncurdc Soréde ayant enauite Ciitbitir, h la divi-
aiondes terroin de la Pava et de Sor^de, la chapelle actuelle de Notre-
Dame del Cafltdl, y fit placer ce qui avait été enlevé à la première,
doù I auteur du manuscrit dit que, quand les clochet sonnent, t\\rs
demandent aui seigneun de la Pava «QuePs deslliuren de la» inansdHs
fl lUdrcs de Soreda , • de les délivrer des main» des voleurs de Sorédr.
' Figuières n*était encore alors qu*une bicoque. Lfe fort qui en fait
maintenant un poiot si formidable ne remonte qu*à 1 7H7
r
CHAPITHE cSKPTlKME. (i85
étourdie de la brusque apparition des Kranrais, n*avait
pas même songé à se mettre en défense.
Les ravages des miquelcts en Cerdagne, attirant
toute l'attention de Navaiiles, ce maréchal se rendit
dans c*ette vallée , et mit tant d'activité et de persévé-
rance dans ses poursuites, qu*en six semaines il dé-
truisit la plus grande partie de ces bandes et rejeta le
reste dans les montagnes de la haute Catalogne.
I /armée entra ensuite en Ampourdan, où elle vécut
aux dépens de Tennemijusqu^à ceque Thiver la força
de prendre ses cantonnements en Roussillon et dans
le |)ays do Foix.
Les succès des Français ne se bornèrent pas là. La ,677.
(ampagne suivante leur fut d autant plus glorieuse,
(|ue , (*ette fois , ce fut la valeur et Thabilcté qui triom-
phèrent de forces supérieures.
Les affaires militaires dq la France et de TEspagne,
(lu côté des Pyrénées , semblaient soifmises à un mou-
vement de bascule qui donnait alternativement l'avan-
tage à chacun des deux partis. Les coups décisifs de
<*ette guerre se portaient dans les Pays-Bas et la
Lorraine, où les maréchaux de Créqui et d*Huaiières,
le duc d'Enghien et le maréchal de Turenne avaient
obtenu les plus grands avantages sur le prince d'Orange,
le |)rin(*e de Lorraine , le duc de Villa-Hermosa et le
comte de Montecuculli. Ce qui se passait à la firontière
de Catalogne n* étant qu'un léger accessoire, une
augmentation ou une diminution de forces sur ce point
3i.
Wi LIVRE QUATRIÈME.
avait lieu suivant que les allaires se trouvaient en un
étal plus ou moins prospère sur le véritable théâtre de
la guerre. Les deux puissances ayant, en outre, des
secours à faire passer en Sicile, où la révolte des Mes-
sinois opérait une grande diversion en faveur de la
France, les armées des deux nations ne pouvaient se
renfoncer d'un côté qu'elles ne s'affaiblissent de l'autre
de tout ce qu'on était dans la nécessité d'en distraire.
Ainsi, les Espagnols ayant obtenu de grands avantages
en Sicile, Louis fut obligé de désoi^aniser l'armée de
Roussillon pour envoyer de nombreux renforts à
Messine. L'armée du maréchal de Navailles se trouva
alors réduite à huit mille hommes en tout, pendant
la campagne de 1677, tandis que celle des Espagnols
allait être portée k huit mille fantassins et quatre mille
chevaux, outre cinq mille hommes de milices cata-
lanes.
Cet enfant naturel de Philippe IV et de la Calderona.
que son père avait porté, à l'âge de treize ans, au
commandement de Tannée destinée contre le Portugal,
don Juan d'Autriche, était arrivé à la direction des
aifairesdela monarchie espagnole, dont il était pan'enu
h éloigner la reine régente. Tournant sa sollicitude du
côté de la Catalogne, dont il avait été vice-roi en i(i53,
après le marquis de Mortara, <*e prince avait donné «^
cette province pour vice-roi et capitaine général , le
comte de Monterey, qui poss4*dait toute sa confiance,
et il lui avait promis une augmentation de forces
CHAPITRE SEPTIÈME. ^85
sullisantc pour le mettre en état de reprendre Tof-
liMisive.
Navailles savait que Tamiée espagnole serait bientôt
(lu double plus forte que la sienne. Voulant faire acte
i\v présence devant Tennemi avant que celui-ci eût
])u réunir tous ses moyens, il commence par pourvoir
il la sûreté des montagnes par l'organisation de quelques
compagnies de miquelets destinées à combattre ceux
(i(* la Catalogne, de nouveau ralliés sous les ordres de
Tniixoria, et il se jette ensuite en Ampourdan, dans les
premiers jours de mai. Son projet était dattaquer
Koses par terre , pendant que Tamiral Duquesnc latta-
(juerait par mer; mais Monterey avait déjà rendu cette
opération inipossible : Navailles dut se borner à faire
vivre sa petite armée aux dépens de l'ennemi jusqu'au
milieu du inois de juin, ou Tarmée espagnole se mit
vn mouvement pour le rejeter hors des frontières.
Le maréchal de Navailles joignait h beaucoup de
valeur et d'habileté un coup d œil sûr et un caractère
hardi et entreprenant; décidé à ne quitter la Catalogne
(pie contraint par l'impossibilité de s'y maintenir, il
s'occupe d'abord de bien assurer sa retraite, en faisant
IL^arderle col de Banyuls par la garnison de CoUioure ,
vt , tran(juille de ce côté, il concentre ses forces auprès
(lu village de Villarnadal et assied son camp entre deux
montagnes, sur le bord d'im torrent dont le lit était
trcs-enfoncé. Monterey vint (*ampcr sur la rive op-
posce.
r
r -f
486 LIVRE QUATRIÈME.
Les deux armées, si inégales en force d*un côté et en
audace de l'autre, restèrent à s'observer jusqu'au à de
juillet. Pendant ce temps le général espagnol étudiaitles
positions sur lesquelles étaient établis les Français , et
s'entourait de tous les renseignements que pouvaient lui
fournir les gens du pays et la levée du plan des lieux.
De profonds ravins séparaient l'armée française du
village d'Espolla, par lequel elle devait passer pour
gagner le col de Banyuls. Ces ravins pouvaient rendre
la position des Français dangereuse, si, attaqués à
l'improviste, ils étaient forcés à la retraite : Monterey
voulut en profiter. Mais Navailles aussi connaissait ces
ravins, et le parti qu'on en pouvait tirer. Intéressé à
espionner son ennemi, il fut informé sans doute de la
résolution prise enfin par le vice-roi, et dans la nuit
du  au 5 juillet il franchit ce passage dangereux ^ En
apprenant ce mouvement, Monterey crut pouvoir
mettre à profit le désordre inséparable d'une retraite
difficile , et , traversant rapidement le torrent et la vaste
fondrière qui séparait les deux armées, il vient se
placrer lui-mrnie dans la position désavantageuse que
quittait son adversaire. Navailles, qui, à l'approche
des Elspagnols, s'était porto h la queue de sa |)etite
armée , pour surveiller le passage d'un reste de défilé ,
prend position sur une montagne séparée de la pre-
* De Cai^Mïl allribuo le ilejuirl dr» Kraii^«ii» à lafluibliMniient i\r.
lamico, orraMoiini! |)iir les maladie» <|im> |>nNluiMit ri%ro||;iierie dv%
v>ldal!> /^ Uttinn dt vf tfiu $rst passé en Cataltujnt .
CIIAPITKE SEPTIÈME. 'i87
iilière par le i*uisseau d'Ortine et par le défilé quil
venait de franchir, et d*oii il pouvait riposter sans
ris(|ue au leii de Tcnnemi. L'engagement durait depuis
six heures sans aucun résultat, cpiand les Espagnols,
impatients de débusquer les Français, se portent en
avant. Le duc de Monteleone, qui commandait Favant-
garde, a déjà traversé le ruisseau. Les Français le
laissent s'enfoncer dans le ravin, prennent leur temps
[)our fondre sur lui à Tarme blanche , et en peu d'ins-
tants tout ce qui se trouve en leur présence est cul-
buté. L*avant-garde, en cherchant k se dégager, se
jette sur le reste de Tarmée, qui prend la débandade
an milieu de ces fondrières qu'elle couvre de morts :
Monteleone , le comte de Fuentes , le vicomte de San
Jorge et une foule d'autres seigneurs, tant espagnols
(|u*allemands , y perdirent la vie. Monterey , revenu
de l'autre coté, fîit témoin de la tranquille retraite
des Français, avec la honte d'avoir été battu par une
armée qui n'était pas la moitié de la sienne, et la
mortification d'avoir eu, pendant quinte jours, sans
en savoir profiter, l'occasion de la détruire , s'il avait
rivalisé de talent avec son adversaire. La perte des
Français, dans cette mémorable affaire, fut de mille
hommes , tués ou blessés ; celle des Espagnols s'éleva
à (piatre mille hommes morts ou blessés et huit céntà
|)risonniers. On ne laissa pas de rendre à Dieu des
actions d(^ grâces pour cette affaire, dans Barcelone,
.ipparemment pour le remercier de ce que l'armée
^88 LIVhE QUATRIÈME,
entière n avait pas péri : c est ce qu on |>eut conclure
des paroles de Feliu , qui dit qu on doit des grâces à
ENeu dans Tadversité comme dans la prospérité' : on
ne saurait mettre plus de philosophie dans la défaite.
1678. Le brave maréchal de Navailles prouvait très-bien
qu'il savait suppléer par Taudace et la capacité k l'in-
suffisance numérique. L'année suivante, à peine la
campagne put-elle s'ouvrir, que , faisant mine de vou-
loir se jeter sur l'Ampourdan, il rentre brusquement
en Roussillon, monte dans la Cerdagne et s'empresse
d'investir Puycerda. Le 3 mai, dans la nuit, le chemin
couvert ayant été poussé jusqu'aux palissades, on com-
mençait à les arracher, quand les paysans réunis k la
garnison repoussèrent les assaillants. Cette tentative,
trois fois renouvelée, échoua chaque fois. Une attaque
dirigée simultanément d'un autre côté delà place était
sur le point de réussir, quand deux compagnies de
paysans et une de jeunes ecclésiastiques, tenues en
réserve, accourent et forcent les nôtres de reculer.
Bientôt les murailles présentant une brèche assez large,
on donne un assaut qui est repoussé avec vigueur.
Cependant fintrépidité de cette brave population ne
put sauver la place , qui capitula le 3 1 de ce même
mois, aux conditions les plus honorables. Cette affaire
fut la dernière de cette campagne et de la guerre. Lu
paix de Nimègue, en mettant un terme aux hostilités,
' ■ Mandanm dar a DifM las gracias m Barccloiia ; y con acierto, pur^
« »e le dc\cu c*n lo a<lverso como en lo pixMperu. » Krliu de la Pena.
CHAPITRE SEPTIÈME. 489
rendit la France maîtresse définitive de la Franche-
Comlé, de Valenciennes, d'Ypres, de Cambrai, de
Saint-Onier et de quelques autres places.
Cette paix ne iUt que de quatre ans. Dans le court
intervalle qui sépara les anciennes hostilités des nou-
velles, nous avons à signaler quelques événements
qui, bien que n*étant pas tous d*un intérêt spécial pour
le Roussillon , ne nous paraissent pas cependant devoir
rester sous silence.
Le premier de ces événements, dans Tordre chro-
nologique , fut la création , à Paris , d*une chambre
ardente dont les fonctions étaient la recherche de cette
épouvantable contagion d'empoisonnements qui avait
^agné un grand nombre de femmes de la capitale.
Des essais faits sur les malades des hôpitaux , sous
le prétexte aussi abominable qu'impie et sacrilège, de
leur prodiguer de charitables soins, avaient donné la
eoiuiaissance précise du temps que certains poisons
pouvaient rester dans le corps avant de produire la
mort. La fin extraordinaire et successive d'une foule de
pères de famille, victimes de cette infernale combi-
naison , éveillant les soupçons , la police se mit sur les
trae.es des criminels et parvint à les découvrir. Déjà
la marquise de Brinvilliers, chef en quelque sorte de
(*ette horrible conjuration , avait péri du dernier sup-
plice, (piand la chambre ardente fut convoquée, en
ifiyc). On vit alors avec horreur les noms les plus
illustres compromis; .la comtesse de Soissons, la
/190 LIVRE QUATRIÈME.
duchesse de Bouillon , la maréchale de Luxembourg
furent décrétées de prise de corps, comme prévenues
d^avoir consulté les distributrices des poudres de suc-
cession ( c est le nom atrocement badin qu'on avait
donné è ces poisons ) sur Tépoque de la mort du roi
et de ses maîtresses. Cependant, comme les haines
personnelles ne s cflacent pas devant les grandes cala-
mités publiques , on soupçonna que Tinimitié de la fa-
vorite du roi et de son ministre Louvois pouvait
bien n'être pas étrangère k ces hautes et terribles
accusations. Les jalousies , les rivalités de cour qui, h
tort ou è raison , avaient flétri les plus grandes fa-
milles de Taccusation d'empoisonnement , se servirent
du même moyen pour perdre quelques courtisans dont
la faveur faisait envie : les uns furent simplement
exilés au fond des provinces , les autres finirent leurs
jours dans les prisons d'état. Le Roussillon reçut, pour
sa part, deux dames de haut parage , prisonnières mys-
térieuses dont on n'a jamais découvert le nom , qui
furent enfermées et vieillirent dans le château de
Salses. Après de longues années d'une dure captivité,
l'une d'elles étant morte, l'autre obtint, par grAce,
d'être transférée au château de Villerranche , où elle
mourut quelques années après ^
' L*unr de ce* prisoiioières avait dessiné , sur la muraille de sa pri-
son , la vue du cbâleaa des Tuileries , qui a disparu il y • une diiaine
d^années sou» un blanchiment : r*c8t de cette circonstance qu^on a dé-
duit que cc^ drui prisonnières avaient ap|virtcnu à la ruur On n*a,
du rrMe, d^autre garant de Irur rriine que la tradition; les recherches
CHAPITRE SEPTIÈME. Wl
Le 3 juillet 1680 le roi rendit une ordonnance
pour empêcher qu*à l'avenir les bulles et autres or-
donnances pontificales fussent reçues en Roussillon
avant d'avoir été vérifiées au conseil d'état.
Le partage de Tancien comté deCerdagne entre la
France et TEspagne , à la suite de la paix des Pyrénées,
avait laissé toute cette nouvelle partie des frontières
françaises ouverte aux Espagnols, pendant que la
place de Puycerda, ancienne capitale de ce comté,
(|ue TËspagne possédait à un quart de lieue de la ligne
(iivisoire des deux royaumes, empêchait toute invasion
des Français dans la partie de cette vallée restée es-
pagnole. La nécessité de fonder une place forte dans
ces contrées s'était trop fait sentir par les ravages des
miquelets, dans la dernière guerre, pour que le gou-
vernement différât d'assurer k ses nouveaux sujets
protection et sécurité. Six différents sites avaient été
proposés pour servir d'assiette à la fortification qu*on
voulait bâtir : c'étaient la plaine de las Medas, près de
Puycerda; un des points delà vallée de Carol; une
hauteur entre les cols d'Aro et de Saint- Vincent, au-
dessus de Ro et de Sallogosa ; une situation près d*Egat;
la Llagona; enfin, une hauteur placée entre la Llagona,
le pont de la Tet, Saint-Pierre dds Forçats, Pknès
et la Cabanasse. Le célèbre Vauban , envoyé en 1 679
|)our décider quel était celui de tous ces pointa qui
Ir.s plus o\actc5f faites dans les archives de rancienne inieiidince,
M ont rini fait découvrir sar leur compte.
'192 LIVKE QUATRIEME.
devait fixer le choix du gouvernement, compara les
avantages et les inconvénients de chacune de ces po-
sitions, et résolut la question en faveur de la dernière^
La construction de la place à laquelle on donna le
nom de Montlouis fut entreprise en i68i, sur le
plan tracé par Vauban, et sous la direction de François
de Fortia d*Urban , qui en fut gouverneur jusqu'à sa
mort, arrivée en 1700. Le choix arrêté par Vauban
avait trouvé autant de critiques quil y avait eu de per-
sonnes qui n avaient pu faire prévaloir leurs idées;
mais le temps , vengeur de Tenvie et des basses riva-
lités, et vrai panégyriste des grands hommes, a pris
soin de justifier Tillustre auteur du pericctionnement
de la science des fortifications : il est unanimement
convenu aujourd'hui que le site de Montlouis est le
plus avantageux de tous ceux que pouvait offrir le
pays. Construite à la tète des défilés de la Llansade ,
cette place défend la communication de Puy cerda avec
leRoussillon par Fontpedrosa, et avec le Languedoc
par le Capcir.
Ce n était pas tout que de bâtir une ville, il fallait
y attirer des habitants; on chercha h y parvenir au
moyen de privilèges accordés à la population qui s*y
trtablirait : un arrêt du conseil, du 1 6 octobre 1 680 ,
avait déjà déclaré qu'il ne serait levé que la moitié des
droits des fermes réunies de Languedoc, du comté de
Foix et du Roussilloii , sur tous les bestiaux , denrées
' Arck. tir tinUndanir dr Rnuu. el du yrnir mititairr.
i6A.l.
CHAPITRE SKPTIKMK. /495
«I inarcliaiidises qui y seraient apportas, et en no-
vembre 1687 le roi ajouta à cette faveur celle dune
even)|)tion générale de tous droits quelconques^
Le traité de paix de Ninnègue avait soumis le roi
d'Espagne à céder à la France plusieurs places des
Pays-lîas; mais Charles II répugnait k s'en dessaisir, et
il était fortifié dans cet éloignement par la maison
d'Autriche, qui ne voyait qu'avec chagrin la France
étendre ses possessions du côté de l'Allemagne. Les
leiitiMirs et les difficultés sans cesse renaissantes tou-
chant l'exécutionde cette partie du traité pouvant com-
promettre aux yeux de l'Europe la dignité du trône
français , Louis se décida à ohtenir par la force ce que
la foi jurée lui refusait. En i683 le maréchal d'Hu-
miriTs entra dans la Flandre espagnole, pour y faire
subsister son armée , sans cependant commettre
d'hostilités. Ce moyen , avant-coureur d*une guerre
ouverte, ne produisant pas l'effet désiré, l'année sui-
vante le feu se ralluma dans toute l'étendue des Pays- »W4-
Bas*. Comme dans les guerres précédentes, les firon-
tières des Pyrénées ne prirent part aux hostilités que
pour constater en quelque sorte la cessation de l'état
de paix.
Le maréchal de Bellefonds, chargé du commande-
' Àrch. de tinUnd,
* Cette année fut célèbre, dans les fastes de la France, moins p«r
le double bombardement dWIger que par Tarrivée k Paris du doge de
(rrnes , unique dérogation faite à la loi qui clouait dans le pays ces mo-
nar(|ues tem|>oraires , pendant toute la durée de leur administration.
Wi LIVUK QLATIUÈME.
nient des troupes rassemblées du coté du Roussillon,
traversa les montagnes le i** mai, et occupa Bascara
le d. A la nouvelle de cette invasion des frontières
espagnoles, le duc de Bournonville , vice-roi de Ca-
talogne, accourt avec quelques milices et assied son
camp sur les bords du Ter, d*où les Français le chassent
le la. Le vice-roi se replie sur Girone, qu'il met en
état de défense, passe de là à Hostalrich, et rentre à
Barcelone.
Le siège de Girone était toujours la première opé-
ration obligée, après le passage des frontières : les
attaques contre cette place eurent lieu sur quatre points
différents. La canonnade devint si vive, dans les jour-
nées du 3 3 et du -lU mai, que deux brèches furent
ouvertes, et quun assaut fut donné à neuf heures du
soir aux trois demi-lunes de Sainte-Claire , du Gouver-
nement et de Sainte-Croix. On s en était mis en pos-
session , mais le feu meurtrier de la place força de les
évacuer à deux heures du matin.
Déjà, neuf ans auparavant, Girone avait été aban-
donné par Sc*lioniberg au moment où il n'y avait plus
qu'un eifort à faire pour en être maître. Ce que nulle
place n*est sans doute destinée à voir, Girone devait
réprouver deux fois en peu d'années. Les espagnols
mettaient tout en œuvre pour être en ét;it de repousser
les nouvelles attaques qui ne pouvaient manquer d*a-
mener la reddition un peu plus tard. Tout à coup, à
leur grande surprise, ils voient les assiégeants retirer
CIIAPITHE SEPTIKME. 'i95
IcMir artillerie et s éloigner du pied des remparts. Les
causes de celte inconcevable retraite n ont jamais été
counues : les Espagnols en firent hommage à leur
valeur, et ils en avaient le droit; les Français lattri-
huèrent à ce que les troupes , s étant trop avancées dans
Tintérieur de la place sans avoir pris les précautions
nécessaires, furent d^ahord repoussées , et ensuite
( ontraintes d abandonner le siège, faute de moyens
sutlisants pour le continuer : c*est une excuse d'amour-
propre; lassant ne fut pas donné au corps de la place,
mais seulement aux demi-lunes. Les amis du maréchal
prétendirent que ce honteux départ eut pour cause la
jalousie de Louvois, secrétaire d*état au département
de la guerre , qui , pour punir un homme qui n*avait
pas voulu fléchir devant lui , le laissa manquer des
choses qui auraient pu assurer le succès de la cam-
pagne ^ Mais Bellefonds, avant d entamer le si^,
devait bien connaître ses moyens, et ce qui devait
maîtriser la place qu il se décidait à attaquer ne pou-
vait pas dépendre d'une éventualité.
Après la retraite des Français , le marquis de Le-
ganès, général de la cavalerie, etTrinxeria, à la tête
des miquelets , forcèrent Bàscara le a i juin, et firent
prisonnière la garnison qu y avait laissée Bellefonds. De
hnir coté, les Français s'emparèrent du port de Cada-
(jués. Le reste de la campagne se passa dans l'inaction
' Rpboulet« Hittoirr de Lomù XIV i Daniel, Jomrnal kUtorique de
hmis XIV.
496 LÏVKE QUATRIEME,
sur tous les points : des n^ociations préparaient en
ce moment les bases d'une paix prochaine. La trêve
de vingt ans qui fut la suite de ces négociations amena
révacuation de TAmpourdan par les Français, au mois
de septembre.
La seconde année de cette trêve, qui était conclue
pour un si long terme et qui ne devait durer que cinq
ans, Louis XIV érigea en hôpital général Thospice de
la Miséricorde , de la ville de Perpignan , dont les re-
venus ne consistaient alors que dans le produit de
quelques fondations pieuses, dans celui de quelques
secours accordés par la ville, et dans celui très-éventuel
des aumônes publiques. Le roi lui donna une forme
d*administration et de police, lui concéda un grand
nombre de droits utiles , et lui fit des dons considé-
rables ^ Dès Tan i656 un hôpital militaire avait été
fondé dans la même ville, sur une partie de Tancien
enclos du couvent des Cordeliers.
^ Avant la révolution cet hôpital avait une fabrique de draps , la
seule qui restât en Roussillon de ces nombreuses manufactures que
possédait Perpignan aux xiii' et xiv* siècles ; elle foumisaait par an
soixante pi^ccs environ, de dii-buit à dix- neuf aaoes. On y fabriquait
aussi des draps grossiers pour le vêtement des pauvres de rétablisse-
ment et pour les capotes des soldats : cette dernière manufacture
existe encore; laotre a été remplacée par une manufacture de
toiles.
CHAPITRI': HUITIEME. 'i97
CHAPITRE VIII.
Dispositions de la Catalogne à une nouveile révolte. **- Entrée
de troupes castillanes. -^ Victoires de NoaiUes. — Prise de
Ran-elone. — Paix de Ryswick. — Mort de Charles II. — Le
duc d* Anjou appelé au trône d*E^pagne. — Est repoussé par
les Catalans. — Guerre de la succession. — Améliorations
en Roussillon.
t
La vio de Louis XIV derait se passer au milieu des its».
«ruerres , et par conséquent au milieu du malheur dès
peuples. La France et l'Espagne s*étaient vainement
flattées de pouvoir se remettre de tant de ctésastres , à
Tombre des vingt ans de trêve (|ui leur étaient promis;
rillusion ne tarda pas k se dissiper; les troubles de
r Angleterre vinrent, d^sia einquiètne année, remettre
en présence les deux peuples au moment même où ils
se croyaient le plus éloignés des hostilités.
Jacques H, second iils de Tinfortuné Charles.!*,
était monté 8ur le trône d'Angleterre «jnrès'son frère,
Charles II, et n'avait pas tardée s'ialiéner entièrement
la nation anglaise, fortement prononcée contre le
p^ipisme, k la direction duquel Jacques s'était au eoir-
traire livré uniquement. Chassé de ce trône p|ur siAn
propre gendre (luillaume, prince d'Orange, qui avait
su se faire un parti formidable de tousles méc^ontents ,
II. 3a
!iW LIVI\Ë QUATRIÈME.
il s*ôtuit retire en France, où Louis s*était empressé
d*é|)ousor sa (|uerellr, autant sans doute <^ raison de
rinimitié personnelle quil avait contre Guillaume,
son an(ûen rival de gloire, qu'en fevetir du principe
de ta légitimité; Louis avait même décidé Charles II,
roî d'Espagne, à prendre parti pour les Stuarts. L^Eè-
pàgne allait donc devenir ralliée de la France pour la
guerre qui se préparait , (piand les intrigues de la coui*
d*Autrichc, encore plus puissantes h iMadrid quau
sein de la diète de lempirc, parvinrent à faire chaoger
ses résolutions et à armer de nouveau contre nous le
peuple qupn regardait déjà en France conunc. un
auxiliaire. «
Le duc de Noailles , gouy^rn^ur géiu*ral de Rou»-
sillon , porté au commandeuient de lannéo dc8 Pyré^
nées, avait trouvé les Catalans des TrontièreB dûposëfi
à se révolter de nouveau contre lautorilé du roi d*£s-
pague. A cxîtte époque les fuiances de Charles II
étaient dans un tel état d épuisement, que les charges
devenaient pour quelques lamillos des causes <le ruine :
le gouverneur de la vallée de Rikes se trouvait daiis ce
cas. Ayant cQiwonmié, dans lentretien deaganiiBQni»
de cette vallée, tout ce qu*il possédait, et ne potivunt
ohtenir ni remboursement, ni sol- e, ni indemnité , il
se trouvait réduit à un tel état de détresse, quétaut
allé à Montlouis. il recul avec recoiuiuissance une
miséiTihle somme de vingt écus que Noailles luiulVrit ■
c était couronner une hien noble conduite \ïav une
CHAPITRE HUITIÈME. 499
l)ien ^^nde infamie. Les consuls de Piiycerda et le
«lorp;/» en corps vinrent anssi offrir à ce gonéral leurs
services contre le roi d^Espagne *.
Noaillcs a\ant déterminé le ministre Louvois à dé-
buter en Catalogne par f attaque de Campredon, Tar-
inéc partit de Prats-de-MoUo le 17 de mai, à trois
heures de laprès-midi, par un temps de neige et avec
un vent si impétueux , que des dragons et plusieurs
mulets des bagages furent renversés dans les précipices
de ces montagnes. A dix heures du soir on n*avait en-
core fait que trois lieues , par Textrême difficulté de
taire passer du canon à travers le col d'Ares : ce fiit en
ciïot dans cette circonstance, qne pour la première
fois lartillerie liit traînée par la route dii Vallespîr.
Tels étaient les obstacles que les localités opposaient
à cette opération, que c'était beaucoup lorsque danB
une journée, après des fatigues incroyables, les douée
canons et les deux mortiers qu'on amenait avaient pu
avancer de cent vingt à cent trente paa. Le Êiuboui^
deCampredon fut enlevé le 19, deux jours avant Tar-
rivée des six pièces de petit calibre. Quant aux mor-
tiers et aux six grosses pièces de canon, ils ne parent
ctre rendus devant la place que plusieurs jours après :
le château avait déjà capitulé.
Le vice-roi de Catalogne , qui était alors le duc de
Villa-llermosa, avait appelé aux armes les milices de
l;i province, et Trinxeria avec ses miquelets n^avait
' \ffm. poUt. et kisl. da dmc de NoaiUes , tom. I.
3a.
5CK) LIVRE QUATRIÈME.
pas été lecierniet'à se trouver au reiideE-vous ^ Lea
premiers paysans arrivés à Gampredon s'étaient por-
tés h doux lieues des Finançais, sur une montagne d*où
te duc de Noailles les avait fait chasser par quelques .
compagnies de cavalerie. Honteux de cet échec, ces
paysans crient à la trahison , et font un crime àTrinxe-
ria do ne les avoir pas avertis du mouvement qui les
menaçait. Dans leur dépit, ils reprennent le chemin
de leui^s foyers, dissuadant les milices du someten,
qu*ils trouvent sur leurs pas, de poursuivre leur
route. Gampredon, abandonné ainsi h ses propres
forces, se rendit après cinq jours d attaque^. Gette
prompte reddition fut attribuée à rhabileté du général
français; elle n était que le résultat de la désertion des
milices appelées à défendre la ville. Les fastes de la
guerre offrent plus d'un exemple de ces cas singuliers
où la fortune, secondant par des moyens étrangers les
plans d'un général, lui fait ii peu de frais un nom il-
lustre : Noailles n'avait pas besoin de ce moyen pour
atteindre k la célébrité.
La perte de Gampredon caima un extrême chagrin
au vice-roi, qui, voulant absolument trouver un cou-
pable, et sans rechon*her si tous les torts étaient du
' («V^t ici la (Icrni^n* fois qu*nn voit paratln* le Iraniifu^^ Jnii^pli
Triiixeria; un autre Triiixeria« dont \e prénom était lUas, pent*^ln*
•on aint se montre à la li-if. fU>» miqurlel^^ quelques annét» plu» tanl.
«t, |>arvi*nu au grade df me>tiT d« camp, ent envoyé A Na pi cii aver
quelque» troupes, en 1707.
* Feliu de la Pfîia.
CHAPITHK IIIIITIEME 501
ràiv du gouvemour, larcusa de lâcheté et de trahi-
son , et le Ht enrcnner dans le château de Montjoui ,
d'où le malheureux ne sortit que j>our inaiY-her â ïé-
rhaiaud.
ViUa-Hermosa avait sacrifié une victime ; mais cette
sévérité , aussi excessive que peu méritée peut-être ,
excita les plus violents murmures parmi les Catalans.
Déjà mal disposés contre le gouvernement de Char-
les II, non-seulement ils se refusèrent à reprendre les
iirnies, mais ils s'opposèrent â la levée d*un im|)ôt
dont , k loccasion de la mort de la reine , on venait de
li-apper la province, à titre de don volontaire.
La révolution de la Catalogne et les maux (pii s'en
étaient suivis sous le règne précédent étaient encore
trop présents à la mémoire pour qo^on négligeât de
prendre de bonne heure les moyens d'en prévenir l^
retour. Le mouvement séditieux cpii éclatait n'était pas
le premier; déjà, Tannée précédente, le recouvrement
des contributions ordinaires, confondues maintenant
avet* ce don. prétendu volontaire, avait manqué de
produire de grands désordres. A la suite d'une simple
rixe entre un soldat et un habitant du village de Villa-
major, le son du tocsin s'était fait entendre dans tous
les lieux circonvoisins . et une multitude de paysans
avait pris les armes. De Villamajor ce rassemblement
s'était porté sur Mataro, et ensuite sur Barcelone, en
poussant le cri ordinaire de insurrection :« Vive le roi
0 t»tnicurelemauvaisgouvemement! nCencsl qu'après
502 LIVRE QUATRIÈME,
bien des pourparlers , tant par rinlermédiaire de la dé-
putation que par celui de Tévêque, retenu d*abord
prisonnier par les paysans, qu'on était enfin parvenu
à les faire rentrer dans leurs foyers. Maintenant la pu-
nition , juste ou non , du gouverneur de Camptedon ,
qui était Catalan , faisant craindre une nouveil^ laédi-
tion, le cabinet de Madrid s'eropressa de iaire entrer
en Catalogne quelques régiments d*infanteri6 et de oh
Valérie de Castille, sous le prétexte d'une expédition
contre le Roussillon; et, pour ne pas trop eflarouoher *
la population , on dirigea en effet ces troupes vers la
frontière. Au mois de juillet suivant, des galères de
Naples, de Sicile, de Gènes et de Sardaigne débar-
quèrent encore à Barcelone des troupes allemandes et
italiennes que suivirent d'autres , détachements espa-
gnols , de sorte que le nombre de ces soldats étrangers
â la province fmit par s élever à quatorze millie fan-
tassins et à quatre mille cavaliers. Au mois dlaoùt*
Villa-Hermosa , se mettant à leur tête , fit mine de vou-
loir traverser les Pyrénées; mais, parvenu à la fron-
tière , il fit paraître un ordre du roi qui bornait la cam-
pagne à la reprise de Campredon '. .
Maitrcs de cette place , les Français s'étaient éten-
dus dans la vallée de Ribes, que leur avait ouverte
son gouverneur. A l'approche des Espagnols, Noailles
évacua cette vallée et concentra ses i'orres dans Cam-
predon , qu'enveloppèrent des l'orces lieaucoup su|)é-
^ Fcdiu de la l^m
CHAPITRE HUITIEME. 505
rieures à celles des Français. Uieolôt un l'eu ierrifale
(les remparts causant de grands dommages à renneini,
uua sortie de la place ;s avança jusquaux lignes du
vice-roi. Cette imprudence peàsa coûter cher aiuna-'
.liégés : entourés par quelques .bataillons ennetni^, es
lurent mis en délx>ute,iet cekiô Aiiqu*à grande peinb
(juils purent regagner les portes de la ville^ r.\- ■
L'iiupos^ibililé . de se maintenir 'dalM'CIampredori
avait décidé Noailies à se retirer; mais livanrt'dei^inl''
ter cette place il voulut en démanteler les fortîficff4
tiuns. L^opératioa n aurai^ réussi qu*itnparfaitBitJent
sans le duc de Villa^Hermoea lui-*méme , qui se chargea
de la consommer. Gevice^hn, faiaânt placer deinm^
V eaux loumeaux de mines sous ies parties de ces forli(
lications qui avaient résisté, acheva ,de rravèrserces
remparts que la France venait d*élever à gr&ilds> frasée
Le vice-roi ne s*én tint pas là-: par ordre de la kunik^il
lit encore détruire les murailletcde MontaUav en Geiv
dagiie, malgré les vive» plaintes». des Gataians/Ce'dé<r
mantèlemeilt de placés et le cantonoekhent àiQfe^'tf
dans ses environs, de toute Tarmée-'èspagnAlev prod»
vèrent h la province que l*întentiQa do gouveraeawi|ill
en la rouvrani.de soldats. étntngete, était bien. mdins
de se montrer hobtile au Bousidllon qvè délsfi-mellPf
eu garde contre elle-même, iilétteceriitpde jacqdîqai
le mécontentement ne pou¥|it manquer d*étre général
iM) CaUilogne. L*aigreup «'èibpara des esfkrils, dti-saiï^-
<>laiites (jucrelles ne tardèrent pas à s élever entre les
304 LIVHE QUATRIEME,
paysans et les soldats, et tout donnait matière à de
sérieuses inquiétudes , nonobstant la précaution prise
par le vice-roi de faire désarmer la population des
campagnes. Cependant la sage fermeté du gouverne-
ment et une conduite prudente et niesurée de la part
du vice-roi arrêtèrent la marche de Tinsurrection,
que termina heureusement, au commencement de
Tannée suivante , un pardon général. Trois personnes ,
seules exceptées de cette amnistie, passèrent en
France^.
1690* Durant toute cette campagne, Tavantage avait été
pour les Français, inférieurs en nombre aux Espa-
gnols, mais favorisés par les troubles de la Catalogne.
La reprise de Campredon, la soumission de San-Jnan
de las Abadessas, d*01ot, de Vie et de San-Pol, et la
destruction des murailles de toutes ces placer furent
1691. le fruit de la campagne suivante. Celle de 1691 s'ou-
vrit |)ar la prise de la Seu d*Urgel , après huit jours de
tranchée ouverte. L'audace et la valeur amenèrent la
prompte reddition de cette ville avant l'arrivée du
due de Mcdina-Sidonia, nouveau vice-roi de Cata-
logne , qui marchait à son secours.
La France voulait faire une démonstration de forces
par mer. Pendant que le comte d'Ëstrées se préparait
à jeter quelques bombes dans Barcelone et Aiicante,
le vice-roi , pour forcer par une diversion te duc de
Noailles à abandonner K<*lver. 011 il s'était fortifié,
* lli*ni-i 'l'orn'», J«tMith IWal'ort l't Rocjiliruiia. '
CHAPITRE HUITIÈME. 5t)5
tni versait la frontière et marchait sûr Pralâ-^le^Mollo.
NtKiilles s*ein pressa, en eiîot, de venir au secours de
cette place; mais,- dès qae Mcdina-Sidonia ibt rentré
en Catalogne, ce générai se porta sur la- vallée de
Ribcs et prit la ville de ce nom. L'année suivante le *^9^
vice-roi, après avoir construit deux redoute» au haut
du col de Portel, iK>ur s'assurer la liberté dp ce pas-
sage h son retour, envoya i Maurellas des bandes de
iniquelets qui forcèrent ceux de Roussillon,- laissés^
la défense de ce village, dé se réfugier dansTéglAse,
d'où ils sortirent par capitulation.
I7ne incursion des Catalans jusqu'aux rives dû
Tech , repoussée par les Français, qui à leur poursaite
entrèrent en Ampourdan, différetitès iiTÙption9>daM
cette partie de la Catalogne / et^la^nsede Ro^ea;
furent lesopératibilsdescampagnieade 169^ et* 1693*;
en 169e , -Noailles, fait maréchal de France; aprèé 1694.
avoir audacieusement passé le Ter «sous lea yeak: et
ma Igré les efforts de Tarmée espagnole* pk» noinbretiae
que la sienne, force le vice-roi dans ses lignes^ kri tué
ou blesse cinq mille hommes , en prend trdis mille cinq
cents avec presque tout le bagage et nNen pe^dgoève
plus de cinq cents ^ si! faut ajouter confiance- entîèiie
au dire des historiena àpologistea de Louia XIV ^. 'Lai
prise de la ville de PalAmoa, défendue par- trois mille
hommes, celle de Gironé, après quatre jouns de tran^î
' Daniel . Journal ktst, de Louis XIV: Reboulel , nisi. de Lom* AlV-
, i ■ I I 1 I
Pclisîion , i5i(/rr»i. ' ' ■ .. •
5<)6 LIVHË QUATRIÈME,
chée ouverte, et d!Hostalrich , oii les Français Ibronient
la garnison dans le ciiàteau , furent les suites brîlkntetf
de cette victoire. Le siège de Barcelone par terre et
par mer devait couronner la campagne ; mais la flbtte
ennemie, composée de cent trente-six voiles aiiJd
ordres de Tamiral Russcl, forçant Tamiral de Tour^
ville à s*éioigner de Roses , Noailles , qui vit l'opéra-
tion manquée, décampa de Blanes et alla s'emparer
de Castël-Folit. r
iS". La fortune, fidèle aux Français pendant trois ans,
les abandonna en 1 695. La ville de Saint-Estève^de-
Bas refusant de payer une contribution dont elle ve-
nait d^êtrefirappée, le gouverneur français de Girone',
nommé de Saint-Silvestre , avait mandé è de Juigné ,
gouverneur de Castel-Folit, d'aller avec treixe oeMs
hommes tirés des garnisons de Castel-Folit, Figuîèrea,
Bagnoles et Besalu , surprendre et punir ces babitants.
Partis dans la nuit du 9 mars, les Français commen-
çaient à peine â mettre le feu aux premières maisons de
Saint-Estève, quand les nu((uelets et dus paysans de la
vigucrie de Vie les rejettent sur les bords de la Fluvia,
eu leur tuant beaucoup de monde et leur faisant cent
cinquante prisonniei*s. Juigné, parvenu à gagner OloL,
se réfugie dans le couvent des Cannes, où il est bienh
tôt at»siégé. Après une heure et demie de combat, les
|)ay$aus, pour en venir à bout, mettent le feu à b porte
i\v IVglisr, cl peiifiani qu ils augmentent rarlivité delà
tlamnio au moyen du snulVe qu'ils y jottrnt en quan-
CHAPITRE HUITIÈME 507
tité, douze iniqueleU, leur capitaine en tête, 6e glis-
sent daiis la chapelle du Christ par unie ouverture
qirils parviennent à y faire. Les Français, accouraot,
tuent cinq de ces miquelets et blessent le capitaine ; les
autres font les morts pqur sauver leur vie. Cependant
ces braves assiégés, tués en détail par les paysans qui
les fusillaient pa^ la brèche do la chapelle, et, mena-
cés eu masse par Tincendit qui ^*avançait avec . rapi
dite, battirent la chamade et .déposèfient lesartoen.
Juigné, blessé mortellement, succomba deux jours
après. Cet échec ne fut pas leseuL Le i8 du mâitie
mois, la garnison de Blanes, voulant évac^^ ia ville,
fut surprise h faube du jour.par les paysans , qui en
tuèrent et firent prisonnière une partie. Plusieurs autres
places nous furent encore enlevées ; mais ce ne (ut qa*a-
près en avoir démoli les (ortificatiodEili, que noattt^pes
sortirent de Castel-Folit» d^Hoétalridi et dç Palasiof .
Le duc de Vendôme ^ qui après avoir pa^ par .e^ft.
tous les grades comme un simple pf&cier de foirlune
était arrivé à celui de lieutenant général, obtiol» en
1696, le commandement de rannée de Ronsv^illon,,
qu une maladie avait forcé Noailk^ de quitten La
prise de BlaQ,^s, de Midgrad, d^ Pioada et de.jCaiclla
signalèrent son début. Jl força. le cordon de.trowpea
que le marquis de CastaQiiga» vieeifoi de Qanp^ne,
avait formé sur les bords du ruisseau de Tordera» .et
rentra en Rouasillon après avoir consommé tous les
fourrages du pays ennemi. .,
:i08 LIVUË QUATRIEME.
>^97- Le sic'gc de Barcelone , projeté depuis si tongtemps,
devait être la principale opération de la campagne de
1 697 : la prise de cette ville était regardée comme le
seul moyen de forcer h la paix le roi d'Espagne. Une
armée navale, commandée par le maréchal d'Estrées,
s'en approcha {lar mer, pendant que le duc de Ven-
dôme la cernait par terre. Quelque résistance qu'op-
posât le prince de Hesse-Damstadt, qui la défendait,
la place se trouvant , le 1 6 août , ouverte au point de
ne pouvoir plus s* exposer k un assaut la vie sauve ,
elle capitula. Alors Vendôme (ut nommé vice-roi de
Catalogue pour la France, et le comte de la Corsana
[K)rta le même titre pour TEspagne.
La perte de Barcelone causa le plus vif chagrin k
Charles II , qui se décida enfin à accepter la paix que
la France lui offrait depuis plusieurs années: cette
paix fut signée k Ryswick , et Barcelone fut évacuée, en
conséquence, le d janvier 1699.
Le comte de la Corsana avait prêté son serment
solennel de vice-roi dans Villafranca, pendant Tocru-
pation de Barcelone par les Français; d'après les cons-
titutions, ce serment ne devait être prêté que dans
Barcelone niome : la susceptihilité catalane pour la
consen'ation de ses privilèges ne voulut pas admettre
ce serment de Villafranca. Re|>oussé par le conseil des
Cent , ce vice-n)i fut remplacé dans cette dignité par le
prince de Damstadt, qui, par sa belle défense de la
place. a\ait réuni tous les vœux de hi popuialion. La
CllAPlTIib; HIITIKMK 509
(iorsaiia était le troisième vice-roi que les Catalans
taisaient révoquer successiveineut. Son prédécesseur,
\clasco, accusé de négligence, venait d*être rappelé,
et celui-ci avait remplacé le marquis d^ Castanaga, à
(fui les plaintes des Catalans avaient également fait re-
tirer sa commission.
(Charles II ne jouit pas Jongtemps du bonheur noo.
d'avoir rendu ses peuples heureux par la paix quil-
leur avait donnée : il mourut le i**" novembre 1700,
il lagc de trente-neuf ans, sans postérité. A Tétonne-
ment de f Europe, et presque au mécontentement de
Louis \JV, le roi qui avait passé tout son règne h
faire la guerre à la France choisit son successeur
dans la maison même de son ennemi. Malgré toutes
les intrigues de la maison d'Autriche » la voîx de la
politique et de la raison parlant à la conscience de
Charles, ce prince cliercha à assurer le repos futur de
ses peuples en éteignant, par runion des deuk. cou-
ronnes d'Espagne et de France dans la même famille v
cette constante inimitié qui avait jusque4à divisé les
deux nations.
Depuis quelque temps la santé languissante de
Charles, en présageant la fin prochaine de oe mo-
narque, réveillait fambition de tous les princes qui,
de près ou de loin, pouvaient faire valoir quelipie
litre à son royal et magnifique héritage. Ces princes
étaient le dauphin de France, en sa qualité de pre-
mier né de la fdle de Philippe IV ; Tarchiduc Charles
510 LIVRE QUATHIEME.
d* Autriche , neveu de la reine d^Espagne , et le prince
éiectoral de Bavière , arrière-petit-fils de la veuve de
Philippe IV.
Guillaume III, ancien prince d'Orange, monté sur
le trône d'Angleterre après l'expulsion des Stuarts, ne
travaillait qu'à s'aiTranchir des restrictions qu'en l'ap-
peiant au trône britannique le parlement avait ap-
posées dans l'exercice de Tantorité royale. Cet affiran-
chissement, il ne pouvait l'obtenir que par rinfluence
des armes, et son intérêt était de conserver un noiki-
breux état militaire ; mais les chambres, qui ne se dis-
simidaient pas le but auquel tendait le roi à qui elles
avaient déféré la couronne , insistaient sur la diminu-
tion de Tannée ^ Guillaume , pour arriver scrrètement
à ses fins , se trouvait donc dans la nécessité de cher-
cher dans les troubles du continent le prétexte de
maintenir sur un pied imposant les forocs de l'Angle-
terre. La santé toujours déclinante du roi d'Espagne
lui avait fait entrevoir les moyens de jeter déjà quel*
ques brandons au milieu de l'Europe , en attendant de
l'embraser. Sous le prétexte de prévenir les désordres
que ne pouvait manquer de faire naître , après la mort
de Charles, la rivalité des prétendants k sa royale! suc-
cession, il qvait proposé le morcellement de la mo-
narchie espagnole, bien cf?rtain que loin d'aplanir
par Ih les diflicultés il en susciterait de plus insurmon-
tables. Le partage qiril avait combiné donnait à la
* R«hoiiIi»t; Hisl. ilr Lms JIW tinn III.
CHAPITKK HllTIÈME. 511
Krancc la Sicile, Naples, et tont ce qucTËspagne pas-
s(*ciaii cil Toscane* plus la province de Guipascoa et
iiomiiirnient Saint-Sébastien, Fontarabie et ie port
(lu Passage; il livrait à l'empereur le Milanais, et attri-
buait au prince de Bavière le reste de la couronne
espagnole. La Hollande et la France avaient accédé
i\ ce projet, hautement rejeté parTempcreur, qui pré-
tendait è la totalité de l'héritage, et par les princes
(F Italie, qui n\iuraient pas vu sans alannes la France
en possession d'une partie de leur péninsule. Los An-
glais eux-mêmes désapprouvaient cette combinaison;
mais le but de leur roi était rempli : une pomme 4è
discorde était lancée sur le continent, et les (hostilités
qui pouvaient survenir d'un jour & Tautre ne permet-
taient pas à la prudence de l'Angleterre de se priver
des moyens de prendre part à ia querelle. D^tin autre
coté, le roi d'Espagne, indigné qu'on prince qui était
né son sujet prétendit disposer en maître de sesétat^,
avait publié contre lui un manifeste dopt la cfignité
du cabinet britannique et du poriement a'était sentie
blessée, de sorte que les ambassadeurs des deut plîiè-
sances avaient été réciproquement rappelés. Le prince
de Bavière venant k mourir sur ces entrefeites;- la
question de la succession ne roulait plus que sûr' lé
fds de France et l'archiduc d^ Autriche, et un nouveau
partage avait été proposé par Guillaume et acéèpté
|wr la France. • . î .
J^* parti allemand était peu nombreioc k Madrid.
512 LIVUË QUATRIÈME.
Les hautetirs, l*aiTogance de quelques seigneurs de
cette nation venus en Espagne avec la reine avaient
tellement irrité les habitants de cette capitale , qu'ils
se montraient disposés à refuser toute obéissance è un
prince autrichien ; le parti de la France $e trouvait
donc le plus fort à la mort de Chaiiès, isurv^ue le
1" novembre, trente jours après la signature du tes-
tament par lequel il laissait sa cour<mne au jeune duc
d'Anjou.
Le roi de France avait souscrit au second partage
comme au premier, et, dans la crainte de voir se ral-
lomer contre lui le feu de toute TËurope, il s'était ibr*
mellement engagé envers TAngleterrc k refuser b
totalité de la succession , si elle lui était oUbrte : il
aurait donc mieux aimé s en tenir au partage tel qu'il
avait été réglé. Mais une couronne comme celled'Ës-
pagne était bien tentante, et depuis un mois que Fin*
discrétion du cardinal de Janson lui avait fait connaître,
avec les dispositions favorables de Charles II; l'assen-
timent du pape et de toute f église , qui avait été con-
sultée par le feu roi, Louis détail Imbitnéù nonsidércr
cet engagement solennellement pris avec le roi Guil-
laume, comme un acte de moindre importance qu'il
ne l'était réellement en droiture et en loyauté. A
larrivée du courrier qui apportait la nouvelle de la
mort de Charles et de l'ouverture du testament favo-
nihle au dur d'Anjou, raffaire fut exposée au conseil,
et comme la guerœ pai*ut inévitable, à quelque parti
CIIAPITRK Hl ITÏÈME. 513
((u'on s arrêtât» darrepterou de refuser, la politique
Ht (léeidément biaiser la parole royale, et Louis dé-
( lara son petit-fils roi d*Espagne et des Indes , le i o de
novenihre, en annonçant quil n'y aurait plus de Pyré-
nées. Le nouveau roi d'Espagne prit le nom de Phi-
lippe V.
Les dispositions testamentaires de Charles II, ae- 1701
rueillies avec joie par les Castillans, qui abhorraient
les Allemands, avaient èiè réprouvées par les Cata-
lans, entièrement dévoués, au contraire, h\a maison
crAutrirhe. Celte opposition catalane au régime du
roi français, connue de ce prince, devait Findisposer
inévitablement contre ce peuple. Dans de telles cir-
conî»tances , il fut facile de faire revivre les anciennes
animosités contre la Catalogne et ses privilèges. Le
nouveau règne commençait donc dans les sentiments
les moins favorables aux prétentions de cette province
et «^ son inébranlable volonté de rester dans ses cons-
titutions , contraires depuis longtemps à la marche des
idées vers Tomnipotence de la couronne; constitutions
((ui devaient paraître plus odieuses encore à un prince
<'b»vé à l'école de Louis XIV. Philippe s étant rendu à
{Barcelone au mois de septembre, sa présence ne fit
([n'ajouter à l'antipathie dont il était l'objet; mutuelle-
ment aigris les uns contre les autres, il était impos-
sible que cette bonne harmonie, qui, pour Tavantage
de tous, doit exister entre le prince et les sujets, pût
s'établir entre eux. Les Catalans se sentirent d*abord
II. 33
514 LIVRE QUATRIEME,
profondément l)lcssés que leurs eonsciilers n*eussent
pas la faculté de se couvrir devant le roi , suivant que
leurs prérogatives les y autorisaient. Le refus que fit
ensuite ce prince de confirmer ceiiaines parties de
leurs privilèges, quil voulait abolir de sa seule auto-
rité , amena une résistance ouverte à ses ordres. Les
Catalans avaient tort de ne pas accepter, comme les
autres provinces, les conséquences du testament de
leur dernier roi ; ils pouvaient avoir tort aussi, dans les
idées de Tépoque, de ne vouloir faire aucun sacrifice
à une situation qui était complètement changée pour
la principauté, depuis que le royaume d*Aragon nVtait
plus qu une province de la couronne de Castille, de
puis que toutes les petites monarchies de la péninsule
8 étaient fondues dans la grande monarchie espagnole,
qui, pour soutenir son éclat , avait besoin du concours
et du dévouement ilhnn'tés de toutes ses parties; mais,
il faut bien le dire, leur é^oisme et leur mauvaise
volonté, condamnables peut-élredevantun patriotisme
moins étroit que celui dans lequel ils se retranchaient,
étaient justifiables par leurs droits acquis, et dont ils
étaient toujours en pleine possession. Le titix» xvu de
leurs constitutions les autorisait h s'opposer h tout
changement qui sentit fait à ces mêmes constitutions
sans la participation et le consentement des cortsM il
' i Le fruit des lois rVsl leur obsrnation ; nutrrmnnt, rVM on vain
i(|uVllr» Miraient rriuliirs. (Vp%t |M>iirqiioi, drsiraiit que \rn iiMgrii dr
i Barrrtonr. ronslitiiiiona et dèrrrti des rorts de Catalogne, toutes au
CHAPITRE HUITIEME. 515
fallait donc, au lieu de les irriter et de les forcer à la
résistance, les caresser, les flatter, et les amener à
(concourir ainsi, suivant que le voulait la loi, k la^up-
pression de cette clause si insupportable au pouvoir.
Philippe voulait, en vertu de son autorité royale, sup-
primer cette clause qui était le rempart de tous les
privilèges; mais cette autorité absolue ji laquelle il
visait s'eflaçait devant les lois du pays; les Catalans
étaient donc , sousPhilippeV comme sous Philippe FV,
fondes dans leiurs eflbrts à se maintenir dans une pos-
session consacrée |îar tous les autres rois. Philippe V
n'avait aucun droit de plus que ses prédécesseurs; par
«trrs lois locales, ainsi que les privilèges généraux et particuliers ac-
t cordés à toutes les classes soient obsenrés; de Tassentiment et appro-
• ballon (le><lites corts, nous donnons faculté, statuons et ordonnons
« ((uc s'il arrivait que le seigneur roi ou nous, par inadvertance ou au>
• tHMiient, ou le premier né du roi ou le gouverneur général, son lieu-
< tenant ou tous autres officiers, par voie de mandement , provisions ou
t autres écritures ou procédés, faisaient ou feront quelque cboae on
«commandement contraire ou dérogatoire ou préjudiciable au&diti
cu!iages, constitutions, vlécrets de corts ou privilèges généraux ou
«communs aux troin classes , les députés des corts de Catalogne peu-
« vent et doivent s*y opposer par voie de supplication, raisonnemenla^
• re(|uétes, protestations et appels, el les poursuivre et continuer jua*
• qu'à due conclusion, de telle fa^*on que lesdits usages et autres lois et
« privilèges soient défendus et conservés. » (Consul, de Marie II; idem dr
Frnlinand II , de Philippe H et de Philippe IV. ) Parmi les moyens, celui
des armes n'est pas indi(|ué ; mais si le prince ne le nomme pas, il le
soiis-entend; car, si force doit rester aux privilèges, il faut bien À
l'iniitililé des supplications et des protestations joindre ce qui peut
taire obtenir le triomphe voulu; et Pbilip|>e IV avait consacré réelle-
ment ce principe, en approuvant ces constitutioBs apr^ ia révolvtion
33.
516 LIVRE Oïi'^TRIÈME.
rîiorr|)tation piiiv et simple du testament de Char-
les II , ee prince avait reçu Théritage qui lui était légué
avec toutes les chaînes qui le grevaient au moment
de la mort du testateur; or, dans ce moment, la Ca-
talogne était dans la jouissance pleine et entière de ses
lois spéciales. Tout cela était bien connu du cabinet
de Madrid ; mais Tlieure était venue d*abolir ces pri-
vilèges si longtemps menacés , et si opposés à Tesprit
d'envahissement de lautorité royale. Ainsi fondés en
droit, les Catalans ne voulaient entendre à aucune
transaction : tout perdre ou tout conserver, telle était
leur dernière résolution ; pour la soutenir, ils se jetè-
rent, cette fois, dans les bras des impériaux, et re-
connurent pour roi Tarchiduc Charles, rival opposé
au duc d'Anjou»
La maison d'Autriche venait de justifier les craintes
de Louis. Désolée de voir lui échapper la couronne
d'Espagne, sur laquelle elle avait tant compté, elle
avait de nouveau soulevé l'Europe contre la France.
Le commencement de la guerre avait été heureux,
maisla perte de la bataille dllochstet venait de changer
entièrement la face des aiTaires. La Catalogne se trou-
vait au pouvoir des Allemands, qui avaient forcé la
ï7o5. garnison de Barcelone à se rendre, le !i octobre.
Pendant que Philippe mettait le siège devant cette
ville, Maurice, duc de' Noailles, gouverneur général
de Koussillon , préparait une attacpie contre la Cata-
logne, du coté de la frontière. N avant <\ s<i dis|>osi-
fjoB.
CIIAPITIŒ HUITIEME. 517
tioii, dans loiil son gouvernement, quun seul régi-
nienl de troupes réglées, il en forma à la hâte six
autres d'infanterie, un de dragons et un de cavalerie
ave(* les seules levées de la province, oulre quelques
bataillons de miquelets; et, à la tête de cette phalange
roussillonnaise, il entra en Ampourdan, où il obtint
divers succès, qui se répétèrent les années suivantes ^
Le manque de finances forçant ce gouverneur à faire
des emprunts pour pourvoir à farmement et à Ten-
tretien de ces levées, il trouva dans la bonne volonté
d(\s habitants toutes les sommes dont il avait besoin,
et, au retour de la campagne, il remboursait ce que,
par une noble et généreuse émulation, les corps ec-
clésiastiques aussi bien que la noblesse et les particu-
liers s'étaient empressés de lui prêter*-^.
Les événements de la guerre de la succession sont
entièrement étrangers à notre histoire de Roussillon ;
nous ne les analyserons pas. La renonciation solen-
nelle , faite le 5 de novembre 1712, par Philippe V,
<\ tous les droits qui pourraient lui advenir à lui et à
sa postérité sur la couronne de France , ramena enfin
la paix, qui fut signée à Utrecht.
La nouvelle du traité qui conservait à la maison de
France le trône d'Elspagne vint jeter la consternation
dans la Catalogne , qui s était de plus en plus compro-
mise envers Philippe. La guerre continua donc encore
' Xaupi, Recherches historiifues , tome II.
• Ibidem.
I7i>-
518 IJVHK QUATRIÈME.
dans cettr province, quand tout était en paix parmi
les potentats. La France et l'Espagne , réunies contre
la Catalogne, la déclarèrent rebelle. Barcelone étant
1 anie de Tinsurrection , sa chute seule pouvait y mettre
un terme : le siège en fiit entrepris ^
i7»4- Ce siège mémorable , où s'est montrée avec le plus
d'éclat cette frénétique valeur que fait naître chez nos
braves voisins l'esprit de parti , vit se renouveler dans
Barcelone toutes les scènes que la l^igue avait enfan-
tées autrefois dans Paris. Là se déploya tout ce que
peut produire le fanatisme le plus monstmeux sur
une populace dévorée de superstition , tout ce que
peut le courage le plus indompté sur des caractères de
fer. Exténués enfin par la famine et décimés par les
maladies, compagnes inséparables des grands dé-
sastres; placés sans cesse sous le poignard de la police
monacale, dont les sicaires massacraient impitoyable-
ment toute personne, quelle qu'elle fût, soupçonnée
seulement d'inch'ner à se rendre, les Barcelonais n'a-
vaient plus en perspective que la mort la plus affreuse;
et un drapeau noir, planté en plein jour sur la brèche
par les mains des femmes et des enfants, sous le feu
qui tonnait de toute part, annonçait qu'ils s'y rési-
gnaient. Des assauts livrés par la fureur étaient re-
' Pour ce siège, on envoya Ae IVrpignin À Roses, |iar le €»l dr
Ranyuh, malgré les diffîniltès de ce |)assage, dit-huit pièces de canon
dv vingt-<|uatre : rVM presque un ivrodige. EsMûi historiqme ef mUilmrr
sur la prise dr Rosrs.
cnAi»rrnE iiiitiemk sia
[tuiiKf-s |)it]- lu i~j^c, et. au di^'iiiier. il se trouva juM|u'à
(luaniiitc-iiru!' bataillons cl qiiaranle-cjuutrc i-oinpa-
^nie» de grenadiers sur les dilTérenles brèches *, En-
ti-uin^spnr ce torrent devenu irrésistilile , les assiégé»
doivent eiifni se n^fu^^iei' dans la Bai-celonette. Alors
lieuleincnt la ïoix de la raison put |>arvt'nir à se faire
iToutcr. Des drnpcnux blancs sont arbor«^a, el cette
))u[)ulutiDu Eânatisée demande ^ eâpituler. Mais, et ce
(|iii peut le mieux fuire <-untpreiidre toute la ténacité
du earaclère ea tainn, uu tnomvot même où CCS liommvs.
dévoué» à une mort pres(]ue inévitable, devaient s'es-
limer trop heureux d'être admis à plaider jKinr leur
vie, ils insistent encore ponrU roiiservHlion de lenra
privilèges. Mais Barcelone n'était plus en puissance
d'avoir une volonté : il iàilut se rendre ii discrétion. Le
hnive duc de IJcrwiiJi , commandant du siège et admi-
rateur du courage des assiégés, leur lit les meilleures
conditions qu'il se pouvait, dans une situation aussi
désespérée : vie sauve et radiât du pillage au moyen
d'une somme convenue , faculté ans soldats des troupes
régulières qui ne voudraient pas prendre du service
avec les Français ou avec les Espagnol» . de se retirer
ou bon leur scmhleruil.
Philippe n'usa pas généreusement de la victoire. La
rapilidation de Barcelone garantissait la vie aiu io-
i^urgés. mais elle ne parlait pas de leur liberté ; sui-
' Voyci U rrUliun cimtoilanci^ de c* ûip: t^ipiul. A»ta U r«l-
IcriiondmpUvcsde LuobBii]!. tom* VIIL
520 LIVRE QUATRIÈME.
vant cette interprétation rigoureuse, les principaux
chefs furent enfermés dans différentes prisons d*état.
La principauté perdit tous les avantages dont elle
avait joui jusque-là; il ny eut plus de vice-roi; il fut
défendu aux habitants de conserver des armes sous
peine de la vie; les corts, la députation, les fran-
chises, les privilèges, tout périt dans ce naufrage : la
volonté despotique du monarque devint Tunique loi.
La langue nationale elle-même dut faire place è la
langue victorieuse, dans tous les actes publics et
privés.
La réduction de Barcelone avait mis le dernier
terme à la guerre. Un petit-fUs de France était assis sur
le trône d*Espagne, et la paix devait être étemelle
entre les deux nations : c est ce qu*on s*imaginait des
deux côtés des Pyrénées. Dans un conseil tenu à Ma-
drid , Tannée môme du couronnement de Philippe , il
avait été sérieusement question , dit-on , de raser toutes
les places fortes de la frontière, comme inutiles dé-
sormais entre deux nations qui ne formaient plus
qu une seule famille ^ Cependant les nuages qui s'éle-
vèrent peu d années après prouvèrent que Tentretien
des places n'est jamais imc charge pour Tétat, et que
deux rois, quoique issus du même sang, peuvent ne
pas avoir longtemps les mêmes intérêts.
La guerre eut lieu vu 1719 entre la France et
TEspagnc, en conséquence de la quadruple alliance.
' Arch. ilu tjènif huUî., .Vrm. ArdAm-arr tnrlf Aotuii/fon.
CHAPITRE HUITIEME 521
LfS iiitrigUL-s du cardînai Allicrfini, minislrr di- Phi-
lippe V, tendaient ft mettre l'Kurope en eomhiistioii. el
pour enlever au duc d'Ork-aiis la ri^gencc du royaume
de France, pendant la minorité de Louis XV, et la
Taire passer sur la tête du roi d'Kspagne, une f^errv
civile dans notre patrie lui semblait nécessaire; mais
ladtsrorde fut I>ieiilàtL4ouir^eà l'intérieur, el la guerre
extérieure, pourbquelle l'Angleterre, r.\llemagne et
la Hollande s'étaient unies avec la France eontre l'Es-
pagne , fut de courte diu-i^e el se termina par le renvoi
du ministre brouillon. A cette époque les Rou»sil-
lonnais n'étaient plus ces Catalans du xvu* si6clc,
pleins d'antipathie contre tes Français, et ne soupirant
tpi'après l'ancienne domination espagnole : soixante
ans s'étaient écoulés depuis que leur pays était réuni
à la France; deux générations nées françaises avaient
remplacé les générations contemporaines de la révo-
lution qni avait séparé le Houssillon de la Catalogne,
et les mallieiu^ de cette principauté faisaient apprécier
aux IloussUlonnais l'avantige d'être restés Français, Uu
gi'and changement s'était donc o[>éré dans les mtetirs
et dans les idées de ce peuple , dont l'attachement fk la
nièrc-patiie pouvait, en général, )e disputer déjà à
celui que lui portaient les aînés de ses cnlânts.
Une des premières mesures à prendre pour fraii-
ciser le Roussillon, c'était d'j: rendre funiitier l'uuige
de notre langue. D^s l'an 167(1 tui sertnon avait été
prêché en français dans l'églLse de Saint Jean de Per
522 LIVHE QUATRIEME,
pignaii; mais ce ne fut Ih quuiie singularité aans con-
séquence pour le moment. Louis XIV, qui Tavaitsu,
avait bien engagé les consuls à ne choisir à lavenir,
pour prêcher dans les différentes églises de la ville ,
que des prêtres qui pussent le faire de la même ma-
nière; mais une innovation aussi subite n aurait pu se
faire sans rendre la parole de Dieu inintelligible au
peuple, hors d*état d*apprendre tout k coup la langue
française; ce ne fut que huit ans après, que la chaire
de réglise de Saint-Jean fut entièrement fermée à
fidiome catalan : cet idiome continua k être employé
dans les autres églises'. En 1681 le français avait
commencé à être introduit, concurremment avec le
latin, dans la rédaction des actes du conseil ^ouverain;
une ordonnance du mois de février 1700 régla qu*â
paitir du mois de mai suivant les actes des notaires ,
écritures publiques, procédures, sentences et arrêts
des cours, se feraient uniquement en français^.
^ Aujounlliui le français se pK'cbe dans les deux églises de Saint-
Jean et de La Real; (fans les deux autre!«, qui soûl les panûsses des
^en% de la rani|)ague, comme dans tout le n^te de la province, on
nVniploie que* le catalan.
' Quand on n'employa plus que le Tramais dans 1rs actes publics,
cette langue, avec laquelle on n'élaît |ias très-faniiliariM-, recevait par-
fois de cruelles atleintc>; c*est ainsi (|ue dans un règlement des con-
suls de Peqûgnan,de 1791 , sur les fours banaux, règlement qui fut
arrêlr à i*im|>ression , sur la plainte de lordn* de Malte, seul proprié-
taire de cet fours, on lirait : iLes fenniers [des fours) apr^s avoir bien
i rscobat ( balayé ) lo four, Ut en fermeront la bourbe , afin que la hrata
• ( la va|)eur ) poisso tomber sur le sol , parce qu'autrement la ^mra rcs-
CHAPITHE IIUrriKME 525
I.'^dit qui [trescrivait IVmpioi pxHnsif rfp ia biif^uc
("raiicflise dans les tcrilurM iM niontinu'iit't iniWirs du
Roustillon i^biit . en quelque sorte , k- romp)<^moiil du
lraité<pii^|pndaitwirrett<* province ranloriti' delà inii-
son dp France; mais cela ne suffisait pas. Pour rrodre
Frant;aisdce(i>urleRoussi]tonniii8 delà élusse du peu-
ple , il rallail lui Faire un« ^duextion toute franijaise , et
c'est ce que le pjuvemement avait oublia peiidaitt
longlemps. Conlen! d'avoir ajouta le nom da Kou»-
sillon A i-elui de» autres province» qui composaient la
uionarellie frainjaise, il semblait avoir perdu de \iie
que les peuples qui l'Iialiitaicm avaient un taraclère.
des usages , des habitudes difl'iVeriIs de ceux de leur
nouvelle pïitrie; qu'il y avait une foule de pi^venlîoiu
ft vaincre, des anliiratliîes Ji di^raeiner, avant que
rhotnme du peuple, sans instruction e\ imbu de tmi»
les préjugés anti-natinnaut. put s'unir d'intérêt», s'iden-
tifier avec eeim qu'il avait si longtemps consid^réa
comme ses ennemis naturels. Le niomwit tlevinl Iris
Favorable pour opiircree p^and L-han<reiiienl , qiund b
guerre delà aucression amoncela tons les malheurs siir
la l^lede ses nneiens coropolrioles. Ces Irandiiscs . ces
libertés dont les Catalans et Roussillonnnis si-tairot
montras de tous temps si jaloux, les premier* n'en
conservaient pUisfpie le souvenir, tandis que le Roiu-
sillannais. .'i l'ombre du trône de France, en possiS-
■ nm wSjMire dréuH { m haiK ). ri\e Inmbr apn^i tur l« |«ia t ini.
ftln.
524 LIVRE QUATRIÈME.
dait encore la presque totalité dans les constitutions
de Catalogne, qui formaient son code municipal, au-
quel rien n était innové , et dans ses privilèges parti-
culiers dont la pleine jouissance navait jamais été
mise en question.
La régénération politique du peuple roussillonnais,
ainsi entreprise dès les dernières années du r^pie de
Louis XrV, fut entièrement consommée sous celui de
Louis XV, par Tintervention du duc de Noailles, gou-
verneur général, et du comte de Mailly, commandant
de la province, qui prirent vivement à cœur, le der-
nier surtout, le bien-être du pays qui leur était donné
en garde. Alors on vit le Roussillon purgé de tous les
vagabonds et déserteurs de la Catalogne et du Lan-
guedoc, que la négligence des délégués du pouvoir
avait laissés jusque-là pulluler dans ce pays dont ils
étaient le fléau ; une académie militaire fut établie le
i5 juin lySi pour former douze jeunes gentils-
hommes aux exercices convenables à leur naissance ;
elle fut bâtie dans le local d*une fonderie qu*on sup-
prima^; alors aussi on vit se relever Tuniversité, et
Tinstruction reprendre sa place dans la province.
Cette université, fondée en i Aày par Pèdre IV, était
tombée dans une décadence complète depuis la paix
des Pyrénées. Ses revenus avaient disparu dans le
* Cette école militaire avait huit places, qui n'étaient pas très-oou>
rues; aussi lauteur des Essais hbtoriques et militaires prétend qu*il
aurait mieui valu laisser le pain aui ouvriers de la fonderie.
CIIAIMTIU: HI'ITIKMK àSS
rliangemeiit di- duniin-itioit , el !«» I>dliincnt9 en t^tairnl
i-iiiii*-»; IcK professeurs d'un certain mérite avaieni
quitt(^ tt? Rnussillon . et cvus qui reslnk-nl profcssnient
(Ips |)riiiripo!i contraires au rt^gime lrani;'aîs ; cr n'était
iju'à gnuids frais qu<! les jeunes ftcns pouvnient aller
(lierchiT Hnstruction au loin, et, parcelle raison, le
plus ({ranH nombre en manquait. Par les soins du
comte de Mnilly, un nouveau local fût bâti pour l'uni-
versilé régénérée, et les quatre facultés j furent ré-
unies '. Un amphilliédire d'analomie , tui cabinet
' L'univn^l^ ili^ IVr|ngnaii avati un cliinc«lîer nomint' par 1p roi ;
m 1 7.') I cVtail iDonMigoeur IVvfiqur de Pnfpigaan i|ui nx'i'vail cent
r.ini(iiaiUr fraiicapour ce titrr.donl le» titribulioo* rUicnl dr rKnvuir
If u-nneni du recipur el de cunfi^rvf le griil*! dediicwuri alnn milt'
ment ilwéj^it h U dreitedurecMuri lion (va rirenniUnoia il n'avait
|ui drail (le >4anra. Le rcctanr éuil tlu ton* tes ani, M avait le liln d»
Mi^Uiutrt! il avait juridîctiaa criminelle uir tool ic qui Icnail i Va-
iiiienité, dans l'eticrinle de rétabliuement ■ el l'tppH de 1» JU);D<
menl» ^ail parié dirvcUJncnt aa ranwil toavtinin. | fi>7^ ftiltomfw.)
En 1731, iml^pMtdammcnl do chancelier, il j atait un M<cr^tair«
tianunépar le mi. k eea\ francs d'^nolumenls) un bedeaa , cenl franmi
cioq |)rore)aeun en tliéologic , nunim^ au (."untours t dtui eenU Irane*
l'un, et unciiiqui^e,j^uiie,Mnita|i|ininipniratt;<]ii*li'e profeaMun
en droit dtil et lirait canon , i dniiccoti rTanaruni troi* prDiisaaant
de médecine, an amooun, A dnui nmu (rann chaciini Iruiiprafe*-
teund* ptiiloiio{i)ile, dont deux an ronconn. 1 troî* cent* (imn rha-
cnni le iroiai^me, jÉinite, un* appoin terne n<B; an prnreucnr d* dnril
franfait, nommé par le roi, 1 hinlc«ii<t> franm nn pmreiieur dt ma-
di^matiqur* . id. jéniilr. t liait c«nU franc*; ciiu| logent* et un prélri.
jiauîtn. panrle*<Ja«ei,]w;te par la lille. sept r«nt cinquaiilr fraim
iMMiT les riiM(; plus un nuttre il Ttoile nijale . »(. Iroi* r<nit dii fntn»;
nn|iremief niMfda, eti l'rolauudir du RouHillon,C«nniHit, Ordagne
et pats adjacents, tel qu'il fuubIi son* le* Calalana, rt «{iie le roi de
526 LIVRE QUATRIEME.
cl*histoire naturelle , un cours de chimie et de physique
y furent adjoints successÎTement , ainsi qu'une bi-
bliothèque publique qui dut ses premiers éléments
auK libéralités de Mailly : cette bibliothèque fut le
noyau de celle qui existe aujourd'hui^
A cette époque, où les grandes opérations com-
merciales ne se traitaient guère que dans ces réunions
périodiques auxquelles se rendaient de toute part ceux
qui se livraient aux affaires; ou findustrie n'établissait
ses relations et ne s'ouvrait des débouchés que dans
les grandes foires, l'institution d'un de ces marchés
solennels aux portes de la Catalogne devenait, indé-
pendamment des avantages particuliers qu'en devait
retirer le Roussillon , d*un intérêt général pour faci-
liter les échanges entre la Catalogne et les provinces
françaises. Sur la demande qu'en firent les consuls de
Perpignan, des lettres patentes furent expédiées, le
l'j avril 1759, siu* arrêt du conseil du ao mars, pour
rétablissement d'une foire franche, dont la tenue,
d'abord fixée aux 1 q, i 3 et \[x octobre de chaque an-
France avait conserva*, sana appoiotemenis fixes; les fonctionade cet
oiBcier étaient d aller visiter tous les ans les drogues des droguiiles et
apothicaires de la province avec un hononire y attaché, consistant, à
regard des droguistes , h deux francs quatre sous, et des apothicaires,
à »ix francs treize sous quatre deniers, et pour ceux de la canapagne,
à huit francs dix sous.
* La bibliothèque de Tuniversité ne comptait guère plus de trois
mille volumes au moment de la révolution; elle fut |H>rtée à douie
mille, à la supftression des couvents, par les soins éclairés de M. le
docteur Joseph (iampagne, alors bibliothécaire.
CHAPlTnE HUITIEME r.27
iK^e, fut «nsuiu- i-etani^t^ ju»qu'>iux i i. i a t- 1 i 3 nn-
veinbrv'. Dniia le inêiiie teiii|u Mailly obii-iiiiit la
suppression des traites et de toiis les droiu locaux qui
eiitravaieul sin^alièreinent le l'onimcrre du Hous-
sillou, et les burritn'es qui iivaîeiit étv iiiaiiileiiuc*
jus(ju«.'-là aux limites du Koussilloii et du Lanfçiiedoc
(étaient transportées aux limiteti du Houssiilon et de la
Catalogne*.
Une création d'une importance majeure , celle d'un
port mililiiire aux porles mêmes de rEspagno, avait
lieu dans )« même temps. L'ancien port de Voniia,
Port-Vendre, ipii, fiar si situation au pied des Pyré-
nées, pourrait être d'un immense avantage en cas de
Htuerre avec l'Espagne . et qui , dans toute auln- guem*
maritime, uilrii'îiitmie bonne relàcbc aux vaisseaux de
r^^tat, et. en cia de chasse, un rci'iige qu'ils np pou
vent trouver qu'à Toulon, avait déjà attirt^ toute l'&t
leiition de Vauban. Dans un nW'moire du a mai i (179,
cet homme célèbre . en appelant la sollicitude dti gou-
vernement sur ce point imporlanl de nos f^onli^^e^
maritimes, allait jusqu'à dire que ce port pourrait oc-
caiùonner un jour la perle du llousùllon ou la coD'
quête de la Catalogne, suivant que l'une ou l'autre
de la France ou de l'Espagne, saurait prolïter de sa
siliLation avantageuse. L'état d'enliinee oi'i ne trouvait
encore la marine militaire, à l'époque de Vauban,
' PrauoM.n'XVII.
< Arck. inlmd.
528 LIVRE QUATRIÈME.
pouvait autoriser alors cette opinion, qui aujoui*d'hui
n*a plus rien de vrai * ; mais celle de la grande utilité
d*un port de guerre sur ce point reste toujours en*
tière : cet illustre ingénieur voulait supprimer les for-
tifications de GoUioure pour porter toute la force à
Port- Vendre.
Cette importance d*un second port militaire dans la
Méditerranée ayant été présentée à Louis XVI par le
comte de Mailly, les travaux en furent ordonnés et
entrepris. Encore un quart de siècle , et la marine de
Toulon possédait aux abords de la Catalogne une pré-
cieuse succursale; mais la révolution vint tout sus-
pendre et tout laisser dépérir. Des vastes projets qui
devaient faire sortir un port formidable du sein des
rochers des Pyrénées, il n'est surgi que quelques
constructions , dont plusieurs sont de véritables coli-
fichets d'architecture. Un sentiment d'adulation fit
* Jusqu au règne de Louis XIV les années navales ne furent com-
posées que d*une multitude de navires de toutes formes et de toutes
grandeurs, qui ne pouvaient ni tenir la ligne, ni évoluer d'une manière
uniforme. Cest au ministère de Richelieu que la France dut la pre-
mière formation d'une marine vraiment militaire, et la composition
des escadres de bataille; il débarrassa aussi notre patrie des seooors
qu'elle était sans cesse obligée d'emprunter aux étrangers, et fonda sa
puissance maritime. Sous ce règne, qui, quoi qu'on en puisse dire, fut
relui des grands hommes et des grandes choses, parurent les Tour-
ville, les Paul, les Valbelle, les Brésé, les La Meilleraye, les Duguay-
Trouin, les Duquesne, le» Jean-Bart et tant d'autres célèbres oflîciers,
qui ré|>andirent la gloire du nom français dans tontes les mers du
monde.
CHAPITRE HUITIKME. 529
commencer des travaux gigantesques par ce qui aurait
(lu les temiiner, et, au lieu de ces bassins , de ces chan-
tiers, de cet a^'senal qui devaient recevoir, abriter,
produire des vaisseaux de haut-bord, on n*a, avec de
beaux quais, que des terrasses, des placages d'édifices
et un obéUsque de mauvais goût.
Il nous reste à faire connaître quelques événements
principaux suiTenus en RoussiUon au xvui* siècle.
Le 8 octobre 1707 sept charrettes portant cent
trente quintaux de poudre sautèrent en Tair, entre le
corps de garde de la porte Canet et le poste de TAvan-
rée; les ponts-levis furent détruits , ainsi que les bâti-
ments de cette porte; les murs de quelques maisons
voisines , dans Tintérieur de la ville , furent renversés ;
trente-six personnes furent tuées, avec beaucoup de
clievaux et de mulets chargés de raisin. Un témoin
oculaire écrivait que les membres des personnes qui
périrent ainsi tombaient dans toutes les rues et sur
les toits des maisons ^
En 1726 les chanoines de Saint Jean, comme
composant le chapitre d'Elne, firent remplacer parle
retable actuel du maître-autel de lancienne cathédrale
d KIne , celui , tout d*argent , qui existait encore à cette
époque , et dont chaque jour on enlevait quelque par-
tie. Les habitants de la ville voulurent s*opposer à ce
changement; le chapitre demanda à i ^intendant qu a-
vaut de permettre que la commune entamât une pro-
^ Arch. du génie militaire.
II. u
530 LIVKE QUATRIÈME.
rédure à ce sujet e^lle IVit tenue dVtablir ses droits sur
ce monument, et, de son côté, il présenta divers
mémoires qui prouvaient sa propriété. Sur Tavis des
jurisconsultes que les consuls d^Ellne n'étaient pas fon-
dés dans leur opposition , Tin tend antd'Andrezel refusa
Tautorisation de plaider, et le remplacement eut lieu.
Un des mémoires du chapitre porte que des fda-
ments d'or massif manquaient <^ ce retable depuis
quelques années et qu'on avait enlevé h plusieurs fi-
gures les bnis et des parties de draperies; un autre
mémoire représente ce retable comme « une planche
«haute de trois pieds sept pouces, et large de neuf
tt pieds trois pouces, couverte de lames, de pilastres
«et de fifçures d argent, d'une architecture gothique,
«monument du \iv* siècle*.» Cette date n'est pas
exacte. L'in.scription qui fut placée au nouveau retable
recule au xi* siècle la (M)nstruction de l'ancien , et fait
connaître que la dépense en avait été faite par le
comte de Koussillon (lausfrcd, qui en avait fait pré-
sent à l'église. I^a valeur de l'argent retiré de ce re-
table, vendu h la monnaie de Perpignan, fut de
soixante-quatre marcs, deux onces, qui produisirent
une somme de dix mille trois cent quaninte-sept livres
quinze sous; plus cent cinquante livres pour l'or qui
couvrait quelques-unes des pièces d'argenterie, et
quarante-six livres seize sous pour la valeur d'une
épée d'arçcnl appartenant h ce même retable, et qui
' .-1/(7i. inicnd.
CHAPITRE HIITIEME, 331
proveimit d'un don bit h IVgtise. Le retable actuel
«oûta neul' millr deu\ ccni ciiiipiBntc-dnq livres c'mti
.smi» trois deniers'.
Quatorze ans av»nl rettc i^potpie, le lo décembre
1710, lu tTi^aur dr lu même é^iso d'Eliit ayant i^té
forcé, on en enleva une quantiti^ considérable d'objets
prérjpux [[ui furent tous retmuvt^s, ji la seule exrep-
fion d'une mitre enrichie de vingt et une pierres pré-
cieuses'.
Une ordonnance de p<tlice. du 7 août 1-33, sitlesie
qu'à cetle époque certaines mes de Pcrpigiuin ii'ê-
luient pas cncure pavées; les con»ub ordunncnl le
pavage de celles-ci el la réparation du pavé des
autres*.
En i^Si l'inlendanl fit enmbter le ranat du ruis-
seiiu i-ojal qui entrait dai» Perpignan par la |>ort0
Saint-Martin, et ipie sa profondeur reodail (rj-s-dan-
î»crrui. La rye qu'il pareourail, anriennemenl nom-
mée des Curdelier». était alors bordée, des deux
côlés. d'une rangée d'orangers que Firent périr les
fi-oids de 1 70Ç). Les consuls de Pcrp^^nan adres.«èrenl
h rinleudnnt des représenta tiens pour laisser, â la
ptaec du canal, un é^ut de trois empan» de large,
depuis l'hôpital du Roi jtuql^aup^^$ des Ai^usliiLi, et
de L'i jiisqu'au marché Neuf, lequel serait couv»"!
■ Arch, teciri.
' L> noir. (|ui fut imprima ponr 1 mir fïtcrt \n objftit lotia.
' LiUrprm/ùnMfoai, 11,
I
5.V2 LIVIU-: Ol VTRIKME.
d*iiii(' vontr avrr des ouvertures de distance en dis-
lanro pour rii fîK'ilitrr le curage.
La ville de Perpignan n'avait encore aucun moyen
de sûreté contre les incendies en i ySG. Le i i juil-
let de cette année Tintendant de Jallais rendit une
ordonnance pour faire exécuter les règlements sur
cette matière. Douze longues échelles furent cons-
truites et attachées sous les galeries de Thotel de
ville; on fit confectionner douze longues perches ar-
mées de crochets de fer, douze grandes haches , vingt-
quatre pioches et vingt-quatre pelles de fer, et on fit
venir de MarstMlle cent seaux de cuir bouilli. Ces
différents objets furent distribués par quartiers, et
confiés aux soins des différentes corporations de mé-
tiers; ceux qui avaient res pièces en dépôt devaient
les soumettre deux fois par an h la visite des consuls.
I/oubli de ce devoir par ces magistrats entraînant l'in-
curie des dépositaires, tout disparut, et du temps de
l'intendant Raymond de Saint-Sauveur, la ville « n a-
uvait d'autre précaution contre les incendies que
«douze seringues dont douze hommes en titre, avec
«des [)riviléges, étaient chargés, et point de seaux
« pour transporter les eaux'. » Cet intendant fit fabri-
quer cent seaux d'osier doublés de cuir, et deux corps
de pompes.
Au mois de mai lyiifi parut un édit en cinquante
trois articles, portant règlement pour radministratioii
> (Inmptr i/f / uilministiMtitm i/r M. llttYtiwnd dr Saint-Saurrur.
CHAI'ITIIE HUITIEME. 553
«les coiiim(iiit.-s du Ruussilloii. Cet Mil. Iniiisciil tout
iiu long dans le Dictionnaire (ç^ographiqui; d'I'ApiUy,
régla le notivRan mode d'élection de loiia les oflicieni
municipaux par les notables, qui eux-mêmes devaient
i^lre élus par voie de srrutiii, Ces noliibles étaient te-
nus de !)p réunir deux fois par an , pour oiiir le»
comptes d'administration des eonsuls et ceux de re-
cettes et dépenses des rceeveurs municipaux'. IJna
déclaration du 3i du même mois, contenant cin-
quante-neuf articles , (tétenntiia le nombre d'oCRcicrs
municipaux (|u'il devait y avoir dans chaque com-
mune, suivant sa population. niii)>i que le mode de
formation de la liste des notable!). Ce nombre fut fixé,
pour toute ville ayant qtuitre mille cinq cent» habi-
tants et plus, à un maire et quatre écbeviiis ( qui
portent toujours le titre de consuls ) , i sii conseillers
de ville, un syndic receveur et un secrétaire grelficr,
lesquels tons devaient être élus au scrutin sccroi dans
les assemblée» de notables. Le roi se réservait néan-
moins la nomination du main-, sur une liste de trois
candidats. La durée des fonctions était fiiée ik Iroû
:uis pour le maire, h deux ans pour les échmrtns el à
six ans pour les conseillers. .-Vucnn de ce» dernier» no
[touvait être eontiimé ou réélu qu'après un iiilen'ulla
' Col £(Iil inVoduiHiit il> fcntoib clutip'mvnu û»at I'ul.^.—» .~»-
lilutiuo niuniûiMila do U villu, le ourfi* niuniri[«l, pw doiîWrtlion
ilu 17 juin dit cctti) ■iit4iM «nul); >70'>. réwlul d'novo^ « Ptria^nna
J^pulaliim pour lAppItcr te rni de <e rr''
b5li LIVRE QUATRIEME.
égal à la durée de ses fonctions. Le nombre des offi-
ciers subalternes pour le service des villes, quelle que
fût leur dénomination et le traitement attaché à leur
service, devait être réglé dans une assemblée de
notables. Pour les villes de deux mille à quatre
mille cinq cents habitants, les officiers municipaux
étaient: un maire, deux échevins, quatre conseil-
lers, le syndic receveur et le secrétaire greffier; pour
celles qui avaient moins de deux mille âmes, le corps
municipal devait se composer de deux échevins,
trois conseillers, le svndic receveur et le secrétaire
greffier'.
Les rues de Perpignan étaient en général très-
étroites , et les étages des maisons avaient des avances
sur la rue, suivant la faculté qu'en accordait aux habi-
tants lartirle /\2 des coutumes du pavs, ce, qui ren-
dait ces rues laides, obscures et malsaines. Ces avances,
nommées embans ( abana ) , qui dans le principe pou-
vaient arriver jusqu'au tiers de la rue, avaient été
restreflitesà six empans au plus, par ordonnance du
bailli, du 3 avril i338.
LVnibellissement et lashainissenicnt delà ville ré-
clamant la suppression de ces avances, les consuls,
par ordonnance du 22 juin i^o/i, avaient défendu
d*en construire de nouvelles (*t de ré|)an*r les an-
ciennes, sans une pernn'ssion s|)ériiile de tous les con-
suls unanimement, sous peine <lr d/'inolition et d*a
' \ dvc/ \v [)ictioiinairr frK&|tilly, iiii iiint iVtf^tijnan
CHAPITRE HUITIÈME 555
invudc ; L-laient i*x<!e(iU'«s de rt-llf iiipsurc ccUts de ta
pliirp [^lioriti , du cûU- du rotivciii de Lrule ^ ; onfin .
sur la demande des syndics di> In ville, Ferdinand II ,
aux eorlâ de Monti>o d« lôio. dt^iendil, |iar ordnn-
nxnre du i(i juilJet, d'en ré]i»rer aucune^. Lvdi^sir de
voir disparaître ces hideuses constructions porta le
domaine.^ renoncer au droit qu'il en percevait, eomme
empiétement sur lu voie publiqlle^ cl la eltanibre
rendit iu<^me . le iK juillet 177&. une ordonnance pour
la suppression de toutes res suilUes et rdar^issemenl
des rues les plus étrottos. Mais commet rexéciilion de
cette oi-donuance aurait jeté tout Ji coup les lubitauls
dans dp grandes dépenses, ie conseil souverain, par
«fret du 17 décembre suivant, rendu sur appel, dé-
termina la )arj;cur que devaient avoir les rues les plus
fiassaff^res , et prescrivit la démolition des avances,
an fur et It mesiure de leur niine , Taisant expresses
défenses A tous maçons, charpentiers ou menuisiers,
d'y làire aucune réparation, à peine de démolition pour
le propriétaire et de cinq cents livres d'amende pour
i'ouvrier qui j aurait travaillé *. Oeiiuis cette époque,
l'ordonnance étant rigoureusement eiéculée, toutes
' Lift, anliii
' Tiin* VinUtitat d» ia Fraiirc, la *«incr* ju^iiuit «a vajerlroit
htm limât nom pnvr (• prcmi^rr paie n une livre dii'^tpl wn* sU
rlrnitrnpoitrtcrtuliliMsiiMnt. ^fu-InMMBirr/iuTklMlm.lKnutii'aTon»
yn il#r(iii«riri(u«Wuilk 4nit ^e cm tiaocn p«]ra)Mi1 «lIloUMitliin.
' Ani. [hm.
536 LIVRE QUATRIÈME,
ces avances menaçaient ruine , et le moment appro-
chait où la ville allait en être entièrement débarrassée,
lorsque, en 183 3, une Fausse mesure administrative
permettant ces réparations au mépris des ordonnances
contraires, a fait perdre le fruit de trois siècles d'at-
tente, et consacré pour trop longtemps encore cette
difformité.
Perpignan avait, au moment de la révolution, dix
couvents d'hommes et quatre de femmes. Les pre-
miers étaient ceux des Carmes , fondé en 1 3 1 3 ; des
pères de la Merci, en laag; des Prêcheurs ou Domi-
nicains, en 1343; desGordeliers, en la^g; des Au-
gustins, en i3i7^;des Minimes, en iSyS; des Ca-
pucins, en i58o; des Petits Carmes , des Augustins
déchaux et de Lcule ( de Tordre de Citeaux , avec titre
de prieuré ). Les monastères de femmes étaient : ceux
des Augustines ou chanoinesses de Saint -Sauveur,
fondé avant 1 2^6 ^; de Sainte-Claire , dont la maison
* Les Augustins furent d'abord au Vernct *, en i33 5 iU furent trans-
férés au faubourg du Tent ou de Notre-Dame; en i5^3 ils furent au-
torisés h entrer dans la ville, et sï'tâblirent dans le monastère des Au-
gustines, qui pass^n'ut h Leule.
* Nous devoM!» relever ici une grave erreur dans laquelle est tombé
Tauteur de larticle du Roupillon, dans Tancien Voyage pittoresque de
Franco. Ot «Vrivain avance quVn 1 3^9 toutes les religieuses de Saint-
Sauveur étaient roturières, et que Omstance de ('.milles, fdie du gou-
verneur de Uoussillon, éprouva de tr^s-graude» dinicultés pour t*y faire
admettre, |Mir la »eule raison qu'elle était noble. Ku i339 comme en
1787, é|Mique où écrivait cet auteur, le» cbanoiursses de Saint-Sauveur
étaient toutes d'e&traction noble. \a*s diUîcultés qu'épn»uva (Utiistancc
CHAPITRE numËME. 537
fut rebâtie en i Sa 3; de Sainte - Calhcrinc , Ibudc
en 1 6 1 3 , et des Diiint.<s cnseij^nuntes.
Perpignan ne possédait qiK' trois fontaines, dont
l'eau fade el teiT<>U!ie tétait h peine potable. La plus
ancienne est celle do Na-Pîiirardii, constniiteen 1 /t3 1 ;
celle de l'hôpital date do 1 533, et se trouve alimentée
pot' une source qui naît dans la ville m^me. 1^ fon-
taine dite Neuve s'i^Iant trouvée tout A coup à sec pur
le Inrissement de la sourre qui lui donnait ses eaux, le
roi Martin . par lettres dn fy oetolire 1 lioH, permit aux
cortsuls d'y amener les eaux d'une autre soureo qu'on
venait de dérouvrir non loin de la ville ^. En cas de
sîf'ge, Perpignan joignait Jk Vcan de ees fontaines la
[vssourec de nombreux puits et de plusieurs citernes
dont trois, existant dans les anciennes maisons reti-
gîenses, rontenaiciil un million deux cent vingt'»ept
mille trois cent quatre-vingt-dix pintes d'eau ainsi ré-
|>ro<inrmt aniqucmcnt Ar. r« (fitn t« noiulire dn tdijpetnut Hût dfji
trop gnaà poar 1m mrcnui du moaaitèrr-, et tout 11 les prapnt
[wrolpi dg coniniigsdci' il^Uguit (ur ir uiut )i^c jwnr ipImit «• cha-
nninmuHt ilet eeii9ur«> qu'cl W iv>)rrnl onraonir* foar \mr ctMtînMinn
i repcHiiiprOiniUnec malgré In an)rF<iln*u|>èriauT>c«(Jfaiutiqim!
£e ro ^lùafacdMti àicti neiuitrni non laficithanl nJ taïUnkitionrm M
inonru/inm Oite pi*cf rphir !"■ nom du toutct lu [vliKipuici uuUnI
*n rr. mnnirnl dm* t* couirnl, cl mt aanit opparlioDiiint ton* hu
plu* )[r>ndM Tamilt» du [xp. ( Irri. ttrln. ] Nou* aima étji ié-
BÎgiiu <lim le pttiuirr vnluiiMi, mit* IV, la tr^iioblt rrlîpouM twbff
ruiiplor iv Saf/irrif^. milivnicnl (/i^arn(ç«, 1a<|ii«Ue êcriTtil 1!* itta
538 LIVHE QUATRIÈME,
parties : citerne des Carmes, viiigt-sept mille sept cent
quarante-huit pieds cubes; celle de Sainte-Claire,
mille neuf cent quatre-vingt-seize; celle des Minimes,
quatre mille quatre cent di\^ Lmtendant de Rous-
sillon, Raymond de Saint-Sauveur, voulant amener
dans la ville diflerentes sources pour fournir de Teau
à sept fontaines, en avait proposé la dépense au corps
nuniicipai, qui lavait approuvée . c*est en ces termes
qu'il en parle lui-même dans le compte rendu de son
administration : a Je portai le corps de ville à s'occuper
«des fontaines, si nécessaires aux usages de la vie; et,
« à la suite d'une disposition faite de concert, pour de-
u mander, à Tinstar de Paris, une souscription et un
«emprunt qui pussent subvenir h la dépense, je fis
(( chercher des sources les plus voisines et de Teau la
«plus saine, ce cpi fut exécuté par le sieur Carrier,
c( sous-ingénieur des ponts et chaussées. L'eau fut en-
u voyéo à Paris, et après les essais chimiques exécutés
u sous les veux de MM. Pannentior et Ra>cn , elle fut
«annoncée comme une des meilleures du rovaume;
«en même trmps M. Carrier fit les travaux indiqués
u pour la réunion des sources, pour calculer la quan-
« tité nécessaire, pour prendre les niveaux et connaîtn»
«à peu |)rés la dé|>ense des conduits, du réservoir et
u de rétablissement de sept fontaines dans la ville, avec
n un résidu des eaux pour en fournir h ceux des hahi
«tant.s aisés (|tii voudraient (*n a\oir dans leurs mai
' \nh.du ift'iiu miliîairr.
CHAPITRE HUITIÈME. 559
«80US, ce qui donnerait de quoi subvenir à Ventretien
(«journalier des canaux et des fontaines. La dépense
(( lui îu-bitrée à cinquante ou soixante mille livres, et
»( l'assesseur de la ville fut chargé de la confection du
« mémoire (pii devait être envoyé au ministre avec les
«plans et devis, pour obtenir des lettres patentes.
u Mais les aJTaires publiques ( les premiers événement»
u de la révolution ) ont suspendu l'exécution de ce
M |)rojel utile, essentiel même, auquel la ville pouvait
<( se livrer sans trop entamer ses revenus ^ »
' Compte de t ctdministmùon de M. Raymond de Saint-Sauveur, p. i a i .
Ajuiitoiis ici ({ue la libéralité d*un citoyen de Perpignan, M. le baron
r)(-s[)ré>, ancien conseiller au conseil souverain de Roussillon, et ex-
niairo do Perpignan, a doté cette ville d*une très-belle fontaine, élevée
au milieu dv la principale place , établie sur remplacement de Tancien
rc)llé<^'c des jésuites. Mais cette fontaine n'étant alimentée que par une
partie des eaux des fontaines déjA existantes, elle ne fait qu^embellir
la ville d\in monument , sans ajouter aux ressources de la population,
|)endant les séclieresses si habituelles dans ce psys. Cest à la ville à
prendre maintenant des mesures pour utiliser, à Tavaniage de tous, la
dépense faite par un citoyen honorable, en introduisant dans la ville,
pour Tusage de cette fontaine et d'autres qu'on devrait établir, suivant
le plan de M. de Saint-Sauveur, quelques-unes des sources d'eau vive
qui existent à une distance peu considérable de Perpignan, et dont l'eau
ne tarit pas en été.
Nous allons terminer ce travail par une liste chronologique des pre-
miers fonctionnaires du conseil souverain.
Premiers présidents. — 11 n'y eut pas de premiers présidents avant
I (x)i , année à laquelle Raymond de Trobat fut appelé à cette charge,
le I S a\ ril ; comte d'Âll)aret , 4 mai 1 698 ; comte d'Albaret fils , 3 1 mai
I 7 I H ; de Collarès, 28 février 1751 ; Bon, 9 novembre 1753*, Peyronet
«le Tressan , 11 octobre 1773; de Malartic, 17 avril 1774.
Premiers présidents à mortier. — François Sagarra, par édit de
540 LIVRE QUATRIÈME.
créttioo ; de Pmu, 7 septembre 1 688 ; de Copons, 1 s juiUet lôgSf de
G>poiis fiit, 3o novembre 1719; de Coliarès, i** septembre 1732 ; de
Cayrol de MadaUban, 1* mars 1761 ; sonfib, 7 janvier 1787.
Présidents à mortier. — De Fontanelle, par édît de créaticHi; de
Trebat, a 4 décembre 1680; de Saliéles, 10 janvier 1693; Fonûer,
a6 avril 1701 ; de Viiar-Raynalt, a8 octobre 1708; son fils, 1 a mai
1783; de Feailla de Boisambert, 19 novembre 1743*, Françob de
Gopons , 9 novembre 1 748 ; J.-B. An^ada, président à la cbambre du
domaine, 7 avril 1778.
NOTES ET PREUVES
DE LA DEUXIÈME PARTIE.
. •>'?
m t **«
NOTES.
. I
NOTE 1.
Les consnls de PMpgnm joaiiiaiem de dmn pifiiiMi||^i'
dont les principaai dmTent HfedUsdene cette Ueloife. DnM
privilèges , les uns leur teient cjeiiMme avec leîm eePiguee»-
tent du Roussiilon qae de Geldog;iie, lee manàm leur JHiiwif
iipéciaux; noas ne perlenm ^«e de eee deroien. • ^
Le principdde lem» prfiÂgee ■péden uoiielilrii èfiig»*
sous un dais placé sur «te MtmIb devée. GedMk; ^ leÉr AU'
concédé par les rois de liiy<in|ae » fat* rtiaiwtBM par Im'^kéÊr-
d* Aragon, et sQccestWeiiient pîfr leavob de WiMeî épttifiiÊf
réunion dn RoofaOloo à leur eotiromieg'Le'Irtitgdy ttjijldfc'
senrait poar les rois d* Af1^^ ^ qwHid fls >pblMdenl;èMkfJlgMil/«
U dernier fd de M^enioe avaU jliititaé ^ âiMÉiib ML>
gneufs barons da Veraet, aveolia^te jmiiefc De wntt^kfàMÊt
de porter l*épée pendaDi la dorée de leur mÊfjiÊllÊémni^fiéÊm
que fût lewooiiditie», as doonaieDtla aal^■■■lrA^e>é^ei<iil|^
darts et méliers, powraieBl ebaqM JmT' vWlair ki'pirfNM
royales et preiieh* rélai|iisuweai iliiii fÉhmmmMymÊimVwaÊM^
rite surle cmaiiaf draièr, et tluiflaiwi wn/kt êmfʧm^9ijffàt*
M était dans leurs atlraNHioaa de ûtÊmim an de pawÉn»Btab
trée de la ville aox étrangers, de ttatoer al nrilnfcMMi'1|aÉI#tf^
civil qu*aa crimiiMl en tout ee qoi ooneemait leur gowreraa
ment, avec obKgatîoa Mteffieitts fayan»da AJrrpnMJBr Ida s
oidonnances , sU en étaieal téipim^'^ <JWfrt|itf<aaitt4É«M4)'
W4 NOTES
ieur ex<V-utioii; ils avaient le droit de bannir de la \ille ceux
qui, ayant quelques querelle» avec d'autrest habitants, refusaient
de se raccommoder avec eux , et pouvaient occasionner quelque
trouble : mais pour cela, il fallait rautoritc d'une délibération ,
a la majorité des voix, des conseillers de ville. Ces sentences,
une fois prononcées, devaient être exécutées sans appel ni
recours.
Par ordonnance d'Alphonse 1\' les clefs de la ville étaient à
la garde des consuls, en temps de guerre comme en temps de
paix, et en cas de siège le premier consul était colonel né, tant
de la milice de la ville que de celles des*aulrcs lieux de la pro-
vince rassemblées dans la ville pour sa défense. En temps de
paix il était colon< 1 du régiment de Perpignan, véritable garde
nationale pour la [)olice de la ville.
La sortie des consuls, dans les cér<';monies publiques, se
faisait avec beaucoup de |)om|)e. Aux très-grandes solennités, la
marche était ouverte par tous les corps de métiers, ayant chacun
ses taml)Ours et son étendard déployé; venaient ensuite quatre
trompettes, puis six joueurs de hautbois et un joueur de corne-
muse habillés d'une casaque rouge à galons jaunes; suivait un
alguazil, Tépée au cnt4'*, et portant une canne dont la pomme
était aux armes de la ville; ensuite marchaient trois vergiers,
deux massiers, et tous les oHiciers de l'hôtel de ville; enfin
paraissaient les consuls, en robe de damas cramoisi fort ample,
à larges plis par devant et très-petits plis par derrière , avec de
grandes manches et lui collet n*nversé orné de rubans , ayant en
outre une fraise au cou et |)ortant à la main une toque de velours
noir fort plissi*c; le corps <le ville fennait la marche, augmenté
de tous les anciens «onsul^. ;\. IVtscli, Titoh de hon, (l'ovale
pitt. fia Jlouss.)
Nous avons sous les yeux un prctieux manuscrit, clief-
d'œuvrc de calligraphie , orné de plans et dessins artistemcnl
DE LA DEUXIEME PARTIE. 545
coloriés, intitulé : Etat militaire, ecclésiastique et politique du
iioussiUon, 1751. Le volume esl du fomiat petit in-8', relie en
nKtro<|uin verl, aux armes du duc de Noailles, n <]ui il parait
avoir seni de vademecum ou «ralmanaclide la province de Hous-
>illon, n Tépoque où le maréchal en était le gouverneur. Nous
(lovons n notre ami M. J. Tastu, possesseur de ce manuscrit, la
))orniission d*y puiser les détails qui suivent, auxquels noos
n'avons rien changé.
CONSULS.
Dans toutes les villes et lieux de la prorince du Roussîllon
il y a des consuls établis et autres officiers tant pour régler la
police do lour district que pour ce qui concerne le senrice du
roy. — Ces officiers sont établis annuellement, partie par ex-
traction of partie par nomination, et ne peuvent être inséculés
dans les lx)urses desdites villes qu*au préalable la liste des per-
sonnes qui veulent fétre n*ait été approuvée par le lieutenant
p>tiéral commandant la province, et l'intendant , âqni les con-
suls dosdites villes et lieux sont tenus de la présenter, avant
piocédor à ladite inséculation ; ce qui est de même à fégard de
ceux de la ville de Perpignan
JURIDICTION CONSULAIRE ET POLICE.
Cette juridiction est exercée par cinq consuls renouvelés
tous les ans, le 38 juin, par extraction, et qui sont tenus de se
transporter le même jour revêtus des robes consulaires et avec
leur cortège en Thôtel de M. le Meulenant général et com-
mandant de la province |K>ur y prêter leur serment entre
SOS mains. (A celte époque de 1751, c*était M. le comte de
Mailly. )
lU sont juges do la police de la ville, assistés d*un avocat
11 35
,VM) NOTES
assesseur, et ont «liiVëi-enls f>l1icîer> qui leur son! siibonionnê!!,
aiiiM qu'il est n voir de l'état suivaut :
hlAl DE.S OMl('.iEll> DK i. Iion.l. nh VII.I.K hT AI'TRES
K M l>LO^ h S A .s KS (i A( i E> .
PkEMIKR CONSI !.. / ,»
\ rreiiuiM- rial
»St'((nnl ui. \
Troisicuie ùl. / .. i . .
Quîilrirnio î<l. \
(liiiqiiiciiH* i(l. I Ti*oi*si('inc dat
AssKh.shun, M. Gaffard, avtjcnt
Tri avocat de ville, par extraction annuelle..
S^iiiKTAïKE, M. l^>sc'li, notaii-e
A 11)1., M. l^jsdi l'ilâ, notaire
Swnic, M. Alda^-, notaire
TitKMiiUKii, M. \ iguier
G>\Tiu')i.M:n, M. Jaunie. no(ain>
àSous-syndic, le sieur Jatimo, |iro<'uroiir. . . .
Deux olViciers de {xilice ou davaire.t; le pre-
mier du corps de la noblesse, et l'autre de
(■elui des nK'ivadirrs, tires tou> les ans par
extraction
Greilier de |M»lice, M. I^>scliprn', notaire. . .
I %. .1.
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Quatre liaiitUusâ quarante li\ix*s chacun. . . itio /
Quatix; troinjM'ttes {}(j \ «j .
Qiialrt» |>orlalîci-s -fïi) »
Vu aigna/ii et cinq valets de \illi> i,i.'>h *
Detiv \ filets OU lini>siers de polit e .'io . «
l.n ca.sernier i<)0 § *
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k.. *4
DK L\ DKIXIKMF PAHTIE.
Lu |K'S(Mir (les sucades.
I/liorloucr
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1^ Organiste de Saint-Jean
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U» sonlll(>ur d'urj^iies
Deux j)e>eiirb aux lx)uchenes
Le pesenr de la Cadène
].e régent de Técole royale, coiuprLs dans Té-
tai de runiversité
Le |>eseur de la glace
- des raisin:»
I .e fontanier
Le t iiier des sacades
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V f
CONSLSTOIBE DE LOGE DE MEK.
l^i> allai res» entre marchands et toute» autres concernant le
roniinerce re^sortent à ce tribunal. 11 est coni|>osé de trois con-
Mii> de mer; le pitMuier pris du premier état, le second du
rorps des niercadiers, et le troisième de celui des marchands
drapieiN, de leur as.scsseur, de douie conseillers, d'im juge
d'appellations et d'un greiller, qui sont renouvelés tous les ans
|)<ir extraction, à la réserve de Tassesseur et du greilier.
KTAT DES OFFICIERS Di; rX)NSIST01RE: DE LOGE DE MBR.
I.
(il consul de mer du premier état aoo
mercadier aoo
maix'hand drapier aoo
\ssesseur, M. Pontich 80
<^)uatre umseillers du premier état ^o
Six d'entre les mercadiers. 60
548 NOTES
I.
Deux du coq)!t des marchands drapiers. ao
Un ']u^e d^ipprllalions i5o
Tu greffier Gîi
L'n syndic 5o
Un vergnier et conriorge loo
\a*> appointcnionts de* ces officiers sont payés du revenu de
Timpariage.
NOTE II.
Sarles bourgeois honntrs oa citojens nobles.
Les citoyens de la main majeure jouissaient depuis trc*s-1ong-
temps de quelques-unes des prérogatives de la noblesse : cette
possession existait déjà au w* siècle. Sous lerèpie d'AlphonselV,
les mercadcrs de la seconde classe , ou mrnestrtils (ou manestral,
celui qui exeire un art niiVanique), ayant intrigué pour passer
dans la main majeure ."quelques tmuhles s*en suivirent, et la
reine Marie, lieutenanle du royaume , fut oliligt^e , |K)ur pacifier
ces querelles, de faire redescendre ces meneslrals à la seconde
classe. Par sentence arliitrale du iH août li'iQ cette princesse
ordonna que les citoyens lionoivs de Perpignan, com[M)sant la
main majeure, seraient inscrits au livre des matricules du con-
seil de \ ilie , et qu'ils d('\ iiMidraient cxciusivtMuenl les conseillers
de la main majeiiix*. Pour a\oir drrût à cette inscription, il
faudra, dit Tordonnance de la reine, • ètir lils de citoyen
• majeur, ou élrc adnii^ comme citoyen majeur par les cinq
• i*onsuls, et par ceux qui oui cte premiers et seconds consuls,
• au nond)i-e de quatorze, (^'s quatorze per>ounes ou dix
■ d'entre elles, au nioin^, duvmnt être d'a\is unanime |K>ur Tad-
« mission, qui ne pourra se fainï que le jour de Saint-CÀr.
• if) juin, (^ux qui auront été .idmis de cette fac-on scronl
DE LA DEUXIKMK PARTIE. 549
« inscrits comme citoyens majeurs au livre des matricules. » En
\ertu (le cette décision, les consuls , en s* adjoignant le nombre
ri>qui> d'anciens magistrats, purent tous les ans élire et élever
an rang de citoyens honorés un certain nombre de leurs com-
patriotes. Le roi Ferdinand II abandonna à ces citoyens ou
bourgeois honorés la jouissance de quelques- unes des firan-
cliises accordées à la noblesse ; de là ceux qui en faisaient partie
s'intitulèrent citoyens nobles. La circonstance de leur inscription
an livre des matricules les fit désigner aussi par le titre de
citoyens immatriculés. L'abus que les consuls faisaient de ce pri-
vilège de créer des citoyens honorés détermina, en 1691,
Louis XIV à borner à deux seulement le nombre auparavant
illimité de ceux qui pourraient être immatriculés chaque année,
et ceux qui seraient élevés à ce rang devaient posséder au moins
dix mille livn^s de bien : c'est à cela que se réduisait le prétendu
privi]ég(> dont , suivant quelques historiens, jouissaient les
consuls de Perpignan , d'anoblir tous les ans deux bourgeois.
Les citoyens immatriculés aspirant bientôt à toutes les pré-
rogatives de la vraie noblesse, ce corps les leur contesta, et un
procès commencé à cette occasion par devant le conseil du roi ,
en 1733, n'était point encore jugé, quand les premiers symp-
tômes d'une grande révolution se manifestèrent. La convocation
des <'tats généraux accéléra la décision suprême.
Nous transcrivons ici le préambule des lettres patentes
données par Louis XVI au mois de février 1789.
« Louis , etc. Les cavalert ou chevaliers de notre province de
Houssilion ont , avec les bourgeois honorables et immatriculés
i\v notre ville de Perpignan, autrement connus sous le nom de
citoyens nobles, et avec les descendants de ceux de Barcelone qui
sont établis dans notredite province, une contestation pendante
en notre conseil, dans laquelle l1 s* agit de savoir si les différents
titres que produisent lesdits citoyens nobles de Peq>ignan et de
Barcelone leur ont assuré la noblesse transmissiUe. Cette con-
rifiO NOTKS
l'.'slaliiiii. (|iii (iiirr <ir|)ui> i7<h), et (|U(^ les iiilendants du pays
tnil »iKr(*!4si\rinciit r*tr cliarprs (l'instniii'e. ne l'est pa» eni'orc
coinpleteineiil . en sorte que s'il ruilait Ja jii<;er il s'» -o nierait né-
rc'ssaii-enienl un Umiij)s fort lon^ avant que nous pussions
statuer. Dans ces eirconslam-es , les parties, é<;alemenl frappc'cs
des diilicultés el des embarras sans nombre que l'indcicision de
rettc a flaire oi'casionnerait lorsque la noblesse de la province
s'assemblera |>our rfliftion de ses dcpuli'S aux états généraux de
notre rovanme, ont res|)eclivement consenti que, |>ourles pré-
venir, nous les terminassions par \oie d'administration. C'est à
cpioi nous n*avoiis trou\é aucun inconvénient, puisque ceux
qui |>ou\ aient être iiiléresscs à s*y opposer v donnent les mains.
« En consi>qnenre , uprrs la représentation et l'examen de
toutes les pièces, le roi i*ei'onnail mtiispenstthie de maintenir les
citoyens n(»bl(>s dans la noblesse IraiismLssible et dans t(»us les
droits <|ui y sont attribues , ce qu il ord<inne en cilet. *
Ces lettres patentes furent emv^istrces au conseil souverain
de l\oussilIon le 'à'S mai*s snivaiii. Ensuite de cette itiyale dé
cision, les armoiries des ciioveiis nobles lurent enregistn*es a
l'armoriai géiirral de i''rant-e, ce qui nous consleduie(*éf)issédc*-
livii' par le commis a la n*ci'lte des dnjits (ie ce:» sentes d'enre-
gistrement , sons la date du ).') direnduv i 781^, a la requête de
la dame Dulrat et S'maler. Déjà un ariV't du conseil d'elat du
'j.S dereinbiv 1 ySf) avail préjuge l.i question en ta\eur i\* >
cit(i\ens bniiores, en lrsas>njetiissan- |Niur laxenir an payement
du marc d'or, r(»mine reux qui rere\ aient <les lettres di* gcMilil
liomnie
NOTK III.
Nui It !k nintiiiiiit % i/ii /{ftri.t.ii//"'
La villf tli> hii^ciiio. {oiii>sant du ilmit de idloiiie romaine.
.1 du .<\4iii M>s iiiiiini.iies coloniales. in.iis l,i i.HVte de ei's
DE LA DEUXIEME PARTIE. 551
iiK'dailIrs uttostr qirdle ne lit pas, a cet <'»garcl, un grand
us;tî»(' <l(» ve dnni. Vaillant avait déjà cité uni* médaille d'Au-
i;iist(\ avec les initiales col. kvs. Le cabinet des médailles
du roi en |>ossède une ayant dun côté la tète nue d*Augu8te
iU(T les mots : imp. caksar anoystas, et au revers, deux
aifj^les lé^ioimaires avec les initiales col. rvs. Une seconde
médaille avec la tète laurée de Tibt're , et au revers , les deux
ail(*s avec les chiffres v et viii, indiquant les numéros des
lestions, existant au même cabinet, est attribuée aussi à notre
colonie. M. Mionnet a publié deux autres médailles de la
loéine ville, dont Tune donne à cette colonie la vi* légion :
( m.. KVS. LKG. M. Cesl là tout ce qu'on connaît des médailles
«h* Kuscino*.
L(>s comtes h( réditaires de Roussillon eurent aussi leurs
monnaies: mais elles sont complètement inconnues. Ni le ca-
binet du roi ni aucune collection particulière , à notre connais-
>aiKo, en France on en Gitalogne, nVn peuvent montrer une
x'ule '*. Il est cependant hors de doute que des monnaies forent
iiappeos sous ces princes, puisque leur valeur est citée dans
uni* Ibide d*actes. Une vente faite en 1 1&3 prévoit même le cas
on CCS monnaies viendraient à baisser. Parcet acte, Guillaume,
c hâtclain d'Appia, vend aux prêtres dKspira un terrain pour la
soinine de (piatre cents sous roussillon nais , avec pacte que si
vvWr monnaie baissait de poids et d*aloi, la somme convenue
ocrait pay(*e en maravedis, à raison d*nne de ces pièces pour
^(>{)i sou^ et demi de Roussillon"*. Lne note de Baluze, dans
i appeiulix du ^farca hispanica^ fait connaître la valeur relative
de la moiniaie roussillonnaise. Le sou tolidas se composait de
linit orff(*ntem , dont chacun pesait vingt-deux grains d'orgie.
La livre d or contenait douze de ces sous. Le sou vidait auati
* Nou« f1i>voD« r#fl renBcigBrmcnU à roUigmoM Je M. Dvmsrtu , miploy^ an cahiatt
l'« iiinlrfillrs du foi, lo«jo«n prit à *tr» utât «mb gto» <U IftUm qui la rowlitai.
1 ; I '■ •■«//«
552 NOTES
quatre mornltotins; ronce en valait sept, et la livre quatre-vingt-
<|uuti-e.
Nous avons parlé, dans le texte , de la fondation du premier
hôtel des monnaies de Perpignan, qui eut Heu en i43o: jus-
qu'à ce moment, quoiqu'on battit monnaie dans cette ville, il
n'y avait pas de local attitré pour cette fabrication , el les usines
étaient éparses dans les dilférents quartiers; ce fut le directeur
Pierre Lobet, poun-u de cette direction en i4a3, qui réunit
tous ces ateliers dans un même local, lequel, par lettres
patentes du roi Alphonse le Savant, fut converti en hôtel
royal.
La Catalogne comptait six ateliers de monnayage : Barcelone,
Perpignan, Ampurias, Pallas, Urgel el Besalu; les deux pre-
miers frappaient j)Our le roi, les auli'es pour leurs comtes par-
ticuliers. Majorque ne commença à battre monnaie que sous
Jayme I". roi de Majorque, par suite de la défcrnse que le roi
d'Aragon fit à ce prince de faire travailler la monnaie de Perpi-
gnan , quand il lui imposait sa suzeraineté. Avant cette époque,
les monnaies particulières des îles Baléares étaient fabriquées à
Lerida. Après l'extinction du royaume de Majorque, le droit de
frapper monnaie fut n>ndu à Perpignan, et le roi d'Aragon,
Pcdre IV', favorisa particulièrement cette villeen lui accordant,
par privilf^e S[M*cial du à des calendes d'avril i3/i(). le droit
de fabriquer exclusivement des florins d'or pur, ainsi que des
écus du même II In* cl |H)ids cjue ceux qui se frappaient en
France*.
Pour garantie de la fidélité des espèces fabriquées à Perpi-
gnan, Pèdrc IV onlonna , le a/i mars i357, qu'il fût construit
une armoire à trois clefs , dont une serait gardw parle maitre
ou directeur de la moimaie , une par l'écrivain et la troisième
par l'alcayde de la monnaie , qui remplissait les fonctions de
nos commissaires du mî. Dans cette armoire devaient être dé-
* y%U\ I McntJii fg^v-iiiaj tn ''dt«faii).i . tome I . p. m.
DE LA DEUXIEMK PARTIE. 553
post'Ob les espèces nouvellement fabriquées , jusqu'à ce qu*on
(Mil fait les vérilicalions convenables.
L*liniel (iis|>osé par Pierre Lolx?! resta clans la inènie nie,
celle (le la Porte de pierre, jusqu'au temps où Louis \IV fit bâtir
le nouvel hôtel , sur remplacement de l'ancienne université ,
qui elle-même fut transférée au lieu où elle existe aujourd'hui :
ce fut en 1710. A la même é|xx|ue le personnel de riiôlel des
monnaies fut composé de deux juges-gardes, d'un procureur du
joi et d'un greflier.
Nous donnons ici le taux de certains traitements et la valeur
(le (linV^rents objets, en Roussillon, à différentes é[)oques.
A|)res la réunion du royaume de Majorque à celui d*Aragon,
Pèdre IV rendit une oitlonnauce pour fixer le tarif des salaires,
traitements et émoluments attribués aux charges et olFices de
Roussillon qui se payaient sur les fonds du tri'sor royal, ainsi
qu'il suit :
L'an (le N. S. i3ik6, le 8 des ides de mai. Ce son^ ici les
ordonnances faites par le seigneur roi , et qu'il veut être obser-
v('k^s dans les comtés de Roussillon et de Cerdagne pour les
salaires des oflîciers de ces comtés, et poor leur nombre.
Preuùèrcment, au châtelain du château de Perpignan , pour
son salaire et pour deux sergents qu'il y tiendra, cent livres*;
|K)ur trois portiers, soixante et douze livres; pour vingt-quatre
senants qui fassent le service du château, à quinze livres par
an; pour chacun trois cent quarante; total pour cet
article 53a '-
Le gouverneur aura un sergent , qui aura de salaire . . 1 5
Le châtelain et bailli de G>Uioure, pour lui et pour
six senants • 1 60
Le châtelain d'Opol, pour lui et cinq servants, un
I j lit rf «loot il •'•git ici fl ia lit rte dilr dt Urn . de BarcrkNM, qai ^iMt à kut
<|uini4> Kraiof ei demi d« titre d« fia , et de soiuBt* et do«M d« lâ^ ■■
riM \OTKS
jioriivr et un cliicu qu'il c^l ((*nu d'y a\oir lào*-
liC (liâtelaiii dv Tiuitiivvl, |X)ur lui <*l [X)ur deux ser-
vants i3o
Le châtelain de Kon'a-Real , pour lui , cinq servants
t'I un c-liieii lao
iiC cliàlcliiin de la tour de Tautavel, pour lui , pour
nn homme et un chien aà
Le gardien do la tour de la (ianle l'ecrcvra les fruits
ilc la \i<j;iie qui y est attenante , et de plus lo
Le gardien de la tour de i^ufjmusart , c'esl-à-dirc un
homme qui y reste chaque nuit 3
Le châtelain de lUxh'z , jxuir lui et deux servants. ... ào
Le cltatelain de Pui{^'alador« |)our lui et trois ser-
vants 5o
Lo châtelain de Livia, pour lui et six senanls i5o
Lv chà elain dv Qnerol , pour lui et cinqsenants. ... loo
\a.' châtelain de la tour (ienlane, pour lui , sans plus. . 3o
Le châtelain de Bel vezer, pour lui et deuxsenants. . . 5o
\a: cliâleiain de (Pastel non , pour lui et deux ser\'ants. 5o
Ijc châtelain de Coi^i^vi, pour lui et deux servants. . 5o
Le châtelain de IW?llep)i(le. pour lui el deux ser*
vaiils 5o
Le (hâlelain de Monlesquiou, |H)ur lui el dfux ser-
\anls Ao
On il V ait un homme, sans plus, aux deux tours de
\ ilh'fraiH lie. el qu'iU airnl de salaiit* 'jin
Le cliâleiain d'Airscot sera un pa<:es. qui sera en
même temps hailli , i-l n*re\ ra . . fi
De même, pour la châlelainie cl hailliap* d'flle, un
|Ki^f> de la \ille, qui recevra f>
l.f rhâleiain et h.iilii th* Laimpie 30
\.v « h.itclain du château dv Sc<;ura iH
n
II
DK I.\ DKl'MKMK PARTIE r)r>r>
SALAI Kt^ l>l-:5 OFPICIKHS DP. ROVSSIIXOK.
Plein i(M'tfineiil , le gouverneur, qui sera leiiu
(i .ivoir cinq chevaux, aura pour salaire joo*- « '
Son assesseur loo /
Le vi<;nier de Roussillon lOO '
Le juj^e (lu viguier 5o
Le jn<:e du douiaine 3o ^
Le bailli de Perpignan 5o »
Les deux juges duditbaile, cinquante livres chacun lOO «
Le inge de Vallespir 5o
Le jn«;e de Roussillon 5o
L'îiNcual royal 5o »
Le procureur des fiefs, qui sera tenu de régir la
pKHinalion lixale de la cour du viguier ^o a
Le pn Ml UT in* fiscal de la cour du bailli 30
\ji^ sons-bailli de Perpignan i5 »
I/axocal lies pauvres G u
L'j'crivain des nVlamalions • a5 f
!/<>< ri>ain qui aura avec lui le précédent 13 «
Le procureur des pauvres 'S g
Ordonne de plus, le roi, que la cour du bailli de
Per|)ignan aura viugl juges seulement, qui recevront
< liacnn |H)ur leur vestiaire Ao sous par an , sans plus u 4o
Suivent (Vautres salaires pour les différentes petites charges dans
Jrs deux ivmtés. ( Arch. dom. )
/''m/> dr sèpalture de Bérenger^Jonquieres , chanoine de Saint-
Jean , de Perpignan (1 &■ 7).
I •. .1.
Ponr la pixK*ession générale d'enterrement. . . à <io /
INmm la hen\aine '- ao "
556 NOTES
Pour rcxtrême-onction #'• 5^ 6*-
Pour l'habit de preire avec lequel il a été en-
terré et que rôglise a fourni » 33 '
Pour la sonnerie des cloches # ê i5
Pour creuser la fosse # 5 #
Pour quatre torches # 3& #
Pour faire passer une sonnette dans les rues. . # # la
Pour le pain offert au service, tant le jour de
la sépulture que celui de la neuvaine # 94 '
Pour le vin offert de la même manière ê 3 8 ,
Pour achat de drap pour le vêlement de quel-
ques prêtres pauvres de Téglise de Saint-Jean. . . lo « la
A un prêtre ))our avoir nettoyé et lavé le corps . « 8 «
ao lo a
Vers la même époque, un licencié en droit, nommé (Miba,
refusant de payer les frais de sépulture de sa femme et de deux
de ses enfants, Toflicial de Févèque le condamna k les acquit-
ter, et les régla comme suit :
Pour Textréme-onction de sa femme 7 t
Pour la procession générale d'enterrement 60 §
Pour rcnterrement des deux enfants 6 6
Plus les dépens, suivant qu'ils seront liquidés. {^Arck, eop{.)
Quelques salaires sous Louis XI,
Au garde des droits généraux , au pont de la Pierre. . . 5**
Au professeur de In chaire des arts, à Perpignan la
Au pix>cureur fiMral 1 5
Au poseur de la viande 10
A rix-rivain des |H>ids du roi 6
DE LA DEUXIÈME PARTIE. 5:>7
A l'avocal liscal de la procuration «j'-
( Quittances de la C. du dom.)
Frais de voyage pour sept personnes. ( Même époque. )
C'est la despense faicle par le seigneur G^r*, pour le voyage
que fait, lui septiesmc^ partant de ceste ville de Perpignan
pour aller à Montpellier devers messire le général trésorier et
roceveur général de Languedoc « pour avoir les assignations des
répartitions de Roussilhon , en ensuivant certain mémoire escrit
de la main de monsieur le comte de Castres, viz-roy de Rous-
silhon. Et primo. Le vendredy xiiij' jour de mai lxxjx« que partit
ledit sieur, à la Cabane blanche, un disner pour lui septiesme,
cy xiiij»-
In souper à Narbonne xxj
Saniedy xv* jour dudit mois , un disner k Beziers .... xiiij
In souper à Lupian xxj
Dimanche xxj dudit, un disner et un souper à Mon-
pellier xxxv
Lundi xvij dudit, un disner et un souper audit
Montpellier xxxv
Mardi xviij dudit, un disner et un souper audit
Montpellier xxxv
Mercredy xix dudit, un disner à Lupian xiiij
Ln souper à Saint-ITubery xxj
.Teudy xx dudit, à Beziers, disner et souper pour la
feste d'Ascension \ostre Seigneur, tout le jour xxxv
\en(h*edy xxj dudit, à Narbonne, disner xiiij
Un souper à la Palme xxj
{Arch. (fem.)
' Dan* nnr autre fiKC* , c« MifMar C^r Ml qttdîM A'vmigf { éem^ ) dm cmh« ém
Castrw . Boffit*^«-JBfa.
:m« notks
MtinHtit *fe payement , de lu nwme vjnu^ne . sur un huitième ile
feuille de papier, rcrit en Intren.
Trrsoricr, payez et doliivrez u Javnie de Koqiictaillade la
soiiiiiiede (liv escii:» «i'urqiie lui avoii» oiiloniics» pour sou vova^
du lier (levers inessel>;iieiii's de lA>ni]iC.s , de l'oiiuiiige et d'Agre-
moiit |K>ur a ne unes eiioses que n«t essai rem en l eoiiecrncnt le
roy . f*l par son exprès couiounidemeul. Et par reportant ces
pn-seiiles si^^nirs de noire main . ladite somme de x escusdor
\ous sera deduiete des deniers du gênerai de vostre rctcpte ;
parlant et ainsi (piii appartiendra, >an$ dillieultê. l'ait à iVr-
pij^^nan, le \iij jour île décembre, 1 an mil iiij e soixante et dix-
neuf.
LV)FFILE-D£-Ju(iK.
IVnir X W. Uk.aiias.
De la main de Itojlile : Non ayo po/iit de Tau ta
A a dns du mrme hillrt est la qui I faner dri'sfvr par un notaire.
La moiuiaif* de hillon a\anl cprouM* une réduction, eu
Hnussilion, au rounneneement du wiT sirrlr. \vs mairliands
aimaient niiciix Ij\rei les niaitliaiidises a erédit que de it*< evoir
la moiniaie réduite, ou liicii ils Taisaient ])a\('r le dnnidc du prix
ordinaire. Îj* iH janvi«T i<'m).") le hailli de Pei'pi<;nan lixa
comme il suit la valeur de ( liatpio olijct , pavahle en moimaie
rabaissée, (ielle ordoni.ani-c de majimum vs\ intéirssante |Nnir
la roniparaix)!! des prix dt* celle rpoqiie avec ceux d'uujour
d lini'
* M f •ut n III inpK I i|iif \r iii.irr ir.iik;riii «jlml .1 n llp ^|f^|iir «iiiKl liirr* riaq um% ipialir
(lpiiipr«,lr «iiii ■( .i|-ii% • '|iiii-iiii • riitiriMi irrur iriiliiiir« fiiii| •li«ii-iiir« . nn^niivif irjtajfmr
l)K LA DKUXIKMK l»AUTIK 559
(irams. — Le l)l<' fmnienl se vendra 16 s. la mesiii'e (un
(iiralilre i/:î ) ; le inéteil. i3 ».; l'orge et l'avoine, 8 ».; Ie»ei{;le,
lu ».; le niilleL 9 s. Nentend pas celte ordonnance empêcher
(\nv ( e.s objets no se vendent à meilleur marché s'il y a lieu.
Li'ffumfs. — L( s fèves, pois, lentilles el jçros haricots, i3s.
la mesure; les [>etits haricots, 8 s.
Viande. — Li! mouton,^ s. la livre (l'ancienne livre romaine.
(le x-x onces ou ijb de kilog.); le bœuf, a s. & d.; le veau
châtré, 3 s. ^ d.; l'autre, a s., non compris les viandes delail
qui s(M*ont réduites au prix du mouton. Les clievreaux et
agneaux, ao s.; langues de bœuf, 3 s. pièce; ou fera a deniers
(le loie, et le reste des viandes, G d., pour que les pauvres puissent
s'en accommoder. Porc frais mâle, 3 s. 4 d. la livre; la truie,
-> s. 8 d. Ijes vendeurs au détail feront 6 d. de viande. Grosses
saucisses, 1 s. l'empan; les petites, 4 d.; côtelettes, 6 d. la pièce.
(tihier. — Perdrix et francolins, après le renouvellement de
la chasse, a s. 6 d. la pièce, et de la Noël au carnaval, 5 s.;
lapins, 3 s.; lièvres, 6 s.; treelles, 18 d.; tourterelles, 18 d.;
pigeons sauvages, 5 s. la paire; tourdes et merles, 6 d. la pièce;
élourncaux, à d.; cailles, 8 d.; bécasses, a s. 6 d.; alouettes et
geais, (id.; oriols, 6d.; canards sauvages, 3s.; sarcelles, a s.;
poules d'eau , macreuses et polits (courlieux), 1 s. 6 d.
l olaille, — Chapons, la paire, 17 s.; poules, i3 s. la paire;
|)oulels , 3 s. 4 d. la pièce; poulets un peu gros , 5 s.; pigeons
et colombes, 6 s. la paire; oies, 10 s. la pièce; canards, 5 s.;
ecK^lions de lait, 10s.
Vins, — lies vins ayant été peu abondants cette année, ei
les prix s'en étant plus élevés, ils se vendront : le vin blanc, 10 s.;
le claiœt, 8 s.; le rouge, 6 s.; le muscat et le vin cuit, la s. le
carton res|)ectivement, el cela jusqu*à réduction des prix.
Huile. — Lcdounj ( 1 7 litres) , 7 livres , jusqu*à nouvel onlre.
Poissons. — La morue sèche, 1 s. 8d. la livre; morue trem-
pée, I s. 4 d.; hareng saur, ad. pièce; hareng pec, 6 d.; raie et
500 NOTES
94>le. 1 s. G (I. ta livre; sanlinen sal<^s,3 il. les deux; petites
iioitliiics , I (1. \v5 deux; ilioii in«iigre« demi-réal la livre; le
gras . .S s.: anguilles salôes, G d. Tune dans Tautre; maquereaux
el lisstes sak'*es, G d. la picce; soles et muges, a d. la pièce.
Divers. — .lnnil)Oii, 3 s. 8 d. la livre petite'; cliandelles, a s.
8 d.; œufs , 3 d. piôco ; son ,3 s. 4 d. la mesure; savon , a s. la
livre ; fromage gras, 3 s. 4 d.; idem de Majorque, as. 4-; idem
de Orri , u s. 6 <1.; jambes d*ail grosses, 6 s. 8 d.; moyennes, à s:;
petites , a s.; panses (raisins scellés au four), i s. la livre; figues
(sit-lies), 8 d.; idem de Marseille, avec le cabas, i s. ; idem
noires, 8 d.; noisettes entières, i s. 4 d. la livre; idem rôties,
3 s. 4 d. ; amandes, à d.; idem rôties, 8 d.; graisse de porc
mâle, a s. 6 d. la livre; de femelle, a s.; balai de palmier, i s.;
cabas, a s. G d.; pelles (de bois), i4 d.; ccuelles de bois avec
oreille. /i d. tW^m; rondes, 3 d.; i<lem communes, a d. Noix,
7 s. la mesure; châtaignes, 8 s. la cartcrole.
Uortolarje. — Les jardiniers feront un denier de tout jardinage
quelconque.
Combustibles. — Charbon, 8 s. le quintal; bois d*olivier et
de i-liène, 8 s. la charge d'une grosse somme, 5 s. la chai^
d'âne.
Matcriauj'. — Chaux, i3 s. 4 d. Thémine; plâtre, 3 s. le
quintal; un cent de pierres, iHs.; lecent de briques et tuiles, i4s.;
<.'ent de [M>tites briques, i) s. Iioyer de meubles, G s. 8 d. |)ar
jouriu-e.
hivps. — liC seize fin <le Perpignan, 4 I. ^> s. la canne (H
piinls) : rehii de couleur orange et incarnat, 4 I- lO s.; canlraj
noir, de Perpignan, 6 I.; celle de couleur. G I. m s.; bure de
moines. 3 I. 8 s.; le mn/jt noir, «le Puycenla, .3 I.; le vin^f-
quatre, de hnirelont'. Si. m s.; le hiiitdniizv noir, 7 1.; celui
* I.a \\\rr |irlilf imi ii^tr miiiaiiir lU dniir» nacM ml |wr n|i|irailinii j c» qu'as «ppilla b
/fiHr I cii'n'jtT-i ou h, rr il« koucbcfir. i|ui ni dr ir^Htr^ii i<nrrft. nu iid lik^»iiiOM tfnl
uii j{raiii(iit«
DE LA DEUXIKMK PAHTIK 561
(le couleur, 61. lo ».; la baieta noire de Barcelone, 31.; Tautre.
2 1. lo s.; le foulon nage de toute quantité de draps, 5 s. 6 d.
r<Mnpan.
Soienes. — Velours noir-Valence, de deux poils et...., Ao s.
l'empan; celui d'Italie, 3o s. Satin noir, 8 s.; taffetas noir
double , 9 s.; les autres soieries à proportion du prix des soies.
La soie (en fd) noire, 2 s. l'octave (ou gros); celle de couleur,
?. s. 6 d.; les passements noirs fins ,18 s. l'once; ceux de cou-
leur, ao s. Les bouracans, 3 s. 6 d. Tempan; lefd, 2 s. Fonce;
l(»s autres marchandises de ces m(>mes boutiques, en proportion.
Ras d'hommes d'étamine, ans.; ceux de cordelat noirs, 16 s. 8d.;
\v> nnnws |)our femmes, rouges, blancs ou bleus, i3 s. 4 d.
Souliers d'hommes de somach (de peau de béte de somme) ,
a deux semelles, i5 s.; ceux de Cordoue, i3 s. 4 d.; ceux de
vache el de veau , 1 6 s. 8 d.; patins de femmes, de tout genre ,
^ s. /| d. par chaque doigt de hauteur; pantoufles, i4 s.; souliers
blancs, 5 s.; les rouges, de mouton , 5 s.; ceux de Cordoue, 7 s.;
paiitouiles d'hommes, 3 s. A d.; ressemelage de souliers
(riiomnies , 6 s.; iW<fm de ceux des bouviers , 8 s.; cuir pour se-
melles, 5 s. 6 d. la livre; basanes, 3 s. 4 d. la livre; peaux de
chèvre , 10 s., depuis la Saint-Michel jusqu*au carnaval ; 4 s. de
Pâques à Saint-Michel; peaux de mouton, 8 s., d'agneau et de
chevreau, 16 s. la douzaine.
(lha|>eaux fins , i5 s.; communs , 1 1 s. 8 d.
Fers de chevaux, ao d. la livre; de bourriques, i4 d. Fer
ouvré, ao d. la livre; laiton ouvré, 8 s. la livre.
Travaux et main-d'œuvre. — Journées de paysans, 8 s. du
premier mai au premier septembre; idem de bouviers pour
suivre une béte, ramasser des herbes ou faire des charges en
las , 3 s. 4 d. avec la nourriture , ou 7 s. sans la nourriture. Les
lx)uviers ou muletiers loués par mois ou k Tannée, 4o s. par
mois. Pour Oûre les gerbes, vanner, ràtder , à s. par jour et la
nourriture, ou 8 s. sans la nourriture. Ceux qui charrient des
11 36
562 xNOÏES
lierl)es ou pailles avec leurs belles de somme, et ceux qui baltciit
avec collis , 1 5 s. jinr homme avec la bote. Laboureur avec sa
bctc, 7.0 ». par ayniinatc' s'il fait un travail foire, et 20 ». par
jour s'il laboui*c à la paire. L^tes de loua^^ pour cbaiTÎer blê.
orge, mil etantix>s crains, 3 s. par lieue. Pour tailleries vignes,
creuser la terre , nettoyer les souches , provigner et grefler et
autres travaux analogues, du i" septembre au i^mai, 6 s.! les
bùrherons, 7 s. par jounn*c.
Journées de maçons et menuisiers, 8 s.; de manœuvres el
»
gansons menuisiers, 6 s.
Capes ou manteaux ras de pâtres ,3 l.; couTertures de laine ,
^ 1. () s. 8 d.; camisoles , 9 rcaU; manches ,10 s.
Caleçons, i3 s. /| d.; grègues (culottes larges de Tépoque),
33 s. A d.
Verrerie. — GoWets ordinaires de compagnie, 6 d.: les com-
muns , 5 d.; les tapas (sorte de bouteille), 2 s.; les tius, 3 s. ài\.i
les autres bouteilles , so d.; les urinoirs , 30 d.
fja livre de lil de cordonnier, f) s.; la livn' de corde de
chanvre de brin , 3 s. 4 d.: celle d'rtoujje , 3 s.
Les 5<irnW (double panier dr sparte en forme de l>esacc, dont
on se sert dans le Midi (tour (K)rl(T sur les bêtes de M>mme des
provisions et objets de toute espèce), à onze tours de tresse
(de sparte), if) s., et ainsi des autres, à pro|M>rtion, plus ou
moins. I^ fond des chuises (qui se garnissaient autrefois, comme
encore aujourd'hui en cpieUpies lieux d'Italie, en corde de
sparte). 4 s. G d. chaque.
Cire blanche ouvrc^e , l 'j s. la livre; non ouvi-i'-e, 11 s. Gi-e
jaune ouvn*c, cj s.: non ouvr*'*. 7 s. Poi\ re et sausse , i *. 8d
Tonce; gingend)re, 1 s. l'once: girofle, ;> s.
Sucre terré, iG s. 8 d. la livi*e; le lui, ':os. Noix muscades.
9 s. l'onrf»; sucre eu )K>udre. H s.; oublies de sucre. 6 a. 8d. le
cent ; relies de pâte. 3 s. /| d.; loui-ons entiers (nougats d'aman -
DE LA DEUXIÈME PARTIE. 565
deft),3 s.4cl. klhrre; tourootpîiétalpiyiioMdb* h t.; iiiiei,at.;
liypocras, a6 s. 8 d.; ckawym (an ktio meeêÊr, sorte de Uquaur
distillée) , 1 3 s. & d.
Charrues, — Le^mlmingmu^ 1 4 s.; iet Hmt, 6 t. 8 d.;lei
dentaU, 3 ».&d.; leiaiûMi.Gs. 8d/;l6t joogtdemidet.iSft.
à d.; ceux de bcBufr, i6 t. 8 d.; Im forçait» »o t. Sel , 4 t. k
mesure.
Toutes vktuAiOet et âutrat obîelt aoa ipécîfiét m
que genre qaÛM soient, seronl lédiâtsperlesTeDdesn espo-
rata de ce qui est spécifié, poor 4|«*3t ne puissent reoevoir pins
pour ces objeti, en monnaie de billon, qa*3tn*en raoeveienten
monnaie d*argent. {LihmrarXmimmm )
NOTE IV.
Surlafamime dt P^iyaaa.pedaatif iîâf» dUa<ilt wii. wtmLmmXÊ,
Il y a unanimiié d'aceoid chei tons les histpriens yd pericnt
de ce siège ntémorable. L*eioàs de fiunineqpn rifiaît dans
ville fil convertir oa dinento jusqn*A la ehair aàse des
vres humains ; et ce n*est pas ici une deees
s*en permettent qnm^piMHiis les écnvans <
le doroier degié de misera anqnd on puisse perranip psndafil
uu siège obstiné, o*esl nn fidt attesté per lee aoleiilés les moine
suspectes. D*aboid le roi don Juan lui-même, penrWiompen
ser les Perpignanais de leur persévérance, an mBien des tour-
ments auxqnds 3s étaient en pnie, leur eoeoide, per privflége
signé deux jours après h ciyitnlation ^ h facdté de continuer
à être traités dans ses états. comme t'ils étsient toujours sm
sujets, tontes les fins qn*as sy rendront pour alfairm ou enbe
cause. Dans la charte de ce piiiUga ee |lrinee e'ipfrlme
ainsi :«Gun los haiiitens en la v3k de Purpipie*
3d«
r>f)'i NOTKS
«|)ortti(los inoltm congoxas e eslretiires, axi de fam, fins k
• ineiijar rarn liuinana , cU*. • Philippe III rap|>elic ce même fait
dans le |)r<''aiiil)iile des IcUros de chevalerie accordées en 1599
aux rit(>v<*i)-*^ honoivsdo cette ville : « liorscpic le roi de France,
«dit-il, iii\estit et assié(;ea Perpignan, noii citoyens nobles de
« cette \ ille Tout défendue par leur courage personnel et par leur
«iniliieiice, (pioi(|ne ('xterniin('*s par la faim, tellement qu'au
« défaut d*animaux immondes ils ont mangédelachairhumaînc,
« ce qui nous conste pleinement. • ( Livre vert majear. )
i\ien de plus éner(;iqiie que le tableau de la situation des
Per|)i«;nanais tra(*é par un historien conteni[X)rain , Marinaeus
de Sicile. « On |>eut à |>eine croire, sYrrie-l-il , quelle fut la
« violence de la faim quils endurèrent. Pendant plusieurs jours
• ils ne vf'rurent que de rais , de chiens , de chats que les femmes
« chassaient dans les rues de la ville au moyen de lon|i:set larges
«voiles de toile. (]ellc ressource \enanl encore à manquer, et
« pressés par le plus extrême besoin, non-seulement ils |K)rtèrent
« la dent sur la chair des Français qu'ils avaient tués, mais ils
« dévorèn?nl encore les cadavres de leurs pro[)re5 concitoyens.
« Plusieurs femmes, a<;itées par la ragedelafaim,rumprprnjirnf
• utero suo œntinuà fœtus retUidcrunt. Alite, prœterea, matres
• inrtiiœ >fiwulis ncuttv , non cquitlem ma tenue pietatis Mitœ,$ed
m fa mis imperio conrirlœ , sitos filios , sire famé sire alio coMu pe-
« remptos , lamentatione miscnihili propriisque lacrimis aspersos corne-
%derunt. • L. Wiii.
NOTK V.
.Viir rrmftuirmrni «/u Hniissillon à Louis .17.
La question de savoir si le mi de Franci* était légalement en
possession de la pmvince de KoussiUon . ensuite de rengage-
ment que lui en avait fait le roi d Aragon , ou bien si cette pos-
DE LA DEUXIEME PARTIE. 505
session était une osurpatioD de ta part, el qui autoritait, par
conséquent , le roi d*Aragoo k oser de toi» les mojena pour t'en
ressaisir. n*a été disculée <ia*asaei super&cîdlemeot par les diflé-
rcnts écrivains français on aragonnais. k notre coppaisiance ;
et tous, après quelques raisoonenients qui D*alleigiieDl jamais
le fond de la question , aor des doonées asaei Yagnet, el iqifèi
quelques récriminations , Eniaaeot par abonder dans le sens de
la nation à laqodie ib appartienneot Ce point d*Uitoiie trèa-
important mérite cependant d'étrs eiaminé sons leiilaa tes faoaa,
et d'être discuté avec oetle impartialiié qui doit régler le juge»
ment de la postérité. Ce nW pas avec no» fiaUet hnBiéfesiqat
nous pouvons pousser la solntien de oeUe grande dilBcdlé
jusqu à sa dernière évidenoe; mais nons annna Ut dn moins
tous nos efforts pour piéparer la matière à dea plomea pins
habiles , et plus eicioées qne la nâire dans cet sortes de déJMÉs,
Le roi d* Aragon avait hesoin de secours eontrelea Catalana
révoltés; il en demanda an rai de Fknnee, qui Ivi donna la ih
culte de disposer de qntitce cents on de sept cents laneea,s«iTan|
qu*ii lui paraîtrait convenable, liais oonsme ce roi d'Aragon
n'était pas moins épnisé de finances qne d1iOBMBes« oas Imoea
françaises devaient rester à la solde de la IVanfn jnsqii*a|M<ls
rentière soumission de k Catalogne. Ponr geranlie dea anr enoea
que le roi de France serait tenu de Ure, cehii d'Aragon M
engagea les revenus de toute espèce des comliade RonisiBoA
et de Cerdagne, iqifèi défclcatiow des cb^rgas jmpuléei aqr cet
revenus : voilà le lait malérid,
Dans Teiamen de œUe question, nona devons meHraiFéeert
ces accusations de mauvaise fin qu'on ne caase de fiara. 4.
Louis XI; nous avons démontré qne oeHemanvaise Soi ébnl lé»
ciproque, et que Louis ne l'a emporté sur aon rive! qne per
plus d habOeté. Qu'une intention de mtpvaiae fin ail piMdé 4
la négociation de œ traité, oommo de taqt cTaiilniai le toiitt
n en existe pas moins ; il fini loL B aéié OQUisanlilihiMianl per
566 NOTKS
les doux parties, (]iii (levaient se tenir en garde Tune contre
Tautre, et n'y rien laisser insérer dont elles pussent être dupes
ou victimes : c'est là un principe incontestable. L'intention de
mauvaise foi reste donc au fond du cœur des contractants ; les
termes du traité, débattus et consentis par eux, sont réputés
base de bonne foi ; c'est de là qu'il nous faut partir.
I^ mluction de la Gilalogne, n'*vollée, à robéissanœ de
Juan fl, pouvait être amenée en une ou deux campagnes, comme
elle pouvait ne venir qu'après de longues guerres. Dans le pre-
mier cas , la France n'aurait pas eu de très -fortes sommes à dé-
bourser; dans le second, elle pouvait être entraînée à faire des
avances très- considérables ; un règlement de comptes serait donc
inter\'enu nécessairement à la paix, pour la liquidation de la
dette; mais des diiïicultés qu'on ne pouvait pas prévoir, ou
qu'on prévoyait trop bien, pouvaient rendre alors cette liqui-
dation embarrassante ; on préféra déterminer, au moment même
de la passation de l'acte, une somme tixe, qui serait payaUeau
roi de France par le roi d'Aragon, quelle que fut la durée du
service des troupes franraises que l'Aragon ap|iellerait à son
aide : cette somme fut fixée à deux cent mille écus pour quatre
cents lances fournies , et à trois cent mille , pour sept cents de
ces mêmes lances. \a' roi d'Aragon en prit sept cents; c'est donc*
la somme de trois cent mille écus d'or qu'il était obligé de payer
au roi de France apn^s la soumission des (lalalans : celte somme
étiiit, par conséquent, un al)onncment convenu d*avance pour
tous les ras, et à tout événement. (Ict abonnement pouvait être
avantageux ou défavorable à l'un ou a l'autre, suivant le plus
ou moins de dum* de In guerre; mais c'était un moyen de pré-
venir des didicultés : on le crut , ou on feignit de le croire, et il
n'en fut rien. Dans re contrat d'enipnmt .hian 11 pnxligiie le**
caresses au roi Ijouis ; il l'ajipellc son cousin , son rnnfédén* très-
cber v{ comme un fn*re ; bientôt apn>s il cbange de langage :
le lif'iv tres-cber n'e^t plu> qu'un Iburbe. qui n est enquiré du
DE LA DEUXIEME PARTIE. 567
RoussilloD ei de b Cerdagne abutivemenl ol injostemeiil. Leurs
convenlioDs, tuivani lui, nétmnipei tellet; il a*a entendu lui
obliger que les revenu>,el non le fcods; ce p'eitpei la JQuiiMiiee
delà provîuce, mais sa simple suieraineté, qu*il loi a engagée»
et les droits de Louisseiéduisenlàriiommageiiuedevaitnlbtt
((Elire ses |Nrocttreun loyanx, Charias d*Qms pour k nhâtean de
Perpignan* el Béreoger àXkm pour eaini de fiJK— fe^ Fwami
nons ces griefa.
Le HH d'Aragon n a pas entendn engager InJMMlsiao a Yodb
donner aurai de France ytaneewernineté im^ioreii» $mim
deux comtés ; toutes les préteniionsL de<pluaci domnlen boanar
à rhonunage pour les chlteam 4n Jwpignan jt dn CdÊkmm
Mais s*a en est ainsi, si jeBn étett rmtentJoo Ai rinif i— iiMr>
et si le contrat a dà être rédigé dÉna.celeipnit. potn^Maa^in
esi-il pas parié de ces homnagaa et dn oettoanaaraînelé?!
mentcecontratesl41 ausaieemplétenanimMalsi
siimportantes?{ VojescelniteiaMprèi^aiisPlranveai aT V.)EtB«fr
quoi ce silence . sur nn >poipt ftg oonstilinil «, t ini lanl, l»p«lie
la plus essenti^ de feirfeation dn centait, deteb il 4Ê$à^4m
quelque sorte, TâmeP Le Inilénnrail dé a^BipifaMr^anrM
poiut, en des lennea ai piécis, que JeaMi» i flii-{iAl iê*élater
aucun doQte : 3 nen est nen. Dans rafltekfii.d!AnfiMioUiBi
daDslescomlésdeBonssfltonetdeCerdagpa,epirè>h|«ftBWit
des chaigBs qui ont conlnne de a'aeqnitter aiTMSHnliiéMs. Jl
n est pasqnestJonièdeauBBfeinelémid'initodfcttMtliniii^
voir, dans ces HMpresiiDna , nn angefp^Vit •
forme des deu& contés aune lew» aeMpna^ Mi tmteNn <
pignoratif on antiabéae, siHvanilnaj|MaiMU|iniRvdH»l«|Hi
le fonds suit I» revann el estabasulenfé à h j/omÊMmo^jêlÊ
créancier , et Jnan ne léabma pa» erilwi raHenjfîniii» ife «oiii
il la favorisa au ooniraira «^ an pnMenlln{pagf«ilo4«i
À la loi de la néeasriU. En damnr lion, b iH4C^bi«BK
568 NOTES
le (^oiilrat (rengagement, donne liypotlièque des sommes que
Charles d'Onis aura à payer sur les biens de cinq grands per^
sonnages, ce qui semble dire qu*en cfl'el il ne compte pas livrer là
jouissance du fonds. Mais, encore, pourquoi alors le contrat
ne s*e\prinie-t-il pas catégoriquement sur le (ait du simple
hommage , lorsque tant d'aulres points moins essentiels sont si
min ulieusement expliques? La condition de rantichrèse est im-
plicilemenl posée , car si le roi de France n*occupe pas le fonds,
les promesses et les obligations du procureur royal se trouveront
pour lui sans garantie , et Thypothèque sur les biens des cinq
personnages ne sera qu'une vaine formalité. Cet article de
Thypothèque, qu'on est tout surpris de trouver à la fin de ce
contrat, ne semble être, en définitive, qu'une sorte d'alternative
laissée au roi de France ou de prendre la jouissance du fonds ,
ou d'accepter simplement ces garanties sur les biens des
cautions. Mais il n'aurait pu y avoir lieu a hésitation entre les
deux sûretés oflertes. Une condition indispensable pour toute
clause, c'est d'être exécutable, or celle des garanties sur les
biens des cautions ne l'était pas. Comment , en eflet , le roi de
France aurait-il pu avoir action sur les biens de ces cautions ,
situés hors de ses états et de sa juridiction ? Une garantie en ce
sens ne pouvait être recevable qu'autant que les domaines rè^
pondant des payements auraient été en position d'être saisis par
le créancier, en cas de besoin. Cette sorte d'alternative mise à
la disposition du roi de France, si tel est l'esprit du dernier
article du traité, Louis eut raison de la mettre à l'écart, et d'en-
trer en jouissance du gage ; en le faisant , il était dans son droit.
11 était tellement dans son droit, et ce droit était si bien reconnu,
bi peu contesté à cette é|K)que, que Charles d'Oms, présenté
dans le contrat, non pas comme pit>cureur ro\al |»our Icchâ»
teau de Perpignan , mais |>our les deux ('oml('*s de Roussillon
et de C^'i'dagne.et qui certainement (le\iiit bien ronnaitre le
M*nh dan» lequel devait être iiiterpr«*t«' un traité dont il avait été
DE LA DEUXIEME PARTIE. 56»
chargé de poser liû-mèiiie lee pramèfee baiee, km de dih
mander à prêter fai et hommage pour le diâtoui de celte
suivant les prétentioiis teidives do roi d'Aragon» prit, an con-
traire, fait et cause loi-œémepoiir les Fraiiçab«<{iiaiid les Far»
pignanais, ses propres compatriotes, les eorenl expidsés de
leur WUe peu de jours après la prise de possession ; qu*il s'en-
ferma auchàteanaveccesBémee Français * et qn*fl contribua,
Zurita le dit rapressémenlv i léduiiu ainai, par Tar^^Berie, celte
▼ille à Tobëissance du rot de Firanoe. ( Znrila, AmaL dt ÀMWg.
part IV, lib. ini. )
Le roi d*Aragon, suiyani Taimslisla fue nous venosM dn
nommer, fil plus tard i son tts la i^spgociie d*atfair avoué fue
leRoussîUon ftl engagé ponrancnnnaonnned'aigantqnBlcon
que, prétendant qu'un tel anénlui aawitptéjudinallet qna k
chose n*était pas Traie, fue d*aSaun las nrenua fue kni dn
France percevait depnb knglsmp mt BnnssilWi Vaifaientplna
que remboursé de ses avanoes. A esh noua répandons par fas
termes mêmes de l'ade: •HousvonsotHgBBnshiiniwus,elB.,
« de tdle sorte* que les rantas et revnnns qna vous racefflia da
« cette maniera ne soient pas imputés anrkaartponflipalda^
• dits deux cent m3ie on troia cent mila dans, s U na peut y
avoir rien de plus précis.
Les ambassadeurs de don Juanfiinnt enaniliian mi da Wranoa
un cas de consdenoe de k perception da cea:invannaan dfelà
de la somme égak i odk ponr k^iaDe les onmtés «waisnl été
engagés. Ici fls chsngeaient k naÉnva da k i|iaalMn,^ da
droit pcJitique devenail dadroil ac siésiasIiqnaL Wons ne anariona
la suivre sur ce tanain, parce fue k pqiiliqna neaalndnpns
sur les scrupules da conscianoa ut anv les réglas da'k i
dence canonique. Nona pourrions eepandanl
peut-être que les décréides dinnnoant III, qni oiigant qna k
débiteur soit rends an possession .dn sa prapriété. dio ifae k
créancier en a retiré les fivits
r>70 NOTES
i-rtiiiie de ces fruits .soit égaie à cello du capital prêté, qui reste
par là môme éteint, ibnt une exception en faveur du gendre qui
<'i yaii I rcru de son beau-|>ÎTe une propriété en anlichrcse, juaqu^au
moment ou celui-ci s'acquitterait de la dot par lui constituée à
sa fille, n'est pas obligé à l'imputation, parce que la dot doit
produire naturellement des intérêts qui puissent aider à sup-
porter les charges du mariage. Or cette exception nous parait
devoir s*a[)pliquer tout naturellement à la question qui nous
occupe, puisqu'une province, entre les mains d'un prince, est
comme une dot entre les mains d'un gendre. Cette province ne
donne que l'impôt nécessaire pour payer les charges spécides
au pays, et contribuer du surplus à acquitter les charges géné-
rales de l'étaL Le revenu qu'elles fou missent n'est pas un hads
susceptible d'être thésaurisé, puisque l'impôt est toujours pro-
|K)rtionné aux charges qu'il doit couvrir; que, bi(*n différent du
revenu foncier, qui est à peu prifs fixe, de sa nature, ii est es-
senlieliemeiit variable, et qu'il augmente ou diminue suivant
que ces charges augmentent ou diminuent elles-mêmes. Ajou-
tons que le Uoussillon s'étant dès le début mis en état de guerre
ouverte avec la France, les n'venus perçus « loin de profiter à
Tengagiste , avaient du être dé|>ensés , au contraire, et au delà,
|K)ur rentrer en |)ossession du gage , et mettn; les places en état
de défense contre les révoltés.
Ld^s Aragonnais avancent ensuite que leur n>i irétait pas tenu
de remplir les conditions du ronirat, attendu que le roi de
France ne les avait pas rt*niplies lui-nu*me. Premièrement,
disent-ils, les lances françaises devaient aider le roi d'Aragon de
lotis leurs moyens , jusqu'à l'eiitierc soumission de la Catalogne,
et elles ont quitté ce pays avant que ce ternie fut arrivé : elles
iront donc |)as effe<-tué le ser\ice |M)ur lequel elles élaieiil
apjM»l^e^.
'à" Klhvs devaient être aux ordre» du roi d'Aru^on , et elles ne
se sont pas cou fou nées à ses volontés.
DE l.A DEUXIEME PARTIE. 571
.'V 1^ i-oi lie France devait être l'allié du roi d*Arag;oii, et il
Mest (Ict'larc son ennemi en favorisant le duc de Lorraine , élu
par les rebelles pour êlre leur chef : le roi de France, au lieu de
(ontrihuerà éteindre la rébellion , a donc aidé au contraire à la
laire durer, et le roi d'Aragon n'est engagé à rien envers lui.
Que ré|)ond le roi de France aux ambassadeurs de don
Juan qui proposaient ces grie&P Les lances françaises de-
\ aient être à la disposition du roi d* Aragon jusqu^aprés Teo-
ticre soumission de la Catalogne , c*est très-vrai, mais qu'estril
arrivé ? I^ roi d* Aragon avait déclaré que les Français ne trou-
veraient des ennemis à combattre qu'au delà des Pyrénées, et
que les Houssillonnaisles traiteraient en amis et leur fourniraient
tout ce qui leur serait nécessaire : point du tout; il a fallu se
battre dés la frontière du Languedoc, d*abord à Salses, puis
sous Perpignan, ensuite au Boulou, enûn au Pertus. Dmds
toute cette traversée, la petite armée française perd beaucoup
de nioiide et quelques capitaines de grand renom , outre la dé-
|)ense considérable qui en résulte pour ie roi de France. Le roi
d'Arap:on prétend que les Français ne Iqi ont été d*aucun secours;
et pourtant il est bien notoire que c*est à leur seule présence
que la reine et Théritier du trône d* Aragon doivent leur salut;
ce sont les Français, qui, seuls, les délivrèrent des mains des
Catalans irrités contre la reine, qu'ils accusaient de la mort du
prince de Viane. Ces Français s'avancent ensuite dans l'intérieur
de la Catalogne : le roi d'Aragon ne fait préparer pour eux ni
vivres ni munitions , et personne ne veut leur A fournir. Us sont
à peine sur le territoire de ce prince, que déjà la misère les
assiège et que les maladies, suite de la misère, les déciment
Le roi d'Aragon , ajoutait le roi de France, est injuste envers les
Français, puisqu'il ne peut pas nier que c'est par leur secours
que furent conquises les villes de Tarragone et de Villefiranche
(le Panades , e\ plusieurs autres châteaux, et cela dans le même
temps qu'on attaquait Barcelone : ce n'était donc pas unique-
r)72 iNOTES
ment |X)ur s'emparer de celle viiic qu'on était entré eu Aragon ,
comme on le prétendait. Les Français, eu égard k leur petit
nombre , ont fait tout ce qu*il leur était humainement possîMe
de faire. Si au lieu d'aller assiéger Tortose et Lerida, comme
Taurait désiré le roi d* Aragon , ces Français ont quitté la Cata-
logne, c'est qu'ils étaient dans l'impossibilité d'exécuter les
ordres du roi. Le pouvaient-ils, quand il est généralement re-
connu qu'à la suite des maux qu'ils avaient éprouvés depuis leur
entrée en Catalogne ils étaient réduits à l'état le pins déplo-
rable ; que les Aragon nais eux-mêmes les traitaient en ennemis,
les poursuivaient partout où ils les rencontraient isolés, et les
tuaient dans les maisons ; quand , par la réunion de toutes ces
causes, il avait péri déjà plus de deux mille hommes, et au delà
de quatre mille chevaux? Si donc les Français ainsi traités en
ennemis ont quitté la Catalogne, la faute* n'en appartient qu'au
roi d'Aragon , et ne peut être imputée qu'à lui. Le projet de
siège de Tortose et de Lerida, dans de telles circonstances,
n'aurait servi qu'à faire périr ce qui restait encore de Français.
Quant au secours prêté au duc de Lorraine , ce n'a été, disait
le roi de France, que la conséquence des hostilités commises
déjà contre» les Français. Avant même que les Aragonnais se
fussent tournés contre eux en Catalogne, ainsi qu'il vient d'être
dit, les nobles de Houssillon avaient tenté, sans doute à rinsti-
gatioiide leur roi, à ce que supposait Louis, d'enleverle seigneur
du Lan , gouverneur de comté |K)ur la France ; les Perpignanaîs
chassaient la garnison française de leur ville et l'assiégeait dans
]e château , et on arrêtait, dans le même leni[)s, en France, un
certain André Hoscados, envoyé |>ar le n>i dWragon au roi d'An
gleterre (Muir presser ce prince de faire la guerre à liouis.
Il est certiiin que ces m'riminalions ririproques, ba1ani*ées
les unes par les autres, (lénioiilrent qu'il n'y aviiit, comme nous
l'avonsdit. que mauvaise loi de part et d'autre, el qu'aucun des
griels que ces princes se reprochent niuluellcmenl ne |)out
DE LA DEUXIÈME PARTIE. 575
etilrer dans la bdaoee contra rexécatkm liltérde du Irtilé.
Mais le roi d* Aragon ménw, qui prélendml n*élra pas obligé
par ce traité , prouva qu*il le regardait eonniiê oUigaloire r lon-
qiie, par Tartide i5 du icoond traité concin et tigué la 17 Mp-
tembre i473 à Perpignan, pondant le séjour dadoD Juaadaat
cette Tille« ot par conséquent sons ses yeux ei sous son
influence , 3 promettait de renbonrser* dans le lapa d*un an,
le montant de la somme pour laqodle la psovinoe arait été en-
gagée ; voici le texte de cel article : t H a été convenu aussi de
« mettre à la pramièra ligne des conditiena fne« dans le terme
• de iannéequi commencera fcpartirdu jour on le tr^scinilieu
« roi de France aura reçu etconOrmé cm pnolm et conveutiena,
• le sérénissime roi d*Aragon sera tenu de peysr toute caMe
• pécune qui est contenue dana le contrat de rengagement; et
«aussitôt qu a se sera libéré de ceUe della« €*esU-dira ipria le
• payement de cette même comme, ledil gonrai'ueui (de Bans
« sillon) restituera an même sérénissime rot* on à eeim i 0fà
t ledit roi en aura donné pouvoir» sw ceintes de Ronssilea ut
t de Cerdagne , etc. • B n'eat donc nulleinsnt douJeu* que
ne seconsidérAl.ioette époque, qui était
il avait Sût soukvor Perpignan conira Im
oMigé de rem|dir Im conditiona de fengagamant^ qn*9 ne-m
regwdét coeamo bien et légalement débiteur du rai de Plwee,
et que ce neatfaeplus tard que Tidée Im vint de mer aheo»
lument la dette. L'opinion dm msmbras de eon ooMaB' a*dlrit
pas difilrante quand, le prmsant de quitter laiifameriHon utde
se randra à Bararione ponr*oo0POqaar'im oavts, afin d'uvisir
aux moyens d'opérar le dégagement^ Be lui eftment d» lil
livrer pour le »iliiwHB<snsnl fcmsIsuÉe biens , et qmmài^fam
exprimer leur sentiment sur cette dette «Pto plm dPéMifie;
allaient jusque cette eiagératien de dm qn*iia
même pour oria^ eV le fdUt, jîtefa*! knra «eAatsi Ob i%it
donc que par mauvaise fin qw Jttnn •'i«isÉ,>peÉ in enite, éâ
574 NOTES
faire intervenir la conscience contre ia prétendue usure de
Loui», à raison des sommes |)er(;ues sur les revenus des com-
tés , au delà des trois cent mille écus , circonstance prévue d* ail-
leurs dans le contrat : « Renunciamus omni jure canonico et
« civili foris , etc. qui et qupp. — vobis iUustrissimo Francorum
> régi nocere aut obesse possent. ■ En refusant ainsi tout rem-
boursemenl des sommes dont il était débiteur, Juan servait
admirablement, il faut le dire, la politique de Louis, qui,
tenant à garder cette province , aurait été fort embarrassé par
une conduite ouïe contraire , c est-à-dire probe et loyale.
Ferdinand II prétendit, de son côté, que le roi de France ne
pouvait pas garder les deux comtés pour la sonrnie pour laquelle
ils étaient engagés , parce que leur valeur était supérieure à
cette somme. En cela il y a deux choses à considérer. Comme
nous Tavouft dit , les trois cent mille écus n*étaient qu'une sorte
d'abonnement qui pouvait être avantageux ou onéreux ài*un ou
à l'autre des contractants, suivant le temps que la guerre de
Catalogne durerait. Mais d'ailleurs ce n'est pas l'argent qui
aurait arrêté Ix)uis. Le Roussillon était à sa convenance, et ce
prince cherchait par toutes les voies à rapprocher la France des
anciennes limites des Gaules. Sous son règne , la Iketagne, la
Bourgogne , la Provence et ce même Roussillon , étaient venus
donner au royaume une étendue et une consistance qu'il avait
perdues depuis longtemps. Pour arriver à ses lins Louis ne mé-
nageait pas l'argent , el ce n'est pas quelques cent mille écus qui
l'auraient arrêté ; aussi proposait-il à Ferdinand de peidre cin-
quante mille ûcus sur les trois cent mille de l'engagement, de
lui faire une forte pension à lui , à sa f mme et à sa fille , et de
lui compter, de plus, deux cent cinquante mille autres écus
d'or, au moyen de quoi les souuues qu'il aurait donnée» |K>ur
les c(>niti« auraient formé un total de cinq cent cinquante mille
écus, non compris celles qu'il proposait |)Our |)ensions , et Fer-
dinand n'aurait n*nouvelé l'engagement que sur le pii*d de cinq
1)K LA DEUXIEME PARTIE. 575
vvu\ mille (Vus. Quant à la question de savoir de combien ta
valeur de la province excédait celle en garantie de laquelle elle
était donnée en nantissement , c'est-à-dire trois cent mille écus
d'or, il estdilFuilede la résoudre bien pertinemment, puisqu'il
ne s'apt |)oint ici de la valeur du fonds, mais uniquement du
firoduil, si vanable , «le rimp<U , après défalcation des sommes
nécessaires pour l'acquittement des cbarges locales, somme
qui , au lieu de tomber dans le trésor royal d'Aragon , devait
passer dans celui du roi de France ; il faudrait pour cela con-
naître ce que valait Timpôt à cette époque, quelle était la
quotité des charges dont cet impôt était grevé, et quelle somme
revenait ensuite au trésor. Mais à défaut de ces documents
précis nous pouvons arriver à un résultat approximatif, par
analogie.
En 1 ^63 Louis XI devint Tarbitre des différends entre le roi
d'Aragon et le roi de Castille. Par Tun des articles de sa sentence
arbitrale l^uis s'était obligé à déposer les deux comtés de Rous-
sillon et de G;rdagne entre les mains du comte de Foix, gendre
de ce monarque, en dédommagement du mérindat d'Ëstelia
que la même sentence arbitrale enlevait à la Navarre, sur laquelle
(f aston de Foix avait des prétentions. La cession des deux comtés
eut lien en effet, par acte du 2à mai; mais le même jour elle
fut annulée par un second acte qui rempla<^ait ces deux comtés ,
entre les mains de Gaston, par d'autres territoires équivalents,
c'est-à-dire par la ville et la sénéchaussée de Gircassonne, avec
leurs revenus, que Louis leur livrait au même titre que le Roas-
sillon et la Cerdagne, par contrat pignoratif. Dans l'acte de cet
en ga «cernent il fut stipulé que, si au bout de deux ans Louis
ne restituait pas à ce même comte de Foix le RoussiUon et la
Ordagne, en y ajoutant la vicomte de Mauléon de Soûle, on
bien s'il ne lui payait pas, à la place de ces difl'érents territoires,
une indemnité de trois cent soixante et seixe mille cent quatre-
vingt-un éciis d'or, ce gage de la ville et de la sénédiaussée de
576 NOTKS
Carcassonnc serait acquis (lélîiHtivemcnt au comte de Foix.
Voilà donc les revenus de nos deux comtés, à cette époque, et
ceux d*unc vicomte en sus , mis en équilibre avec les revenus
delà ville et de la sénéchaussée deCarcassonne, et les uns et les
autres représentés par une somme de trois cent soixante etseiie
mille cent quatre-vingt-un écus d'or. Quoique Louis ne fût pas
avare (fargent quand il voulait atteindre un but politique , on
ne |>eut pas supposer ce^iendant qu*il fût prodigue sans nécessité;
td ne le [leint pas Thistoire. Il est donc certain qu*en proposant
au comte de Foix Tarrangemcnt dont nous parlons, Louis
n*avait pas (lerdu de vue ses intérêts financiers. Or, puisqu'il
consentait à Tabandon du gage au bout de deux ans, s*il ne
rendait pas les comtés de Roussillon et de Cerdagiie et la vi-
comte de Mauléon que ce gage rempla<^ait , il devait avoir donné
à ce gage une valeur fort rapprochée de sa valeur réelle. En
supposant que les soixante et .«leize mille cent quatre-vingt-un écus
d*or représentent la valeur de la vicomte de Mauléon, il restera
pour représenter celle des deux comtés les trois cent mille de
rengagement ; or nous venons de voir que les sommes proposées
f>ar ce prince à Ferdinand , (>our conser\'cr ces comtés , étaient
fort supérieures à cette évaluation puisqu'elles montaient pres-
que au double.
Après avoir examiné la question de rengagement sous le
rapport de la légalité de la dette, et de la légitimité de la
possession jusqu'à rem Iran rsement, il est un autre point de vue
sous le(|uel nous devons la considérer, celui du droit de la
guerre, dont personne ne s'est occupé.
Ln contrat pignoratif livre la jouissance des fruits et de la
propriété teni|)oraire de la province de Houssillon au roi de
FraïK^e ; mais, pendant que I^uis est dans la |Niisible possession
de son nantiss(*ment . le roi d'Aragon lui enlève ce nantissement
|iar suqiriscet par violence; une insurrection , qui cause la mort
de plusieurs Français , a lieu dans Perpignan , à la sollicîtalîon
DE LA DEUXIÈME PARTIE. 577
(le Juan 11, qui s*y rend eo personne; et bîenlôl les Français,
expulsés de partout, ne s*appuient plus, dans la province en-
gagée, que sur les châteaux de Perpignan, de Salses et de
(x)lliourc. Ijos Français reviennent en force, une guerre com-
mence, et la puissance des armes les remet en possession du
Roussillon. Alors la question change entièrement de face; le
Uoussillon n*est plus, entre les mains de Louis, le gage d*un
argent prêté; il devient celui de la victoire. A partir de ce 010-
ment, le roi de France, qui en a acquis la possession au prix
(lu sang de ses soldats , peut en disposer comme il Tentendra,
car la province lui appartient réellement par le droit de Tépée ,
indépendamment des titres que lui a déjà donnés rengagement^
qui restent toujours entiers; le Roussillon rentre alors dans la
catégorie de tous les pays envahis , qui restent au pouvoir du
conquérant jusqu*à ce que cdui-cis*en dessaisisse par traité 00
autrement, aux conditions qii*il voudra mettre à son dessaisis-
sement. Louis avait donc le droit incontestable de garder sa
conquête , puisqu*on ne pouvait pas Ten chasser de vive force ,
ou de la rendre en réglant les conditions de la restitution. Ces
conditions furent que le roi d* Aragon rembourserait la somme
|X)ur laquelle la province avait été primitivement engagée : aucun
traité n*a exprimé ces conditions, mais elles résultent naturelle-
nient des faits , puisque le roi de France continue, après sa con-
(|uête , à réclamer Texécution des clauses de rengagement A
partir de 1 h'jb , il n*est donc plus question de savoir si les reve-
nus |)erçus ont , ou non , excédé la valeur du capital , et s*îl j a
usure dans la continuation de la jouissance de ces revenus ; la
conscience n*est plus pour rien dans cette aflisire ; la province
n'est plus seulement engagée , elle est conquise; et si le roi de
France consent à la rendre pour une somme d*argeai, celle
somme n*est plus censée représenter le capital du prêt, ce n*est
qu'une somme uiLse en compensation de la conquête : ceci est
lonforine à tous les princi|ie9 du drtiit politique, de la giierreet
II 37
578 NOTKS
dos goii.s. Il ne s*agit donc pins (l(> savoir si ta vnleurdu la |iru-
vincc était aii-dossiis de la somme |>our laquelle elle avail été
en^a^('e, comme rohjfH:tait Ferdinand; noub le réfiétuns, la
question n'est plus la mrme: le Roussillon nVftl \)lui> un pays
eii^a^, c'est un pays pris par la fon'e des amies, â la suite
d'une guerre juste, et sur lequel le vainqueur a acquis, du laîl
de sa victoire, le droit depro|>riétc. (^*esl de cette manière que
Louis XI avait df'jà(*nvisa;;é a chose, mais alors, pr(''maiurémenl
peut'C^tre. après la prise de l'crpit^nan à la suite de la première
insurrection de cette ville contre si»s troupes, en i46a. Quand
les habitants lui eurent en voyc une députatiou pour lui demander
8*il consentait à confinner leurs piiviléges, il ré|X)ndit (pie de-
puis leur révolte contre lui il n*avait l)esoin de faire valoir auprès
d*eux que son droit de conquête. Si après li'jli Louis avait
maintenu la question sur ce terrain , il aurait mis la conscience
timorée de son successeur hors de» atteintes, sous ce rap|)ort,
des obsessions hypocrites de Fei-dinand; de Ferdinand qui,
en 1Â78, ne songeait nullement a contester l<*s droits du roi de
France, car voici ce qu*en fwrivait alors de Madrid, à Louis \l,
Jean de Grollaye de \ illiers , cvcque de Lombes , son ambassa-
deur : • Au rcganl du Roussillon , rarbilrage tirera avant pour
«entretenir le roy d'Aragon, et m'ont dit iesdits roy et royne
« (Ferdinand et isal)elle ■ que après son (repas \ous en a|>poin
itérez bien aisément; et mu dit la n>yne, a part, que p<iui
• Rouiiillon , Gitalongne ne Aragon jamais n'auret guerre de
• Gistille , et que ne souciiei. de Rouxillon, car elle eu prend la
• charge. — Aussi M. le cardinal ma dit que quelque marche
• qu'il y ave, Rouxillon \ous demeurera, et de toute (iastille
• vous pouvez être assutv aussi bien que de vostre royaume. ■
( Dacherii Spinletj. toin. 11. ;
DE LA DEUXIFMK PAKTIE r)79
NOTK VI.
Sur la ciUtdfUe de Pfrpuinun et It Grand ChêÊéau.
Dans les instniclioiKs que Louis XI donna à Dubouchage, en
1 envoyant à l^rpignaii , à i'occasiun de la capitulation de cette
place, il lui recommande par-des5U9 tout de faire bjitir uoe ci-
ladeile , pour brider U ville et tenir en respect les habitants, et,
(lans»a lettre du ao avril, il lui di) de la laisser construire par
l^)llile comme il Tentendra, sauf à en faire construire ensuite
mie seconde de la manière qu'on le lui a indiqué, si la première
ne sullit pas. Ces deux ftnieresses furent élevées : Tune sur rem-
placement du bastion actuel de SaintnJacques, de son fosfté et
(le son glacis , se prolongeant jusqu*à la porte de Omet : on lui
donna le nom de grand bbâteau , par opposition au petit cha*
lean ou (iastillet; Tautre sur la colline que couronnait déjà le
château des rois de Majorque : c'est aujourd'hui la citadelle.
Nous ne pouvons rien dire de la forme du grand château , dont
il n'existe plus rien aujourd'hui; quant à la citadelle « elle
consista eu tme augmentation de TenceiAte de Tanciemie rési-
dence des rois de Majorque.
Du temps de ces rois il n'y avait guère autour de ce chéleau
qu'uif fossé, avec unpont-levis placé devant la principale potte,
ainsi que le témoigne le proees-vcrbal de la remise qui en (ut
r.iite aux agents du roi d'Aragon, par les ordres de Jayme U,
pièce que nous avons déjà doonée aux preuves de cet ouvrage.
Les murailles de la ville , en allant de la |)orte Saiiit-Martm
a la p)rte d'Une, passaient en dehors de ce château, qui se
trouvait amsi*reniermé dans Tenceinle fortiliée. Après l'eitiiic-
lion du royaume de Majorque ce château fut converti, par
Pcdre IV, en une véritable ibrteresfle,.au nnoyen de quelques.
au<:mentations qu'il serait bieo . difficile de détartnîher avec
37.
580 NOTES
exactitude n travers ton tes les démolitions , roconstnictions et
rcniiiciiients du terrain qui ont eu Heu depuis; on d(k»uvrG
encore cependant sous les terrassements , au non! et au midi ,
des traces d*une enceinte de murailles avec des tours garnies
de barbacanes.
Cette première enceinte éprouva des changements sous les
successeurs de Pcdn* , quand Tusage se répandit de garnir de
canons les murailles des fortifications. Il est certain qu*3 y en
avait dc'ijà au château de Perpignan quand le Roussillon fut
engagé à la France, puisque les Frani^ais, assiégés dans ce châ-
teau par les habitants de la ville, en i AOa, aplanirent un mon-
ticule qui empêchait T artillerie de battre le quartier de Perpi-
gnan du c(*>lé du Matatoro. l'ôur placer du canon sur Venceinte
de Pcdrc ou de Martin , on commença par doubler les murailles
dans les endroits où elles n*auraient pas été probablement asseï
fortes pour résister k la poussée des terres dont il fallait les char-
ger, et on âeva un contre-mur à distance convenable, afin de
pouvoir combler de remblais tout Tespace intermédiaire : c*est
ce qu*on nK:onnait encore en quelques endroits.
Quand Louis \1 voulut brider la ville par une bonne citadelle,
on ne lit qu*augmcnter , à ce qu*il parait, cette enceinte de
I^re IV , qui se terminait a Tendroit où sont les vieilles ca-
sernes construites elles-mêmes sur la contrescarpe du fossé de
cette enceinte. L*enceinto nouvelle s*étendit du côté de l'orient
jusqu'au delà des casernes neuves , circonscrivant ainsi toute la
place d'armes actuelle.
(ihnrIes-Quînt, trouvant insuflîsante la citadelle de Louis XI,
en augmenta ta fonx* par l'addition de deux redaiis unis |Mir une
courtines et a ppuyc*s chacun par un de leurs oôU's aux murailles
de la ville. (l(*s deux redans sont remarqua bli*s en ce qu'ils
semblent être le [iremier essai du sy.Mème de fortification angu-
laire, et en ce que ce premier essai ap|Mirtient à TFiipagne et
non à ritalie. Ces redans furent lerminés en i55o, mais les
DE LA DEUXIÈME PARTIE. 581
ordres de Qiarles-Quinl pour commencer les travaux de restau-
ration des fortifications de Perpignan étaient antérieurs à i5a8*.
Bien plus, une tendance vers cette môme fortification angulaire
se fait déjà apercevoir, dès la fin du xv* siècle, dans la cons-
truction du nouveau fort de Salses, dont les tours et demi-lunes,
au lieu d*étre exactement rondes , présentent au contraire une
sorte d*éperoa saillant, qui en fait ressembler le plan à la pointe
des anciens écus des chevaliers.
Lltalicn San-Micheli ne fit donc que perfedtionner cette pre-
mière idée de la fortification flanquante, dans son invention des
bastions, dont les premiers fiirent construits par lui k Vérone,
vers 1 bào. Vasari , qui publia sa Vie des peintres en i55o, (ut
le premier qui fit connaître cette invention de San-Micheli,
dans la troisième partie de son ouvrage. Cette importante déoon-
verte fit aussitôt changer, à ce qu*il parait, le plan arrêté en
premier lieu pour la restauration des fortifications de Perpignan;
on traça pour la citaddle un plan nouveau dans la forme d*on
hexagone bastionné, auquel Philippe II fit travailler avec activité.
Ces premiers battions avaient à chacun de leurs angles une
tourelle qui s*élevait à une certame hauteur, et que plus tard
on remplaça par des guérites si^iUaDtes. Pour former autour
de la citadelle de Loub XI cette nouvelle enceinte, et pour en
découvrir convenablement les approches, il &llut démolir, dit-
on , environ un millier de maisons. La plupart étaient désertes
et abandonnées depuis longtemps. La population de Perpignan
n*ctait plus alors ce qu^elle avait été sous le dernier roi de Ma-
jorque ; les sièges longs et calamiteux que cette viUe avait sou-
tenus avaient tellement diminué le nombre de ses habitants,
que cette quantité de maisons , dont le nombre semble exagéré,
ne faisait pas la moitié de celles qui se trouvaient désertes, sui-
vant ce que témoignent certains écrits du temps.
i\e tf Aamx iiMpht radaM «m •■rail lût èm WilioM. L'nicalÎMi im oM wiifi, «If*
1^18 cl i&^.cttdoocaaléhMraà U Mnmxm^ A» Sm-Mîrkrfi.
r)82 NOTES
l^es travaux qui h'exfxiilniciil à Perpignan |iour )a défense de
la ville avaient M ini|X>sc9 |>ar Charies-C^ini aux vigiieriet de
Boussillon et de Cerclage, dont les haliitants devaient les ao
cQuiplir par eux-mêmes ou par des rcra plaçants. Outre cette
preslatioo en nature, de la part des citoyens, les consuls de
Perpignan avaient encore à fournir les manœuvres et les hétes
<ie somme pour le transport des matériaux. {Arch. tiom^) Pour
faciliter à ces magistrats les moyens de payer les ouvriers, Tem-
fiereur leur |)ermil, le i5 de juin i5a8, de faire frapper de la
monnaie de billon au coin des armes de la ville , en quelque
métal que ce fût, sous Texpresse condition qu*ils la rempla-
ceraient par de la oionnaie d*or ou d'argent de cours légal, k
toute personne qui voudrait la changer, et à sa première réqui-
sition. {Arch. dom.) Plus tard, le 29 janvier ifiôb, un arrêt de
Taiidiencc myate de Barrtïlone prescrivit à tous les habitants de
Perpignan , sans distinction , de contribuer à ces trovaux , par
feux , en di'iluisant dix fKMir i«nt (tour les pauvres qui n'avaient
|»a» les moyens de payer; nul ne pouvait en être dis|>ensé, mili-
taire, stipendié, familier du «Junt-olFice, laïque on clerc. Ciejien-
dant, comme ces travaux (Hnieut tres-considérables et la dépense
immense, et que cette charge longtemps prolongée devenait
trop onériHise |iour les seuls Imbitants du RoussiUoii et de la
Ccnlagne, Philippe 11 ordonna, en 1073, sur le motif que la
|»opulation était sensiblement diminuée, et que depuis dix à
douze ans plus du mille maisons étaient ruinées ou rendues
inhabitables, querelles des vigueries de (ialalugnequi avaient
étf'f im|>osr*es fxiur la re^vi ration des fort i I if 'h( ions de l^in^lonr
cessassent de payer |K)nr cotte ville, et que les tigueries de Vie,
de \!anri>sa. de IVrga, de(if'r\era, de Tarragonc. d'LJrgel et
de Leridu, ainâi que le^ hahilants de Poblet. eusneiit » contri-
hni'i' .nix travaux qni s'i'xccntaienl a Perpignan, fieiulant la
ibii'ce «le trois ans (Àtinine a raÏMin de la giande ilislani^c qu'il
\ jx.iil ij'- toutes •!*% xilti'«> .1 Perpigii.iM Irs habitants ne jHMir
1)K LA DKUXIKMK PARTIE. 585
raient p«is comroiirir à ces travaux par prestation en nature, ils
(ievaient s'arranger pour paver quatre cents livres de Barcelone
|K>ur rliacuiie de ces trois annét\s , et |K)ur les suivantes « s'il en
l'tail besoin. Le roi |>ensait c|ue ■ on ne trouverait pas cette con-
M iributioii trop forte, attendu qu'il faisait exécuter les travaux
uu\et- toute la diligence |>ossible, atin de mettre cette ville en
« état de résister aux forces ennemies , et assurer par là le repos
• (le toute la Catalogne , et aussi, [)arce que cette somme n'était
M I ieu en comparaison de ce qu'avaient coûté les autres ibrtifi-
• calions de Perpignan aux peuples de Roussillon, pendant plut
« (le ti*cnle-huit ans, outre qu'ils duraient encore^ etc. ■ {Arck,
f/oin.) Cette contribution, qui fut consentie par les cortSi fut
maintenue jusqu'à Tannée i585, qu'elle fut supprimée (CotuL
ilr (.'a t.) : c'est donc à cette é|)0(|ue qu'il faut plaoer Teotiet
aehevemenl de» travaux. :
I /entretien des casernes que Louis XI avait fait bâtir daiu m
citadelle ayant été abandonné après le départ des Français «
Kerdinaiid 11 en ordonna la restauration le 3o janvier i5o3,en
lanrant vivement le procureur royal de RousaSloii de sa négU-
^ence. qui était cause que la dépense serait très-considérable.
An h. (lom.)
Quand le Roussillon revint définitivement à^ la France, par
la paix des Pyrénées, Vauban fit compléter les (ortilkationa <ie
Perpignan en augmentant autour de la ville la force de <|ud*
ques-uns des bastions construits sous Cbarles V et Philippe 11,
en détournant, par une coupure qui les jette dans la Tet, près
(lu faubourg, tes eaux de la Basse, qui coidaient alors dans le
lossé, derrière Saint-Jean, et cela afin d'établir des demi^lnnes
(le>ant'4^s courtines; et eo ajoutant d'autres demi-lunes sur
(-en\ des fronts de l'hexagone de la citadelle qui en étaient dé*
pourvus.
l)\ipn*s le dernier plan arrêté |Hnir l'augmentation de la cita-
(lell(>, on devait supprimer, après l'achèvement de la nouvelle
584 NOTKS
enceinte liastionni'c , toulce qui restait de Tenceinte de Louis XI.
et CCS (léniolilioiis étaient déjà commencées quand le Roussillon
passa à la France. Vaul>an , r^ardant au contraire la conser-
vation de cette double enceinte comme très-avantageuse pour la
force de cette citadelle , fit relever ce qui était déjà abattu, et il
organisa les tours carrées qui en terminaient les angles, en
bastions dont le saillant a la même capitale que ceux de la nou-
velle enceinte'.
Une foule d*individus, par un de ces abus si fréquents en
Roussillon sous le régime espagnol, s^élaient fait inscrire
comme gardes ou portiers des fortifications. Philippe II régla,
en iSgg, que le nombre de ces employés ne pourrait être de
plus de douie dans Perpignan , et de trente dans tout le reste de
la province.
La ()orte d'entrée de la citadelle , terminée en 1 577 , est ornée
de chaque côté de deux cariatides à gaine accouplées et sur-
montées d*un entablement dorique, dont chaque métope est
timbrée deTun des écussons de la monarchie espagnole. La fiîse
porte cette inscription : Philippiu II,Dei gracia, Hispaniamm rtx,
iiefetuor ecclesiœ, L*écu général des armes d*&pagne surmontait
cette inscription , et comme cette porte fut achevée sous le gou-
vernement du duc d'All)e, les annes do ce seigneur étaient
sculptées au-dessous de celles du royaume. Cette façade était
surmontée d*une lanterne à jour, très-pittoresque, composée
d'une coupole supfiortée par des colonnes doriques ; elle a été
rasée depuis [leu d'années. Les cariatides de la porte ont donné
lieu à une opinion reganléc par le peuple comme incontestable.
La multitude veut voir dans les différentes [Misitions des mains
de ces figures des allusions à Tinexpugnabilité do M place.
Cette sup|)osition n'a pas le moindre fondement: l'attitude do
NiMu HioiBCi r««lri«blc Je ce* diffirrenlM nlnm^titiut * M. le U^rna (iuirauii Jt NmbI
MmvI, cvIuiirl-diricUiir «lu fvsie * IVr)iigBda , iiiu * bira hhiIm uuus «4HiiHiuai«|Mrr, Àtt
afrki%M (le M JinviMMi , IiniI ce «fui |iMi««it B-.iii rire île iiaekiue «iililr tUa» U imiUc tic
Boirt Udvad rel^ù»* «mi (utlifcc«1iuBB
DE LA DEUXIEME PARTIE. 585
CVS cariatides est le fruit du caprice de TarUsIe, et non pas une
nKlomontade monumentale.
Un bras de pierre pos^ en saillie au haut d*une tourelle qui
surmontait l*angle du redan oriental des premières constructions
de (Charles-Quint , et tenant une épée levée , a donné naissance
à un autre conte. On prétend , et on Ta écrit , que cet empereur,
faisant une ronde de nuit, et trouTânten cet endroit une senti-
nelle endormie , la précipita dans le Ibssé , et resta en faction k
sa place : ce serait en mémoire de cet événement qu*on aurait
placé ce dextrochère. L*absurdité d*an pareil fait n*a pas besoio
d*étre démontrée. L*épée nue étant un des emblèmes de la
puissance impériale, cdle-ci n'a été placée en cet endroit que
comme symbole, de même que Técu impérial qu'on voyait
encore naguère par-dessous et qui portait le mUlésime de 1 55o
indiquant l'époque où ces travaux furent achevés. Ce mèmeécu
est aussi placé , et par la même raison , sur d'autres bastions ,
tant de la citadelle que des muraiHes de la ville. Des travaux
exécutés en i8a3 ayant fait disparaître, aTecla tourelle, l'anneau
de pierre dans lequel se trouvait engagé le bout de la lame de
réi>ée « pour la consolider, cette épée a été enlevée , et le dextro-
chère est resté seul en place.
Nous avons dit que la citaddle de Boffile était ce qu'on appe-
lait le grand château , par opposition au Gtftillet ou petit chA-
teau. Nous nous fondons , pour avancer ce fait, sur ce qœ cette
fortification , dont on avait besoin pour imposer k la ville, dut être
élevée à la hâte et en terre , et qu'un plan de Perpignan de i6Âg
indique en effet, sous le titre de niinei du vieux chAteau, un
reste de fort en terre; il y eut cependant quelques parties de cette
construction , refaites, plus tard peut-être , en maçonnerie , puis-
qu'on en voit encore un lambeau au bas du ^cis, devant l'angle
du bastion de Saint- Jacques. Les restes de ce château disparu-
rent entièrement sous les travaux exécutés par Vauban. Nous
(lisons que ce fut là la citadelle de DofiUc, parce que Louis XI
:>80 NOTES
rrcoinmaiido luiiiitulieroinriit à Duboiichage de laisser ce vice-
n>i construire (ralxjnl une cittidellc connue il lenlendra, avant
(le l'aire éieviM' celle qu'on lui a indiquée, el qui dut être lacita-
dcllti actuelle. 11 ne .serait pas raisonnable desupposerqu*on eût
(ronnneiii <■ par construire un l'orl eu bonne maçonnerie, pour en
venir ensuite à un fort en terre. Quant au fait de relablis^temeiit
de vv château par les Frani;;ais , nous le déduisons de ce que, s*îl-
a\ail existe avant roccu|iation du Uon.ssillon par Louis \I,îlen
serait fait mention quelque part dans lliistoirc de ce siège , où
son voisina<^e du château royal , occupé |)ar les Français , aurait
dû le mettre en scène. La preniièi'e fois qu'il en est parlé, c'est
en I Â()3 , à Toccrasion de rallercalion entre les soldats français
et les habitants de la ville : les premiers sont forces de se réfugier
ala<'itadelle, les Perpi^nanais escortent Tëvêque d'Albi au grand
château. \oilà donc Texistenco simultanée de ces deux ibrtt.
sou}« les Français, bien constatée par cette ciix'onstance. Noua
avons vu aussi de \ encz chercher à attirer dans son parti lecom-
mandant de la citadelle et celui du château; cniin, à Tépoque
de re\aciintion du i\onssillon par les Français, unMossen Citjar
prit le commandement du château , et un capitaine Lutier eut
celui de la citadelle.
Il } avait encoi-e de Tartillerie sur ce château , en 1 563 • puis-
(|u'après la [wsiv. de JV*r|)i{;nun Philippe 11 prescrivit cuaime
ino\eii dassainissemenl de la ville di'> décharges de rartillerie
du paiid château, de la ciladt^lleet du Castillet : ces trois places
se trouvant ainsi désignées en particulier dans le même acte, il
ne reste plus matière à aucune û|uivoque.
NOTK VIL
.Siif II- ilnut ih iintrrritnnr tlf» hahUtats tir l'irftùjnan.
\ I u(ia>itMi tl'une t:(iuti*>tatinn entre la nitble»e el la iniur
HE l,A DKIJXIKME PAKTIK. 587
U'ooiMc (k> Porpi^naii , qui prétcDdait à toutes ies {Hm>galive8 de
la iH»l>lessc, Torcirc des avocats, piqué de ce que la bourgeoisie
\oiilaiL se placer avaot lui, prit fait et cause pour le corps noble,
auquel il se prétendit seul adjoint. Chaque parti eut seà déien-
soAtrs qui , cherchant partout des titres pour appuyer leurs pré-
tentions réciproques, ne restèrent pas toujours dans la ligne
d une scrupuleuse exactitude. L'apologiste des avocats, le doc-
teur Francis Fossa , jurisconsulte de grand mérite, niais non
au-dessus des faiblesses humaines , en confondant son adversaire
sur bien des points « n*a pas été rigoureusement juste dans toutes
ses réfutations. Cest ainsi, par exemple « cpi'îl conteste- aux
liabitants de Perpignan le droit de pouvoir fiiiire la guerre pour
ItMir propre compte, et qu'il ne le reçonnait qu'aux seuls che-
valier» <>tablis dans cette ville ; nuistel n'est pas l'esprit du pri-
viic^cMle guerre piivée doimé à Perpignan par Pèdre H. Ce pri-
\ il(''<;o s'exprime à ce sujet en termes si formds , qu'il ne peut
r€\ster aucun doute. Voici la traduction littérale de ce passage,
dont on peut voir le texte dans la charte de commune, aux
preuves de la première partie de cet ouvrage : « Et moi , Pèdre.
•• par la grâce de Dieu , roi d'Ari^n , comte de Barcelone , pour
« moi v.i |K>ur mes successeurs, j'approuve et accorde, et par cette
« charte valable à perpétuité je continue fermement à tous mes
« hommes de la viHe de Perpignan , qui y habitent et demeurent
« pn>sc>ntd et futurs , que si quelque personne qui ne serait pas
« de nolredite ville de Perpignan fait quelque tort ou dommage
« ou mal ou détriment 6u injure dans son honneur oa dans son
« avoir, par lésion , par coupe ou de toute autre manière , à qud-
I (pie homme ou femme de notredite ville de IWpignan, celui
« ou celle qui aura reçu le dommage ou i'injure se rende près
« des consuls , du bailli et du vîguier qui se trourenl coptlf-
• (lies dans notredite ville , qu'il leur ex|H)se l'injure ou le dom-
t inagf* qu'il aura reçu, et qu'alors les consuls avei* mon bailli
• vi iHoi) \ iuuiiM', tiHit de suite et sans retai'd, aillent ou envoient
588 NOTES
• ictir messager à celui qui a fait Tinjure, le lori ou le dommage
• ù r homme ou à la femme de Pt*rpîgiian ; que 8*il refuse de
«comparaître en leur présence, ou de rendre, restituer ou
« amender suivant ce qui leur paraîtra raisonnable , ainsi que
« suivant ce que prescrivent le droit , la raison » vos usages el vos
• coutumes, nous voulons, et de notre autorité royale nous or-
« donnons que lesdits consuk , avec notre bailli et viguier, el
« avec tout le peuple de Perpignan , aillent et chevauchent en-
• semble à main puissante (ou armée) contre le malfaiteur qui
« aura fait le tort ou Tinjure , jusque dans la ville où il sera re-
• tourné et où il aura ses effets; et s*il en résulte qudque grief
t ou mort d*homme , il ne pourra être formé aucune plainte ai
« poursuite, etc. • On voit qu*il n*est nullement question ici des
nobles ou chevaliers, qui à oette époque n'habitaient guère que
leurs terres , mais que le privilège s*étend à toute la population
de Perpignan , hommes ou femmes , sans distinction.
Uarticle 4i des coutumes de Perpignan permettait, avant
cette époque, aux habitants de pouvoir prendre parti dans les
guerres qu*avaient entre eux les chevaliers , militet, leur laissant
la faculté de se décider pour Tun des guerroyants , k leur choix,
et sans qu*aucun des deux champions dont ils auraient embrassé
la querelle put se venger de ceux qui combattraient contre lui •
autrement que sur leurs personnes et non sur leurs biens : ceci
concerne ceux qui voudraient (aire la guerre sous Tun ouTautre
pennon , comme volontaires, à raison d*aflection ou d'obligation
quelconque , et à leurs frais. Si au lieu de servir dans ces guerres
de cette manière , ils s*y engagent comme auxiliaires, recevant
un salaire à cet effet, ce quon appelait valitons, en catalan
valedon\ dans ce cas, oeux contre qui ils porteront les armes
ne pourront se venger d*euxque sur leur propre personne et sur
* I<OT laiiiervi rUicnt il« bf««M de profeMioa q«i •'•■gafMMBl poar ■■ I«b|M
•l i|HÎ éuiral noairia |Mr nmi i|ui 1rs prvuirat • iMr mU« : de l« 1 V|«iktlc 4m itîiêtfti d*
pvmtrm . «t le now fraB^oti tUiëmr. d'uè e»l Mtvii ctlaî àê mitUt.
DE LA DEUXIÈME PARTIE. 589
lo iMigage qirils auront emporté avec eux, sans rien entrepreodre
cou Ire le reste de leurs biens. Du moment que ces valedon, la
gucire durant encore , se retireront dans la ville de Perpignan
en renonçant à leur service, ils ne pourront plus être ni pour-
suivis ni inquiétés*. Cestsur cet article des coutumes que Fossa
s^appuie pour n'attribuer le droit de guerre qu'aux seuls che-
valiers. Mais les coutumes sont de beaucoup antérieures à réta-
blissement de la conunune de Perpignan , et cet article est tout
à fait étranger k la charte de commune, dite privilège de la
main-armée. A Tépoqne où ces coutumes furent rédigées , les
hommes de Perpignan étaient ce qu'étaient tous les habitants
des villes avant rétablissement du régime des communes. Voyez
ce qu'en dit Mably dans ses Observations sur rhistoire de France
(livre 111, chap. i) qui est Thistoire de tous les pays de TEurope
à la mémo époque. Le droit de commune, en changeant Télat
politique de Perpignan, lui donna alors ce droit de pouvoir
venger ses injures , inhérent à l'état d'affranchissement : t Les
• commune», dit Mably , acquirent le droit de guerre, non pas
• seulement parce qu*elles étaient armées et que le droit naturd
• autorise de repousser la violence par la force, quand la loi et
• le magistrat ne veillent pas k la sûreté publique ; mais parce
• que les seigneurs leur cédèrent à cet égard leur propre auto-
• rilc , et leur permirent expressément de deaiander par la voie
« des armes la réparation des injures ou des torts qu*on leur
• ferait • (IhitL chap. 7.)
Il résulte bien évidemment de tout cela que le droit de
guerre était accordé à toute la popidation de Perpignan , à
quelque classe qu'appartint, celui qui avait reçu Tinjure. La
condition de ne pouvoir prendre les armes que sous la conduite
des consuls, du bailli et du viguier, était la garantie que ces
guerres ne se feraient jamais légèrement, et elle devient ici une
' KoM> rdiv* iMmfi fmr «voir blitalt wi «Hkk 4o. «t mb 4i. CtM mm m
io quil M> iTovvt M iivrt •pMtl àm eomimmm, M mm U m' 4i ^H «C btcrtl iêm
livre »ert.
5W NOTFS
prf>iiTe Hiiraljondanlecoiili'f* k* senlininit de Kt>5sa, |)iii8niieie!i
iiot lies. Haut hor5 de la jnridiclioii des consul» et du IkhIIî, n'au-
raient en a s'adresser qu'un vignier, de qui seul ils étaient jin-
tiriables.
Quand la sortie derarni<'>e de Peq>ignan avait été jugée ne-
ressnire , aucun habita ni , d'après la même cliarte de Pedre II ,
ne p(»urait se dispenser de prendre les armes. Oluî qui restait
dans la ville, sans cause légilimc, encourait une peine pécu-
niaire. G?lle disposition subsista jusqu'à Juan l,qui la modilîa
dans l'intérêt de la sûreti* de la place. 11 fut rlabli alors que.
quand Tost de Por|Mgnan sortirait, le pfouvemeur, d'accord avec
les consuls, y laisserait pour le parcler, comme place frontière,
la quantité d'habitants ju^ée convenable.
\je i5 novembi'e i556 un règlement du haîlli et de» consuls
lixa Tordre dans lequel devraient marcher les bannières des
difl'érents corps de métiers, quand rannée de Perjiigiian pren-
drait les armes. I^s tailleurs avaient le pas sur tous; venaient
ensuite les |)ellctiers, les li.*«M>rands, les menuisiers, les mar^
chauds, les conlonniers, les épiciers , les mercie», les chamoi-
scurs. les corroveurs, les hf'itelliers, les bouchers et enfin les
jardiniers*. Le a o octobre 1.600 le roi Martin, |)Our ajouter à
la lorce morale de raimf'e de Perpignan, la qualilia de main-
anni-e royale, et ordonna i\\i ik l'avenir elle ne pourrait sortir
de la ville que pn^ccdin; de la bannière royale que le viguier
ferait purtcr devant lui, « Alin, dit-il, que les gens de cet osl
> marchent mieux n-unis , et que la %'ue de renseigne royal inti-
• mide davantage les ennemis. • 1/înexctrution île cette onion-
naiice devait être punie d'une amende de mille florins dW.
Quant à ra(>plicalion decedniil de faîn* laguene, nous n'en
ronnaisMMis que le> deux <*X(Mnples dont uouh faiMins mention
daiks le texte. Une tlicisimi royale du 9 octobre 1/119 fait
connaître que lorsque l'injure a%ail étt* conmiise par des Perpi-
1)K LA DEIIXIKMK PARTIE. 591
^iinnni> nu pn'jndice dautres populations , la connaissance eii
appartenait au ju^ de la main-armée do Perpignan « c'eKt-à-
dire aux consuls , et qu'il y avait certains frais à acquitter par ie
demandeur, à moins qu*il n'en fiit empêché par son état de
pauvreté, auqnel cas il adressait sa plainte au conseil du roi.
l/ahbé de la Real avait porté devaiil ce conseil une plainte sur
dp prétendues injures « prœtensis in/iini^, invasions et dommages
commis par quelques personnes de Perpignan au lieu d'Espira«
qui appartenait à son abbaye. Par la décision que nous venons
d'indiquer, le roi d'Aragon, « attendu que l'ablH* n'e«t pas une
• personne misérable « non fore penonam miserabilem» et que par
k conséquent il no pouvait pas faire évoquer son affaire au con-
« si s toi re royal , pour cause de misère « en renvoie la connaissance
«aux consuls, comme juges de la main-armce, pour qu'ik
« prennent les informations et fassent justice simplement, som-
« niairciiient et sans bruit, en ne s*attacliant qu'à la vérité du
« fait , et mettant à part toute malice et subterfuge*. » 11 faut
croire que la justice et l'impartialité présidaient toujours aux dé-
cisions des consuls , dans ces circonstances délicates.
NOTE VllI.
S»r qaclqufs grandes inondations des rivikres du RoussiUom» ei smr le poni
de U Tet.
Mêla a dit que les petites rivières du Roussillon deviennent
terribles aussitôt que leurs eaux augmentent, et rexpérience
de tous les temps a contirmé ce témoignage. De toutes les grandes
inondations auxquelles ce gonflement de leurs eauxa du donner
lieu depuis les temps antiques, il n'en est qu'un petit nombre
dont le souvenir se soit conservé. La plus ancienne, à notre
connaissance , est celle de i a6& , qui emporta le pont de la Tet.
* Ltk*r xittd. Ml*.
592 NOTES
(ie |iont , flonl la date de la fondalicm n'eM pis connue. raisUit
en 1 19G. aniit-e dans laquelle Alplioiise 11 lit don aui ho»|iîla-
Iht» et à ceux qui avaient et qui auraîeul par la suite lâchai^
de rentretieii de ce |>ont , des galets de la rivière et des jardius
cinonvoisins. La reconstnictioii en fut commencée rannée
même de sa destruction « et on le plai^ sous rinvocalion de la
\ ier^'e , en Tlioimeur de qui on bâtit une chapelle , sous le nom
de Notre- Dame -du -Peut, que le duc d*Albe fit démolir en iS&a.
En 137a un prêtre nomme Amalric, chargé de recevoir laa
fonds destinés à la construction de Téglise et a l'achèvement
des travaux du |K>nt, donna quittance à l'infant don Jayme,
|K)ur une somme léguée à cette œuvre par Pons du Vemet,
sur colle que le (ils du défunt comte d'Ampurias devait lui
payer à raison de l'échange fait, dix ans auparavant, entre
eux, des terres de Millas et de Toreilles contre la ville de ûh
daquers.
Anciennement le faubourg Notre-Dame était défendu par
une forte muraille qui se prolongeait en amont du pont, et que,
sur une demande des habitants de ce faubourg, le roi de Ma-
jorque lit augmenter, |)ar ordonnance du 7 des calendes de fé-
vrier 1 334 , en faisant contribuer à cette dépense tous ceux à
qui elle devait profiter. (Arch, tlom.) Une ordonnance du bailii
et dc5 consuls de Pcqngnan, du 18 des calendes de mai i338,
prescrivit le placement de bornes le long des deux rives de la
Tet , aux environs de la ville « [tour déterminer la largeur qu'on
devait lai?»!)er à son lit , laquelle largeur fut fixée à jamaif à
soixante toises. Les bornes devaient être plantées de telle ma-
nière, que les eaux de la rivière, dans ses inondations, ne
pussent jamais les arracher*.
* ViJarmot H DUB«liruBl i|iioil r|r i|u<idaai Tmjn firao quod «t Mipn utmim Fr«MÎMi
ilr I lini*. rt flMin lia» uti|u* jiI ijuuiiiLui culuiulunum touluiii J'Ka V«rH«l. <|«oil Ml
io ra|itlr |wrirlii r(in«lructi igllii. juiU îp«uui coluDibiriuni . puuaolur Unainî UptJ*! citra
ilii Uni M|«Hin I lirli» . ullié i|uut IcrnilBiM «it prrprtuo grjia ri altraw pri (|«rai ■«|im ThHÛ
Uhi |H>Mii Oii' •|iiiileiii gra%ii ImLaaI id «ia|ilituJintiH «iwciuoi MtJfiiiU cautfHHi dt «IkU»
teriiiiuD •|iiu(l e»i mi|vi bcniis I'ubcimi J« llmit uti|aa «J (IkUib colaaibinmM â'hu
DE LA DEUXIEME PARTIE. 595
Un dcbordenicnt des plus ni<^iiiorables eut lieu le 8 octobre
1 (\i 1 . Ijcs eaux de la Tet passèrent à plus de quatre empans
par-dessus le mur en forme de digue dont nous venons de par-
ier, et (pi'unc inondation précMniente avait dû renverser en
|)nrtie, puisque déjà à cette époque nous la trouvons sous le
nom de paret trtncada (muraille cassée.) Cette nouvelle inon-
dation en renversa encore plus de dix-huit toises de lonfnieur,
et emporta trois arches du pont. [Arch, dom.) Une autre inon-
dation dont les notes du temps ont conserve le souvenir eut
lieu ie i3 octobre i566. Celle-ci commença dana la nuit, se
compliqua de celle de la Basse, et à dix heures du soir elle
('tait telle, que dans la partie la plus basse de la ville chacun
(lut se réfugier aux étages les plus élevés des maisons. L*eau
montait à une hauteur extraordinaire dans toute la partie qui ,
de la porte Saint-Martin , 8*étend dans la direction du marché
au blé. Tous ceux des habitants qui avaient pu quitter leurs
habitations s'étaient enfuis vers le quartier élevé de Saint-
.laïques. Plus de trente maisons furent renversées dans cette
partie basse de la ville, et les désastres du faubourg furent
inappréciables*.
Une catastrophe semblable eut encore lieu le 1 8 novembre
1 r)Q8 ; mais celle-ci ne fut pas le produit d*UD débordement de
la rivière. Une pluie très-abondante avait tellement rempli les
fohsés de la citadelle, où Teau était retenue par des batardeaux,
que le poids de cette masse fit à la contrescarpe une rupture
par laquelle ces eaux s^élancèrent sur la ville, et inoodèrent
toutes les rues, depuM la porte Saint-Martin jusqu'à la place
Neuve. Sept à huit maisons qui se trouyaient en face de la rup-
ture furent renversées, et une trentaine d*autres furent plus ou
Wrnft , quod Mt ia capito parieln Tnirri PnpÎBMÎ. VolBcnial «tùm H BMadanial mo^
infr« dictam fajrt tt «lictoai colamkarivm figaatw, ialocM finut, tanami bpid« ia ponM-
%tHiiiku< ti^e locit iafra Mriptk ad hoc, al par mpcrlaitolMa «i taaacUlioaM ai|MrMa 4icii
irrmini oon pMftiat M« valMat eradicari , «te. ( Ar^. itm. )
* H<>fp«irv<l^ 4(«lat> <1« riiBi««Mt«.
M. 38
.vrj NOTKS
moins forleniciit riHionniin^cos : in [H'tletMi vin vl vu liiiile, ilaii^
losccliims, (ut ln•<i•<-nn^Ki^^ll)io. Quant nu ii()ml)i*u de [lei'soiinei»
i|tii prriivnt, Pirnc Piisrhal le l'ait iiKiiitcr à plusieurs, et Jêmiiie
(nos le UoriH' à iiiii* M'ulr. (!e> (li'U\ <'cri\ains funl eu coït;
mention fi'nncanire inondation (piit'iitlifMi le it) octobre iTi^u.
l-es f.inx {\v la 'Yv\ l'I rrlji-s de la Ha^i^^e 'ruisseau qui n*a j;uëm
(junnc liene de murs cl qui se jette rians la Tel sous Perpipiaii.
dont il rein|>lis>ail alors la partie scptenlrionaliMles fossés) de-
hordëivnt, et. rellnant dans la partie basse île la ^ îlle partons les
éf^ouls, i'vs eaux s l'IcxtM'ent de six pieds dans les maisons voi-
sines de la porte do Notre-Dame; des parties du palais è pi seopal
iuix.*nt renversee'i . ainsi que Irs murs du jardin du eliapître el
les maisons de rauinouerie*; plusieins autres maisons <le la
\ille eurent U'aucoup àsoufTrirde celte grande pluie, el cnin*
autres les inonasteirs de Siiinle-(ilaire el de Saint-Siniveur.
!^' 7 d<*eend)re 177ÎÎ il v eut une autre inondation, causée par
Tobstai le qu'opposait au lilire ronrs des eaux le barrage forme*
par le liane droit de la ronlre-<;arde <le la porte Nolit,*-Danie :
il fallut faiif» londier < e bairai^e a coups de canon.
I«es débonlements de la Tel , élendanl de plus en plus lalar
jîcur, et exhaussant le lit de <elli' rivière, ses eaux se fravnient
un pass.!<;e en dehors du [nmiI , dil < e la Pierre; on jeln. en 1 1)88.
un |)<)nt sur le passai;** de ce bras «iccidenlel , pendant qiip,
d'auln* part, rinlend.nil ()ir> Ibnd.iil. en amont du pivmier
fKinl, la di{;ue qui porte son nom.
Titiis an- lies du pont de la Pierie at tenailles au faulxmrf;
avaient êlè eiiipi triées en 1 V^ 1 ; celles «pii restaient le fiiriMit en
dtf'eudire 1 f).'>.'V Les premières, mal iTconsIruites. liirtMil eneore
culbnti-e<i en novembre I7.'>7 : on i\r le*» rétablit <|u'eii 17.^1 ,el
on les fonda .dors Ires-prolondeineiit , a la pou//.oi.iiic. La cére
monie de la jkisc de la première pierr«- se lit a\ec beaucou)> île
l.f"» ii'iir» li mil |iiriii- itr* niirirniir« iii.ii«i-iis ilr rrr|i|gnJU •■l.nriil * u iii*** . rV*l rv i|iii
• ll>l|ililf- I !■ IM-II i|r Villillli .
•
DK LA DEUXIEME PAKTIE. 595
solennité ;ri'vèqu(» se rendit procession iiellement an faubourg,
»vec font s<ui elergé, |)Our la bt'»nir. {Liber provii.j
NOTK Mil bis,
Siir Ir droit de nomination à Tèrèchè dVAne.
Joseph du Vivier, qui avec Thomas de Iknyuls conspirait
contre ia domination française en Uoussillon, avait été nommé
à revèché de Perpignan par Louis XIV, mais n*avait pas reçu ses
huiles, parce que , Tissue deia guerre étant encore incertaine, le
|)ape n'était pas assuré que, dans le cas où le Uoussillon neres-
t(>rail pas à la France, le sujet présenté par Louis fût agréable
a lMiilip|>e. Le complot contre les Français ayant échoué, Joseph
du \ ivier se réfugia en Catalogne , et sa présentation à Tévéché
de Perpignan fut annulc*e. A ia paix, don Vincent de Margarii
fut pourvu de c<* siège. Ce ne fut que le 9 avril 1688 que le
pa[>e (élément IX accorda à Louis XIV ie droit de nomination
a cet évcVhé vi aux autres bénéfices consbtoriaux de la province,
et il ne le fit que sous la coïKlition que Home conservcmit sur ce
|)ays la même juridiction qu'elle y avait quand TEspagne en
(tait maîtresse; de là vint que ie Houssillon était pays d'obé-
dience. Cet induit , qui se trouve dans le XI* volume des Mé-
inoire<du clergé de France, fut enregistré au grand conseil,
Nans modification , le 1 1 juin 1 670.
NOTE IX
.Sur le» limiUs du RaasiiUon ride la Calalo(fnr.
D'aprî'S les bases posées parle traité des Pyrénées , les liantes
qui avaient autrefois séparé les Gaules de TEspagne devaient
>é|>anT (le nouveau les deux royaumes modernes. Des commis*
38.
5% NOTKS
saires des deux nations so minironlà (k'^ret pour arrôlcr cette
délimitation. Dans ces conféreni-es, le plus éiudil des deux
commissaires français, rarchcvêquc Pierre de Marca, émit le
sentiment que le vi\p de Creus était le promontoire Aphitxlisium,
sur lequel s'élevait anciennement ce temple de Vénus Pyré-
néenne qui terminait le littoral des Gaules ;cVst ce qu*il s'efforce
encore de prouver dans le x* chapitre du premier livre de son
Marca hispanica, et ce sentiment a été aveuglement adopté par
un grand nombre d'écrivains, tels que doni Bouquet, dom
Vaissette, Ménard et La|)orte du Tlieii. Cependant, suivant
nous , ce sentiment n'est rien moins qu'exact.
• Du Var, la cote maritime s'étend, dit Slralx>n, jusqu'au
• temple de Vénus Pyrt'néenne, qui sert de limite fiour dislin-
« guer cette province narboniiaise de l'Kspagnc. »
« Lii>s montagnes Py remues, dit Ptolémét*, terminent la côte
« méridionale depuis l'Aquitaine jusqu'aux montagnes qui
• atteignent notre mer, et sur lesquelles est bâti le temple de
« Vénus. » Ces deux passages , comme on le voit , n'assignent
aucun |)oint lixe au temple de \énus; mais le voici très-bien in-
diqué par.Meia : Tum, inter Jyrenœi promonioria, portus \'eneris,
in sinu Saiso , et Cervaria lorus , finis (ialUte, Rien de moins équi-
voque : c'est Cervaria qui est la fui <ic la Gaule; c'est entra les
promontoires que forment les racines des Pyrénées, qu'est le
jiort de Vénus. Mêla ne pretise aucun promontoiiv, mais, sui-
vant toujours la côte du nord au midi, il place le portas Vcnertf
avant le Ci'rvaria Uhiu, lin de la (iaule. Pour preuve que ce
géographe ne confond pas ce promontoire où est le port de Vénus,
avec le cap de Creus, qui vient après, il désigne tn'S-claircment
celui-ci dans la Tarraconaise , oii il se trouve effectivement : Si
littora legas, a Cervaria prosima est rupes quœ in altum /Vrr/urum
extrudit. Pouvait-il mieux distinguer le cap de Creus? Quant à
Cervaria , il existe encore aujounriuii un village de Cernera , au
fond d'une petite anse de nier, el c'est là en effet que s<»nt les
1)K LA DFAIXIEME PARTIE. 597
liniitoM de la France, qui laissent à tort à TELspagne Cervera et
son terroir. Il est donc bien certain que c*est un promontoire
situe avant le lieu de Cervera , qui est le cap Aphrodisium , et
non point celui de Q^usqui le suit, et que c*est entre les pointes
de ce promontoire qu'est le port de Vénus. Port-Vendre» ne
saiH'ait être indiqué plus exactement, si son nom même ne
l'avait encore mieux fait reconnaître. Pour que Topinion de
Marca fût vraie, il faudrait admettre qu'il y eut dans ces parages
deux temples de Vénus, ce dont aucun auteur n*a jamais parié.
Sirabon achève de démontrer l'inexactitude de cette opinion.
• La distance respective de ces deux villes (Narbonne et Aries)
« est à |>eu près égale à la distance des deux caps déjà nommés;
« savoir, celle de Narbonne, du cap de Vénus Pyrénéenne, et celle
« d'Arles , du cap de Marseille. » Cette appréciation de distances
fixe incontestablement le promontoire Aphrodisium au cap Biar.
On romf)to en effet environ quinxe lieues de Narbonne à Port-
Vendres, et quatorze de Marseille à AHes; transportez le temple
de Vrnusau capde Creus, il n'y aura plus aucun rapport entre
les distances respectives , puisque de ce point à Narbonne il y
uurait le double de la distance d'AHes k Marseille.
Nous voyons que Mêla, qui était Espagnol, ne détermine aucun
pi*oniontoire comme étant celui de Vénus ; ce promontoire était
seulement au voisinage du temple : quel sera donc le point ou
se trouvait placé ce fanum ? Ce n'est pas dans la baie; il n'eil
été vu de (>ersonnc : sa place était sur l'une des pointes qui fer-
ment cette baie. Celui qui est au midi, le cap Biar (impropre-»
nient nommé Beam sur la carte de l'atlas national), aurait fourni
un site convenable ; mais si le monument avait été là, il en serait
reste quelque cliose, et on ne trouve aucune trace de construc-
lions sur ce cap aride et pierreux. La pointe opposée de la baie
i\v Port-Vendres est beaucoup plus basse. Son extrémité présente
un pl.itean où l'on pouvait arriver sans difficulté, et auprèa
diKjuel passe le chemin de G)llioure. La existait, dès le XIII* siècle.
r>98 NOTES
un fort avec un phare, qu'en i3i8 le roi Sanche ordonne d*al -
lumer depuis le i" septembre justpi'au 3i mai. Rien ne nous
apprend que ce Tort , à rorigine duquel on ne peut remonter,
ait remplacé \v Janum Veneris, mais tout le fait supposer : sa
situation à Tentrée du port ; la faculté de pouvoir être aperçu,
d*au8si loin que la vue peut sYlendre, parles navires qui venaient
de VOrient ou de l'Afrique, situation qui y fit placer un phare,
eniin rétablissement de cette forteresse du phare, car on sait
que les monuments des anciens , à raison même de leur assiette
avantageuse et de leur forte construction , furent, pour la plu-
part , transformés en postes militaires pendant les déchirements
qui accompagnèrent la chute de Tcmpirc romain.
I^ division de TEspagne et des Gaules n*est pas facile à suivre
dans les terres ; là il nexiste aucun document historique auquel
on puisse se rattacher, si ce n*est la position des lroph('*es de
IV)mpée, dont nous avons parlé à la Note II de la première
partie. Aussi , Baluze , qui était secrétaire de Marca aux conle-
rences de Céret , avoue-t-il que la position des limites fut vive-
ment débattue de part et d'autre. Le Vallespir fut cependant
donné en entier à la France. Ksl-il constant qu'il appartint aux
Gaules? Aucun auteur ne fait connaître par quels points ou
sur quels monts passait la ligne divisoire des deux vastes pro-
vinces romaines ; Stra bon seul place un jalon aux trophées de
IV>mp('*e. Pour revendiquer le haut \ allespir en faveur de la
France, Marca s'attacha bien plus a démontrer que ce pays
(iEiisait partie du Houssillon qu'à prouver qu'il était une dépen-
dance des (iaules; il ne s'appuya que sur des chartes de Tc^ise
d'Elne, dont aucune ne nïmonluit uu delà du x' siî>cle.
Li ligne qui séptirait la Gaule de l'Espagne , partant du cap
qui suit celui de G*rlM*rc . et qui {torte encore le nom de cap(/c
hi s portas on des |>ortes Danvilie.. Vof. ilr lit (iaiile], devait suîvn>
la rrèti* (Ifs AIUmvii. <'(nnnie rlle !<■ lait iinjounThui. |»our venir
|tnsK«*i- MU lîi uoilinc <\v IVIle;*iirtle. «mi rtiiieiil l(*s tropInV» de
l)i: l.A DELXIKMK PVhTIK. bW
lV>iiip(iv, (ie la, coiidnuant à suivre mu* iliix'ctiun u peu pit's
(IroiU*, ol à p-avir la cime des uiontagnes , elle devait \ciiir
(lien lier la tète <lii (ianigoii , laissant aux Indigete» toute la
partie qui iornie le haut Valle&pii. l>e mont (lanigou était un
point tr()[) remarquable (K)ur n'avoir |)as 4 omouru à la délimi-
tation des deux contrées. 11 est ài*emarquer quccest précisément
dans la partie liante du \ allespir, que nous disons avoir dû
appartenir aux Indigclos , que se trouvent fn'quemment des
nuHlailles celtibériennes. (À* qui ajouterait encore un grand |x>ids
an sentiment que nous émettons, ce serait Tcxistence, dans une
des anlractuositi'S du (lanigou , d*un de ces gros anneaux de fer
qu'on trouNc également sur certains |)oiiits des montagnes des
\ allées d'Andorre et dWltavacas , si cette existence , qui est une
opinion vulgaire, était bien constatée; mais, quoique tout le
nioiulc V cmic\ nous n'avonsencore reiicontic |HM'sonne qui nous
en ait parle (le ihu. L*auteur de Fancien Voyage pittoœsque de
Trance, article lioussillon, cite, non pas un, mais de grands
:tnn( aux de fer qu*il place autour d'une vaste ouvertuix», qu*il
sMp|>()se avoir été celle d une mine. En comparant ces anneaux
a ren\ an\(pieLs on attache les câbles des vaisseaux, il prouve
(|ne celui ou ceux dont il parle sont de la même espèce que
ceux qu'on trouve sur les autres montagnes, et dont Tun, qui
ne lut jamais placé , existe comme curiosité au village espagnol
de Massanet : cet aveu de la grosseur de ces anneaux du Cani-
i:ou réfute sullisammenl l'idée qu ils aient été placés pour Tex-
pl(»itation démines. Quel be.soin aurait-on eu , |H>ur ces travaux,
de sceller profondément dans les rochers des anneaux dont les
tii^t s , à en juger par celui de Massanet, ont plus de dix pieds
(le longueur. Amsi que le dit Marca, ces monuments n*ont
servi (|u'à tixer d'une manière invariable les limites des deux
empires. Mais à quelle époque ces bornes furent-elles placées?
l>ei sonne ne les attribuera au moyen âge ; les Homains, maîtres
(les (lanles (>t de l'FiSpagiie . n'avaienl aucun intt*rèt à arrêter
000 NOTES
aîiiHÎ les limites des deux contrées ; ce serait doue Touvrage des
derniers Celtibéricns , de ces |>euples que Mine , Ptolémée ,
Strabon placent dans la Tarraconaise.
Pour venir se rattacher au Canigou , la ligne divisoire devait,
dans notre opinion , se porter du summum Pyrenmum vers le
lieu actuel de Renouguès , se glisser derrière Céret, dont le ter-
roir restait aux Gaules , traverser le Tech pour suivre la crête
des montagnes de Palauda et de Montbolo, joindre la tour de
Batère et gravir enfin le Canigou ; de cette manière , le poste
de Custodia ( Custojas ) restait sur les terres d*Espagne, k
quelques milles de la frontière, comme celui du Centunowsm
était sur les terres des Gaules , aussi à qudques milles de la
frontière.
NOTE X.
Sur certaines juridicîioni secondaires du RousnUon.
Nous allons donner ici à cet article le complément doot nous
n*avons pas voulu allonger le texte de notre histoire.
Le Roussillon n^avait pas d'élection, mais simplement un
grenier à sel , à Perpignan et à Prades. Un visiteur général des
gabelles , qui avait rang de conseiller honoraire du conseil sou-
verain , n'sidait à Perpignan , et décidait toutes questions sur
celte matière. Son oITicc était liéré<litaire.
Un juge des traites, dont loiTice était aussi héréditaire, coo-
naissait de toutes les aCTaires concernant les droits de sortie et
d*entn'e dans la province. Toutes contestations sur la vente et
la distribution du tabac étaient soumises à un juge du tebac ,
qui exerçait par comnii.vMon du roi.
In juge-assesseur du capitaine général connaissait de toutes
les atVnircs mililaiivs. tant au civil qu*au criminel. Le premier
président el le <loven des f*<»n»eillers du conseil souverain
• ■
DE LA DEUXIEME PARTIE. 601
jn^^caient en dernier ressort les appels de ce tribunal, qui portait
le nom de capitainerie.
Un tribunal particulier pour les jardiniers avait pour juges
les sobreposats de la horta, ou syndics des jardiniers. Ces juges
étaient au nombrede trois, dont deux nécessairement jardiniers;
ils se transportaient a la campagne pour examiner et estimer
tout dommage causé dans les terres, et condamnaient à la répa-
ration.
Le plus ancien des juges royaux de Roussillon était le baile
ou bailli , établi par les comtes de ce pays , c'est le comte Goi-
nard qui avait accordé au bailli de Perpignan le droit de tranii-
^oT |)our toutes les peines , même pour celle de mort. Sous le
règne de Pèdre IV, le chancelier, en Tabsence du gouvemeur,
ayant voulu empêcher le bailli d^user de ce droit, Tinfautdoo
Juan , administrateur de ce royaume , en confirma le privilège.
Ce bailli rendait la justice sonamaire par lui-même, et la justice
contentieuse parle ministère d*un assesseur; il était juge delà
ville au civil et au criminel , et nul ne pouvait exercer de fonctions
municipales s'il n'était soumis à sa juridiction. Quand, sous le
rt'gne de Ferdinand II , les chevaliers domiciliés dans les villes
voulurent parvenir à ces fonctions, ils durent renoncer, par acte
public, à toutes les prérogatives de la noblesse. Cette répudiation
de rang fut autorisée par le roi , dans une pragmatique du
i3 décembre 1^98, où il est dit que ceux qui font partie de
l'ordre des chevaliers pourront être agrégés à la main majeure,
sous Texpresse condition , et non autrement , qu'ib renonceront
au grade de la chevalerie et ne pourront plus intervenir, comme
chevaliers, aux corts et pariements généraux. ( Xaupi, fie-
cherches sur la noblesse, etc.) Le bailli de Perpignan était, en oetle
qualité , juge royal de Collioure et de Thuir. Prats de MoUo et
\'inca avaient chacun leur bailli royal.
La |K>li(^e de Perpignan était exercée par le bailli , les consub
4*t les clavaires ou moslassafs. Les consuls avaient le droit de
iWl NOTES
(orrcHiion sur tous les linhllnnls, sans rendre de jugement en
fomu'. Ils (H)uvfîii'nt faire mettre aux ceps, sur la place publique,
les enfants qui commettaient quelque larcin , avec Tobjet volé à
leurs pieds : le consi>il souverain , a|)rès avoir aboli T usage de
cette peine, qui nVtait pas réputée infamante, la rétablit
ensuite , à In demande des habitants, à cause du bon effet qu'elle
produisait. {Compte remla de l'adm. de M, H. de Saint-Sauveur.)
On connaissait en Houssillon les oHîciers de justice qu*en
Espagne on nomme alguaûls* et en Catalogne algoLnir, es|xx:es de
Kei^enlsqui marchaient a\ccle conseil souverain, étaient chargés
<les commissions de cette compagnie et présidaient à TexiTution
de ses arrf'ts, dont ils dressaient procès* ver bal. Ils portaient à la
main une canne avec la pomme aux armes du roi. {Voyatje piit.)
Les nwenusdu Houssillon sVlevaient en 178? à environ dix-
neuf millions de livres, y compris rim|)ortalion. Ses expor-
tations à l'étrunger se com|X)saicnt de six à sept cent mille livres
de grains ; huit cent mille de vin, année niovennc: cent cin-
quante mille |)esant d*huile; trois cent mille livres de fer: cinq
cent mille de laine. La province tirait de IVtranger deux millions
de piastres, cinq cent mille livres de tahac, etc.
Le roi retirait du Houssillon un million cinq cent soixante et
«lix-neuf mille neuf cent quatre-vingt-quatorze livres, ainsi ré-
ftarties :
La cnpitation d(»nnait cinq cent quarante-neuf mille huit
«eut qu.'itn*-vingt-nnu* livn>s : rim|H>sition |K)ur les travaux
publics (tait de vingl-qualn* miHe livn*s; la partie des fermes
générales donnait Inus cent quarante mille cent trois livn'S;
celle de l'administration générale, cent «inquante mille livres;
relie dv la régie générale, trois cent mille livres. L*im|iariage
«■tait alTenniMpialiv-vingt-qu.iIre mille livn's. y conqiris le dou-
lilcnK'Ml. qui riait pnur les lortificatittns. In antre droit nommé
iraf , pt'iH' les travaux pnl>lit-> . l'Iail a Hernie trente mille livres
La \iilr i\v iVrpignaii a\ait a lu même éjNiqiic <it*s 4lruils
DE LA DEUXIEME PAKTIE. 603
<l cnirci» airerniôs aiii!>i : boucherie, seize mille livres ; vendanges,
douze mille; |>oisson , douze raille; farine , douze mille ; laines,
dix mille; huiles, trois mille ;charl)on et plâtre, deux mille huit
cents ; eau-de-vie , quatre cents ; canal d'arrosage , quinze mille :
en loulqualre-vingt-lrois mille deux cents livres. (Essais hist, et
rnilit.)
Une inscription orgueilleuse, placée à la porte Saint-Martin,
sous le règne de Louis XIV , ayant été enlevée au commencement
de la révolution , nous croyons devoir en conserver ici le sou-
venir.
Magnam opiis Ladovici magni. Perpinianvn amplifioatwn et ma-
nitnm a Liulovico, Victoriœ Hispamœ mon pUu ultra, GuUim pbu
ultra. Favtum anno totius Europœ pacatm Ladovici victoriit,
MDCLXXIX. ( Essais hist et mil. de la prov. de Rouss. )
PREUVES.
N» I.
Extrait dei pikces relatwes à la tipalture det enfanta mineuh dans Per-
pignan.
Martinus epîscopui, senrus servonini Dei — Mandtmuf —
ut quoliens filios eorumdem singulorum in minori etate et aub
patria iK)te8tate constitutos , ab hac luce migrare contigerit,
patres eorum , pro iiiiis ipsis , apud ecclesiam sive locum dicte
viU» ubi antecessonim sepuUura constiterit — sus voIunUtis
sepulturam eligere valcanl — contrndictorcs per censuram
ecclesîasticam , appcllatione poslposita , com|)e8ceDdo , non
obstantibus apostolicis ac provîncialibus ac Bvnodîalibus consti-
lutioriibus , iiec non staUitis et consuetudinibus majoris et alia-
ruin ecclesiarum, cliam juranienta confumacione apostoiica
roborata , etc.
Alplionsus, Dei gratia rcx Aragonum — Dîctis officialibus,
notariîsclaliis dicimusetoiandamusdecerta scientiaet expresse
quatenus ad prarsentationcni, adniîssioncm, et tolalem effectum
dictaruni graliarum , ncc non ad confeclioncm instnimontorum
et actuiii publicoruni quoni me unique cxiiide dependentium
et cmer<;ciitein , ut est moris pro(*odatis« et, si necesse fuerit,
întcrsitis siquando et quoliens fueritis requisiti , onlinationibus,
edîctis, inliibitionihus t*t mandatist in opposilionibus factis, et
|Krnis in cis adjc^ctin nonol)htnntibus quiluiscumque; super
quibus, ex nostnr irpn* plcnilndine |H)lo»talis di^pensamus et
liispciisari volumus ihloruMi. Dalum(lL'^a^augusta^etc. (.4rrA.
rvclcs.)
.JV_J
l'IlElJVES DE LA DEUXIEME PARTIE. 6()5
N» II.
Di'frnsr nnx hôteliers da Boahu de vendre da pain et du vin aux royagenn
et aux étrangers.
Nos, Martinus, Dei gratia rex Aragoniini« etc. SolHcilo more
regio ( crta commoda subclitorum , illaseis libenter concedimiis
gratias quas eorum utilîtatibus cognoscimus opportunas. Cum
igiliir pro parte vestri, ûdelîum nostrorum consulum et pro-
horum hominum loci de VoIodo , sistentis in comitatu Romî-
Honis , lucrit nobis hiimiliter suppHcatum qaod iis , pro utilitate
et lM)no rcipublicae, universilatis et singulorum ejusdem loci
antiqiiidis per pncdecessores nostros illustres eidem universitatî
concossum exlitisset statutum ac privilegium înfira scriptum,
quia tanien in sui forma inveuire minime potuistis , qaamyis
ipsum perquisivistîs diligenter, ipsum exprimi, assuela regia
bonignitate, de novo concedere dignaremur; yestris supplica-
tionibus in bac parte benignius inclinati , tenore praesentis cartae
nostrdL' cunctis tcmporibus valiturae, statuimas et ordinamus,
ac etiam vobis et universilati loci memorati concedimus in per-
petuum quod nullus bostellarius ejusdem loci posait, audeatvel
présumai de cetero, in praefato loco etejus terminis, vendere
scu vendi facere aliquo modo panem, vinum aut racemos in
grosso ad faciendum videlicet vinum pro rcvendendo ibidem ,
nec etiam carnes sabas iiinerantibus vel transeuntibus per ipsum
locum de Volono et ejus terminis ac in eosdem yenientibus , seu
quibusvis aliis personis, tam extraneis quam privatis, nisi
dumtaxat illis qui ea in grosso emere voiuerint, non tamen pro
revendendo seu revendi faciendo in minuto, in ioco et terminis
9upradictis,etc. {Arch, eccles,)
«i«M> l'ftElVES
V III.
lUntti ruuif'tUe\ aa itnt*lrar th la nuir Mtinr II.
Alplionsiis. Dei ^l'ilia rex Aragimum, etc. Ad grata pliiiimum
cl acrejita scr\ilia per \os, ridclein rinslriini Jacobuni Soler,
illnbtris replia' iMaria', cuiisortis iioslra', brodatoreni, présenta
et iiiipciiAa (|u;r' ei et iiohi.s preseiilare non de&inilîs cuulinuo,
proniplo coidc debitu babeiiles i'ei»pi.'cluni , teimre ])r.i'seutis
oniniajura et obvencînnc» nobi:» buper (|iiibii»vis alberglis sive
allRT^ih in omnibus loci^ terne noslra; Ceritaniic, tani in fciiu
quani in |>ecunii!» pertinenlia el pertinentes , umjuc ad quanti-
taleni qniiiqnaginta llorenoruni auii de Aragonia ascendentia
quolibet aniio, (i non ultra, inclusis illis terdecini libris B.
quas (i. Gibillini, quondam regius seriplor, duni in bumanis
âge bat, babel>at et penipiebatex conces^ione regia quolibet anno
in et sn|M'r diilis juribus et cniobimentis, vubih, dictoJacobo
iSoler, ad vita* vestnr ditursuni concedinius, etc.
V I\.
h'nmlolion dr l'hnlrl ilrn mnnutiu'% tir Prrjiiijnan.
Nos Alpbonsus, I>ci gratia lex Aragnnum . etc. Attendenten
fidelpui noslruni Pelruni I^fdtel. villa? Perpiniaiii. cui dudum
nostiis ruui pntvîsionibus np|N)rtnnis, dal;e in c&stro novo
regnli Nen|K>iis, triresiina priiun dio niensis deceinhris, anno a
nali%il>ili' hnn\. ni. «t<-(' \irosinin ti rtifi , nllicinm magistri
r<>( tnris el ii<lniiiii^hainri'« Mira* ninnetaruin auri et ar^^enti el
.dinrnni inelailiiruni qnctniMi\is qu.r euihintur in \illa IVrpi-
niiiiii . «uni jurisdirtioiie, prt^eniiiieni iis . (Nileslatilius , pri\i
k.
I)K LA DEUXIKMK PAHTIE. 607
l(>v:iis (*( liherlahluisquaMilii mugislri , l'cctores, adininÎAtratores
se<(;i' ejiisdcin ineliiis iisi fuere tem|>onb(is retroactis, cuni
saiariis et jiiribus a»sue(is commisimus et concessimus , prout
li;rr et alia in dict» |)iX)visionibus latins vicliiniis coiitineri,
(oiislruxisse ci erexisse de novo, in lœo sati.s dis(H)silo, intus
\illain eanideni , quasdani douiOH, expensis propriis, cuin
pialeis et locis disposilis ad cudcndam uionetam auri et argenti
et alioruni metallorum predictani ; ac pro ca cudenda et fal)ri-
eanda ciiiinos, fore i pes , mal los et alias artellarias, virtule dicta-
runi provisionum émisse ac eidem domui de eisdem et cunctis
al lis neccssanis et opportiinis providisse et munivisse. Volente»-
qiie <)onius easdem , attento qiiodsunt, ut proferttir, dispositae,
nuinit.i* ad exemtiim cudacionis vel fabricationis monetœ
pnediet<i>, ad domiis secc» attolli et regale peq>etui8 temporibus
nunriipari ; idcirco, tenore praesentis , de nostra certa scientia et
expresse providimus^ statuîmus et ordinamiis quod ex nunc in
antea, (iomiis dicti Pétri Lobet Regala vel domiis secœ ab
omnibus cunctis tem{)onbus nominentur, ac prodomibus seccs
seu Kegali pnedictis habeantur et reputentur, ita quod incudiin
dicta villa moneta auri et argenti etaiionim metallorum predie-
toruin per dictum Petrum Lobet seu alios magistros seccae
operarios et ministros vel arrendadores quoscumque pni^sentes
et successive futuros ciidi valeant alîquomodo seu fabricari ;
pni'lcrquam in domibus sivc Hegali, dictus Pétrus Lobet et
succcssores sui ea salaria et jura babcant et recipiant que pro
aiiis d<»mibus secci» regnorum et terranim uostrarum sunt
bacteaus solit» recipî et babcri ; Mandantes per banc eamdem,
de dicta nostra certa scientia et expresse, universb et singulis
odlcialibus nostris infra comitatum Rossilionis et Ceritanie
uhilibetconstitutis, nec non magistro« operariis, ministris et
atreudadoribus quibuscumque seuve prvdtcts prt>sentibus et
futuris , sub nostne gratiae et mercedis obtentîs, pœnaqiie mille
llorenorum auri de Aragonia a quolibet rontrafacien te exigen-
608 K'KËUVES
(lorum et nostro sprarîo applicaiidorimi ; qiiare, teiientcs ail
nostram plciiam provisioiicin , etc.
Data* in loco do Caryniona, decimo nono madiî , anno a na-
tivitate Doni. m. cccc triccsinio. {Arch. dom.)
X" V.
7'rajf^ dr Tengagririent du HouisUlon ri de la Crrdagnr,
Patcat univcrsis qiiod nos , Johannci» , Dei graiia re\ Arago-
niini, Navarnr, Sicilisc, Valentiai, Majoricaruni , Sanlinia* et
Cerasto*. cornes Barc h i nouas diix Atlienariini et Neopatria^ac
etîam conies Hossilionîs et Gïntania'; Attcndentes et conMde-
ranies vos, illustrissimum cl Christian issimn m princi|)ein . Ludo-
vicuni, eadcin (j^alia Francorum regcni, consanguineum et
confederatum , tanquam frntrcin nostrum cari.ssimuni , dum
superioribus diebus cclsitiido vestra in villa de Salvatierni,
comitatus LWarni , nos in loco Sanrti Pclagii, regni nostri
Navamc , adesse et adossemus « propter sincerum alFectum ei
benevolentiam prxcipiiani qiiam erga nos et nostrum honorein
geritis , obtulisse nobis succiirsiim contra inolicdientes et adver
santés nobis in Cathalonio; principatii. septiiigentas lanceas,
munitas sagitariis vel aiiis genliiius de tractu« cuni peditatii
com|)etente, artilleriis el iiliis nninicionibu» jnxia moduin et
formani regni vostri Fraiiciaï, voHlris quidem suniptîbus et
expensis , et in senicio nostro manebunt usquerpio ipsi Catha-
laniinolxïdientes vencrinl et reducti fueriiit ad nositram obedien-
tiani. Va Mmilitor, si a v(»bis, dictn sereni^simo Francorum rege,
liabere voluerinius ex diclis gentibus vestris prn scniondo nobis
in gnerra in regnisAnigonuni , Vaieiili<e vcl in allero euninidcin
regnonini , mîttetis nobis quadringentas lanceas dunilaxat mu-
nilas modo et forma pranlictis, vcsiris pariter sumpllbus ri
e\|)ensift -, et qnîn qiiidem el jusinm fore nMisenlesel coiisonum
DE LA DEUXIÈME PARTIE. 609
racioni , ut pro niaximis sumptibus et expensis quos etquas, pro
sh[>eodiis dictarum gentium, serenitatem vestrain agere opor-
(ebil concedens , per nos cidcm fiât satisfactio et emonda. Idcirco,
lenoir pra'senlis, dcliberate ac de iiostra certa scicntia conve-
iiinuis et paciscimur vobiscum, dicto illustrissimo Francorum
rcgc, alquc promittimiis et nos obligamus celsitudini vcstrae,
|)€r finnam et validam stipulationem , quod in primo casu qao
ad nos miseritis, ad dictum Cathaloniap principatum , dictas
s('|>tingentas lanceas' munitas sagittariis vel aliis gentibus de
tractu, cum peditatu compétente, artilleriis et diis municio-
ni bus, juxta formam et modum dicti regni vestri Francis, ut
os\ di( luin , cl in nostro servicio vestris sumptibus et expensis
|>ormansennt usquequo dicti Catbalani inobedientes nobis
(Icvenerint et reducti fuerint ad nostram veram et completam
obedientiam , dabimus et trademus vobis, aut cui , seu quibos
voluerilis loco vestri , realiter et de facto, ducentos mille scutos
anreos vcteres, monetsp regni vestri pra>dicti Francis, vd
valorem venim eoriimdem, isto videlicet modo quod solvemds
aut solvi faciemus vobis , aut cuicumque seu quibuscumque a
vobis legitimam potestatem babentibus, centos mille scutos
infra annum unum , computandum a tempore qno dicti Ca-
tholani inobedientes devenerint et redacti fuerint ad nostram
veram et completam obedientiam , et alios centum mille scutos
velcres, vel valorem eorumdem solvemus vd solvi faciemus
vo)>is , vel cui voluerilis et mandabitis nomine vestro, infini
tcinpus alterius anni, computandum a fine tennini prims
solutionis faciendum de dictis prioribus centum mille scutis. In
socundoautem c^su quoex dictis septingentis lanoeis de quibus
supra mentio babetur quoad Githalonis principatum a cdsi-
ludino vestra babere voluerimus quadringentas lanceas** mu-
' Il V <• ici ^rrtar évMlfBUi A» ropisU»; cWt ^madhm^tmâ Uiufâ qall bal lira.
" \.e^ drat CM ont étc iatanrvrtis: ^vidamaMal lat trois ca«l adBi ^cm 4laâMt paarb
|vi arment des »rpt caats baeas, at laa dast caal aiifla poar U paycMtat 4ai ^Ira caats,
II. 39
610 PHmJVKS
iiitas modo cl forma prii'liluitis, et illas cum eCTectii niitlali!!
vestris propriis siimptibuA et exponsî» pro serviendo nobis in
gucrra in rcgnis Aragoiium vel Valencia\ vel in altero eorunadem
regnoruni, et ibi quantum opus fuiTit pemianserint , dabimu»
et trademu» vul>is aut cui seu quibus volueritis et mandabiti»
loco vcstri, l'caliler et de facto treienlos mille scutos auri,
velt'ris monc(»i vcsiri regni FrancLu, in hune videlicet modum,
quod solvemus aul soivi faciemus vobis, aut cuicumque sou
quibuscumque a va])is sulFicientem potcstatem habenlibus, cen-
tum mille scutos infra annum nnum, computandum a tempore
(|uo dicti Catlialani inobedientesdevenerintet redacti fuerinl ail
noslram veram el completamol)edientiam,elalios cenlum mille
scutoft veteres , vel valorem eonim, solvemus aul soIvi facienius
vobift, aut cui voluerilis el mandabitis, nomine veslro, inOra
tenipus allcrius anni, computandum a fuie terminis prime
solulionis faciendat, et dictis prioribus cenlum mille scutis;
reliqnos autemcentum mille scutos ad complementumdictorum
trecentorum mille sculorum, suo ca»u« solvemus seu soIvi
faciemus vobis aul cui vulueritis cl mandabitis nomine vcstro.
infra lempus alterius anni, nmiputandum a tine termini»
secundHï solulionis facienda* de aliis centuro mille scutis;
H. Promillimuî» vobis, dicto serenissinio Francorum re|çi • con>an-
guineoet confederato« tanquani fralri nostro cari^simo , ri pro-
lonolariis cl noiano infra scripto, Uinquam publie*!.* el aulhen-
tica.* pci*Honiia\ pro omnibus quorunimodo interest aul intéresse
poleril quomodolibel in fulurum legilinie stipulanti , in noelra
bona fide et verbo regio , quod eosdeni duccntos mille scutos
suocai»u vol Irecenlos mille sculosin sno« singulasinguliirele-
rendo, solvemus aut soIvi faciemus el mandabimus vobis, seu
rui aut quibus volnerilis el niandabilis nomine xesUc», juxla
moduni cl formam AU|>erins nicmoralam, atquo lem|Kiribu> el
■inM (|ii'il r*i dit eipfMMBMBt liau* i'nUifpitioB {MrlkulKrf ilu mi d'Arapta , iloni Tr lirait
»r iroove daat In pircw éê OmÎBM. ÏBiu^utrawBl •««■! I« trait* d>a(ifrMriit.
III.
DE l.A DELXÎKMK PARTIE. 611
lenninis supra designalis et staluti:» ullenoribus de <*anonibus,
Mil>leriupis et exceplioiiibus reseiatis e( |>enitu9 pnK^ul pulsis.
Kl ad en oiniiia et singula , prout prr nos supra el infra promissa
<'t obll^ata sunt tenendum , roniplenduuict inviolabiliter obser-
vnnduni , rinini animi afiectu obligamus vobis , dicto serenissimo *
I rancoruni rep, geiicraliler nmnes redditus et introitus , jura
et emolumenta (|uorunilibet regDorum et terrarum nostrarum,
oiiiniaque bona nostra mobilia el stabilia, quocumque sînt et
ubi reperiantur, babita et babenda ; specialiter et expresse obli-
«:aiiius v<)l)is quoscuinque redditus, introîtui, jura et emolu-
inenln qua> nos babemus, rccipimusin comitâtibus Rossîlionis
et Ori(noia\ solutis oneribus quff" modo de eisdem solvuntur.
Si tamen aliquae fuerint facta* gratiae vcl ««ssignationes super
jiiribus et redditibus dictorum coinitatuum Rossîlionis et Ceri-
(ania;, ultra ordinarias quv de decentibus , illis qui'illas recî-
pinut, vos, dictu!» illustrissimus Franeonim rex, babeatis et
reci|>iatis, et babcre debcatiscum umni juris plcnitudioe etin-
te«:iitate, islo videlicet modo quo, postquam quantitatcs pre-
nieutioDatas scienciata^ vel débita* fuerint, et quod eidem non
fuerint exsoluta; modiset formis superius mentionatis, idem et
celsitudo vestraintroitus, jura, redditus et emolumenta dictomm
eomitatuum Rossilionis el Gcritauia? , deductis oneribus, modo
i|uo supra dictum est, babeat et recipiat per manus magnifici et
dilecli consiliarii nostri (laroli de Llmis, militis, procuratoris
re^ii in eisdem comitâtibus RossilionisetCeritanis, vel alterius
sucee>soris sui in otFicio supradicto; ita quod quœ hujus modi
nulditus reiipietis, non computentur in sorti-m principalem
dictorum ducentorufli millia aut trcœntorum millia scutonim,
singula siugulis referendo. Et nibilominus, ad ulleriorem vestri iv
hiitionem et securitatem communcmque, padscimur et noa
oliligamus quod faciemus, atque operam dabîmua efficacem,
(|nod dictus Carolus de Ulmis idoneam faciet oUîgalionem,
advenientibus casibus supradictis, in quibut jura, redditus,
3cj.
012 PKKIJVES
îiilroitus et cmoliimonL'i diclorum comitaluuni Rossilionîs et
CeritanitT, rigorchujiismodi coiiYpiitionis, pactî et obligatîonis
ad vos {H*rtinel>iiiit , de illis respondchit sublimitati \estnc, vel
ciii vohicrit et niaiidabit, jiixta formam superius ment ion atam ,
etquod successores siii in diclo offîcio procuratoris ro§riî« suis
loco et teinpoi*c roiisinillein facient obligalionem qiiam fecerit
supra liis (lamlus de Uhnis , proouralor regins qui nunc est in
dictis conulalibus Uossilionis et C^eritaniiu; et insuper, nipicntes
vos , ennideni serenissimum Franroruni regem , in et super
pra'missis i*edderc tulioiem, rum bac eadem convenîmus.
pacisc'imur et nos obligamnit quod ilbistris Jobannes de Ara-
gonia, iiiius noster carissinuis, administrator ecclesL-r Cesar-
augustensÎH, nobilia Petrus de Urrea, frater Remardus Hago-
nis de Uu|)ebertino , comniendator Montissoni , onlinis sancii
Joliannis Hierosolimitani , Petrus de Peralta et Fen'arius de
I^anuça jusiicia regni Aragonuni, milites consiliarii nostri.
idoncam faciant obligalionem quam supradictus (larolus de
Ulmis, procurator regius , autejus successor iueodem ofTicio.
defeceril in sobitione l'edditnum et jurium dictoruoi comitatuum
Rossilionis et Ceritanîa\ qua> annis singidis, deduclîs oneribns
modo pra^dicto, solvenda enml vobis quousquc celsitudini
vestra; quantitas dictorum ducentorum miliia scutoruni. sno
rasu , et trecentorum miliia sculorum, in suo , vei vaior îpsonim
soluta fuerint cum efTeclu. Nos enim, pro majori omnium et
sîngulorum supra et iiifra scriptorum fortificalione et corrobo-
ratione« renunciamus quoadque omni jure canonico et cîvili
foris, consuetudinibus , usaticis, legîbus et aliîs juribus, et
auxilio juris vel facti qui et qua* quoad îsta nobis prodesse vel
vobis, illuslrissimo Francorum régi, nocereaut obesse postent
quovis modo, ratione seu rausa qui et qua* diri, scribi aut
cogitari valerent , etiam in favorem rcgum et pnncipuni întro
ductis. In quorum omnium et singidorum tcstimonium .
prx'sens publicnm instrunientum contici jussimun per protho-
DF: la DEl VIKMK I>AI\T1K. 013
noiariiim nostruiii et iiolariiiin piiblicuni infra scriptuDi. Qiiod
fuit (iatuin et acluni in palatio aix*hiepiscopali civitatîs Cesar-
au^ustensis, die viceninio tertio meiisis maii, aniio a nativitate
l>omiin inillesiinuqiiadrin^entesiniosexagesîino secundo, regni-
(]ue nostri Navarrd^ anno trigcsimo iteptimo, alionim vero
regnorum nostix)rum quinto.
( 7Vref du tome II des pièces des Mémoires de Comines. )
N» M.
Panlon accordé par Louis XI aux Perpiqnanais.
lx>ys , etc. (x)innie moyennant la grâce de Dieu , nous ayons,
puis naguères, par force d^annes fait mettre en nostre obeyssance
nostn* ville de Perpignan, ensemble nostre comté de Houssîllon;
en faisant laquelle réduction, lesdits bourgeois (*t habitants de
noNtre dite ville se fussent mis en armes et fait toute la résistance
(|u'ils eussent pu à Tencontre de nous et de nos gens ; et depuis,
|)ar force et contrainte eussions mis leurs personnes et biens k
nostre volonté; et soit ainsi que depuis, lesdits bourgeois et
habitants ayant envoyé par devers nous Pierre Serragut, consul
(le ladite ville, et Jean Estcve, bourgeois d*iceile ville, par les-
quels ils nous ont humblement fait supplier que notre plaisir
fut avoir pitié et compassion d*eu\ et les recevoir en nostre
bonne grâce et bienveillance, et leur remettre, quitter, par-
<lonner et abolir les desobeyssances , résistances, port d'armes,
homicides et autres crimes et délits par eux commis et perpétrés
ù rencontre de nous et de nos sujets, et surtout leur impartir
nostre grâce. Pour quoy, nous, qui ne voulant la destruction de
ladite ville et des bourgeois et habitants en icelle, mais désirant
leur bien et entretien en nostre obcvssance, voulant miséricorde
|)référer à rigueur de justice et inclinant aux humbles suppli-
( allons et rtH]uestes qui sur ce nous ont MàtuÊM par lesdits
on PKELVES
lK>ui'^eois el liabilaiils , et atiii que dorénavant ils se couduîseni
et gouvernent envers nous comme nos bons et loyaux sujets
doivent faire; et pour autres causes et considcTations à ce nous
mouvants, auxdits bourgeois et habitants de nostre dite ville de
Perpignan avons quitté, remis, pai'donné et aboli; quittODS,
remettons, panlonnons et abolissons de notre grâce spéciale,
pleine puissance et autorité royale, par ces présentes, toutes les
offenses, n'4)eHions, desobevssances, amendes, roberies, boute-
ment de feux, abattements de maisons et autres édifices, crimes
et délits et offenses , en quelque lieu ou en quelque manière
qu'ils les aient faits ou commis, tant en général comme en par-
ticulier, à rencontre de nosdits gens et sujets et tenants nostre
parti et autres quelconques , ja^itce que le cas ne les personnes
et biens ne soient ci-dedans autrement spécifiés et décluri'S , de
tout le temps passé jusqu'au jour du serment |>ar eux à nous fait
de nous eslre bons et loyaux sujets , sans ce que, pour occasion
desdites rébellions, desobeyssances et crimes des usdits, commis
à rencontre de nous et de nosdits sujets et tenants nostre parti ,
ne aussi pour aucune partie qui, à l'occasion de ladite guerre,
puisse être intéressée et cndumiuagéc par lesdits bourgeois et
habitants en quelque manière que ce soii; et pareillement pour
la desobeyssancc et autres crimes et délits par eux commis à
' rencontre de nostre très-cher oncle et cousin, le roi d*Aragoo ou
uostre très -chère et amée tante et cousine , son é|>ouse ou leur
primogénil, aucune chose leur en puisse jamais être imputée ou
demandée ores ne |H>ur le tenip à venir, en quelque manière
que ce soit, et les avons ix*stitués t*t lemis, instituons et remet-
tons, parccH présentes, a ladite ville, au pays et à leurs biens,
et sur tout imposons silence per|H>tuel à nostre procureur pré-
sent et tt venir, et a tous autres. Et en outre , |K)ur ce que nous
avons été averti que plusieurs des habitaiit> de ladite ville, après
la réduction d'icellc en nostit.* obcyssanre ou devant ic lie ré-
duitîoii . doublants rigueur de justice, se sont absentés, et pc»ui
nt LA DBUXIKME PARTIE. 019
occasion de leur absence ont ealé, à voik publique, baiiONde
)iar iiou«,et leu»cor|Metlennbi«isdéclaréaconfiaqné>,noi»,
de noitre plus tanjie gréée, avôiu voulu et ordoDoé, vouloM
et nous (J>it que lewiih «faeaite . eondema^ on boq coodinnéi
envers nous, comme dit est, qui sont ratonméa et ratoaroMml
demeurer en ledits v31e, dedans le lensie de tram moi* f^iWhAiwt
venanb. i compter d'njoordliai, joalMeM' ât TéblMùa
dessus dite comoM les ntn>qaie«DlMiw«r^«BiItAlfl^Hi;
comme dessus est dit , et ÎMtM ««d« ' rtpp^ W ^ÉlIiWV,
rappdoDS et resHioons ptr ce< piréMBta, ft-Ww W'k WiMk
royaume, oonobtul 'ytmlMmijmA tvmiAm»,.iài^f' ^ Valttit-
«ions qui poumnenlnar M firiMs cflbMnikdtlMtrt'kivtt^
srnce. laqndle ne fetf TOtdott n«iw'w)>fyuJta(i.hMll''Rh
vous mise et la mettotn dta tMrt aa àtttt {M^Mà prtMMai; " '
Si donnons en menoMMlM nK'V^[Blttv,'g0H <M Mbsfliil^
ment audit PsrplglMttl tttWttM AMM JSMUiMtMl'l^ltfA
lieutenants et k àuAn^mix, d eotOMi 9 iâ^iffisél/iAi\
»». J^ ,,^« ■ J> - ■* ■• * ■ '" -■-■ ' * ■ ■■-* ■ ' .. *l1. ttw.M.ti ijL
que ne nos pranon gUBe, qBIBHKMt MHISimin, COBBHHM R
rmppaiiiliunt.ioaiBml.UMBÉitli>arbiliii||MliiuaiÉil
jouir et user jnéiMiiMat, mis ni sinQii/atÉiiM'i'w'WiflBfr
estre fait et donné « eet^ btf M Uat^ Miritt «MUMMW^
manière que ce sait, MÉM M liar ctMpt o« !
eatoient pour oe pria en am^cBclih, n k*
mettre sans deUj à pUna deUnanoe. EtW^MM al'
que «■ prisBMf ■eiot
tiendra; et afin qu ce Msl flllAe Un» «t etefale 1
■)ou« avons lait aaetln nosli* smI ^«M
rhnses noaln dmil ^ «I l'MIrni
Donné, etc. '
ir // Av f.rfr. J» Met
(>16 PREUVES
N" VU.
Lettre de Louis XI au comte de Dammtuim,
Monsieur le grand maître, les deux héraulto de Bourgogne,
c*est à sçavoir Toison d*or et Luxembourg, me sont venus dire;
c est à sçavoir. Toison d*or pour me sommer de garder la trêve
au roi d* Aragon, et Luxembourg pour aller devers ledit roi
Jean d* Aragon , le lui dire. Je lui ai répondu que de ma part je
veux tenir la trêve , si le roi d* Aragon la tient; mais que c*est lui
qui Ta rompue et pris les places sur moi , et s*il me les peut
rendre je suis content de la tenir ; et sur ce , je fais conduire
Luxembourg jusques devers le gouverneur de Dauphiné (Du
Lude, général de Tarmée de Roussillon) , et mande qu*il le
garde jusqu*à ce qu*il ait fait les besognes, et après, qu'il me le
renvoyé ; et pourtant le duc cuydera que son hérault besognera
le mieux du monde. Je vous manderai le surplus par monsieur
le chancelier. Brert, qui les conduisoit, dit qu*ils ont dit a un
honmic que le duc de Bourgogne voudroit bien maintenant
récompense pour ses deux villes , etc. Ldys.
(Dudos , Hist. Je Louis XI,]
N« VUl.
Serment de fidélité prêté à Louis XI par François dOms, ekftaUer rmu*
siUbanais.
Je , François d'Oms, escuyer, je jure par Dieu, mon créateur,
sur la damnation de mon anic et par le baptême que je aportai
des fonts, que bien et lovuunu*iit je senirai le ruy Ii<)>s de
Krance, mon souverain seigneur , envers tous et (*ontre tous
ceux qui peuvent vivre et mourir, san» nul excepter, rt nom-
DE LA DEUXIEME PARTIE. 617
uiémeDt contre le roi Jean d*Anigon et son fib, le prince» et
contre tons qui tiennent et tiendront leur parti , soient mes
frères , mes parents et antres, quds qa*ib soient; et si je sçai
ou puis sçavoiraiicane chose an pr^ndicedodiCseigneartdesa
personne ou de son rqyanme , je Ten avertirai et éfiterai; et ansû
pourchasserai son hien à mon pouvoir. En téoMMn de œ* j'ai
signé ces présentes de mon seing maniial«le trnisièmejowde
novembre .Tan mil qoatre cent soixante et qnataae. P. nX)w.
{Umkm, HittiÊLmkn.)
,• .
t.
' w H.
Tifrt it 1res iiliia éÊmd à h ■> ih r^iaijaaa
Amats , fiids nosires» perveelm Heirei aoni ostels eortSeali
iHBlniOwrai
Hed e fiddissima vHrawIre; MbcmB sia estai fit sena gran
misteri« e ((ne vol D0B réserver afMnf p6lÉS''HNSBÉins' fier
dguna gran ebra; en eveqwrsn moil pilMl Vlii poiOi lft(Bfifr
de les cottgoons 1^ sgetanin, El gevenmiiar de CMAbi^
escnvim en cimm Bari|lp|pttl« par en ¥Oi.sgra cMnmmielMla',
referimnoa a ^^V^f^ÊÊp'^ aumar a lais eoni'ii yàmtkm^
per Tostra gran rirld^SHânaBial , per a pieaant IMMBif»
avant los altres benelM^qn'eoi enlenem pseaegniiiW <
que qau, e degndamentt aifsesta eieeBendÉ e dignA
les dtres dotais e vS» noélras* ^nek Taia sia «iHUëfcpÉr
petuament Ftemoani A, ebpoM^fHblHMiiManieBor^
de la gran fe e eenatanoia vosln.^
Dada en Gerana, a ^ 4» l«Mr Ut^. Ilnr JéiMti'*>^tr«
4.
(■)l« PREUVES
N" X.
(lapitulution de Perpi(fnan en 1^75; traduite du cuUiUm, du U$'e vert
mineur des archives de cette tiiie.
Articles faits, conclus, convenus et jurés entre les respeclahles
!»eigiienr8, niessire Jean de Dayton, seigneur du Lude, gou-
verneur (iuDauphiné, etinessire Yvon Duffou (du Fou), gou-
verneur d'Angoumois , chevaliers, conseillers et chambellans
du très-chnUien seigneur roi de France , ses lieutenants et ca-
pitaines généraux dans les comtés de Houssillon et Cerdagne ,
d*une part; et les consuls, conseil général, cheiraliers, nobles
et autres demeurant et habitant en la ville de Perpignan ,
d'autre part, sur et |x>ur la mluction à Oeiirc de ladite ville à
robi'issancc dudit seigneur roi de France.
1 . n est convenu et acconlc que ledit seigneur roi de France
et lesdits lieutenants et capitaines , au nom et de la part dudit aeî-
gneur roi , feront , et par les pn'>sents articles (ont rémisaion el
absolution générale et sauvegarde perpétudle , qu*ils ne MCfian-
dront(>n aucun temps et par aucune raiion que ce soit, sur toua
exccset délits quele<lil seign(>ur roi prétendrait avoir été commîa
|>ar lesdits consuls, coriM'i! général, nobles, chevaliers, bourgeob
et autres de la pn'>sente ville et comtés . de quelque condition
que ce soit, contre lf*dit seigneur roi, son état et sa couronne,
et contre toute autre |>ersonne quelconque, ou de toute autre
manière qu'on |)ourrait dire ou penser en aucune forme; iia
Jureront et promettront que ladite rémission et sauvegarde
Héron tconser\-éeft, donni^es, acceptées et jurées par ledit seigneur
i-oi dnnit le courant di*s deux mois prochains , ou dans le terme
auquel TiHubassade ser.'i devant ledit seigneur, après la prise de
|H)s.ve>HÎon de cette ville , au^si largement el rnmplétement qu'il
se |K)niia dire, mettre r\ ordonner |K»ur Tavanlagir des dessus-
V
DE LA DEUXIEME PARTIE. 619
(lits , et, (le plut , avec ladite rémiMion el abelilMiô tara iùta
une restitution gàoénim dm biens oonfiiqiiéa ani deetoadit»,
conKÎgnés ou mis au pouvoir de qui que œ eoit.
a. Ueftlco«¥eiinetacoordéqueledtlteigiiearmdaFVaiioa»
et leadits lieutenantstau nooi et de la part dodil eeigiieor rai,
confirmeroot« jureronl et eooeenrarottt tous privUégQi, iilierlia«
us et coutumei que kdita^iBe, lea inae euMiiailique et niilitaba
et chacun d*euK, tant eooaMiD«iq«*en partiouliar, etqnalqM
personne ecdésiaitu|M« noUaa, dKvdieff vbMrgeoîaetattlMi
de ladite préMDta ville de? P»pignan at coaatia deiBô— iBoa et
de Cerdagne peaaèdeflf a^|OMiid*i»i et 0B< poaeédéi 'moMiâ
avec le roi d'Aragon, ne meltHit paa pha i*dflkiai»*fttii n^Sen
comporteni ki pmiiégea. Ma de taa lema et aomlllnliotia de
Catalogne, et qu^ils lis lljjjfcilninl et «■inliBndwnt petfpiH J
lement. • » • / " • • > • ' '•
3. ne8tcon¥en«4aifcardéqn*MitaeignerirMdeKa9o^
etlesdits lieutenanlafiffliÉftaMaaanaanaoaîviié tiawlifoniv
ni à présent ni en aMÉwtnppa, paràne««tûeaiinb<elrya9«
sonnes, ni lia aaeawi^ia dndll toi famOpmènt,- di*nnliPéi,
personnes , en ^n^^j^ néfcearilé qrfiaioiinlon pniitaiil ilut
aux împoaitioiis ili MÉf lllii Milift^ ttan»; dratodTiiiltc
mais qu ils les ^iMM|(*^ P* ^^'^ «Oav^Miii^'dle h
coutume de les poidi^H|pb lea tempe p0aéijniqn*à aa^Dnr
et qu*ils en laiiseninwB>'yap|JicationeaniMaer§ ailJnaegnf4
c'est ce que jnnranftjaijfentcapilunaa dèa à pviientviit liMI
seîgneurnndaaala'terâMtî-ÉMnanpieifiéi : >>l-iifi.
4. n est eenran e| ■iiii«tiÉ|pi^tBi mm di kditÉi fO^^
absents ou préjeati etfnliwéanM nonmrfa «tant lonmiéfit
Cmmes, de qndfna élHti U M «dnditien^*ib.aeien»f ^
sont maintenant oéfui^ykliiaÉi al» 4Mten«nl aoriî^^
dndit seigneur ini d*Aragan «9. «n qnriqnn ««lit lienii^nMé'
!»oit, le puissent U(n|Bn4im|a%arti«éMi la iirtaithaqnaiin
IMTocliaînes années , avec tfâll^ iMr AmB^HilèiBna , da i|iMlq^e
\f
•\
020 PREUVES
nature et coiiditioii ({u*ils soient, et qu'il ne sera mis aucune
e8|)èce de retenue ou d'empêchement sur leurs biens, héritage,
cens , censives , or, argent, marchandises et autres biens , béoé-
iices ou dignités ecclésiastiques les concernant; qu'au contraire
ces objets resteront sous leur nom , qu'ils en conserveroal les
émoluments et profits et les feront percevoir par leurs fiemmet,
enfants, procureurs ou autres personnes qu'ils y voudront laisser.
Après ce terme de quatre ans, ils pourront revenir et rester dans
ladite ville et dits comtés, ou dans le royaume de France, «m
bien dans ledit terme ils pourront vendre , donner ou aliéner
lesdits biens , et, s'ils sont ecclésiastiques , ils pourront permuter
leurs bénéfices et dignités. Le seigneur roi de France promettra
maintenant pour alors, et alors pour à présent, qu'il aura ces
sortes de contrats pour solides et agréables , et que ceux qui
voudront s'en aller pourront le faire, et revenir dans ledit terme,
et qu'il sera libre et laissé à leur volonté d'emporter leur or,
argent, marchandises et biens meubles, quels qu'ils soient , qui
seraient en leur possession , sans pouvoir y mettre aucun empê-
chement. Et si , par cas , cesdites personnes ne voulaient pas
revenir et rester dans la présente ville et comtés , ou si dlea
voulaient s'en éloigner dans ledit terme, que ledit seigneur roi
de France maintenant pour alors et alors |K>ur à présent les
prenne sous sa sauvegarde et leur garantisse généralement en
toutes choses leurs |>ei*sonnes , biens, héritages et dignités pour
ledit teni|)s, à compter du jour de la signature des présenCs
articles , qu'ils en puissent profiter et agir de la même manière
que s'ils étaient ici présents eux et leurs procureurs , et que nul
oHicier, pour aucune caus(* ou raison que ce puisse être, ne
puisse, durant toutr la durée de cette sauvegarde, exercer
arrestation . di*lention ou exécution sur leurs personnes ou sur
leurs bien>. |)our(|uclqu(>N obligations, dettes, crimes ou déiiti
que ce M>it , et en quelque forme que ce puihse être.
5. Il v»\ coinenu et i«rconlé que si en aucun temps ledit
DE LA DEUXIÈME PARTIE. OSI
seigneur roi ou set snooetaeiin et ofBcien voulneiit éàmgMit
que]qu un de la ville ou des comtés, fm lui payeni ses biens et
héritage réellement et en argent , et ces biens seront estimés sons
serment par deux personnes choisies Tune de la part du roi ,
Tautro de la part de celui k qui appartiendront ces biens.
6. n est convenu et accordé que ledit seigneur roi, dans le
terme mentionné, et ses lieutenants et centaines, en son nom,
révoqueront, casseront, annukrant, et par les ptésentes
cassent, révoquent .aonident toutes donations quelconques,
grâces , concessions, pensions et tous autres contrats frits ou
promis par ledit roi et ses lieutenants et capitaines, des biens
des hommes de la présente ville et des comtés, aussi bien que
ceux des individus qn ik ont tués ou eaéeutés , vodant que par
grâce ils leur soient rsftdne^Mi à leurs liéritieis et suceéiseuif,
que ce soient châteaux, vfflsa. Baux ou autres biens meubles oo
immeubles ou se mouvpt. droits ou actions desdits comiési
cesdites donations et^<|^toM contrats cassant, révoquant et an^
nulant maintenimt poqr lors et don pour à pféeent, vodant
quHIs soient cassés el nu}s et tenus pour cassés et nnb oomne
8*ils n*avaient pafiljf bits; qu*immédiatsnentaptèila sigiialuiu
des présents artidtf , lesdites penonnes on hétilisia et suœsi
seurs desdits morts ov^pMras, puissent être ans, oonservés et
maintenus en posseM|R|^hedits biens et dmes d*ioenz, et que,
de leur autorité, 3s puissent les prendre sansancnne permisnoB.
7. Si le seigneur roi de ftance voiJsit iransmallr e à ravedr
dans les présents comtéa de» 1 mmnissahei pour IweqiNiqMS
actes, que ces commissaires soioBt adwmés augeuvesueui dut*
dits comtés et autres officieft duâkee^gneur, poarqn*ib
justice , nonobstant la famé desditse eonmissioni.
8. n est convenu w4|^liMé que ledit seigiieiu iei<
tnus engagements, établissements, aftanoUssemenlB de pio-
priété et autres contrats du d^puaine iQjri, Ma ei peesée pur
les rois d* Aragon jpsqura jou» oA les basiile» de devant le
020 PREUVES
nature et condition tju'ils soient , et qu*il ne sera mis aucune
espèce de retenue ou d* empêchement sur leur» biens, héritage,
cens , censives , or, argent, marchandises et autres biens , béné-
fices ou dignités ecclésiastiques les concernant ; qu*au contraire
ces objets resteront sous leur nom, qu^ils en conserveront les
émoluments et profits et les feront percevoir par leurs femmes ,
enfants, procureurs ou autres personnes qu ils y voudront laisser.
Après ce terme de quatre ans, ib pourront revenir et rester dans
ladite ville et dits comtés, ou dans le royaume de France, ou
bien dans ledit terme ils pourront vendre , donner ou aliéner
lesdits biens , et, s'ils sont ecclésiastiques , ils pourront permuter
leurs bénéfices et dignités. Le seigneur roi de France promettra
maintenant pour alors, et alors pour à présent, qu'il aura ces
sortes de contrats pour solides et agréables , et que ceux qui
voudront s*en aller pourront le faire, et retenir dans ledit terme,
et qu*il sera libre et laissé à leur volonté d'emporter leur or,
argent, marchandises et biens meubles, quels qu'ils soient , qui
seraient en leur possession , sans pouvoir y mettre aucun empê-
chement. Et si , par cas , cesdites personnes ne voulaient pas
revenir et rester dans la présente ville et comtés , ou si elles
voulaient s'en éloigner dans ledit terme, que ledit seigneur roi
de France maintenant pour alors et alors pour à présent les
prenne sous sa sauvegarde et leur garantisse généralement en
toutes choses leurs pei'sonnes , biens, héritages et dignités pour
ledit temps, à compter du jour de la signature des présenCs
articles , qu'ils en puissent profiter et agir de la même manière
que s'ils étaient ici présents eux et leurs procureurs, et que nul
oflîi-ier, pour aucune cause ou raison que ce puisse être, ne
puisse, durant toute la durée de cette sauvegarde, exercer
arrestation , <lélcntion ou exi-cution sur leurs personnes ou sur
leurs bieuM, |K)urquelqu€'s obligations , dettes, crimes ou délits
que ce soit , et en quelque forme (}uo ce puisse être.
5. Il est convenu et anordé que si en aucun temps Ictlit
1)K LA DEUXIÈME PARTIE. 621
>t* ij^iieiir roi ou ses successeurs et oflTicicrs voulaient éloigner
qiiclqu un de la ville ou des comtes, on lui payera ses biens et
hci Italie rtrllcment et en argent , et ces biens seront estimés sous
sorniont )>ar deux personnes choisies Tune de la part du roi ,
i'autiv do In part de celui à qui appartiendront ces biens.
(). Il est convenu et accordé que ledit seigneur roi , dans le
terme mentionné, et ses lieutenants et capitaines , en son nom,
révoqueront, casseront, annuleront, et par les présentes
cassent, révoquent, annulent toutes donations quelconques,
grâces, concessions, pensions et tous autres contrats faits ou
promis par ledit roi et ses lieutenants et capitaines, des biens
des hommes de la présente ville et des comtés, aussi bien que
ceux des individus qu'ils ont tués ou ext'cutés , voulant que par
grâce ils leur soient rendus ou à leurs héritiers et successeurs,
que ce soient châteaux, villes, lieux ou autres biens meubles ou
inmicul)les ou se mouvant, droits ou actions desdits comtés;
cesdites donations et «ntres contrats cassant, révoquant et an-
nulant maintenant pour lors et alors pour à présent, voulant
quils soient cassés et nuis et tenus pour cassés et nuls comme
s'ils n'avaient pas élé faits; qu'immédiatementaprés la signature
des présents articles, Icsdites personnes ou héritiers et succes-
seurs desdits morts ou autres , puissent être mis, conservés et
maintenus en possession desdits biens et choses d'iceux, et que,
de leur autorité, ils puissent les prendre sansaucune permission.
7. Si le seigneur roi de France voulait transmettre k Tavenir
dans les présents comtés des commissaires pour (aire quelques
actes , que ces commissaires soient adressés au gouverneur des-
dits comtés et autres officiers dudit seigneur, pour qu*ils fassent
justice , nonobstant la forme desdites commissions.
8. 11 est convenu et accordé que ledit seigneur roi confirmera
tous engagements , établissements , aflEranchissements de pro-
priété et autres contrats du domaine h)yd, &its et passés par
les n)is d* Aragon jusqu'au jour où les bastilles de devant le
622 PREUVES
château furent prises par les gens diidii seigneur roi df* France,
elduiis la furme que leurs pmli^esseurs les tenaient alors; et
quimniédiatement après la signature desdits articles, ceux qui
posstrdciit Icsdits objets seront tenus de les remettre et restituer
en leurpreniiëi'e possession, et telle qu'ils Tavaicnt alors.
9. Il est convenu et accordé que ledit seigneur roi de France
dans ledit temps, et ses lieutenants et capitaines en sou nom et
de sa part, loueront vi approuveront toutes ventes et aliénations
faites de proprictés et choses qui leur ont appartenu en fief et
seigneurie pour ledit seigneur, jusqu'au jour présent, y compris
tous droits de luisme et i\v foriscape' .
10. Il est convenu et accordù qu'attendu que la terre est ra-
vagœ et ruinée par cause de la guerre, lesdits lieutenants et
seigneur roi, de leur autorité et pleine puissance, feront grâce
et donation aux liomnu^s de Perpignan , tant en commun qu'en
particulier, ou à ceux desdits comlés« de quelque condition
qu'ils soient, de tout ce qu'iU auront payé ou qu'ils auront
retenu par devers eux par commandement du roi d'Aragon, du
capitaine ou autres ofliciei*!» qui ont été ici pour lui , et de toutes
dettes, deniers, marchandises ou autres biens et choses aux-
quelles ils seraient tenus ou qui appartinssent à des hommes ou
femmes du royaume de France ou autres personnes tenant son
parti , ou appartenantes au roi de France ou à toute autre per
sonne, soit qu'ils les aient payés an trésorier du i*oi d'Aragon,
ou à toute autre pei*M)inie qui en eut n>ru dndit seigneur roi la
grâce et le don, suit que celui (pii avait cetle dette en ait lui-
même la grâce ou (Ion du seigneur roi d'Aragon. Kn pan'il cas »
ou en tout autre , lesilits hommes ne seront contraints ni forcés
de rien paver a aucun de.sdils inill\idus du lova unie de France
ou leire de Lan«{ue(luc ou teuunl M»n parti, un au seigneur roi
de l'raïKc, envers qui ils seraient tenus pur leltrt'S de change,
papiers , lettn>s de ci'cdils ou de toute autre manière ; qu'au con-
/iiWimiani «I f*.nêCûfntm . tr i|ui ëUil il<mB« mi wigarar |iuui b (Kalir d'«lirB#r ua K*f.
DE LA DEUXIEME PARTIE. 625
traire ils en soieiil quilles et absous comme s'ils avaient payé
n^ellenuMit ou à ceux ou celles à qui ils devaient ou à qui ap))ar-
tenaient cesdits deniers ou auti^s choses, imposant sur cela
silence perpétuel audit seigneur roi ou à ses procureurs ou a
toutes antres personnes à ce ayant dix)it; remettant tous droits
et actions aux susdits, à chacun de ceux qui diront avoir payé ou
Tavoir retenu en vertu de don à lui fait; cl plus, que tous objeli«
mobiliers qui sont pris et retenus par cause de la guerre soient
remis de part et d'autre en telle forme et manière qu'ils ne
puissent être exigés ni demandés; et qu'il en soit ainsi pareille-
ment pour ceux du Languedoc, comtés de Roussilloo et de
Cerda^ne et royaume de France qui diront avoir payé en la
tonne dessusdile lesdites choses pendant la durée de la guen*e.
11. 11 est convenu et accordé que ledit seigneur roi de
France, pour lui et ses successeurs, n*exigera, mettra ou im-
posera ni ne fera exiger, mettre ou imposer maintenant et •
ravenir et en aucun temps, aucunes tailles, impositions ni
aucuns droits, sous quelque nom ordinaire ou extraordinaire
que ce soit, sur ladite ville et les hommes y établis, domiciliés,
habitants ou y ayaot héritages, absents ou présents, et qui k
l'avenir y resteront et habiteront, ou à ceux qui ne sont pas de
ladite ville et qui, à cause de ladite guerre, y sont retirés et
remisés aujourd'hui.
12. 11 est convenu et accordé que ladite ville ni les nobles ,
chevaliers , bourgeois et autres citoyens et habitants ou y ayant
héritages, ou aujourd'hui y remisés, ne sont tenus à aucunes
n>parations et travaux, hors de ceux qui concernent l'universa-
lité (le ladite ville.
i3. Il est convenu et accordé que ledit seigneur roi, ou ses
Keulenants et capitaines eu son no|p et de sa part, feront, el
par ces présents articles font quittes, francs el déchargés Tuni-
vénalité de ladite ville de Perpignan et tous ses habitants et ceux
des comtés susdits . tant en commun qu*en particulier, de toutes
r»2'4 PREUVES
dettes et censniix qu'ils seraient obligés de payer à qui que ce
soil hors rolM'issancc ducHt seigneur roi de France, quand
même ledit seigneur mi de France ou ses lieutenants ou commis
auraient fait donation à des vassaux, et ceux-ci à d^autres, de
ces dettes , masses de censaux, de cens et pensions sur ces oen-
saux, les révoque, les a pour ré^'oqués, cassés et nuls, et veut
qu*ils appartiennent aux personnes qui y sont assujetties, faisant
desdits objets donation , rémission et transport à la susdite ville
et autres [)ersonnes , tant en commun qu'en particulier, suivant
ce qui est sp<''cifié ci-dessus.
i4. Il est convenu et accordé que dans la présente ville il
n\ aura ni ne sera institué de cour do parlement.
i5. Il est convenu et accordé que ledit seigneur roi de
France, et les susdits lieutenants et capitaines en son nom et
doita part, feront, et par la teneur des présents articles font
quittes, francs et d(k;hargés, tous les habitants des comtés et de
cette ville, tant en commun qu'en particulier, de tous arrérages
et pensions dus jusqu*au jour où le roi de France et ses iieute*
nants jurerruit les prt'sents articles, de tous censaux, cens et
rentes envers toute conmiune que ce soit, collège ou personne
tant ecclésiastique que sr>culière, et pour quelque propriété ,
cause ou raison que ce puisse être.
i6. Attendu que la terre est trcs-ravagée , il est convenu et
acconlé que ledit seigneur roi de France fera généralement ré-
duction de tous les cens et censaux , tant de deniers que de fro-
ment et huile, tant sur Tuoiversalité des habitants que sur les
personnes ou propriétés en particulier, sous quelque obligation
générale ou spr'^ciale que ce soil , à raison de douze deniers par
livres de censaux, et que d*iei en avant Icsdits cens cl censaux
se paveront à ladite raisoy de douie deniers par livres, par
rhaeun en général et en particulier, nonobstant toute grâce «
privilège, concessions et réductions consenties à Tu ni versai itédes
habitants de la ville de (Irtllionre, ou aux paiiirulier> et autres
I)K LA OFUXIEMK PARTIE. 625
iinivorsalilrs quelconques, collèges particuliers des présents
( onitfv» , tant en commun qu'en particulier, et cela suivant la
luire vi ies obligations (le leui*» contrats.
17. Il est convenu et accorde que les personnes élues |)our
former le conseil général de celle ville de Perpignan préteronl
immédiatement serment de fidélité au roi de France, sous tel
pacte et condition que si le seigneur roi dAragon ou ses capi-
taines ne le secouraient pas dici à lundi prochain à midi, ou ne
faisaient pas lever le quartier royal ou ie camp que lesdits capi-
taines ou autres du seigneur roi de France ont aujourdliui entre
ie pont de la Pierre et celui de Notre-Dame, la muraille ren-
versée et le chemin des vergers de l*exaugador, de telle manière
(|ne ce camp étant levé les trou|>es du roi d*Âragon en restent
maîtresses avec enseignes déployés, le lundi matin tout ce qui
se fera dans la ville le sera au nom dudit seigneur roi de France,
el ils obéiront comme bons vassaux doivent faire; et incontinent
icMlits lieutenants entreront dans la ville à leur bon plaisir, et
comme lK)n leur semblera.
i H. Il est convenu et accordé que ledit seigneur roi de France
et lesdits lieutenants et capitaines, en son nom et de sa part,
iuren)ntque maintenant et en aucun temps ils ne démoliront
les nnnailles de la présente ville, mais qu'elles seront conser-
ver et non détniites ni démolies en aucune forme et manière.
i(|. Il est convenu et accordé que ledit seigneur roi de
France, el ses lieutenants et capitaines , en son nom et de sa
part , jureront qu'il ne sera enlevé, pris ni louché aux hommes
de la présente ville, manants et habitants, tant en commun
qu'en particulier, aucunes armes, harnais ni artillerie qu'ils
puissent a\oir.
20. U est con ven u et accordé que ledit seigneur roi de France
ou sesdits lieutenants et capitaines , en son nom et de sa part,
jureront que le gouverneur de Catalogne, capitaine générid pour
le seigneur roi d'Aragon , et tous les autres capitaines et gens
11. ào
620 PHKI \ KS
lie piif'iii' *> en irniil et |Htiirifiiit *• en wiIIim *>diit> (*l ^(ir> avec luii»
ieiir:^ liicii^. .iriiit'o. iht'x.iiix. li(ini;ii^ et : .1 ::.);:•'<». 1I.111 s li* temip
(le tl(•i^ |<iM<». i«<{ii'l tf'iiiii' (\|>iic,i |H>iir I'ri|>i;:ii.iii iuiitli
wir. «il |Miiir tmii !»■ Iîiiii^^iili>ii .ij-ri-s Ir* lit»i»« j«"iii> ««iiiviints , el
nue le i;<'ii\eriieiii' ili* (.dl.iln.in' tM :iiitit> i-trâii:;fT> malade^
|)Ourn»iit n*«»ler jiim|u au- jjii»* leur 1 uii\;iiesï eii«-o Inir (lermetlr
d'alliT a ' he\<'«l . et (|ii«' tiiii> \v> -^ii>in inmf> |M>iirn)iit eiii|furter
leur iirifeiit *•[ tuiiN it'> | ii>(iiiiii*'i<« ()ii i\^ oui un ioiir> larleU el
obli;:iitji>ii> . et en n>erMilvaiit qn il t'^t convenu (Ifinsccs ecriti^:
et de |)lns . que t(Mi<* it-iix qui 4ini'<inf de^ |<i'isoiinierN ou leurs
carti'l:». au^^i l)ii*n les etr.inpM-s que |»'> l:i'|i% de In \ille. piiissonl
dls|)ov r a leur xtilnnlc dexlit** |iii*>(»iiiiiiM> un ilr icin'«i ^ill'tf<l^.
a I . Il r>l convenu el «'i«ri»id»- que li-dil '•••iijneur mi de Kraiire.
ou se*« liciitennnb en Mtn nom «-t dr >a jinrt . jnifrnnl d«' faire
èlar!:ir. dclixrer et renietlrc fii liiniii' l'cunli.i'^siide, rCst-a-dire
le comte de IVadcs et le t iijtfl.nn d'-\ni|M-.Ht.i . ji\rr Pliili|)|Yr
AuImm'I l'I tous i'eu\ de leur ( (im|i.-i<:iiii*. en reltc lo: nie «•! ma
uiere t\tw la rliuM* Miit Faite dan** I C^pare de tmis mois a partir
du jnur que la \ille *>era Min> r(ilH'i>vtnt-e du sei}*ueur rci de
{•'nuit e.
m. Il est convenu el arrurih- que fous les eauonniers, Imm-
banliiTsel autres ser\:«nl l'ailillerie M*n»nt compris dans foutes
les ch(»srs contenues dan^^ l<i j>irM>nti' ( apiliilalîon . connue s'ils
èlaieni cilnveuN de la \ili<v
?.^. II e^l convenu el ncMirdc que IcMlils lîcutenanls et ca-
pitaines du sei^ieur nti de France jun'HMi ides ii pn*senl, et que
le sf'i^ncur roi de Franci*. dans l'e^juire de deux mois «i partir du
jour de la siuiiatun* d<*«>dils capitaines. Jnrer.i parN. S. Dieu el
la danui.<h<>n de letns ànic^, >an<* pnii\(iii- eit nlilrnir jninais
Talisolnlion, v renonçant exprcsM nienl el dnmiaiit leui> àniesà
tnu^ 1rs diaMes en ca^ cpTils n'olisenrul pas l>>s 1 Imses de^sus-
diles et (unlemies dans les presenis arlicle>. el cliaciini* délira,
et qu'elles aient a (*lre tenues et gardées ainsi qu'elles sont ici
^
I)K I.A DEIXIKMK l>\iniK (^27
( uiiteiines ; vi s'il > avait manque de quoique» mois, qu ils soient
inltM-|)ivtr> a tout profit et utiliti* de ladite ville et population
et i^eiis ayani héritages en icelle, et qu'on ne puisse le» attaquer
t M au( une forme, par défaut de puissance ou d'aucunes .solen-
niles et paroles, et aussi à tout profit et utilité dudit gouverneur
de Calalo«;ne, capitaines et gens de gueire et habitants de ladite
ville. Et pour lesdites choses tenir et garder, ils donneront tels
<-artels eomme par ledit gouverneur et capitaines, gens de
guerre et habitants de ladite ville seront délilx*r(*s et ordonnés,
et donneront tontes autres sûretés qui puissent s'ordonner en li^
(liretien'v; et s'ils font le contraire, que qui que ce tK>it des
(Ic.ssusdits puisse les pixx'lamer excommuniés , damnés et par-
jures; et ceux <le la ville feront le même serment.
(\'. qui suit est e/i français à l'original,
l.e.s pivsenls articles et toutes les choses dedans contenues
Inicnt fninèes et jui*ées en la bastille du pont Nostre-Dame,
(levant Perpinyan, en |)ouvoirde Guillaume Vincent, secrétaire
(In rov et notaiit; roval, par nous Johan de Daillon et Yvon
1 )n 11(^1, dessus nommes. Et par vertu dudit jurament promettons
tenir et garder de |>oint en (Kiint lesdits chapitres, et faire qae
le i*oy , nostre seigneur, les jurera et fermera dedans le temps
contenu en iceulx. Faict et signez cesdits présents chapitres et
jiii aments , de nos mains , et scellez des sceaulxde nos armes , le
\endredy , dixième jour de mars. Tan de la nativité de nostre
Seigneur m. ccctIxxy. Signés de 1)aili/)N, Dupfou.
( Livre vert min, )
( arlel donne par les généraux français , en exécution de l'article a3
improprement qualifié par Fos.sa de a* capitulation).
Nous auti-es, Jean de Daillon, seigneur du Lude, goufer-
nenr de Dauphiné et Yvoii , seigneur du Fou, gouverneur
«r \ngoumois, chevaliers, conseillers etcliambeliansdu roi notre
02H PREINKS
seigneur, cl *»es lieiiU?iiant> pMUTaiix en nés pay^ et comir» de
IW)ii>isillun ot i\v (!f'nln<;no, do roHo présoiilo arnuf , donnons
iiolrc foi. >an> fraiidi'. siipciTlierir ni tnmiporie, une, deux,
ln)i> fois. Miivîiiit les u» et coiitumes d*Kspapne. à vou!i,
M. Pierre «l'Orlaffa, chevalier ;crinsuls de la ville dePeqïignan,
nobles, (lievaliei's et p iitilsliomiiics, cl tons autre» habitante
de ladite ville, de l'aire accoinplir. observer, jurer, tenir et
garder eiititrenient par le roi , noti-e seigneur, la capilulalioD
faite entre nous autres et von» antres, approuver et jurée ce
jourdlnii par nous antres au |>ou\oir de Guillaume Vincent,
seeni'Iaire du i-oi et notai i-e roval , et toutes les choses contenues
en icelle , et eh.'irune d'icelles; et dans le cas que ladite ville soil
secouruf dans le terme de la capitulation, suivant la forme et
teneur (ficelle, de rendre et laisser rentrer dans ladite «illeles
personnes «lonni'es |>our otages ; voulant que s*il était en rien
conlreveiui à ladite capitulation et à notre promesse, nous
soyons tenus pour reprochés de foi mentie et inhabiles à tout
acte de chevalerie; vous donnant faculté ensemble ou en parti-
culier, el à chacun de vous autn*s, de |)Ouvoir user du présent
cartel sans autre récpiisition , et sans permission du roi , prince
ou aulro supérieur, et de procéder contre nous autres et chacun
de nous autres ot notre honneur, brisant et renversant nos
armes à volonté, ainsi qu'il est d'usage contre ceux qui rom-
|)ent leur foi, i énonçant a présent |K)ur alors à tous droits d*ar-
niiuries, lois, styles et coutumes, et â toutes autres choses qui
par quelque voie ou de qnehpie manière |K)urraionl nous aider
ot à \ous autn^s nuii-e; \oulant que par ce cartel et obligation
par nous donnés pour i<-eux, il ne soit fait aucun préjudice ni
dérogation à la pn'micre loruude et obligation par nous sign(*r
etjurée, comme dit est . ains que 1 une soitcorrolNm'e|)ar Taulre*
et que ( bac une ait sa lorce et valeur, de telle fonne et maniiTe
que vous autn*s et chacun de vous auln's puissiez user de celle-
ci et de Tautrc, ou d*uue seule; que. Tune constant . il ne soit
I)K LA i)KL\IEMK PAUirE. 629
pas renouer à l'autre, et qu'elle ait en loiit temps su l'orce et
valeur. Kn témoin de quoi nous uvons signe les présents de
notre main , et y avons fait apposer les sceaux de nos armes de
la main de Hilairet de G)utures , secrétaire de nous , dit DulTou ,
au camp de la Bastille de Notre- Danie-<lu-Pont, devant Perpi-
gnan , le dix de mars , Tan de la nativité de notre Seigneur, mil
et quatre cent soixante et quinze. Lesdits otages sont M. Laurent
de Villanova, consul ; Thomas de Vivers, damoiseau; George
IMnya, i>ourgeois; Jean Borro, bourgeois; George Ciurara,
surposé des notaires , et François Ë»tève , surposé des tisserands.
Kscrit com desus, signés de Daillon , Dufpou.
(Fossa, £ après le m$. de Puignau.)
N« XI.
VtolencfS de lie Venez, vicomte de Rode, gouverneur du RoiutUlon, pour
empêcher t élection des consuls de Perpignan.
Quia ubi nova et miranda acubi contingunt, ne una pereant
generatione , sed perpétua ettTtenia elFiciantur, ea dccel et con-
\enit scri|)ta notari ut nunquam mortalium memoria excidere
|)ossint: propterea, ego Stophanus Gîvaler, hujus aima; univcr-
sitatis rector, quae hoc anno rectoratus mei acciderunt, judicio
meo perpétua recordatione digna , in pra*senti libro in scriptîs
redigere statui ad pnesentem etiam et futurorum per utile
exemplum. Anno a nativilate Domini, m. cccc nonagesimo
secundo, magniiico G. de Vcnes locuni tenenie Perpinianî, in
comilatibus Bossilionis et G>ritania; in viceregiatu circumspectî
et s|)ectabilis domini de Montpensier, pro inclito et invictissimo
rege nostro, rege Francorum, doro*....* Johtnne et Jacobo
Traginer et Palmaratz, Petro Rocht et Johanne Fitha con-
sulibus Perpiniani ; instante tempore electionis consuhim ,
praTutus (juillermus de Venes, gubernator, sua potentU , colore
* Cet ooai« Mtut to blâor , cbu» l'origiBal.
()30 PHEIVKS
quaniindam lillrraniiii (|iins <iixil nM'c*|HS!»i> de domino dt* Mont-
pciiMCT, (oliiiii |)()|)nliim e\lerr(*ndo iis<|uc ad carccres dando» ,
ne eirctio qnani voluntalem .snani célébra rc tu r, fecitque î|isas
elcclioncs cxpirarc. de consilio .lohanni Manra; et post mediam
noctem festi beati Johannis, mcnsis junîi, ia gubernator ad
votuin suuni , non obstanlibus protostationibus dalîs ex parte
aiiqnorum l)urgeiitium . cleg^il scu noniinavil in eonsules .
dominiim Johaiineni Andréa* renitenteni, dominnm Johannens
Manra. Johannem Valls, .lohanneni Vilar, Johannem Agomet.
Post ferc incii5on) , pars burgcnlium , quibus favebat domî-
uns Jaiiberl, miles strenuus, por Jacobtim Scniles et PaMhal
Vell im}H>trarunl a regc lilteras pm'diclM' eicctionis revocalo-
rias. Disci'ctii.s doiuinus Albiccnsis et l..ec toron sis epÎMïopiis el
.lolmnnes KraniiscMis (lardona, qui tune erant Narltone cuni
doniiiio (lolonia tractank'S, prout fama erat , de restitutîone
palri^i* rep Yspania* facicnda ; liii comissarii statim veneninl
fWpiniani, et ru'perunt de causa copnoscere. Adversu» pro-
cessum, consoles per guberiialorem facti , proponebaiU excep
tiones multas, appellationes et interpretationes. Gubcraator
etiam , e\ parte sua , cum minis et maximis punitionibus adver-
sabalur. Tandem domiui delegati declararuiit electionem per
gubcrnatorem factam, nullamot eassam. et de uovo tongrcgatu
per eo in palaeio rpiscnpi Klna* iVr{)iniani generali consilio,
extiterunt eiecti in consoles dieti Joliaimes Andiva* et.... cl
Gigenla.... (îaran , Jaeobus lUM-lia, Lonoralns Uius, quos ftoxio
septembris pra-didi coiui.ssurii imTuut snlere in coiisulatu, et
de su|KT|H)sitis fuit facta no\a ele<iio. Kxindo, assignato die ad
residuaoniciaeligouda. gubernator fecil congregare milite» mio»
arniigeros in consulato. qui ele<-tiouem iinpe<li\erinit. elop|ior-
tuitdominum .laiiU'it tugcre, elcun^^ules el<M'tos |K*rconiis5anoti
et milites aiiu>. ^o^l orlo <lifs vcl decein li-ril .vdere (ondules
pci- M* clectitft. (^luiissaiii iece»rruntet ««ulMlelrgaverunt cxt^rii-
iioneni M'iilciiti.i' « iti<lam judici «le (ian .i^M.>iia . et iiiimiiiis de
I)K LA DKLXIKME P.VKTIK. 051
hi S<'r|K'ii( . (|iii intrantt'.s viliiiin, vitcsiina (K'l4i\a niiMisis M»p-
tfMiihiis, |><)rtaniiii lilleras regiaMnissivaset adconsiiles noviter
cirrtos qiios rex contirmabat , (*t ad oriincs capilaneos comila-
tuiiiii qiiihus rox matulabat qiiocl faverent, sub pœna viti? et
l>on()riim , istis subdelegatis. Qui, cum omnibus armigeris bene
.irinatis, fcierunl noviter eleclo» consules in ronsulatu sedere
ilic sociindaoctobri!!, et die beati Francisci elegerunt alia officia.
Ilis omnibus fuit absens» Jobannes Manra« qui antc adventum
( oinissaiionnn praTectu!» fuerat curia* projuvare gubernatori,
<4nii:hil |)otuit racero,quia sic régi piacuit. Et pro rebcUionîbus
lactJN , opjwiiuit gul)ernatorem apud regem se transfcrre.
( \ote (lu registre des statuts de l'université. )
Lettre des consub de Pefjùgnan à la duchesse de Bourbon.
Tix^s liante cl jïuiMante princesse et no»lretn»9-redoulée dame;
|)iaiM> \oiis scavoir que nous vous envoyons les doubles des
lettres qu'il a plu au roi , nostre sire, nous escrire, et le double
(l(* relies que à pn'sent lui envoyons, afin, madame, que vous
NO>ez infonnéo de nostre intention comme voulons estre et
demeurer ()erpétuellement bons sujets du roy et de sa cou>
roime, et vivre et mourir sous la sujétion d*icelle, comme
plusieurs fois, madame, vous en avons avertie. Arec ce de pré-
sent, madame, serez informée de ce qu*il a plu au roy par set
lettres nous dcclan'r comme il nous tient bons sujets et nous
défendra contre tous.
Poinqiioy , madame, si ainsi estoit de rendre ce pays et nous
hailler aux mains du roy d*Kspagne, ce seroit fait au très-grand
d<)mm.»<;e, préjudice et déshonneur du roy et de sa couronne
et de tout le royaume , et en espécial de son pays de Languedoc,
nostre voisin, duquel, madame, monseigneur et vous avez la
< har<^e; et |>ouvez penser, madame, le dommage qui peut en
\enir si le roy nous baille audil roy d*Espagne, et après ne vou
i
4
632 PIŒUVKS
ioil Cblitî bon aoiy du io\. \'ous estes, madame, la princesse
de tout ic royaume , qui en ce devez veiller plus que tout autre,
et pour ce défendre tel, les choses comme nous-mesmes, pour
beaucoup de raisons ; nous vous en adverlissons , madame ,
volontiers |>our la sinp;idière confiance que avons en vous , et
vous supplions , et pour Dieu prions et requérons que sur ce ,
par les remèdes que à ce appartiendra, vous plaise y pourvoir,
tellement qu'il y soit remédié , et pour que tels brouilleurs et
inventeurs de maux soient punis jouxte le cas, et vous plaise,
madame , d*en bien avertir le roy , aQn qu'il lui plaise de ne per-
mettre en nulle manière de parler, et même de faire telles
choses. Et vous supplions, madame, qu^il vous plaise d'estre
diligente à bien défendre par justice ce présent pays et comté
qui tant ont cousté au roy et au royaume , et en es[)écial au pays
de Languedoc , et où ledit seigneur u si bon droit , dont vous en
advertirioiis bien quand besoin en seroit; et que nous estant à
présent sons la charge de monseigneur vostre mary et de mon-
seigneur de Montpensier, le royaume ni nous ne prenions un
tel dommage comme de nous bailler au roy d'Espagne. Madame,
en ceci vous y avez voslre intérest si grand, par ce que dit est,
que y devez bien penser |K>ur y remédier: et de ce faire vous en
sup{>lions, et a tant, prion.s îi Dieu, tri's-haule et puissante
princesscet nostre trî's- redoutée dame, qu'il vous ait en sa sainte
ganle.
Kscrit en Per|ugnan , le quatrième jour de juin. Vos très-
hund)les et olM>is.sa!its serviteurs, les consuls de la ville de Per-
pignan. Et au dos :
A très-haute et puissante princesse, et iioMre tii!S-redoulce
dame, madame la dueliesse de lW)urlK)nuoi8.
Lettre tir tir \ CHcz , vicomte lia Iio<ir , tî la mrmf.
Treit-haute et puis>ante priiue-^se, et ma Ires-redoulee dame,
DE LA DEUXIEME PARTIE. 655
si trrs |innil)lement que faire puis me recommande à vostre
hoiino ^ràce, à laquelle plaise sçavoir combien depuis que
vous av escril n'esl survenu aucune chose dont soit besoin vous
avertir; mais toutes choses par deçà se portent bien , Dieu mercy,
au ser>ice du roy, de monseigneur et de vous, et feront aupa-
ravant à Taide de Dieu , et de ce qui surviendra incontinent
vous en ad ver ly rai.
Madame , depuis que le maistre d'hostel du roy , Jean Fran-
^*ois , est passé en EIspagne , est venu bruit en ceste ville , et selon
que Ion dit est venu d'AIby , que le roy estoit délibéré rendre
cette comté de Roussillon et Cerdaigne au roy d'Espagne , et que
ledit maistre d'hostel en a fait offre audit roy d*E^pagne. A cette
cause, madame, les consuls escrivent au roy et à vous, et ae
sont tirés devers moy , en me reraonstrant qu'ils sont délibérez
vivre et mourir sous le roy monseigneur, et vous, madame, et
qu'ils sont esmer\'eillezd*un tel bruit, et que jamais ils ne seront
au roY d'hlspagne que par force; et que au cas que le roy fust
délibéré de ainsi le faire, qu'ils s'en veulent défendre par justice,
et m'ont signifié que sur ce ils sont délibérez envoyer devers le
roY monseigneur, et vous , madame , une ambassade , et mens-
trent que de tel bruit sont trcs-déplaisants ; et soyez certaine,
madame, que ceux qui mènent tel bruit n'aiment point le ser-
vice, et sont dignes de grande punition , et pour ce, madame,
\ous plaise penser ce que couste Roussillon au roy et au
royaume, et que c'est le meilleur baluart que peut avoir le pays
de Languedoc, duquel monseigneur et vous avez la charge, et
les droits que le roy y a et les inconvénients que en baillant
Roussillon s'en peuvent ensuivre, et de tout vous plaise, ma-
dame, advertir le roy, en priant Dieu, très-haute et puissante
princesse, qu'il vous donne bonne vie et longue, et accom-
plissement de vos désirs.
Escrit en Perpignan, le quatrième jour de juin. Vostre
très-hnmble et olx'issant ser\-ilcur, le vicomte db Rode.
4
632 PREUVES
loit estre bon aoiy du roy. Vous estes, niadanic, la princesse
de tout le royaume , qui en ce devez veiller plus que tout autre,
et pour ce défendre tel, les choses comme nous-mesmes, pour
beaucoup de raisons; nous vous en advertissons , madame,
volontiers pour la singulière confiance que avons en vous , et
vous supplions, et pour Dieu prions et requérons que sur ce,
par les remèdes que à ce appartiendra , vous plaise y pourvctr,
tellement qu*il y soit remédie , et pour que tels brouilleurs et
inventeurs de maux soient punis jouxte le cas, et vous plaise,
madame, d'en bien avertir le roy , aQn qu*illui plaise de ne per-
mettre en nulle manière de parler, et même de faire tellet
choses. Et vous supplions, madame, qu'il vous plaise d*estre
diligente à bien défendre par justice ce présent pays et comté
qui tant ont cousté au roy et au royaume , et en espccial au pays
de Languedoc , et où ledit seigneur a si bon droit , dont vous en
advertirions bien quand besoin en seroit-, et que nous estant à
présent sous la charge de monseigneur vostre mary et de mon-
seigneur de Montpensier, le royaume ni nous ne prenions un
tel dommage comme de nous bailler au roy d'Espagne. Madame,
en ceci vous y avez vostre intérest si grand, par ce que dit est,
que y devez bien penser pour y remt'dier ; et de ce faire vous en
supplions, et à tant, prions à Dieu, InVhaule et puissante
princesse et nostre trt^s-redoutée dame, qu'il vous ait en sa sainte
ganle.
Kscrit en Perpignan , le quatrième jour de juin. Vos très-
humbles et obéis.saiits serviteurs, les consuls de la ville de Per-
pignan. Va au dos :
A très-haute et puissante princesse, et nostre très-redoutée
dame, madame la durhesse de ]k)urlx>nnois.
Lettre de de I c/irr, vinmilcde Rodera la même.
TreM-hautf et puîs>ante pnn(-e>se. et ma Irès-i'cdoutée dame,
OE LA DEIJXIKMR PAHTIK. 653
si tirs liimiMeiiK'nt que faire puis me riTomniande à vostri*
l)oniir p'àoe, à laquelle plaise s<;avoir combien depuis que
vous av oscril n'est sun'enu aucune chose dont soil lx»soin vous
avertir; mais toutes choses par deçà se |)ortent bien , Dieu mercv,
au service du roy» de monseigneur et de vous, el feront aupa-
ravant à Taide de Dieu , et de ce qui sur\'iendra incontinent
vous en advertyrai.
Madame , de|)uis que le maistre d*hostel du roy , Jean Fran-
çois , est passe en Espagne , est venu bruit en ceste ville , et selon
que l'on dit est venu d*Alby, que le roy estoit délibc^rc rendre
cette ( omté de Roussillon et Cerdaigne au roy d*Espagne , et que
ledit niaislre dhostel en a fait offre audit roy d'Espagne. A cette
cause, madame, les consuls escrivent au rov et à vous, et ae
sont tirés devers mov , en me remonslrant qu'ils sont délibérez
vivre et mourir sous le roy monseigneur, et vous, madame, et
qu'ils sont esmer\'eiUezd*un tel bruit, et que jamais ils ne seront
au rov d'Es|)ngne que par force; et que au cas que le roy fust
délibéré de ainsi le faire,qu*ils s'en veulent défendre par justice,
et m'ont signifié que sur ce ils sont délibérez envoyer devers le
roy monseigneur, et vous, madame, une ambassade, etmons-
irvul que de tel bruit sont tri*s-déplaisants ; et soyez certaine,
madame, que ceux qui mènent tel bruit n'aiment point le ser-
vice, el sont dignes de grande punition, et pour ce, madame,
vous |)laise penser ce que couste Houssillon au roy et au
royaume, et que c*cst le meilleur baluart que peut avoir le pays
de Langue<loc, duquel monseigneur et vous avez la charge, et
les droits que le roy y a et les inconvénients que en baillant
Roussillon s'en peuvent ensuivre, et de tout vous plaise, ma-
dame, advertir le roy, en priant Dieu, très-haute et puissante
princesse, qu'il vous donne bonne vie et longue, et accom-
plissement de vos désirs.
E^rit en Perpignan, le quatrième joui de juin. Voslre
tres-hnmble et olxMssant serviteur, le vicomte dk Rode.
T
O.Vi PREUVES
Onlre tic remettre les places de lioussillon ciiix Espagnols,
lx)UYs \ par la f^race de Dieu , roy de France : A noalre trè»-
cher et (ris-anu' frère et cousin , le duc de Bourbonnois et d*Au-
vergne, avant de par nous la charge et garde des place et chastd
d(* Perpignan , salul el dileclion. Comme entre autres choses,
alin de parachever les traités, alliances, amiliez et confédérations
faites entre très-hauts el très- puissant s prince et princesse— les
rov et reyne de Castille, etc., nostre cousin le prince leurtUs,
enfants et successeurs, — d*une part, et nous aussi, dos
royaumes — diantre parL Entre autres choses nous avon»
accordé, comme sravez assez, à iceux nos cousins et cousine
bailler la possession des comtés de Roussillon et Cerdagne,
sous les conditions plus à plein contenues es |K)ints et articles
sur ce faits , et à ces causes vous ayons des pierà ordonné mettre
es mains de nostre amé et féal cousin et conseiller Tévéque d*Alby
ou autre* de par luy , lesdits chastel et place de Perpignan, pour
apivs en faille la délivrance selon ce que dessus est dit, et à celte
lin vouH avons envoyé et fait expi'dier auli'es nos semblables
lettres de dcxharge et quittance, ce qui toutefois n*a encore
bonnement pu sortir efl'el. Pan]uoy nous, voulans de nostre
part faire, tenir et accomplir ce que dessus est dit , elque a^-ons
juré et promis selon les conditions diceux articles, avons de
nouvel ronrhi . délil>î'ré et ordonné que ladite délivrance sera
faite sans plus de diJation. Vous mandons, et 1res -expressément
(*njoi^:nons derechef, que ladite place et chastel de Perpignan
\ous mettiez, ou fassiez, mettre <'t bailler par celuv ou ceux de
vos lieutenants ipie vou.s avez conunis â la gai(hMriceux,etc.
Donnra Paris, le 7' jour de juillet. Tan de grâce iàr)l\.
(iUAlU.KS.
(.V%t |Mr i"!»-!!! itr io|ii«lr •{•l'un lit /<•■•« * Ij |iUcr lir ''^-iW-i ii«n« I miiirim* t|»
liDiirlio*.
hF. ].\ I)i:i \IKMF, PAHTIK G.Vi
N" Xll.
1.4 tire dr Philipfw lll aiLr consuls de l^erptifrutn.
Aiiiados > licles iiueslros, UkIo loque me scrivis con \iie»U'a
(\irt;i(l(^ ,') (li'l présent, sohrela sos{H'eha que ay île que algunos
l'raïuese.H niacliiiiavaii de enlregar cssa villa, y las diligeiicia^ ,
IHMisiones v dinero que para averiguar la veixlad aveis uflfitK:ido,
r> iniiy di^no de \ueslra grand fidelidad, y <lcl amor y pre»teza
ion que ai udis a lodo loque si^ oflfrece de mi servicio. Y aunque
< oiiespondo bien a la voluntad que yo os tengo, y deveis a la
< <>n1'i.iii>a que hago de essa fideli-ssima \illa , os doy las gracias
tirllo.> le reril)oen lanacceploscrvicio, comoesraion.quedando
< on cTilci a coidianza que quanto mayor es el cuydado que les
Kra n<i\«>r.s lienen de (Kuparla, como en la exj>eriencia lo
nnieslra. lanto mas os desvelareis en |>oner exlraordinario
< uylado en su conservacion v defcnsa, como os encargo mucho
lo lia^,i\s, y de tener todas iutelligcncias posibles |>araquc no
pneda por ningun caso ser asalida ni danipnificada essa villa
ni rondados, Mn estar prevenidos ; que allcnde que en esto
liarels lo que siempre haveis acostumbrado , recibire en ello
nni\ atrepto servicio, v me quedara memoria para liazcr os
fax or > inerced en todo lo que buviere lugar.
Datt. en Valladolila xxij de dexembrc M. DC. ii. Yo el Rky.
N« Mil.
/.« Un de frrrt liernarJin de Manttta à la dèpuUiion . à Barcelone.
Mny illustres senores,
A 10 desle, di a V. S. larga relacion de lo que el S. comic
thiqne \ don Aloniode la (Narrera nos dixeron, en raion de las
f)36 preuvp:s
iiiaterias corrieiites de la proviiuia , y del dosoo que toilo» en-
senyaii touur que cuii uiedio:» suaves, con hourra y rcputacioii y
conservaciou de sus constitucioncs y privilcgios se componga ,
evitaudo ios dan vos y mescrias que pucden succéder sîno se
procura poner cl remedio que de la prudencia y diligencia de
V. S., con el favor de Dios , confiamos.
A a 1 , el S. conde duquc hizo Uamar a toda la novena , al
embaxador de l^rcclona y a nosolros dos. Pondero mucho la
sollura del babcro heclia por Ios sen' conscUcres , siendo tan
facînoroso y revoltoso que con esta accion se havîan hccho como
complices de sus dclîtos. Quexose que teniendo libertad quai-
quicr sastre , o ofTicial , sacar de la ciudad lo que se les antojare,
siendo su maj** seiV y duenyo de la ciudad sea de menor con-
dicion , no podicndo sacar el biscocho y provision necessarias
para sus galeras. Dcluvisscn sus cavallos dcsmonlados y dînero.
Que en ningiina de las tierras de Ios eiicmigos dcclarados del
rcy havian conielido majores crimines ni desiicatos , ni pcrdido
lo mes el respeto que en Catal., liasta hazcr represale de su
liazienda. Que S. M. mandaria que cessassen Codas las fortifi-
cacioncs de la provincia , que se le resliluîessen sus cavallos con
seguridad , oque Ios dcxassen penler {K)r el canipo, y lomisnao
de su dinero. Todo esso digo |>or major, rcmetiendomc a lacarta
que escriven a V. S. Ios embax adores. Porque es grande mi
afliccion y desconsuclo , [>i'evediendo , y casi tocando con las
manos lu ruina y total deslniycion y desolacion de la provincia
(si Dios {>or su iiifinida misericonlia no interposa su poderosa
mano) «que no acicrlo a dez.... ni lengo palabras bastantes |iara
explicar mi conccpto. Pero teiigo prci'isa obligacion como
clirisliano, no solo de lastiniarmc y Uorar amargamenic las
lamentables desdichas délia, y Ios innumerables porados y
ofensas de Dios , que es fuerca que suredaii , si no tambicn de
represmtarlas, y si meliallare, ay , onliendo me fucra |H»r essas
callcs y pla<;as dandci vnzes y clamores liasla el ciolo, pidiendo a
I)K LA DEIXIKME PAhTlK. 657
1)i<)*« aliiinl>rr v ahra los ojos a los que su passion tiene cfegos,
|>ara ver qunii dcM-aminados aiulan, romcliriulocada dia niicvas
atKM-idadrs. irritandolapaciencia vrleinoncia de S. M. obligando
a Ml irai coïK-itMicia para no podcrlos lolerar nias sin casligo,
(omo su tieriio roraçon y piadosas oniranyas dcsscan.
Sionto on lo intimo dcl aima, havcr de acreccnlar en las de
V. S. (qu<M omo a vrrdaderos padres de la Hepublica ias lendran
tan ntravessadas y lasllniadas) , ia aflicion y senliniiento tan
justilK ado « porque tengo por muy cierto que con su gran cor-
dura Y discret^ion havra \ . S. penetrado aun mas adelante , pues
toda la gravodad de la carga, no ay duda eslaba y ha decaer
s()I)n> sus ombros , y que los de los mas fuertes gigantes fueran
iuferiores a tanto f^eso. G)n to<lo , por satisfacion mia (aunque
ronio ho dicho lo lengo por superfluo) , dire solo, que \ iniendose
a mnipiuiiouto (lo que Dios no permita), quando aun les
sucM'ssos fuoran prospéras y faYorables, siendo los de la guerra
tan iiH iortos y contingentes, havra de quedar la tierra destnivda
y assolada y assi fuera justo que per los pulpitos y plaças se
prodirasse y représentasse el descredito del principado en vivir
siii juNticia ni ley, espuestoslos mas principales a la violenciay
antojo do gonte dosalmada, sin seguridad de vidas y htziendas,
coino se oxporimenla que se esta en évidente peligro de emprcn-
dor guorra contra su rey y sen. naUiral , que es tan grande
monarca , ol qua1« por su reputacion y exemplo de los mas
ro\n()s V vassallos, se empenvaria a no levantar la mano de la
oinprosa hasta salir ella, aunque se pusiesse en peligro su
mouarquia; que en Flandes son mas de ochenta anyos que la
sustenta con tanta efusion de sangre y profusion de vidas j de
tosoros inimensos , teniendo los rebeldes en su favor y ajuda t
todo ol niondo , quanto mas séria obligado a sustentarla en
tlspana y delante de sus proprios ojos; y por otra parte, la falta
do diuoro que tiene la provincia para tan grandes gastos , el
|H>ligro de las honras de las mugeres y hîjos que consigo trae
C38 PREUVES
la gûena v , para abrpviar, que Inl liavia de qiietlar despues del
siiccsso pi*c)sp(To o advcrsu, dcslriiyda y infaniada enlre las
iiaciones la que tan gloriosa es y a sido siempre per la Qnesa de
su fidelidad.
El lieiupo para Irntar de componcr las cosas con paz es brève
y assi nocessila que se obre con presteza y diligencia antes que
se eHi|)enye S. M., y no liaya lugarnias do aplicarscel remedio.
Suplico a V. S., .se sirva escusar esta digresion, considerando
que comoolro Jercinia en espiritu Uom cordialmente el évidente
pc»ligro de la destruycion de la patria , aunque Icngo confian^a
y Te que Dios, nueslro senyor, ()or su bondad abrira camino
y dara a V. 8. el csfucrro , alientos y luz ni^cessaria para acerlar
a obrar en ne^ocio tan arduo, grave y diiiculluoso, |H)n|ue aca
juxgan que no se obre nada en ser>'icio del rey , y que es falta de
vaior sujotarse y lenor lomor tan grande a la plcl>c, quenu haya
honibre ni univei's»ilad que deM:ubra la cara en favor de su senyor,
quando lus inquietos van tan alcntados en su olcnsa y aun de
la republica. (i* Dios a V. S. Madrid, a3 de agost, i6âo.
Ca[K'lla <le VS.
Fra Br.KNAKniNo dk Mamllei'.
( Copie sur l'original. )
V XI\.
Serment pnti^, au nom dr Jmuïs .177/. par le marèrltal (U Hrtzè , à Har-
crlvnv.
In l)ei nominc. Pateat universis <|uud annu u nativitatt*
Doniini niillcsinio srxccnk'stinio i|iiailra^csiin(i secundo, die
ven> (tiiniinicii, vi^esinia Icrtia incn.sis ichiuarii cju^dciu anni
iiitiliilata, illustn>*>iniu> <'l (*\i-rllLMitis>inniN doniinus l rbanus
de Maille, inaivliio de Hre/e . utiiu>quc (>rdini> S. eln'i^(iani^-
sinia- W niaje>lalis eques lon|uutUh, ejuM|ue uconsiliis omnibus
|)K L\ DKl XIKMK PAKTIK 659
|>r(t\in(iii- Anfip^av(Mi>i!« (ira'ftH'tiis , mariscalliis (julliii', liHiiiii
(ciHMisrt i-a|ûtnneu> g(*iu*ralih iii principatii Cutlialoiiia* et ccmii- -
l.itihiis l^ossilionis cl GTitania>, titi proiiiratorud liai* spoclalitor
roii«>(i(nl(i.N ('( ordinalii!» \u'r vanuUuu S. clirislitiniiisiniani \\.
iiiajrstatoiii Liitio\ici d(x*iini (crtii, IVi gracia régis (îalliir cl
NavaiT.i', (oiiiitis l^rrhinona', H()ssilK>nis et Ceritaiiia*, ut de
tjiiN iiiaiulato constat liltoris patciitibiis per dirtam n*pani
ii)aj(>s(alein MihscTiptis, a primo status et rep;ni Franrùp sccrp-
lario rH)iitilli(T si*î:natis et reforendatis , datis Pcrona*, regiii
(îalii.r, diH'imo octavo septemhris proxiuie pni*tenli , annique
iiiillcsinii sr\r€'iitesiuii quadragesimi prinii, magno sigillo rcgio
Ni^iila(i> . quariini tcnor talis est.
Lii<l()\iiiis, IVi gracia, Fraiicia* et Navarni» rex christianis
siiiuiN. uni\ersi.s pm^scntCN litU*ras ins|M>ctuns salutcm; ut nobis
il) li(M pn)>per<> rerum nostrarum cursu niliil jucundius accidit
(|iiain piMt-lara <i()iiiinationostra'(^thaloni«rpniicipatus accessio.
(iiiu \hiH' pniNincia non amiis suhacta aut (lallici sanguinis
prolio conipaiala, sed ultro tradita : sed ita nihil usquani
n)c»l<'>tiiis quam quod de nolns optime meritos |M>puio8 qui se
coron.r nostr.T tain addictos probare ejusquc et noslri amantis-
siinos lion videre , non omnibus henevolenlta* nostra* gratiqae
aiiinii totimoniis coram propinqui jam licet, cum e repnblîca
.sil nos istinc hosles lacessere; instare dum prospéra fortuna
ntiniiir, et ne minimo quidem lem|X)re cessare , quo animos
rcMMuen* et vires reparare qucant. Solitur hoc unum quod et
Ciathalonia' provincia* laboramus, cum hosteni ocrupamus in
]U>lgi(> tam immensa M\'i mole ut iilic omnibus |>ene viribus
Miis (>^oal nec alibi fortittT ag(*re aut susciperequicquam posait.
Intérim igitur, dum negotiis nostris sic providen^ satagimus nt
n<)l>is taiid ni aliquand(» liceat hujus provincio" visuendse, quo
llagranuis dcsiderio, satisfacere iîsque omnilms (|ua,* a gratia-
siiiKt |tiinf-i(K^ ex(>e(tari fas est, tum etiam jurejurando quod
non nisi a pra*M*nte princi|M' in loco et forma deliitis edi solet.
058 PREUVES
la giîcrra y , {)ara abirviar, que tal liavia de qiiedar dcftpiiesdd
siiccftso pi-ospi^n» o advorsu, dcslniyda y infaniada entre las
fiacioiies la que tan ^[loriosa es y a sido siempre per la finesa de
su fidelidad.
VA tiempo para tralar de componer las cosas con paz es brève
y assi nécessita que se ohre con presteza y diligencia antes que
se emponye S. M., y no liaya lugarmas de aplicarseel remedio.
Suplico a V. S., se sirva escusar esta digresion, considerando
que comootn) Jereniiu en cspiritu lloro coitliaimente el évidente
p^Jigro de la deslruycion de la patria , aunque tengo confian^a
y fe que Dios , iiueslro senyor , por su bond ad abrira camîno
y dara a V. S. el esfuerco , alientos y luz necessaria |)€ini acertar
a obrar en nc^ocio tan arduo, giave y diilcuUuoso, |)orque aca
juzgan que no se obre nada en servicio del rey, y que es faltade
vaier sujetarse y tener ienior tan grande a la ])iebe, queno baya
lionibre ni universilad que descubra la cara en favor de su senyor,
quando los inquielos van tan alcntados en su oiensa y aun de
la republica. (i' Dios a \. S. Madrid, 33 de agost, i64o.
Ca[H>lla de VS.
Fra UllUNAKOlNO dk Manllei'.
( ( 'opiè sur l'orufinai )
V Xl\.
Scrnwnt priU-. au nom ilc Louis .Mil, par Ir marérhal de lirr:é, à Har-
crlouc.
In Dci noniiiK'. Paleul universis quiHl anno a nativilalu
Doniini niillcsinio stAccnlcsinio <|uadru«;esiuio Mrundo, dit*
ven> doiuiiiir.i. \ip;e>inKi tcrtiu iiicii>i*< fci)iuarii ejuMicni anni
iiitiliiltita, illuNlri»inui> t>l cxceileiitis^iaiiis douiinu.s l rbanus
i\v Maillr. luanliio de Brczc , ulriu>que (»niiiii> S. chri^tiani^
>inia> W niaje>lati> eque.s ton|ualUN, ejuMpie aconsilii» uinnibus
|)K L\ l)Ki:\IKMK PAIITIK 659
provint iii- .\n<l<><;iiv(Misis |)nvfectiKH , iiiariM'aiiiis (jallia> , ImMiin
hMKMiscl ia|>itaneu> ^riicralih in principatii Cathaloiiia^ et comt- -
i.ilihns ho^silionis cl GTitania>, iiti pnn iiratnrad liât' s|>Gcialitei
(-(Mi.slilntu.s et ordinahLs |H'r oanidcm S. cliri.stianissimani li.
niajestatein Lndovici deciiin tcrtii, l)«'i gracia régis (îalIiiT et
NavariM', conuli;» i^irchiiicma', Hossilionis et Ceiitania», ut de
rjns niandato constat litleris patentibiis |)er dictam irpani
niajrst.'iteni snl)5cTiplis , a primo status et re^ni Fraïuix sccn*-
lario rH)nlilliiT sifj^natis et referendatis , datis Perona*, regiii
(ialli.r, d(Him() octavo septembris proxime pr«i*leriti , anntque
niillrsinii scxrrntesimi quadragesimi primi, ma^o sigillo regio
si<;il)ahs, (piarnni toiior talis est.
Lndosicns, IXm gracia, Francia* cl Navarre rex christianis-
sinnis, uni\orsis pni'senteslitttTas insiM^cturis salulem; ut nobis
in Ikh pros|HT() i*enini iiostrarum cursu nihil jucundius accidit
(|nani|)r.r('lara d(uninationostra'(Iathaioniarprincipatusacccssio.
cnni liât' pmvincia non amiis suhacta aut (lallici sanguinis
prelio coniparata, sed ultro tradita : scd îla nihil usquani
niolotins qnam quoil de nohis optime merilos (K>pulos qui se
coron.i- nostra^ tam addictos probare ejusque et nostri amanlis-
sinios non viden» , non omnibus henevolenlin* nostra* gratîque
aninii teslimoniis coram propinqui jam licet, cum e repulilica
.sil nos istinc liostes lacessei*c; instare dum pmspera fortuna
ntinnn-, et ne minimo quidem tem|)ore cessare , quo animos
reNinnerr et vires repararr qucant. Solitur hoc unum quod et
(iathnlonia* provincial laboranius, cum hoslem occupamus in
IWlgio laui immensa belii mole ut iliîc omnibus pêne viribus
sois r^eal nec alibi fortiter agere autsusciperequicquam posait.
Intmni igitnr, dum negotiis nostris sic providert* satagimu.<i ut
nol)is (and m aliquando liceat hujus provincial visuendœ, quo
llagranins dcsiderio, satisfacere iisque omnibus qua; a gratis-
sinio |M int i|>e cxpectari fas est, tum eliam jurejurando quod
non nisi a pra^iMite princi|M' in ioco et forma debitis edi solet.
640 PREUVES
Taiiluni in omnium onlinum erga nos studio confidimus ut
quemadmodum nohis absentibus im6 el insciis se suasque
submiscrc ccrto speremus eos habita summorum quibus occu-
pamur negotioruni ralione , ita c( a nobis abscntibus jusjumn-
dum pcr procuratoroni edi consensuros; quamobrem charûsi-
muni co{^iatum Dostrum Urbanum de Maille , marchionem de
Brczé, utriusque ordinis nostri cl militia* cquitem torquatimi ,
nobis a consiliis omnibus Andium provincial prxfiectum et
Francia^ maiiscallum, virum natalium splendore juxta et rerum
gestaruni fama clarissimum, dcputavimus el delegavinius, et de
no»tra certa scicncia rcgiaque aucloritate deputamus et dele-
ganuis, tonorc ])nL>scntium manunostra propiîa subscriptamm,
ut nostro noniine supradictum jusjurandum et in forma ftolîta
pi'aîtcrcaqiie id addat quod ad pacta et conditiones , de quibus
inter nos et omncs provincial ordincs convcnit a nobis obser
vandas ut spécial ac quidquid demum a nubis lioccc solemni
juSxjurando promilti «i-quum , regia*quc noslnr dignitati con-
gru umjiidicav cri t, quamvis talc aliquid foret quod mandatum
niagis spéciale qnam pncscntibus est cxpressum exigen>t. Pro-
miltcntes lidc regia nos ea omnia qua> pra'dictus carissimiis
cognatus nosterUrbaïuis de Maille, marcliio deBrezc, nostro Do-
mine hoc solemni jurejurnndo pollicitus fuerit eadem relîgione
observaturos et pra>stituros ac si a priisentibus nostris conceptîs
verbisediluin fuissel. Dcclar<imus insu|»er nnllatenus nobis în
nnimo esse novani indueirconsuetudlnem lalîs jurisjurandi per
pnx'nnitorcni faciundi, inio nos quamprimum per negotîa
nostra licnerit, in Cathalonicini |)n)fu(uros el antiquum, siopus
erit , jurandi morcni scculuros, queni intérim i Ihi'su m sal vu ni-
que volunius, neque quod teni|)oruni nt^essitate indultum sît
cuicpiani fiaudi ess«> aul in exeinpluni a |)osteris trahi : sic enîm
placituni. In quorum rident et (estimoniuni pnesentihus regium
si^nlluni nostruni apfMmi cura\inius.
Hat. in oppido nostn> IVrona\ die décima octava mensissep-
DF LA DFJ'XIKME PAKTIE. 6'il
(embris . aiino n nativitatc Christi millesimo sexccntcsimo qiia-
(Ira^e.siiiio primo, rc^i nosiri tri^^csimo 5eciiiulo.
Par le roi l^)iis, BouthiUier.
Dicto noniino ronstitutus personaliter auto allare maxiinuin
inajoris ecclesia* Barrinonciisis existentibu» ibidem admodiim
illuslribiis consiiiariis dirta' civitalis gcnibiis flexis, inissale
ibidfin a|>erto, cruceque ciim vero lif^no cniri» ibi (>o»ita el ca
rrv<Mcnl<»r ac devoir adorata, jani dicto nomine et pm dirla regia
inajcstate jiiravil ad dominum Deum et ejus sancta quatuor
f'Nan^rlia lit in sedula |M>r suani Ex. milii Antonio Joaniii Fita.
re«:ii iiMiidati S( riba>ac nol. publicol^rc.tradita.quam deipsius
inaixlalo alla ol intelligilûli voce legi, cujus ténor lalis est.
• \a) illii>trisNini v exrellentissim senvor l^rhano de Maillé,
• inanpie^dc BiTzé, cavalier, etc. G)m a procurador [ter aquestas
« cosas ( nii>(itidiil y ordenat per la sacra christianissinia v real
•* M. df LliiNs trt'ze, per la gracia do Deu rey de Franra v de
1 N.narra , com do sa procura cousia ab llclres patents |)er S. M.
- solaM rilas, signadas |>er lo primer secrelari de estai y del règne
• do l'ranra BouthillitT, dadas en Perona, rogne do Franra al
H dix UN t do sotombro mil six cent quarantaliu, y ab lo sagidl
« inavnr do S. M. sagelladas en lo dit nom y per la dila real
n Miifj slal , jura a naslre M»nyor IVu y a la sanla creu y als
•< saurais cpialre sants evangclis poi sas mans cor|)oralement
• to< ai5 qiio (Sa M. Cristianissima ) lindra e iiniolablement
«ob>or\aray Hira obser\ar a las igle.^ias, pn'lats, religiosas v
X o< loNiastiras porsonas, duchs, marquesos , comtes , vescomtes,
• ri< lis bornons , barons , nobles , cavaliers , liomcns de paratge y •
< las ( iiilats, villas y IUn's del présent principal de Catalunya,
(oinlats de Rossello y Cerdanya, ciutadans , burgesos y liabi-
• tadorN do aqiiells los usatjes de Barcelona , constitutions de
• (ialaliiiiya, rapilolsy actes do corts, llibcrtats, privilegis vcos-
• (iiins sogons niillor y mes plenament ne han usai y poden
. usai . v sorvara v fara ser>ar los pactes infrascripts entre S. M.
II. il
0/i2 PrŒLVKS
«y la pi'ovincia, convin^iits y concordai:» , solaserils y finiiatii
• pcr S. M. en Pcrona , règne de Kranca a desnoii de setembre
«mil six cenl ([iinnintaliii. » Kt lec-ta per me dicliim \ntuniiini
Joliaimcm Fila supradicla sedula jiiramenti et accepto mandalo
a S. Kx. <piatenns hic inserem pacta supra in dicta sedula
memorata quii* S. K\. prosibilectiscl piiblicatis liabiiil et habere
se dixil, cU\
N" \IV l>is.
Ertniit du rrrueil tirs pièces imprimer s à Hunulonr à rorcasion Je lu
mort (le Louis .1 ///.
EIMTAFI AL REY niniSTIANISSlM LI.LYS Mil, I.O Jl ST
A<pii jaii (\o un n'\ aii;:ii<t ,
lia niagf'stiit mo% aii>!iiAta
Ouo unu ruixa li vt* jiisia
A un tan gran moiiarca jnsi
Mrs lo aniino grncros ,
Fania y valur, (dIIkimi s.ip
Que cnm l'ii loinnn im cap.
Soin m In c'«'l tr ri'ptis
noriMFATo hf. i.a mi kuti: m.i. «ki rnnisTi^MSMH mis xiii,
El. JIMO.
JiiMiis prril. <'t non «-si (pii n-rtH^iU! in rouir mhi ( /jii .■»7 )
Murrr »*l jii^lo, v • "» niny jnslo
<Jiica|U«l(' su \i(la -d Ih'I
|)i' un rhrisli.inissinio fiel
Ouion VI* muerlo u rrv lan jii^h»
I)K \A DKl'XIKME I>.\I\T1E. 0^3
\l. M\TKI\ A.VM'^PTO» SONETO FINEBIlK
M j(]iiina ardent , luontaiiva cl<' llunis trinto^
\l> rmu'hro't va>Tl<'!* ondolada,
ihw a no Horlo pons^ira traslladadn
La (!«• rsicirs en nil .M'rena vistos :
( ) «liguera , vrvs roca d«' anit'tifttcs
Kntn* dianian» rcfulgiMits posada;
Vwo la mort (pie vn niitg veig curonada,
llii dcMnent al) lo honror de nègres llistcft:
Toi pH dol , lot M plor, lot 0» tristessa.
Fins les ilniuA ploren Uagrimes de ccra,
^1 t\nn Irstran aU iilU, si prop les mire».
( ) tn , caniinant savi , iio te admires,
IMor*' io pohlc , pion* la iiobleia ,
> plon-n tots al) \oluntat siiicera,
\ «Mil (|uu la Parca iVra
M) ti^^Mcs fatals, |>orh advertida,
lnju>ta, (ir un r«*y jiist talla la vida.
Il \M ni l.\ r.llIAT DE BARCEU)>A K\ L\ MOItT DE !H)!« RET Y
COMTE, LLll!i Xlll , LU JU^T.
Mon nostrtr rey.
Mûri iiostre Lluys.
0 Pana fatal !
() S4)rt infi'liz!
(.aigiii^ en primavera
Nostra llor de Ilit :
4i.
"^
644 PREUVEvS
O que agostat maig!
O que triste abril !
Plora, o Reyna mare,
Plora, o amat Delfi,
Lluna quet éclipses.
Sol que va es exit.
Liagrinias derrama ,
O insigne Paris,
Tantes que de mare
Isca lo teu nu.
Plora , França , plora
1^ funeste fi,
Del que conservare
Ton estât feliz.
Y to, principal
Noble, ilustre, antich
(^e en tu veus planfada
Ya la flor de 11 is :
Cataluna mia,
Molt bas de sentir
Te faite un reyjust
Electo entre mil.
Les llagrimes solta,
(^orrnn fil a fil
Hegant murs, y valls,
Fent creixer \o% rius ,
Si no es que de pena
No pugursobrir
IjOSuIIs, pera venre
Lo espectarle trisl.
7.
DE I.A DKl MEME PARTIE. 6^5
Les fonts criHlalincs
Del Pyrcnne rich
Ab soA uiis de plata
Kntrr avets y pins :
Llagrinioîw»* peries
(Moraraii alli,
Im mormuH alegre
Rn plant convertint
) yo , Barcelona ,
Coiii me podrè dir
Ka>encia\ sini faite
Qui me ha afavorit,
(^)uin compte dar^
Si sens comte estich ?
Oui me ampararà ?
Ay triste de mi!
\ms ayres rompra
Ab frequens suspirs;
Respondran los ecos
Llamentables crits.
Bcsos, Llobregat'*,
Y torrents vehin».
Ponts de la montana,
Ara es temps de ciir.
Deixaunie les aygues
Que abundants teniu,
Pera que les ploren
Mos ulls aflisits
(. rtt le iioai «m MB d* B*rc«l<MM.
iVvi |<«litn rivière* «•! tBviroot (l« Bawdo»*,
< ^
646 PREUVES
Y si estes ho basUD
Lo mar tinch aqui ,
Que es un mar amarch
De tristor mon pit.
Veig de mes muralles
Lo lien» convertit
En nègres vayetet
De que estam vestits ;
Les amenés fa Ides
Del gran Monjuich
Veig de dol cul>ertes
Y de nuvois trists.
Qui consolarà
Mon cor afligit
Qui donarà halè
A pit tan mesqui ?
Vos, o Reyna mare,
Sereu pera mi
Bellona divina
Huma serafi.
Vos, Lluys amat,
Ancora v Delfi
Sereu en leî» ones
Del mar enemich.
Y vos , de la Mota
Bellicos Felip,
O gran mariscal !
O segon David !
Sereu mon amparu ,
Sereu mon abrich ,
I)K l.\ DKIMKMK PXHTIK f»V
^rrru ma (Icl'i n»a
Viviiit !)igle> mil
MOMMFATl M
Kl s Ml. , %«: Ki>.\i.K
Kn . O HOMO QUI AB IIUMO ,
Fi M*S KT Ml Ni:?* :
liKCh, LI'CiK :
IXNrKCTA, l\pe<:ta :
Et
HiMiE inscE
TaLU yORTAI.LS,
FKiMEKTA FlMCNTA;
OhlHtH, MOMIMUR,
Ni M(.s Hi:yus« pu Ht' s
Sic SOS
I.IDIMIS, NKC ILLUDIMl'K
K lADOVICO XIII
Sic tu
FlM.S ^.TATKy ,
Ims ».T£R!«ITATCM.
N' XV.
I uniits lit- la (itnlatjnt-, arriirrs en exécution de t article iî corn^ dm
traité des Pyrénées .
Par l.i (onvction de l'article à2 du traité des Pyrénées il
lui ( ()ii\enii (]ue la vallit: de Carol serait concédée à la France
i\(M une partie du territoire de la Cerdagne, propre à établir
fi'iS PKELVES
des cuniaiiiiiK'alîuiis iibiTs et indôpciidantos entre cette vallée
de GiruL le (knilliMit et le Ca|x.'tr, le tout devant fumier un
nombre de trciile-lrois villages, et, dit Tarticle corrigé,* s* îl n*y
« a pas tant de villages en ladite vallée et ou ladite communica-
• tion . ledit nund)re de trente-trois sera suppléé par d'autres
■ villages dudit comte de Cerdanna , qui se trouveront être les
«plus conligns. Fil afni qu'il ne puisse amver de contestation
• sur la qualité di'sdits >ill<iges, on est demeure? d'accord que
• pour villages se doivent entendre ceux qui ont été censés de là
• par le passé , et avec sa juridiction , en cas qu'ils se trouvas-
■ sent présentement détruits, |M)urvu que chacun desdits villages
«ait quelques malsons (jui soient habitées, laquelle susdite
«valh'e de Carol et la tour (lerdaniia, comme aussi lesdits vil-
« lages jusqu'au iiond)rede trente-trois, en la manière ci-dessus
• dite, denieuiXM'ont au seigneur n)i T. i). et à la couronne de
«France, |K)ur y être unis et incorporés à jamais, aux mêmes
• clauses et conditions de cession et ii.*nonciation, de la part de
«S. M. C dans l'article 43 du traité de paix, comme si elles
«étaient i<'i parliculieremeni spécilnTS et énoncc'es mot à mot. ■
En consécpieiire, furent arrêtées les dis|)ositions suivantes:
Nous , don Miguel de (iaiba y \ algornera , che\alier de rordrc
de Saint-Jacques, conseiller fin roi en tons ses conseils, de la
couroinie d'Aragon, et llyac inliie (ierroni , évi»que d'Orange ,
conseiller de S. M. T. C mi t ohm il d'état, connuisnaircs dé-
putés piir IrN MM. (1. el T. ('-. pour l'exeeutioii de ce qui a été
fail el signé deniit'ri'inenl par les sieurs pléiii|H)tentiaires d'Ls-
pagne et de IVanee, dans lile dite Je las FaUanos , le 3i mai
Klnnl |);ir\eiiu.s en (ierdagne et lenu pi u s ieui*s conférences,
ajur.N nous être eoiiiniuniqurs re>pecti\einent nos |N)U\ciir» et
nous en être dniiiii- ( npie. c iin>i(l('KiMt tnuleN les raiMins de part
el ir.inli'*, \n el r«'<onnn Inns \vr» villages el lerroir> d'ireux,
.i>niis ifS'ilu el tondu tpie le> trente tiois sillages qui iloivenf
ni: LA DKLXIKMt: PAHTIE iW)
iCNter a S. M. T. C en (iercia^ne, en vertu de tarticle susdit,
MM'ont les suivants : (larol avec toute sa vallée, dont les lieux
snt)nt comptés |)Our deux; Knveip avec tous ses monts et juri-
diction, pour deux; Ur et Flori, |>our un; N'ilieneuvc et Kscal-
(las, pour un; Dorres, Angustrina, Tar^nsona, Palmarill , Kgat,
Odcllo, \ia, IV)lqueras, \ ilar-I>ovence, Elstavar, Bajanda, Sal-
la^osa , Ko , \ edrinyans , I^a Perche , llouet , LIo , Evne , Saint-
Piorœ dels Forçats; Saintc-Léocadie et Llur, pour un; Er,
Planés, (^ildejxas et Onrx'S , |)our un ; Nahuja, Osseja, Paiau , Ix,
tous lesquels susdits villages resteront au roi T. C. avec leurs
juridiction , terroirs et dépendances. EU comme le terroir dix
passe de l'autre c(Uc de la rivière de Rahur, nous, les commis-
saires députés, avons déclaré et déclarons que nonol)stant que
la dividion d'Espagne et de France doive être prise, [X)ur tous
les autres villages , par la division de leur terroir et juridiction,
|H)ur ce qui touche au village dix seulement, la division d*Es-
pa^^ne et de France se prendra à ladite rivière suivant sou cours
naturel , et suivra sa pente jusqu*à sa rencontre avec le territoire
d'Aja , qui i*estera à TEspagne, de sorte que la moitié de ladite
rivière et la moitié du (X)nt qu*on appelle vulgairement pont de
Livia sera de PEftpagne, c'est-à-dire celle qui est du côté de
Puvcerda, et l'autre moitié sera à la France, c*est-à-dire celle
qui regarde Livia ou le col de la Perche; ne prétendant point,
par cette division , séparer le territoire dudit village dix en ce
qui touche le domaine, propriété, fruits, pâturages ni autre
chose quelconque à lui appartenant; ne devant s'entendre , celte
s(>paralioii , que pour TEspagne et la France , et non pour le
domaine ou propriété particulière dudit territoire, qui restera
toujours uni audit village dix.
Pour (*e qui concerne Livia et son bailliage, nous, commîs-
saiivs <le[mtés , déclarons qu'elle restera entièrement à S. M. C,
axN la condition qu'en aucun temps sadite M. ne pourra faire
iortil'ier ni Livia ni aucun autre lieu dudit bailliage et terroir.
ti50 PREUVES
cl le coiuiniîisaii'e d Espagne &*oLiige à laiix* ratifier |)ai*licu-
licreinenl el cxpi^esséiiienl cet accord el coiivenlioii de ne
|K)ii\oir l'ortilicr Livia i)i autre iieu ou poste de son bailliage et
lerritoiix*, }>ar S. M. C , auquel cas seulement le commissaire
de France consent que Li\ia et sou bailliage restent à S. M. C
Et comme, pour aller de Livia à Puycerda ou de Puycerda
à Livia, ou pour aller d*un village à Tautre, de ceux (|ui
restent à 8. M. T. C. , il [)eut arriver qu*on ait à passer par le
terroir de Livia ou de Puycerda, ou par le terroir de quel-
qu'un des villages de France, nous, les commissaires dépulét*
dc'clarons que quelque genre de marcbandises ou provisions qui
[tassent par Icsdils terroirs, allant par le chemin royal de Livia
à Puycerda ou de Puycerda à Livia, ou allant d'un village a
Tauti-e de ceux qui restent a la France, ne payeront aucun
droit aux olHciers de France ou à d'autres receveurs ou fermiera
ou autres , tels que receveurs des droits des deux royaumes, dé-
clarant de plus que lesdits cliomins royaux el passages qu'on
aura a prendre |>our aller de Livia à Puycenla ou de Puycerda
à Livia, on [Muir aller d'un village à fautre de ceux qui restent
à la France , seront libres aux sujets de l'un et l'autre royaume,
sansqu*il$ puissent cli-c molestes dans leur passage |>ar les em-
ployés des deux royaumes, réciproquement, [>our quelque
<'bose que ce soit ; n'entendant pas que cette libelle de passer
puisse servir |K)ur les délits qui pourraient se commettre sur
ces clieinins ou passages, parce que la capturo et châtiment
d'icetix appartiendra aux einpioyinde la partie à laquelle appar-
tiendra le territoire desdits passages. Et pour qu'il conste de
tout le contenu ci-dessus, el |>our qu'il s'accomplisse avec toute
[)onclualitc, nous, les commissaires députés, a\ons résoluqull
sera fait deux copies du présent, l'une en espagnol, l'autre en
Irançais, et que celle en langue espagnole, signée par le com-
inissuiit* (I lispagne et (ontivsiguiV |Mir son secrt'tairr, sera
livrée a M rcMfpie trihuiige, et celle en langue frant^aise.
I)K I.A DKl MKMK PAHTIK. Ùb\
si*:ru'e par M. I'rv«''<|iie il'Oraiif^e el roiitresi|;nce par son mhti*-
laire , nous ^^era livri^e. Fait el conclu a Livia, lo 13 du luoi»
(1p noxembi-c (!«.' l'an iGrio. Si^né don Miguel de (iall)a y de
\ al^oniera, roninii&saire.
I^ir niantlenient diidil sieur coiimiissaii'e , Jean-Cia.spard
Mauri. notaire pul)lic de Puycorda« |>oui' LVullhasoj* Oriol }
Marcer. ( Traduit sur la cupie espagnole, Arch. doin. )
FIXATION DES LIMITES DES ROYArMKS D* ESPAGNE ET DE FRANCE,
DANS LE TERRITOIRE d'iX.
No/ri. i'.vXW pi^cr , (|uoicpi(: n*dij;t'»c en rranrais, est «fuii style si
l).irl).irr, (pi'il v a une foule de pa.<(5agrA presque inintelligibles.
Li> 3 3' jour du mois de novembre 1750,
iNouM, don Pascal de Navas, capitaine d'iufaDterie et ingé-
nieur des années de S. M. T. C, et M. Desbordes de la Moule-
nerie, lieutenant-colonel d'infanterie et ingénieur de S. M.T.C,
«
commissaires (>our la stable convention du cours des eaux de la
rivière dite la Ilaliur, qui divise les royaumes de France et
d'F^pagno.
Kn cons<'*quence des ordres à nous doDnéti par S. EL M. le
mait|uis de la Mina, capitaine général des années de S. M. C. el
conmiandant général de la principauté de Catalogne, et par
S. K. M. le comte de Mailly, lieutenant général de la province
de Roussillon , Gonflent et (lerdagne , pour vérifier et régler les
limites de la rivière de Rahur, depuis le pont de Livia et suivant
Hoii versant naturel du côté du midi jusqu'au terroir du lieu
<l*Aja , formant, cette rivière Hahur, la division des deux
royaumes d'Espagne et de France , comme il fut traité des divi
sions par les pléui[x>tentiairet des deux couronnes, le la no-
vembre 1G60, dans lequel on explique clairement que liiditr
rivii're Ualuir ferait seulement la division du terroir au lieu
dix , (|uV»n a déclaré rester à la France , conservant à ses ba«
652 PREUVES
bitaiits les domaines cl autres droits à eux apparteiianl dans le
terroir d'Espagne; et comme depuis le traite de la dîvisioQ
diiïérentes inondations ont change le lit de la rivière, tantôt du
côté d'Espap;nc , tantôt du côté de France , à raison de quoi , et
l>our s*étre , les propriétaires aboutissant de Tune et de Tautre
part, dudit terroir approprié, formant des prés dans le lit de
la rivière , après s*èlre échangés , ce qui a causé bien des dis*
[)utcs et plaintes depuis vingt-cinq ans, ce qui a été représenté
aux intendants cl commandants respectifs deGitalogne et Roua-
sillon ; et particulièrement par la ruine occasionnée par la der-
nière inondation des 4 et 5 du mois d'août de cette présente
année, sur les terres et propriétés des voisins de la rivière
Rahur; ceux de la part d'ELspagne représentèrent alors à M. le
marquis de la Mina, et ceux de la part de France à M. le comte
de Mailiy, exposant lune et l'autre partie ses raisons; auxquels
motifs les sieurs commandants convinrent et conclurent entre
eux d'envoyer les commissaires ingénieurs des deux couronnes
aiin de tirer le plan de la susdite rivière de Rahur, mettant des
limites dans le milieu du lit de cette rivière, et en mirent égale-
ment de chaque côté de ladite rivière , laissant douze toiaes de
large pour le cours des eaux, et au surplus, quatre toises de
terroir de chaque côté du lit de ladite rivière pour passer les
troupeaux, vulgairement dit rami-ramader, comme il était
auparavant; et les sujets desdits rf)yaunies s'étant approprié
ces chemins , lesquels empêchaient le passage de ces troupeaux,
et par là ils causaient bien des disputes ; et n'ayant pu convenir,
les deux couronnes, de fixer les limites au lit de la rivière, le
commissaire ingénieur Navas, avec M. rFxrluse, ingénieur des
ponts et (hanssf'es commis par M. le comte de Nfailly, le mois
d'(K'tnbre alors pi*ochain. il a été convenu dernièrement que
M. Desitonles et M. Paschal de \avas vinssent dans la (Vrdagne
pour t>xaminer les limites hxcVs dans le lit de la rivière de
Hahur, eu même tenip> convenir et nian|uer la largeur snfli-
I)K LA DEIXIKMK PAUTIE. 6:>:)
sanU* |H)iir le cniii*5 des eaux et chemins des bestiaux dits
canii raiiiadei^, ces deux parties |N)ur le passade des bestiaux
|M)ur 1rs sujets des deux couronnes le long de cette rivière.
I^>quel vu et examiné avec attention, avons convenu, les deux,
à la ire deux toises de largeur |X)ur le cours des eaux en toute
.son étendue , depuis le |>ont de Livia jusqu'à la rivière de Segra ,
et, d(> plus, quatre toises de large à chaque côté, lesquelles
serviront de chemin |X)ur les bestiaux dits cami-ramaders.
IV morne, nous avons convenu que, si dans la suite il arri-
\ ait que , dans le temps du passage des troupeaux par le chemiu
ramailvr. de quatre toises de large le long de la rivière, ils ne
pn^^ent passiT à cause de quelque inondation ou autre accident
audit rlieinin , les confrontants à ladite rivière seront obligés de
donner librement le |>assage par le chemin royal , plus près de
ladite rivière , aiin d'éviter des coniestations entre les sujets des
<leux couronnes.
Avon.H pareillement convenu que les confronttints de ladite
rivière* ne puissent faire aucune digue dans les lignes qui mar-
<|uont le lit de ladite rivière, comme aussi dans les quatre toises
mai*qu(>es |K>ur chemin de passage des bestiaux, que tout le
lai^o com|)os<'' vingt toises*; et puissent seulement faire les
réparations hors les limites marquées pour le cours des eaux et
rhomin de passage des troupeaux. De la même fa^n avons
(onvcnu que les voisins de part et d'autre de cette rivière lais-
sent le lit de cette rivière libre et débarrassé, de même que le
( liomin de passage des bestiaux, suivant la largeur qui a été
doiiiKH», savoir: depuis le milieu du pont de Livia jusqu'à
l'oiulnut marqué au milieu de la rivière, vis-à-vis la maison du
mas nefjtr, de distance de trente-sept toises six pouces; de
Tan^Ie qui est du côté du nord, du côté du pont et plus près
do la rivière, et depuis Tendroit marqué au milieu de la rivière
juMpià l'angle du côté du pré de Jean Picas plus près du
' IVMit |j Ijrffur loUir t*i àt tingt toi»**.
Of)^ PKEUVKS
<'liniiip , il y n <lix so|)t toises qiiali^ pieds de distance ; et depuis
rendroit mai-qiiô au milieu de la rivirre, vis-à-vis lemas-negre,
jusqu*à IVndroit qui divise la rivière par moitié, vîs-i-vis le
mnrrif qui se trouve plus bas des prés da couvent de Saïnf-
Dominiqne de Puyrerda, va en droite ii^ne; et de cet endioit
mon lion iK* qui divise la rivière, jusqu'à i*endroit où â y a
rantrle des jardins de Jean Picas plus pn>s du cliemin, il y a
riiKpiaiilo-iieur toiïvos trois pieds de distance. 11 y a encoTB
depuis le uiomp endroit qui divise la rivière, à la rive du champ
de don .luan de Maiiegat, de Puyœrda, qui voisine avec le
cham|) de Kal'ael Man^cllo, de la même ville, il y a cent sept
toises trois pieils de distance; et ayant, pour plus grande
sûreté, tirc' une li^rne depui.s les deux limites de l'angle da
jardin <le Picas aux limites des susdits Mane^at, Verges et Mar-
cello, se trouve la distance décent trente toises cinq pieds; et
|>ourplns «grande clarté, depuis Tendroit qui marque iemilîeii
de la ri\ierc avons tiré une droite ligne jus<pi*à la muraille
qui sort de la maison ou jardin de Picas, contigu au champ
de François 1*^1 eve , au bord de T aqueduc qui passe par ledit
cliauip (M>ur arroser le pré de Silvestre Cet, où nous avons
convenu qu'il se planterait une grosse pierre ou bodule*, et
cricellc au limite (pii divise la rivière par le milieu, il ae trouTe
trente-deux toises deux pie<ls de distance ; depuis rendroit fixé
au milieu de la rivieœ jusqu'où iiiiil le pré des religieux domi-
nicains, contii^n avei' leclieuiin royal qui va au ])ont deLivia,
il vadix-linit toÎM's trois pieds de distance, et dont il sera fixé
également une |)iern> qui ser\ira de ImmIuIc ou limite; et sera
tinK? une droite ligne de ces trois limites, comme aussi, depuis
rendi-oit mentionne, qui maitpie le milieu de la rivière, jus-
qu'an pi<pHi plante au milieu de ladite rivièit*, vis-à-vis les
mals<ln^de^ i:uin:;neltes et religieux duminicai'is de Puvccrda.
\)v lautie I Ole du plant . plu> pn>N tle la (îuiii^ nette. a\ons tiré
iHHIir
l)K LA DKUXIKME PAHTIE <>;>:)
iiii(> (Iroilc liî^no a l'angle de ladite (îiiin^iiette, plus près du
cluMnin royal; il > a de cet endmil marqué, au milieu de la
ri\ ifn» , tix*nte-liuil toise* troi* pieds de distance ; comme aussi ,
dejïuis les lixiis piquets du milieu de In rivière juMpià l'angle
de l'enlréi' de la maison des religieux dominicains, plus près
de la rivière, et immédiatement du chemin qui va à Puvcerda,
il \ a dix toises trois pitnls six pouces; et depuis ce dernier
piquet du milieu de la rivière , vis-à-vis les maisons de la Guin-
guette et religieux dominicains , suivant le cours de celte riviiMV
juscpi';» la lui d'une vtve commune de» deux rivières et où Tmil
le <-li:iiiip et pre d'Kmmanuel (liraut , de la (fuinguettc, du côté
de Kranee, ou l'on a planté un piquet, et sera mise une pierre
qui servira de Inxlule ou limite, et du côté d'Espagne, au Iwut
du marge du pré appelé de Pallacols, près de la ville de Puy-
cerda, en droite ligne des autres deux limites on a planté une
autre picrrt», qui senira aussi de hodule comme les autres; et
depuis cet endroit, du coté d*Rspagne, à celui qui se trouve au
milieu de la rivière, il y a vingt -neuf toises quatre pieds de (lis-
taure; et depuis celui qui est fixé au milieu de la rivière jusqu*à
celui qui est mis du coté de France, auprès du champ d*Em>
manuel (liraut, il y a vingt-deux toises deux pieds de dis-
tanc<' ; et de cette division k Tunion des deux rivières Rahur et
Segre , vis-à-vis le terroir du lieu d'Aja, il devra être réglé et
stipulé dans le traité de division des deux couronnes.
A>()ns de même convenu que les digues ou chaussées faites
par les propriétaires des respectifs royaumes qui se trouvent
existantes dans les lignes marquées le long de la rivière de
Haliur, lequel chemin doit servir de lit et chemin de passage
des Ix^stiaux, doivent être démolies et débarrassées par les
uièiiies propriétaires, ensemble avec les arbres, pour ne pas
gêner le couis des eaux et passage des bestiaux. Et en cas que
ces derniers ne le fissent pas, nos supérieurs MM. les com-
niandants et généraux le disposeraient ainsi et ordonneraient
656 PREUVES
qu'on le fît à leurs frais ; avons aussi disposé et convenu qu*aii-
cnii .sujet des deux icouroiines ne puisse, sous quelque pré-
texte que ce soil, aîLuer ni mettre sur ladite rivière aucune
pouti-e ou chevron qui scr>'e de pas ou de ponl dans toute ladite
rivière , et qu'on puisse seulement faire chemin par le pont de
Livia et le pont de la (juinguette.
De la même conformité il a été convenu que personne des
coiifrouttints de la] rivière T\ahur puissent se nuire les uns aux
autres en prenant les pierres, ni se ser\-ir d'autres que de cdlea
qui se trouvent vis-à-vis les possessions , sans que aucun puisse
passer d'un coté de la rivière à l'autre, et de se contenter sim-
plement avec celles que chacun aura de son cùté , du milieu de
la rivière.
Toutes ces conventions expresses, entre nous, ingénieurs
soussi<;ués , assistèrent les sieurs don Dominique Capdevillede
MontancK al(*ade roval de la ville de Puycerda, don François
Sicart, père et fds, vi^uiers de la (Icrdagnc française, qui ont
signé le présent dans la maison de la (iuinguette (c'est le nom
de l'un des hameaux de la commune dix ou Bourg-Madame)»
les jour, mois et an susdits. Signé don Paschal de Navas, don
Dominique Cipdevillc de Montnnet, Dcsliordcs de la Moul^
nerie, Sicart père, Sicart fds; et collalionnèe par moi, notaire
soussigné, de main pmpre, cette copie qui contient cinq feuillets
et les suivants , écriLs sur papier tinihré ; et celles qui sont écrites
sur pajtier commun, quoique «Vrites <le main étrangère, elles
ont été tinVs de Toriginal cpie pour cet elTet il a été déposé
entre nos mains par ordre <]e M. l'aU-ade royal de ladite ville de
Puycenln, et par ordre de S. M., au pri*seiit registre dudit juge-
ment, et pour que foi y ^(>il ajoHti*e tant en jugement que de^
hors, et pour senir et valoir ainsi qu'il appartiendra.
Fait et signe à ladite (îuinguette, le la di'ienihre ijSo.
Signe a l'original, Dominique Mahti, notaire niyal. {Arck.
intvmi. }
I)K I,A DKIXIKMK l'ARTIE. «m7
N" \VI.
1.4 Un ilr //Oifis AIV iM doitrtu rrantoi.s Saaarra.
\ inossiir (le Sagan a, g(»l)ernad()r de mon pays de Koftftello.
.Mo>Mii- (le Sagana, }ia>enl cftlai iniormai |>cr vosira Ucira del
/el al) loqiial vos aveu |>ei'8cguit losmalafeetioiiatA a mon seney,
lia\eni fet donar compte devant lo mestre racional de (jo que ha
|)r(Kessil di>Is bens séquestrât» c confiscats, com tambe axi dois
séquestres de bens eclcsiaslichs accordais als qui havian perdut
1.1 |u)ssessio de aquels que gosaven en Catalunya. Jo he ben
\()lgut vos testimoiiia. |)ere9ta Hetra, lo agrabiment que jo vos
ne, V \os dir que yo trobo be que vos coutinupu a instnihiry
jn(}i(ar los pnxessos de aquels que seran acusats y convensuts
(leesser del partit dels enemiclis, processint segons lo (Kxier y
(le\er de voslron carrech, cdD vos veureu se deu fer en consîen-
( ia y sots las constitutions de la provincia ; asseguranl que lo
s<>rve\ que vos eontinuareu de ferme , me sera molt agradablc
\ a mes de asso , yo prcgo a Deu qu'ell vos tînga , mossur de
Stigarra , en sa sanla guarda.
F^:rit à Kens (Rheims), ce s/i juny de iG54. Ix>uis. Kt plus
Ims, f.KTELLiEn. {Arch. tiom.)
( ommismon donnée a Jean llaphaêl Pont par le président Styarra.
Per quant per lo servey de! rey y bona adminîstracio de la
justieia y quietud dels présents comtats sedeussen feralgunes
(liligencias, y en particular per les montanyasdel Vailespir, peni
prestMvar aquellas de la invasio que aiguns micalets fan, come-
ient moites ostililats y diferents delictes de mort y aitres con-
semhlants; v sie necessari tiar dites diligentias dealguna persona
lie tota lidelitaty zel y cuydado; perço, assegurads per lallarga
11. 4»
"^
O.VI PRELVE:»
frtytnf^tr» q»^ t^nim «J^ que diUA caliUls
«▼antatgr^ en U f^^rvina d« Rjfwl Font, barges de la
fila ^ie PfTfiin^a . ab lenor de U pres^nle lî donam loles
trie* « p^jd^ pera que . en nom de S. M. e DMtre, pogai
dilipsmtia^ qrje ii apareutran nece*4«rûks pera peiieguir y
r«r dit* i!tM!mirK« de! e^lat. laniionMO» v «Km
entre io«{aaU aMenfabdament et dit T, l^gamt, de Ti
T aKre% de llur^ rjonipanT*. Y per dit eSecte . niifciiiw j
a totn Irjt batJe^. ron v>|» v dewn^ oAcîaJs . tant reab coa
y démet particniart a nMtre jaridîctio sobyedef, qw
Rafaël Pont. r.om a tenînt no«tre» tries obeescan, y
MM orden^ en tôt io que manara , tant eu lo donar gent
crni en lo a^^iMîHî en lot favor t ajuda , ▼ en tôt lo
sera meneAter. cfA% pena de la desirraeia de S. M. t de Hnc
dorat^ de plala j allres a nostre arhitri re^errades.
Dal en Perpinya, ah TÎnt-j-^ept de abril. 1O59. Sacabma.
Per mananK'nt de sa nefioria. Isidro f >r.i.«Ai' . secrelari.
f fVœ rommaniifaèe par 3/. #/e Saint- M ah.
V XVII.
Elahlui^ÊÊunî dui^jmnjratuk^ a PtrfÀqmam.
Sur la rpqti«''lc pn^sentee au roi en son conseil par lesconaob
et haliitants de ta tn*vlidele ville de Perpignan . en RoussiUoo .
ronlciiaiit que la |iroviiK*e de Koussilloii est d'une tn^petile
étendue . et quoiqu'elle produire toutes sortes de denrées néiae»-
sain-s a l'u.sagc de la vie , elle »e trouverait souvent au dèpoorm
s*il ne lui «eii.iil du sf^ours de» pmvinccs voisines : il v a ^tf
Pcr|ÛKn.'in %ix difliTenles foires riabiies. qui ne peuvent étiv
tenues qu'un seul jour, savoir : a la Magdelaine. 11 juillet ^
DE LA DEUXIEME PARTIE. 659
le jour (le la Traiisiîgiiraiioii , 6 août ; le jour <le Saint-Luc ,
I H c>otol)re ; le jour de la f<ftte de Saint-Simon-Saint -Jude , a8 du
môme mois d'octobre; le jour de la fête de S^iint- Martin ,
Il noveml)i*e, et le jour de Saint-Antoine , 17 janvier. De ces
six foires « l'on |)eut dire qu'il n'y en a (|uc deux qui méritent
quelque considiTation , savoir : celles du 1 1 novembre et
17 janvier, par la quantité de draps fabriqués à Prades, Céret,
Prnts-de-Mollo qu*on y |)orte ; toutes les autres se réduisent à des
fruits et légumes , et à la vente de quelques marcban<lises de
{HMi de valeur. Il serait tri's- avantageux pour la province, et
Mil (oui |Mnir lu ville de Perpignan , d*avoir une foire de plusieurs
jours , ou l'on pût tmuver moyen dattirerdes bestiaux de toute
t'>|>cct', vi d'y faiit? |)orter les draps et autres étoiles qu*on peut
i.il)ri({iier dans la province; ce serait encore un plus grand bien
SI Ton poinait avoir la faculté d'y faire commercer et vendre
lirs fniils et dcnircs de toute espcce; outre qu*un pareil éta-
blissement fournirait aux babitants l'otcasion de faire leurs pro-
\isi0n5 à l>on compte « il leur donnerait encore faculté de se
(Itlairc a\tH* avantage de leurs denn'*os et graine, dont les étran-
j^ei-s qui viendraient à cette foire pourraient s'accommoder. Pour
a<'cr<''diler cet établissement, il serait essentiel de rendre cette
foire , à l'exemple de toutes celles qui sont établies dans le
royaume, francbe de tous droits de leude foraine, péages et
antn'S droits lo<*aux , |iendant la durée de cette foire, à quatre
jours qui précéderont les trois jours de ladite foire; ce n'est que
par la franchise qu'on |)ent inviter les étrangers à fréquenter
cette foire et en rendre Tétablbisentent et plus durable et plus
avanta<;!:eux. Il conviendrait encore de fixer la tenue de cette
foire ilans un temps propre à la ville et à la province, et le
moins incommmle aux établissements de pareille nature qn^fl
peut V avoir dans les lieux voisins, soit en Languedoc, soit en
(latalopne, et Ton estime que dans toute Tannée il n'y a pas de
i ireonstaiice plus faAoraWe qne celle du 10, i3et i4 octobre
42.
058 PKELVES
expei'iencia que tonini de que dita» califats concorren ab grao
avantatges en la pcrsona de Rafaël Pont , burges de la présent
vila de Peqûnya, ab ténor de la présente li donam totes nostres
tries y podor |)era que , en nom de S. M. e noslre , puga fer les
diligentias que li aparexcran nccessarias pera perseguir y captu-
rar dits enemichs dcl estât, facinorosos y altres delinquenis,
entre losquals assenyaladament es dit T. E^sgarrat, de Taulb,
y altres de llurs coinjuinys. Y per dit effecte , ordenam y manam
a tots los bâties, consols y dames olFicials , tant reals com barons
y demes particulars a nostre juridictio subjecies , que aldit
Rafaël Pont, com a tenint nostres tries obeescan, y seguescan
SOS ordens en tôt lo que manara , tant en lo donar gent armada
com en lo assistirli en lot favor y ajuda , y en tôt lo demes que
sera menester, çots pena de la dosgracia de S. M. y de sine cent
ducats de plata y altres a nostre arbitri reser\'adc8.
Dat en Perpinya, als vint-y-sopt de abril, i G59. Sagarra.
Per manament de sa seûoria. Isidro Dki.mai: , sccrelari.
( Pif ce communiquée par M. de Saint- Mah.)
N^ XVII.
Etahlissrmeni dune f'oirr ftunchr à Pcrftitjnan.
Ou 30 mars i75().
Sur la requête présentée au roi en son conseil par les consuls
el habitants de la Ires-iidèle ville de Perpignan , on Hoiusillon ,
contenant que la province de Houssillon esl (l'une trcs-|)etile
étendue , el quoiqu'elle pnKluisc toutes sortes de denrées n<!ces-
sain^ à Tuhagc de la vie, elle se trouverait souvent au dépourvu
s*il ne lui venait du scHoursi des i>niviiici«s voisiiien : il v a dans
Perpignan six difteriMilcs Wmvi* établies , qui ne peuvent être
tenues qu'un seul jour, savoir: ti la Magdelaine. aa juillet,
DE LA DEUXIEME PARTIE. 059
le jour (le la Troiisiîgiiratioii , 6 août ; le jour <ie Saint-Luc ,
1 H octobre; le jour de la fête de Saint-Simon-Saint -Jude, a8 du
mcme nioi5 d'o<'tol)rc ; le jour de la fête de Sdint-Martin ,
Il novembre, et le jour de Saint-Antoine » 17 janvier. De ces
six foires, Ton |)€ut dire c|u*il n*y en a (|uc deux qui méritent
quelque considération , savoir : celles du 1 1 novembre et
1 7 janvier, par la quantité de draps fabnqués à IVades, Céret,
Pi-ats-de-MoHo qu^on y porte ; toutes les autres so réduisent à des
fruits et légumes , et à la vente de quelques marchandises de
)H'u de valeur. Il serait tn*s- avantageux pour la province, et
surtout pour la ville de Perpignan , d'avoir une foire de plusieurs
Jours , ou l'on put trouver moyen d'attirer des bestiaux de toute
♦'^pèce, et d'y faire porter les draps et autres étofl'es qu*on peut
fal)ri(|uer dans la province; ce serait encore un plus grand bien
si Ton |>ou\ait avoir la faculté d'y faire commercer et vendre
dos fruits et denrées de toute espt'ce; outre qu'un pareil éta-
hiissenu'iit lournirnit aux habitants l'occasion de faire leurs pro-
\isioMs à 1k)ii compte, il leur <lonnerait encore faculté de se
défaire o\er avantage de leurs denn'cs et graine, dont les étran-
ge!^ qui viendraient à cette foire pourraient s'accommoder. Pour
accré<iiter cet établissement, il serait essentiel de rendre cette
foire , à l'exemple de toutes celles qui sont établies dans le
rovaume, franche de tous droits de leude foraine, péages et
aiitn'S droits locaux, j^endant la dun^ de cette foire, à quatre
jours qui préiï-deront les trois jours <le ladite foire; ce n^estque
l>ar la franchise qu'on |>ent inviter les étrangers à fréquenter
cette foire et en rendre l'établbseident et plus durable et |>lut
avantageux. Il conviendrait encore de fixer la tenue de cette
rf>iiv ilans un temps propre à la ville et à la province, et le
moins incommode aux établissements de pareille nature qu*3
ptMit V avoir dans les lieux voisins, soit en Languedoc, soit en
Catalogne, et l'on estime que dans toute Tannée il n'y a pas de
i iroonstance plus favoralile qne celle du lO, i3el i4 octobre
42.
600 PKEUVKS
(le cliaf{iie aiiiu>e. (]'t*st a |>oii pir» daii» ce temps que les vcn-
ilange^• de Perpignan sont liiiieM celte orcnpaliuii vbi sonscon-
ti'e<1it (1*1100 gnindc (ie()en^e el dune grande fatigue, la récolte
des l('gunu*s est immclievcc, el c'est à cc^tle époque que les ha-
bitants sont le pins en repos et pins à |K>rl(*e de fournir à celte
foire les dcnr(!'es de leur cru qui |)euYent servir à un retrait et
leur procurer un avantage ri'el. Ue(|U(?raieiit , à ces causes, les
suppliants, qu'il plût à S. M. accorder à ladite ville de Perpi-
gnan le privik'ge d'une foirc franche pendant trois jours consé-
cutifs, qui demeurera fixt'e aux 1 2 . 1 3 et 1 ^ octobre de chaque
aiuiêc, etc. Au conseil dVitat, uo mars lybQ.
Suivcni les lettres palenlcs, du 37 avril suivant, sur arrêt tlu
conseil , f)ortant établissement de cette foire.
{ Arck. dom. )
V Wlll.
(Irièe faiU- à l^ivpir^nan , /jorir ["exécution ih tcdit itrjftnlsion ties Jaîfs.
Ores écoutez chacun , ce que vous notifient et font savoir, de
la part de la niajestc' du seigneur roi , le niagnitiqiic messire
Antoine de Viners, chevalier, conseiller dndit seigneur roi et
son j)ro(^'ureur royal dans les comtes de Houssillou et de Ger*
dagne, et riionorahle M. Gabriel Sairadel, dcnteur ès-lois,
commissain's spirialenicnt d(>sign(''s |M)ur les choses susdites.
Attendu que ledit seigneur mi a rendu , |>our certaines raisons
justes et légitimes, un Mi |>er|H>tuel |>ortant (|ue dans trente
jours pnH-hainement venants, à partir du jour de la présente
publication, tons les .luif>, tant hommes que femmes, aussi
bien majeurs que mineurs . aient à sortir des présents comti«s
de lîon»illon et de.Oixl.igne , et (|u'apres a\iiir payé tout ce
qu'ils |K*nvent devoir, tant de> ir\enns rnyaux (prenv(^rs toute
autœ |)ersonnc et créancier <pielconques . ils puissent euqtorter
I>K LA DEIXIKMF IMHTIF. M\
c\ cxtrairo (li»S(lit> cointrs ( vv qui leur n'sttMa ), ainsi qiiil e»l
(Ontonii an lont? «iniiH ledit «tlil; et comme |K)ur les payemenls
a laiir par losdits Jiiils, comme aussi jM^iir les recouvrements
auxquels ils pourraient prétendre de ce qui leur est du. lendits
commissaires doivent assigner le pnK'ureur roval de la cour
dudit seigneur roi et tous ceux qui prétendent avoir des renies .
censaux , cens et autres dettes ou droits sur les<lits Juifs et leurs
l)iens, |)oiir qu'ils aient à dé|M)ser leurs demandes par devant
lesdits commissaires, sur quoi cesdits commissaires, ouïs les-
(liLs .Juifs et l(»s parties qui prétendraient être intéi^essées, fe-
ixmt prompt et expf'tlilif complément de justice aiixdîts intéres-
ses, (l'est pourquoi lesdits commissaires intiment et notifient à
( liacun généralement le sus<lit é<lit j>erpétuel , afin que de son
contenu nul ne prétexte cause d'ignorance : lequel wlit est de
la teneur suivante. Insenitiir totiis ténor. { L*édit ne s'\ trouve
pas. )
Nous, <lon Ferdinand, par la gruce de Dieu, roi de (^stille ,
d'Aragon , etc., à nos amés et féaux conseillers , messire Antoine
de \ iners , chevalier, et notre procureur royal dans nosdîts
<*omtés de Koussîllon et de Ordagne, et M. Gabriel Sarradd,
docteur es-lois de la ville de Perpignan, salut et dilertion. Sur
ce (pie, par notre provision et édit perpétuel de la date de la
présente, nous |)Our\'oyons et ordonnons que tous les JuîCi,
tant hommes que femmes, aussi bien majeurs que mineurs,
sortent des pré.sents comti's de Uoussillon et de C^rdagne dans
trente jours, et qu'après avoir payé tout ce qui par eux est dû,
tant des rentes royales qu'à toute autre personne et crétincier
quelconques ils puissent extraire et emporter hors des comtés
le reste de leurs biens, {)Our\'u que ce ne soit ni en or ni en
argent, ni en autres objets dont In sortie est prohibée des deux
conit(>s, suivant qu'il est plus amplement contenu dans nolro-
dite provision elédit. auquel nous nous rèfértms: et parce que
«est ch(t>e due que tout le payement à faire par lesdits .hiifs ,
062 IMiEliVES
comme aussi quelque autre réclamation qu'eux-mêmes pour*
1 aient faire de ce qui leur est clii, se fasse avec toute rectitude;
à cet ell'et, par la teneur de la présente, de notre science cer-
taine et délibérer, nous vous disons, commettons et mandons
qu'incontinent vous fassiez faire une criée publique aux lieux
accoutumés de la présente ville de Perpignan, que notre procu-
reur fiscal et tous ceux qui prétendent avoir rentes, censals,
ceus et autres dettes et droits sur lesdits Juifs et leurs biens,
déposent leurs demandes par devant vous, sur lesquelles, après
avoir entendu lesdits Juifs et les paiiies qui y prétendent inté-
rêt , vous fassiez prompt et exp<Vlit if complément de justice aux>
dits intéressés, de manière qu'ils soient payés, etqu*après avoir
pour\'u à ce que solution soit faite de ce qui est dii par lesdits
Juifs, vous en fassiez autant pour ce que IcMlits Juifs prélen-
<lraient leur être dû par quelque [>ersonne que ce soit, prenant
inventaire, si besoin est, des biens, maisons, meubles et im-
meubles, dettes et censaux desdits Juifs, afni que ladite solu-
tion et satisfaction soit par vous dûment faite avant leurexpul
sion. Pour ce qui concerne le payement des renies royales, nous
voulons de plus , et vt»us mandons qu*il soit par vous fait esti-
mation de la valeur à laquelle monteront lesdites rentes royales ,
la comptant à raison de viuf^t-rinq mille sous |)our mille; la-
quelle <pianlité vous, noti'edit pnK-ureur royal, vous rece\'res
desdils Juifs en deniers coinplants, or ou ai'gent, et, à défaut
de <lenierh comptants, or ou ar<^rnt, en tout autre bien, les
meilleurs et mieux approprié» et comnuMles |H)ur ladite solu-
tion , afui que par vous puisse étn* appliqui'ie ladite quantité en
autre rente é^ale ou majeure, |Miur consipiation de nos renies
et domaine royal. Kt après que lesdits Juifs auront payé et satis-
fait lesdites rentes royales et autres avances, vous leur resti-
tuerez leurs autres bion.s. leM|ucls ils pourront exirain* et em-
|Kjrter de noMlil.s comté» , |Mun'\u que ce ne soi! ni en or, ni en
argent , ni en autre*» (*bjet^ dont la sortie est |M'uliib«« «lesdits
I)K I. \ DEL XI KM K PAKTIK. 003
< oinlé:i. Toiilelol.s nuiiâ n'ciileiidoiis [ms que \>v nuire pri'iienie
< oiiiiuis.sion M)it en rien promue le leiu|>9 ilaiis lequel lesdib
.liiils doivent sortir de nosdiLs cuuUcs ; vous procéderei aux-
<lit<>s cliohe.s brievemenl, ftiniplenienl, somiuairemenl el en
plein , ^ans Itruil, forme et ligure de Jnil\ cunstalanl seuleuieni
le fait ile la vérité, car nous, sur lesdites choses, el chacune
d elles, avec les incidents en dé|>endanU et émergeants, et à
(«lies annexe» et connexes, vous donnons el confirmons nos
\oi\, lieu et plein |K)uvoir par les présentes, avec lesquelles
nous maïklons , sous privation de leurs offices , aux lieutenant
de noire gouxerneur général auxilits couiti's , viguier et bailli de
iiotredilc ville de Perpignan , et k tous autres nos ofliciers
(piclconques , que de la pressente nôtre commission et choses y
coiitcnues, ils ne .s'entremettent ni ne vous donnent em|Nk:he-
mont aucun , mais \ous laissent faire et exécuter en tout el |iar-
tout ll'^ clioM'H en elles coDtenues, el pour reflet desquelles,
> il cUiit nécessaire , et s'ils en sont requis par vous, ils vous don-
nent tout conseil, faveur et assistance dont vous aurei besoin ,
>e gardant de faire le contraire* en aucune manière. Djunné eu
nota* château de Perpignan, le ai septembre de Tan de la
nativité de N. S. i^gS. Moi LE Roi.
Nous, don Fernand, par la grâce de Dieu, roi de Castille,
(l Aragon , etc., nous rappelant ces jours derniers que par noire
(•dit royal , durable à perpétuité, nous avons pourvu et mandé,
|K)ur les cauM>s en lui contenues, que toua les Juifs, tant
lionnncs que femmes , aussi bien majeurs que mineurs, aient à
sortir de tous nos royaumes et terres avec leurs familles et
i oinpagnies , dans le temps préûxé dans notredit édil royal , et
4|u'ilN n'osent retourner dans ces terres ni en aucune partie
d'icelles pour y rester, habiter ou passer, ni en aucune manière
«pielconque, sous |>eine de mort et de confiK*ation de tous leurs
Inens , qu'ils encourront ipso facto et sans autre procès, sentence
et déclaration, suivant que dans notre ixlit royal, auquel nous
ëii'i I>HKi;VKS
nous nTrruiis, il est plus aiii{iiiMiu*iit coiileiiu. Et puur ci*,
inaiiiloimiil , nous, pour le smicu ilc iioln.' soigneur Dieu , con-
duisant a (lu cIVlM ledil noli-e i-uyal édit, suivant que nous y
Honinics tenu l'I oi)li^('> pour la déchart^e de nolro royale cons-
cience , nous voulons quil soit exécuté cl obsené en tout el
pour tout , dans nos présents comtés de Roussillon et de Cer*
da^ne. (rest pounpioi , av(>c la tcMicur des présentes , de notre
certaine science et délilM'ralion , nous mandons à tous Juifs
quelconques J an t lionunesquc femmes, de quelque âge que ce
soit, qui habitent el sont dans nosdits comtés, aussi bien les
naturels que les non naturels desdils, qui y seraient venus pour
quelque cause que ce soit et sS tniuvent, que dans Tespace de
trente jours, à compler <lu jour <le la date de la présente, ils
sortent immédiatement de tous nosdits comtés, i'oyaumc*s et
terres noires el soumis à notiv juridiction, avec leurs (ils, lîiles
et familles juives, tant hommes que femmes, <le quelque agpp
qu'ils soient , cl ne soient pas osés et ne présument venir ou re-
tourner en icelles terres pour rester ou pour passer ou en quel-
que autre manière , sous les peines dans ledit nôtre royal édît
contenues, lesquelles nous voulons, mèmenient, être encou-
rues ipso facto par toute personne quelconque, de quelque loi,
état, p'ade et prééminencre qu'elle soit, qui recevrait, accueil-
lerait, empai'erait et défendrait lesdits Juifs, tant sccri'le-
menl que publiquement dans lesdits nos comtés, après IV-
(*ouU'ment dudil terme â eux prelix ; dans liMpiel tenue et
non plus avant, nous prenons lesdits Juifs, tant hounnes que
femmes, sous notre protection et sauve^anle myale, ainsi et de
telle manière que par personne aumne il ne leur soit fait mal,
donnna^e, injure ni vexation aucune coiitn* justice, sous les
peines rju'cucoiirent ceux qui roni|HMit les sauveganles de leur
mi el sei|^n(*ur naturel : donnons repeudant |»i*rmisHioii anxdits
Juifs tpie, apivs a\oir pavi* louli'*« dettes quelcftiiques, il> pni>-
>eu( lirei el cnipoili'i' hois desdit> romli-s ic qui leui lesleia
I>K LA DEUXIKME I>A1\T1E. 665
(itf leiii^ biens , aussi bien par mer que par terre, pourvu que ce
lie soit en or ni en argent, ni en autres choses dont Textraction
<'sl pr()}iibée hors desdits nos eomtc^s, suivant que aux autres
provisions et commissions nôtres, de la date de la présente, il
est plus amplement contenu; mandant expressément et sous
peine de privation de leurs offices et de trois mille florin» d'or
aux lieutenants de notre gouverneur général dans lesdits com-
tés, viguicrs, baillis, consuls, jurats et autres, nos officiers
quelconques dans lesdits comtés constitués et constituables, et
aux lieutenants d*iceux, présents et à venir, et à toutes autres
personnes quelconques nos sujets et naturels , que la présente
notir provision , et toutes choses et chacune en die contenues
elles tieiment et observent, les fassent tenir et observer inviola-
blemeni , et n'y contreviennent et n*y laissent contrevenir en
aucune manière |)our tant que notre grâce leur est chère, et
qu'ils n'encourent pas la peine de mort dessus dite. Et pour
que a tout chacun ce soit notoire et manifSeste, mandons les
présentes être publiées à voix de criée publique , par les lieux
accoutumés de la présente ville de Perpignan, cité d*Elne et
autres villes et lieux de nosdits comtés où besoin sera. Ea té-
moignage desquelles choses, nous mandons être laites les pré-
sentes, scellées au dos avec notre sceau secret.
Donné en notre château royal de Perpignan, le ai sep-
tembre, en l'an de la nativité de notre Seigneur i493.
Moi Li Roi.
C'est pourquoi , garde-se, qui doit se garder.
( Traduit littéralement da catalan. )
TABLE DES CHAPITRES,
DES NOTES ET PREUVES
CONTEN IT8
HANS LA r)EUXIh:ME PARTIE
LIVRE m.
<.iiAr. I. Faiblesse de caractère de Juan I. — Sa mort. — lioapi-
talion de Saint-Antoine. — Fx:ritures des notaire». — Impa-
riagc. — Martin et la reioe Marie I. — Benoit XIII. — Perpi-
{^nan et son adminiatration i
(''II AT. 1 1 Schisme. — Mort de Martin. — Congru d\A]cantt. —
Keniaiid 1". — Concile de Peqiignan.^-L^empereur Sigismond
A Perpignan. — Office de la députation. — Alphonse Y et
Nfaric il. — Captivité d* Alphonse 27
(^.iiAP. m. Bonne administration de Marie. -— IlMel des mon-
naies \ Perpignan. — Eléments pour le Ronssîllon. — Mort
d'Alphonse et de Marie. — Jnan II et Looîs XL — Aoisi
fourbes Tun que lautre. — Troubles en Catalogne. «• Lt
prince de Viane 49
(.11 uv IV. La reine d\Aragon en Catalogne. — Menées de Louis XJ.
— Traité de Sauveterre. — Engagement du Roussillon. —
Dan^or de la reine — Le Roussillon sedédare contre la Franccu
fif>8 TABLE
— Pf-fj.i/iwij * in-'ir.'»- «iji.trç I*- « \iAif.i>i — V- in» i-m -le t^ tic
»ili<. — I>iui«, arbitre «-nir*: 'a ^^«tiJie «-t i \rz'£on — \^ (.a- •
talognc M^ ViUriK^t. — \|>[ r* r.iation <ln accuutioiii «Jrs espa-
gnols r.ouir*: ie* F r-jn«âiv — Nouvelle rt»olle«Jc Perpignan. . 68
Chaf. V. .>i«;2»r il»- Perpignan. — Tri:*e de Caii«t. — Traita de Per-
pignan. — Amba^^adfï araj'jnnai^ t:n\oy:^ a I»uîs \I 96
Chaf. VI. Knibûche^ d*ï5 d<iui côu-s. — Pris* d"K nr. — Bernard
d'fMiA. — Ih-.irf^^f. lie don Juan. — Capitulation eitraordi-
iiair^ de Pfrjjignan. — iJulioucliag*' en KoDS^illon. — Boffile-
d^-Jug«;. — L'.Fui^ >eul faire piller la ville par la pf>puUcc.. • . i7i
Chaf VII. Ferdinand '«t Isalielle u*uq»fnt la cr-urunne de Cas-
tille. — I^juîs ih li^rup avec Ir roi de Porlusat. — Nouvellirs
combinaÎMins de re prince pour cons«:rver le Koussillon. -*
Mort de Juan II et de L^juis \l ; 1 53
Chaf. Mil. Ferdinand II itô.ror'n: la restitutimi du Bouuitlon. —
(jharif's VIII en fait l'aliandon. — Opposition des grands. —
Intnguei» à Pf-qùgnan 173
Chaf. IX. Juifs. — I..«'ur établissement a Prqiiiinan. -^ Lfur
nombre. — Persécutions. — Leur état politique. — Leurs
usures. — Leur juridiction. — Leur expulsion. — Spoliation. 196
( JiAp. X. Ferdinand viole toutes ses promes^s. — .\Hiance tr^
sainte cr>ntrr' la FVance. — Eianron des prisonniers de guerre.
— Trêve. — Louis XII. — Nouveaux parjures de Ferdinand.
— Kvénemr'nts divr.rs 317
Chaf. XI. Inrjuisilion ancienne et moderne. — Saint office de
Kou%Aillfiii. — .Multiplicité ib* ses familiers. — Nombre réglé
jtar les rortM. — François I" et Cbarles-4^>uînt aspirent à l'em-
pire. — Nouvelles gurrrcs. — Sii*i:c de Perpignan. — Le duc
dWlbe. — Houtsillonnais prisMinnir-r» , racbetés par François I". a 44
Chaf. XII. Mi-sun's d'intén-t b»cal. — Tentative »ur Perpignan.
— Oinfririe dr saint (irnrge. — Pbilip|H> II. — Pliitip|ie III. —
KipiiKion dcH Moris«piii>. — Translation de l'évérlir d'F.lne à
Perpignan — Maiii-anm-i-. — PnM'^s des surrirres — lin
lippr IV — Prnjet» Imslilp» au\ Catalan*». — Inondations. . . 370
4
lA
I)F, l.A DFIIXIEME PARTIK 669
LIVRE IV.
<.H\r. I OrigiiK' «le la révolution de Catalogne. — Motifs de la
<-ouronn(> dans ses hostilités contre la province. — Olivarèt
rluTclu* à faire révolter les Catalans. — Violences des soldats
('astillan*^ ^07
<.ii\r II. Continuation du système d oppression. — Doléances
drs Catalans ropouatécs. — Explosion de la révolte. — Mort du
\irr-roi. — Émeute dans Perpignan. — L'armée, cliastée de
Catalogne, .se jette en Roussiilon. — Désastre de Perpignan.. . 33 1
Ciuiv III. I^ Catalogne se donne à la France. — Troupes fran-
çaises en Catalogne. ^Misère dans Perpignan. — Famine. — >
Ka\itaLllrnicnt. — Le marquis de Torrécusa 36o
CnAi'. IV. Rrvnlte du Portngal. — Le cabinet de Madrid rerient
sur >es mesures. — Siège de Collionre. — Blocns de PHpî-
gnan. — Intrigues dans le camp français. — Voyage du roi
(IKspagne en .Aragon. — Tentatives de secours pour Perpignan. 38 1
Cii\r. V La FVance ne respecte pas les privilèges des Catalans.
— Mécontentements. — Déclaration de Philippe IV. — Pierre
de Marca nommé visiteur. — Défaveur des Français. <^- Prise
(Ir Barcelone. — Le Roussiilon cherche à secouer le joug. —
Lassitude générale. — Paix des Pyrénées. — Délimitation des
frontières 4o5
Cii\iv VI. Gou\emement du Roussiilon sous la monardiie d*Et-
pagne. ^- Conseil souverain. — Constitution militaire. —
Sagarra. — (k>nspiration en Gonflent. — Miquelets 438
<ln\r. VII. Les Catalans en Roussiilon. — Bellegarde et le fort des
Kiins. — Défaite de Schomberg devant Maorellas. -— Ravages
(les miquelets. — Schomherg en Ampoordan. -^ Reprise de
Bt'llegarde. — Le maréchal de NoaiUea. — Défaite des Eapa-
<;noU — Prise de Puycerda. — Événeoients divers. — G>iia-
truction de Montlouif. — Le maréchal de Bellefoods. — Trêve
lie vinut ans — Hôpitaux de Perpignan 466
670 TABLK
CiiAp. MJJ. Di?{Xi«ition» de»Cdlalan» à une nouvelle rerolte. ^
ïjitn^T de* troijjrfts rastillane* — Victoires de Vjailles. — Prise
de liarcH'-ne — Pdii de Kv^wicl. — Mort de Charles II. ^
I^ duc d Anjou apj«*;l«- au trône d'Espagne. — Elst repoussé
par \f-s (^talans — Ou erre de la «uccession. — AmeliontiiMn
trii hou^sillou ^97
NOTES DE LA DEUXIEME PARTIE.
I. Sur les consuls de Perpignan 5é3
II. Sur le» bouruf^ii» honores ou citoyens nobles • 5^8
Ifl. Sur le» nioiiiiaies du RnusMllon 5So
IV. Sur la fimine de Peqii^nan, pendaut le aie^e de i jûi 563
V. Sur l'eii'^agfxneiit du hou<t>iliun a Louis XI 564
VI. .Sur la citadcllt' de Perpignan et le Grand Tlidleau 579
VII. Sur le droi de guerre [trivec dc^ habitant» de Perpignan. . . 586
VIII. Sur '[uclques graiide> iiKmdatiim» en Huu>»illoii et sur le
|K>iii de la Tet 591
VIII l'is. Sur le droit de nomination à re\i'-cljè d'Ilinr 095
1\. .Sur les tiniiles du Houssilluii et de la Catalogne IJ.
\. Sur certaines juridii tiuns aci-undaires du Huua<»itlon 600
PKELNES DE LA DEUXIEME PARTFE.
I. Fivlrait lirs piri-ps relatives à la frepultiirc des enfants niincura
dan^ Perpi'iiwin 60 1
II. Di'IenM- aiw liolelieri ilu Ikuiloii de rendre du |iain et du vin
iiii\ vnvaL;i'urs et aux etrani;rr!i 6o.î
III. heiitf'» f-ouredr<*si au hriNleurde la reine Mane II (inl*
IV. l'ondaliou df l'iiolel des mniiuait*» de Perpignan ïd.
DE LA DEUXIEME PARTIE. 671
V\ Traité de l'engagement du Roussillon et de la Cerdagne 608
VI. Pardon accordé par Louis XI aux Perpignanais 6i3
VU. Lettre de Louis XI au comte de Dammartin 616
VIIL Serment de fidélité prêté à Louis XI par François d'Oms,
chevalier roussillonnais Id,
IX. Titre de tiis-fidèU donné à la ville de Perpignan 617
X. Capitulation de Perpignan en i475; traduite du catalan, du
livre vert mineur des archives de cette ville 61S
XI. Violences de de Venez, vicomte de Rode, gouverneur du
Roussillon, pour empêcher Télection des consuls de Perpignan. 6x9
XII. Lettre de Philippe III aux conseils de Perpignan 635
XIII. Lettre de frère Bernardin de Manlleu à la députation, à
Barcelone Id.
XIV. Serment prêté , au nom de Louis XIII , par le maréchal de
Brezé , à Barcelone 638
XIV bis. Extrait du recueil des pièces imprimées à Barcelone à
l'occasion de la mort de Louis XIII 643
XV. Limites de la Cerdagne , arrêtées en exécution de Tarticle 4s
corrigé du traité des Pyrénées 647
XVI. Lettre de Louis XIV au docteur François Sagarra 667
XVII. Etablnsement d'une foire franche à Perpignan 658
XVI II. Criée faite à Perpignan, pour Texécution de Tédit d*expul-
sioii des Juifs 660
%
CORRECTIONS.
Des addition» essentielles , ainsi que quelques pièces impor-
tantes, découvertes ultérieurement, n*ont pu trouver place dans
ces deux volumes. Ces objets pourront former une partie supplé>
mentaire , qui comprendra en même temps le détail des mœurs
et usages particuliers au Roussillon , annoncé a la page cix de
l'introduction , les plans , cartes et dessins , ainsi que la table
générale des matières des trois volumes.
L'auteur, qui n*a pu , k cause de la trop grande distanoe où il
se trouvait de la capitale, revoir les épreuves et rectifier ainsi
quelques inexactitudes qui lui ont échappé dans la rédaction ,
relève ici les principales , renvoyant à la partie supplémentaire
Vexamen plus étendu de quelques faits.
TOME PREMIER.
Pagp xLi, ligne i5, Umz CerroUini.
\h\n et 60. Nous avons dit que U cathédrale d*Eloe avait été
hntie sur le modèle de Téglise du Saint'Sépulcre k Jérusalem, ooof en
rapportant à une pièce donnée par Baluxe, dans Vappendixdt la Mmrca
hispanica, comme Tactc de ron»écratioo de cette église, pièce dans
laquelle ce fait est consigné *, mais an examen pins attentif nous a dé-
montré que, loin d'être Tactc de consécration, cette pièce n'est que
l'extrait d\me relation apocryphe, très-pottérieure k la date que Baluie
lui prête, et sans aucun caractère dauthenthicité.
II. AS
COHUKCTIONS.
Pag<' i.Wi. li^iic 20, /»r.- (ioiiblo.
(j3 21 prince.
95 'i^ son neveu.
1 20 •! comte fie Salses.
1 6 i 11 Astarac.
i'j3 J (note) admirateur.
23o .') (note) senyal.
a34 :<8 vicomte dlHc.
a55 ai \iv'.
3o5 [nott) Il y a erreur dans la date de 1075, don-
née par Balute, puisqu*îl est certain qu'Artalh» ne monta sur le siège
épiscopal d'Elne qu'en 108 5 : c'est sanb doute un x doniis.
Page 319. n y a deux erreurs dans ce que nous disons au sujet de
l'extradition des rebelles. Le mi de France ne fît pas, à cet égard, un
traité avec le roi d'Aragon, ii donna seulement des lettrea patentes
pour forcer 1rs sénéchaux de Languedoc à l'éxecution d'un ancUn usag«
existant déjà entre cette province et l\Vragon. Ce ne fut que plus tard,
le 39 octobre lioô, qu'eut lieu à Narbonne l'entrevue entre le aéné-
rhal de Carcassonne et le i;ouvernenr de houssillon, relative aux
extraditions. Nous rrviendn>ns sur ce point important.
Page .'121 , ligne 3 [note] lisr^ catîu.
i36- Le prii'uré du mas de la (jarrigue relevait du nir>nastèrr
de Villelongur, dionSiMle ('.arcassonne, et n'a jamais appartenu anx
templiers.
Page 'iA<J, ligiir 37, lixe: (iasiel-nou.
473. Ce n'est |^s Tétzlise de Mutat-iones, mais i*t*lle de (Mno-
inalis, qui forme une ferme, soupir litrr paroissial de rette église, reini
de ^int-Sauveur.
P.i::»* '198, liiin** |K, /mi : n^rtaU'.
.Ml-* -■■> l'I -•(> rjusdi'iii.
Hi.i ■•."l liS' : prli iidii.
iiA «Il diii;^iil
CORRECTIONS.
l*a<;c 5i8, ii^nc 17, lisez Pt cum.
Ihûlrm. 91 deficiont.
r> I r> 1 5 guerregiant.
TOME SECOND.
Vh^v 5.'), ligne I ;> , lisfz vingt-trois carats et demi.
77
23
Pertus.
78
»9
de Catalogne.
83
23
le plus.
1 22
(Icrni^rf
|)our sacrée.
l4l
9 <?* »
»
;)
contentera.
1I8
»7.
au
lien de se trouvait être, lisez fut.
ir>3
9>
/û^
z don.
i65
2
en contemplation.
169
'9
qui, dans ce cas.
180
i5
installèrent les nouveaux consuls.
i83
avant-dernière (iio(r), Li^; dictes.
>9»
2^ lisez
; à la hâte au liea tlt à Bulle.
196
»7
la Septimanie.
207
avant-dernière, 2û«: juridiction. Sous.
3 ho
9»
[isr
z i5i3.
7MJ
1 1
joignait.
'70
[note)
Farell.
•»8f)
2
de leurs enfants
32H
m
3
de la vie.
/joli
20
protectrice.
à?h
2H
la guerre.
r>7
10,
an
lie» de (^talociie , Use: tMMcne.
CORRECTIONS.
Pag« 459 , ligne 5 , Usez A la suite de ce changement.
464 B de son père. ( Nous donnerons des détaib
inlércMants sur cette conspiration et sur le procès criminel qui s*en
suivit.)
Même pag^t ligne 3 de la deuxième note. Usez Michel ouMiqaelot.
Page 475 , ligne 34, lisez chef d'escadre andalousien , nommé Dîégo
de Flores.
Page 482 ^ ligne 1 3 , supprimez il.
THC eORROWEII WHX BC CHAIIQCD
AN OVERDUE PCE IF THI8 BOOK IS
NOT RCTURNCO TO THC UBRARY ON
OR BCFORB THC LAST DATE 8TAMKD
BCLOW. NON-RCCIIPT OF OVERDUE
NOTICES DOES NOT EXEMPT THE
BORROWBR FROM OVERDUE FEES.
«r
'■JÙM^
670 TABLK
Chap. VlII. Dispositions des Catalans à une nouvelle révolte. —
Entrée des troupes castillanes. — Victoîrcfl de Noailles. — Prise
de Barcelone. — Paix de Ryswick. — Mort de Charles II. —
Le duc d*Anjou appelé au trône d'Elspagne. — Elst repoussé
par les Catalans. — Guerre de la succession. — Améliorations
en Roussillon 497
NOTES DE LA DEUXIEME PARTIE.
I. Sur les coosols de Perpignan 543
II. Sur les bourgeois honorés ou citoyens nobles. bhS
III. Sur les monnaies du Roussillon S5o
IV. Sur la famine de Perpignan, pendant le siège de 1 464. 563
V. Sur rengagement du Roussillon à Louis XI 564
VI. Sur la citadelle de Perpignan et le Grand Château 579
VII. Sur le droi de guerre privée des habitants de Perpignan . . . 586
VIII. Sur quelques grandes inondations en Roussillon et sur le
]>ont de la Tet 591
VIII bis. Sur le droit de nomination à Tévêché d*£lne 595
IX. Sur les limites du Roussillon et de la Catalogne Id,
X. Sur certaines juridictions secondaires du Roussillon 600
PREUVES DE LA DEUXIEME PARTIE.
I. Extrait des pièces relatives à la sépulture des enfants mineurs
dans Perpignan 60 '1
II. Défense aux hôteliers du Boulou de vendre du pain et du vin
aux voyageurs et aux étrangers 6o5
III. Rente» concédées an brodeur de la reine Marie II 6(>4>
IV. Fondation de Thôtel des monnaies de Perpignan Id.